Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur le Président du Sénat,
Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,
Monsieur le Ministre d’État, Ministre des Affaires étrangères et européennes,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

Nous avons tous conscience de vivre une année exceptionnelle par l’intensité et la portée des événements très différents qui se sont succédé depuis janvier, de la crise ivoirienne aux printemps arabes, des catastrophes japonaises aux affrontements libyens, sans oublier, bien sûr, la crise de la dette.

Le moment est venu de prendre la pleine mesure de ces événements, de ce qu’ils signifient pour la France, pour l’Union européenne et pour le G20.

Je suis heureux de le faire devant vous, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs qui avez, avec compétence, mis en œuvre et expliqué l’action de notre pays, sous l’autorité du ministre d’État, mon ami Alain Juppé.

Je veux commencer par le continent africain : 2011 s’inscrira sans doute dans les annales comme l’année de progrès majeurs de la démocratie en Afrique.

Au sud du Sahara d’abord, avec la reconnaissance de l’élection du président Ouattara en Côte d’Ivoire, mettant un terme à 10 années de déchirements ; en Guinée, avec la première élection démocratique depuis l’indépendance, qui a vu la victoire du président Alpha Condé ; au Niger où, au terme d’une transition exemplaire, l’élection du président Issoufou a consacré le retour à l’ordre constitutionnel. Au total, dans toute l’Afrique sub-saharienne, plus d’une vingtaine d’élections majeures se seront succédées tout au long de l’année.

Avec ces progrès de la démocratie viennent ceux de la paix. Au Soudan, c’est bien la volonté librement et massivement exprimée par toutes les populations concernées, qui a mis fin à une guerre civile de plus de 20 ans et donné naissance à un nouvel État, encore fragile : le Sud Soudan. Ces progrès rendent encore plus inacceptables la crise somalienne et la famine qui frappe la Corne de l’Afrique. Le monde entier doit se mobiliser davantage encore pour venir à bout de ces tragédies.

Les progrès de la démocratie vont également de pair avec ceux du développement. Depuis 15 ans, les économies africaines connaissent une croissance supérieure à 5 % par an. Sait-on que de 2001 à 2010, 6 des 10 économies du monde qui ont connu le plus fort taux de croissance étaient africaines ? Réalise-t-on que la population du continent doublera d’ici à 2050 ? L’Afrique sera alors plus peuplée que la Chine.

Pour la France, ces deux faits justifient que le décollage économique de l’Afrique devienne une réelle priorité de l’Europe. Le voisinage du continent africain est une chance pour nos économies.

Cette Afrique en mouvement, la France veut être à ses côtés. Elle veut l’accompagner dans sa marche vers la démocratie et le développement. Elle veut construire avec elle un partenariat équilibré et moderne. La Charte des entreprises françaises en Afrique lancée lors du Sommet de Nice, les nouveaux accords de défense conclus avec certains États - des accords enfin transparents -, en ont jeté les bases. Nous devons aller plus loin encore !

Arrêtons de ne voir que ce qui ne va pas ! Le continent africain prend son envol ! Il est la jeunesse du monde !

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Au Nord du Sahara, c’est bien la jeunesse qui a donné le coup d’envoi des « printemps arabes ». De Tunisie, puis d’Égypte, ils ont gagné de proche en proche, du Maghreb au Machrek.

Qu’ont dit ces jeunes, quasiment à l’unisson ? Ils n’ont pas dit « à bas l’Occident », ou « à bas l’Amérique », ou encore « à bas Israël ». Ils ont exigé la liberté et la démocratie, le respect et la dignité. Ils ont montré que, dans notre monde connecté, les attentes des peuples sont les mêmes au Sud et au Nord de la Méditerranée. Ils ont montré qu’il n’y a pas d’« exception arabe » condamnant des peuples à la dictature, mais bien des valeurs universelles.

On a parfois comparé ce séisme démocratique à la chute du mur de Berlin et à l’effondrement du bloc communiste. C’est vrai pour l’importance historique. Mais j’y vois trois différences qui rendent la suite des événements beaucoup plus complexe.

La première différence est démographique. Les pays de l’empire soviétique avaient achevé leur transition démographique. Ceux du monde arabe s’y engagent seulement ; la jeunesse y représente près des 2/3 de la population, portant chaque année vers les marchés du travail des millions de jeunes souvent diplômés.

La seconde différence tient à la disparition en 1990 de la dernière de ces idéologies qui ont fait le malheur du XXème siècle, permettant à la démocratie de s’épanouir sur tout le continent européen. Au Sud de la Méditerranée où la religion demeure une référence centrale, tout l’enjeu des printemps arabes est de montrer par l’exemple que l’affirmation de ces valeurs ne s’oppose en rien à l’Islam. Enraciner la démocratie, c’est bien sûr organiser des élections libres, mais c’est aussi accepter l’alternance au pouvoir ; c’est respecter les droits et les choix des individus et des minorités.

Troisième différence enfin : pour les pays d’Europe centrale et orientale, le chemin à suivre était tout tracé : c’était l’intégration européenne. Au Sud de la Méditerranée, rien de tel, bien sûr. Et c’est dire toute l’importance des partenariats à développer, dans le respect de l’indépendance et de la souveraineté de ces États. Lors du Sommet de Deauville, le G8 s’est engagé fortement et dans la durée, proposant 40 milliards de dollars à la Tunisie et à l’Égypte entre 2011 et 2013, ainsi que l’ouverture de la BERD et de son expertise unique.

Depuis Deauville, deux autres pays ont rejoint ce partenariat, le Maroc et la Jordanie. Ils démontrent que de vraies réformes assumées peuvent aboutir à des résultats aussi significatifs que des révolutions.

Il va de soi que si la Libye nouvelle souhaitait rejoindre le partenariat de Deauville, elle serait la très bienvenue ! Demain, nous accueillerons ici même, à l’Élysée, les nouvelles autorités de Tripoli. Avec tous les pays représentés, avec l’ONU, la Ligue arabe, l’Union africaine, nous allons tourner la page de la dictature et des combats et ouvrir une ère nouvelle de coopération avec la Libye démocratique.

Mais au-delà, qui ne voit la pertinence de l’Union pour la Méditerranée pour répondre aux attentes des peuples ? Le moment est venu de relancer et de refonder l’UPM et la France présentera ses propositions à ses partenaires dès les prochaines semaines. L’impasse du processus de paix ne doit pas empêcher l’UPM d’être le moteur d’une véritable renaissance de la Méditerranée !

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Pendant ces événements, la France, plus que d’autres pays, a été interpellée et critiquée. C’est la rançon de l’Histoire : ici, elle en faisait trop, au risque d’être accusée de « néo-colonialisme » ; là, pas assez et pas assez vite, et la voilà taxée d’une coupable indifférence !

Avec un peu de recul, chacun reconnaîtra, je crois, que la France aura été le pays le plus engagé, en suivant des principes clairs ; des principes qui fondent la politique nouvelle de notre pays.

Une évidence d’abord, qu’il faut rappeler : ce sont les peuples qui font l’Histoire ; eux seuls peuvent prendre leur destin en main. Et si le sens du mouvement vers les libertés et la démocratie est prévisible, nul ne peut en anticiper le déclenchement, et encore moins le provoquer de l’extérieur.

Ce qui est nouveau, après des décennies pendant lesquelles la stabilité des régimes en place primait, à l’Est comme au Sud de l’Europe, c’est la volonté de la France d’accompagner avec détermination le mouvement des peuples vers la démocratie.

C’est le sens de nos initiatives avec le « partenariat de Deauville » du G8 et dans le cadre de l’Union européenne.

C’est aussi tout le sens de nos actions militaires en Côte d’Ivoire comme en Libye.

La France, et c’est son honneur, a su prendre l’initiative et montrer le chemin à deux moments décisifs : en Côte d’Ivoire d’abord, lorsque le président sortant, refusant le résultat des urnes pourtant validé par l’Union africaine et par les Nations unies, a voulu se maintenir par la terreur et les massacres ; en Libye ensuite, lorsque les populations qui demandaient la liberté étaient menacées d’écrasement sous les tirs des canons, des chars et de l’aviation de Kadhafi.

Ces choix de la France étaient justes, politiquement et moralement. Nous avons aussi veillé à agir avec le plein soutien de la Ligue arabe et de nos partenaires de l’Union africaine. Et bien sûr, nous avons agi sur la base d’un mandat explicite du Conseil de sécurité des Nations unies.

Nous avons fait progresser le respect du droit international ; pas avec des phrases mais avec des actes. En mobilisant le Conseil de sécurité sur ces deux crises, nous avons concrétisé pour la première fois un principe d’action, que la France avait réussi à faire adopter par l’ONU en 2005 : la responsabilité de protéger.

Pour la première fois, à notre initiative et à deux reprises, en Côte d’Ivoire et en Libye, le Conseil de sécurité a autorisé l’usage de la force pour protéger des populations martyrisées par leurs propres dirigeants. Et pour la première fois, à l’unanimité, le même Conseil a saisi la Cour pénale internationale des crimes des dirigeants libyens.

À juste titre, on va nous dire : et les massacres en Syrie ? Je regrette que le Conseil de sécurité n’assume toujours pas ses responsabilités face à la tragédie syrienne. Mais le pouvoir à Damas aurait tort de croire qu’il est protégé de son propre peuple. Le président syrien a commis l’irréparable. La France, avec ses partenaires, fera tout ce qui est légalement possible pour que triomphent les aspirations du peuple syrien à la liberté et à la démocratie.

Avec l’Union européenne, elle a déjà pris ses responsabilités en sanctionnant les auteurs de la répression en Syrie, comme elle l’avait fait en Iran lorsque l’immense mouvement populaire de 2009 a été écrasé par la force.

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Une autre leçon de notre intervention en Libye doit être tirée aujourd’hui. Je veux parler du retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN. Que n’ai-je entendu lorsque la décision a été prise ! La France allait perdre son indépendance ! Son image serait détruite dans le Tiers Monde ! À l’épreuve des faits, constatons qu’il n’en a rien été.

L’OTAN s’est révélée un outil indispensable au service de nos opérations militaires. Les États-Unis ne souhaitant pas s’engager fortement en Libye, pour la première fois depuis 1949, l’OTAN s’est mise au service d’une coalition emmenée par deux pays européens déterminés, la France et le Royaume-Uni. C’est parce que nous avions repris toute notre place dans le commandement intégré que cela a été possible.

Mieux encore : à ceux qui annonçaient des réactions négatives du monde arabe, je rappelle que trois pays : les Émirats Arabes Unis, le Qatar et la Jordanie, ont participé dès le début aux opérations de la coalition. Quant à nos amis libyens, ils réclamaient chaque jour plus d’actions de l’OTAN !

Les combats en Libye ont apporté la meilleure réponse aux prophètes du « choc des civilisations et des religions » : côte à côte, des forces arabes, européennes et nord-américaines ont aidé un peuple martyrisé à réaliser ses aspirations à la liberté.

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Une dernière leçon doit être tirée de la crise libyenne, et elle concerne l’Europe. Dans cette crise, à travers l’initiative de la France et du Royaume-Uni, les Européens ont démontré pour la première fois qu’ils étaient capables d’intervenir de façon décisive, avec leurs alliés, dans un conflit ouvert à leurs portes. C’est un progrès remarquable par rapport aux guerres de Bosnie et du Kosovo.

Ceci dit, ne nous voilons pas la face : au-delà de la Libye, l’Europe est menacée de « rétrécissement stratégique ». Que voit-on ? Une baisse continue des efforts de défense ; l’invocation d’un « soft power » qui sert de paravent au renoncement ; et, trop souvent, l’aveuglement face aux menaces.

Or, le monde change. Le président Obama a présenté une nouvelle vision de l’engagement militaire américain, qui implique que les Européens assument davantage leurs responsabilités. Si nous n’en tirons pas les conséquences, si nous ne tenons pas compte des réalités du monde, les Européens se prépareront des réveils difficiles.

Il n’y aura pas de défense digne de ce nom en Europe sans des capacités militaires robustes et de vraies politiques industrielles et technologiques. C’est le sens des décisions prises par le Conseil européen pendant la Présidence française de 2008 et du partenariat franco-britannique. À eux seuls, la France et le Royaume-Uni représentent la moitié des budgets et les 2/3 de la recherche de défense. Unis comme jamais depuis le Traité de Lancaster House, nos deux pays sont pratiquement les seuls en Europe à atteindre la norme de 2 % du PIB consacrés à la défense.

Beaucoup reste à faire pour que l’Europe soit à la hauteur de l’ambition qu’elle s’est fixée à elle-même. La France, elle, reste déterminée à assumer toutes ses responsabilités.

C’est ce que nous faisons en Afghanistan. Nous pouvons être fiers du travail accompli depuis trois ans en Surobi et Kapisa par nos soldats et nos coopérants. Dix ans après le 11 septembre, les progrès sur le terrain et la montée en puissance des forces afghanes ont permis d’engager le transfert des responsabilités de sécurité et de programmer le retrait du quart de notre contingent dans les mois qui viennent. D’ici la fin 2014, les forces afghanes auront pris en charge la sécurité du pays.

Conscients qu’ils ne peuvent plus l’emporter militairement sur le terrain, les Taliban ont de plus en plus recours aux actes terroristes. Ils frappent aveuglément et espèrent ainsi nous amener à renoncer. Nous ne renoncerons pas.

La transition décidée par les Afghans et les 48 pays de la coalition sera mise en œuvre. Elle va modifier en profondeur la forme de notre engagement auprès du peuple afghan, qui restera indispensable. Nous devons nous y préparer. Ce sera l’objet de la réunion de Bonn en décembre. C’est le sens du Traité franco-afghan dont nous sommes convenus avec le président Karzaï.

Nous pourrons ainsi accompagner les efforts de réconciliation nationale avec les insurgés qui renonceront au terrorisme et respecteront la Constitution. Cette réconciliation ne sera possible que si les pays voisins respectent la souveraineté et la sécurité de l’Afghanistan.

Mais soyons lucides : des progrès en Afghanistan ne marquent pas la fin de la menace terroriste. La mort de Ben Laden est une grande victoire dont il faut féliciter le président Obama. Mais Al Qaïda, même affaibli, reste présent. C’est vrai notamment au Pakistan dont l’évolution inquiète. C’est vrai aussi dans le monde arabe et en Afrique. La vigilance reste plus que jamais nécessaire et les autorités françaises demeurent totalement mobilisées pour obtenir la libération de tous nos otages.

L’autre pays dont je veux parler, c’est l’Iran. Ses ambitions militaires, nucléaires et balistiques, constituent une menace croissante. Elles peuvent aussi conduire à une attaque préventive contre les sites iraniens, qui provoquerait une crise majeure. L’Iran refuse de négocier sérieusement et se livre à de nouvelles provocations. À ce défi, la communauté internationale peut apporter une réponse crédible si elle fait preuve d’unité, de fermeté et impose des sanctions plus dures encore. Nous aurions tort d’en sous-estimer les effets : ils sont de plus en plus perceptibles.

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Ce contexte fait d’espoir avec les printemps arabes, mais aussi de menaces du Sahel à l’Iran, n’enlève rien à l’actualité de crises anciennes, à commencer par le conflit israélo-arabe. Il en rend au contraire le règlement plus urgent.

La seule véritable sécurité, c’est la paix. C’est d’abord par la création de l’État palestinien qu’on l’obtiendra. Et Israël, dont le droit à l’existence et à la sécurité est imprescriptible, en sera le premier bénéficiaire.

Les paramètres du règlement sont connus : le président Obama les a fort bien rappelés récemment. C’est sur cette base que la négociation de paix doit être relancée, et chacune des parties doit comprendre que c’est son intérêt.

En cas d’échec, dans quelques semaines à New York, les États membres des Nations unies devront se prononcer sur l’État de Palestine. Je souhaite que les 27 pays de l’Union européenne s’expriment d’une seule voix, et qu’ensemble nous assumions nos responsabilités. La France y travaille.

Mais quel que soit le résultat de ce vote, nous nous trouverons ensuite devant un processus de paix à reconstruire. Je souhaite donc qu’avant de se lancer dans un nouveau cycle de tentatives sans lendemain et de rendez-vous manqués, on s’interroge sérieusement sur la méthode de négociation. J’ai déjà eu l’occasion de le dire : elle doit changer.

Le rôle des États-Unis est incontestable et irremplaçable, mais chacun voit bien qu’il n’est pas suffisant. Il faut élargir le cercle de la négociation, réfléchir au rôle et à la pertinence du Quartet, donner à chacun la place qui lui revient au regard de ses relations avec les parties. Gardons à l’esprit que l’Union européenne est le premier partenaire économique d’Israël et le premier donneur d’aide aux Palestiniens.

La France fera des propositions précises sur ce sujet aux principaux acteurs de la région, aux États-Unis et, bien sûr, à ses partenaires européens. L’impasse prolongée et dangereuse du processus de paix comme les évolutions dans le monde arabe en soulignent l’urgente nécessité.

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Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

Pour peser de tout son poids politique dans les affaires du monde, l’Union européenne doit d’abord en demeurer la première puissance économique. Pour cela, les Européens doivent poursuivre avec détermination les actions qu’ils ont engagées afin de rétablir leurs comptes et renforcer leur croissance.

L’euro est un enjeu majeur : n’oublions pas qu’il représente près de 30 % des réserves de change mondiales. En 10 ans, il s’est imposé comme une monnaie forte et stable. La zone euro n’est pas l’homme malade que nous décrivent certains, mais bien une zone de richesse et de prospérité ; un pôle essentiel de l’économie mondiale ; un projet mobilisateur qui structure la construction européenne.

La crise que nous traversons touche toutes les économies avancées. Elle est la conséquence directe des crises financière et économique de 2008 et de 2009. Les décisions que nous avons prises alors, en Europe et au G20, pour sauver le système financier mondial et pour relancer la croissance étaient indispensables pour éviter un effondrement dramatique. Mais elles ont provoqué une augmentation des déficits et des dettes publiques.

La situation est d’ailleurs moins préoccupante dans la zone euro qu’ailleurs : la dette publique y atteint 85 % du PIB contre 100 % aux États-Unis, ou 200 % au Japon ; et les actions de maîtrise des déficits publics y sont plus efficaces : en 2012, le déficit public de la zone euro rapporté au PIB sera inférieur à celui des États-Unis, du Royaume-Uni ou du Japon.

Il n’en reste pas moins que plusieurs pays de la zone euro connaissent un endettement excessif et des pertes de compétitivité. Des progrès remarquables sont en cours en Irlande et au Portugal. Je veux saluer aussi les efforts du peuple grec, et la détermination de son gouvernement.

Au-delà de ces pays, nous avons connu au cours de l’été une vague spéculative sans précédent visant l’Espagne et l’Italie alors que les fondamentaux de ces deux économies ne justifiaient en rien de telles attaques. Je tiens ici à saluer les mesures courageuses prises par ces deux pays.

Je veux dire aux spéculateurs que nous ne les laisserons pas se déchaîner sans réagir. Nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour renforcer la zone euro. Car en défendant l’euro, c’est l’Europe que nous défendons, mais aussi notre prospérité, l’épargne et le pouvoir d’achat des Français.

Soyons lucides : ce que cette crise a aussi mis en lumière, ce sont les insuffisances de notre union économique monétaire. Il est clair que la monnaie unique doit s’accompagner d’une intégration plus poussée de nos économies, d’une coordination accrue de nos politiques économiques et budgétaires, et d’une architecture institutionnelle cohérente qui nous permette de prendre efficacement les décisions nécessaires.

Au cours de l’année écoulée, des progrès importants ont été réalisés dans cette direction :

Grâce au renforcement du Pacte de stabilité et de croissance, qui accroît la discipline budgétaire et la coordination des politiques macro-économiques.

Grâce à l’adoption d’un Pacte pour l’euro, qui va mobiliser nos moyens pour accroître notre compétitivité.

Grâce enfin à la mise en place des bases d’un véritable Fonds monétaire européen, avec le renforcement de l’actuelle Facilité européenne de Stabilité financière et la création du futur Mécanisme européen de Stabilité, comme la France le réclamait.

Ces avancées sont majeures. Elles étaient inimaginables il y a encore 18 mois. Le contexte de crise n’a pas encore permis d’en prendre toute la mesure, d’autant que leurs premiers effets ne seront perceptibles que dans quelques semaines ou quelques mois.

Mais nous devons aller plus loin. Fidèles à leur mission historique et conscientes de leurs responsabilités, la France et l’Allemagne ont pris ensemble des initiatives lors de ma rencontre du 16 août avec la chancelière Merkel.

Nous proposons que la zone euro repose sur deux piliers :

Le premier pilier, c’est un véritable gouvernement économique : il s’incarnera dans le sommet des chefs d’État et de gouvernement de la zone euro qui se réunira au moins deux fois par an, et plus si nécessaire. Il se dotera d’un président stable désigné pour 2 ans et demi. C’est une demande ancienne de la France : elle sera bientôt une réalité.

Le deuxième pilier, c’est une coordination et une surveillance accrues des politiques économiques au sein de la zone euro : au-delà des avancées que je rappelais, la France et l’Allemagne souhaitent que tous les États de la zone euro inscrivent dans leur Constitution une règle d’équilibre des finances publiques. C’est un élément indispensable pour assurer, dans le long terme, la crédibilité de nos engagements européens en matière de finances publiques. Au travers de cette question, ce sont l’efficacité et la crédibilité de l’action des États, de tous les États de la zone euro, qui sont en cause.

Enfin, la France et l’Allemagne ont décidé de renforcer leur intégration économique. Nous progresserons sur la voie de la convergence fiscale en travaillant à un impôt sur les sociétés commun dont les taux et les assiettes seront harmonisés d’ici à 2013.

Le 50ème anniversaire du Traité de l’Elysée, en janvier 2013, doit être l’occasion de franchir une nouvelle étape décisive de la convergence de nos économies au service de la croissance et de l’emploi.

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Après l’euro, la plus grande réalisation européenne est sans doute la libre circulation au sein de l’espace Schengen. Mais, disons-le sans détour, la suppression des frontières intérieures n’est viable que si la frontière extérieure, désormais commune, est sûre. Ne nous y trompons pas : face à la pression migratoire, si la frontière extérieure de l’espace Schengen n’est pas tenue, l’espace Schengen ne survivra pas.

C’est pour préserver Schengen que la France a proposé de développer la gestion commune de la frontière extérieure. Il faut renforcer les instruments européens, comme Frontex. Il faut mettre en place un système efficace d’inspection. Il faut pouvoir rétablir les contrôles aux frontières d’un État si celui-ci est incapable d’assurer la garde de sa portion de la frontière extérieure. Ces novations, réclamées par la France, ont été approuvées par le Conseil européen. Elles doivent maintenant être mises en œuvre par l’adoption, notamment au Parlement européen, des textes juridiques nécessaires. Sur ce sujet fondamental, chacun devra prendre ses responsabilités.

Au-delà de l’euro et de Schengen, l’Union européenne doit renforcer son action dans plusieurs domaines d’importance majeure :

Je pense à l’agriculture et à la sécurité alimentaire qui sont deux priorités de notre action au sein de l’Europe, mais aussi pour le G20 de Cannes.

Je pense à la politique industrielle, qui n’est plus un sujet tabou entre les 27.

Je pense au commerce international, qui doit être fondé sur un principe simple : celui de la réciprocité et de la loyauté des échanges.

Sur tous ces sujets, l’Europe doit être en initiative. Si elle est unie et déterminée, elle a toutes chances d’être entendue car elle représente 30 % du PIB mondial et 60 % de l’aide publique au développement.

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Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

Depuis 60 ans, l’Union européenne invente une nouvelle forme de gouvernance collégiale fondée sur la pratique du compromis. Aujourd’hui, c’est encore l’Europe qui demeure la principale force de proposition pour bâtir l’ordre mondial du XXIème siècle, souvent à l’initiative de la France.

C’est la France qui a proposé la création du G7/G8 en 1975 ; c’est encore la France qui, au nom de l’Union, a suggéré en 2008 la convocation du sommet qui allait devenir le G20. C’est la France qui a l’honneur de présider cette année le G8 et le G20. Or, l’expérience le prouve : ces deux groupes informels sont seuls capables de donner les impulsions nécessaires pour traiter les problèmes globaux de notre temps et pour mettre en place un ordre mondial plus juste et plus efficace.

Que n’a-t-on dit lorsque nous avons proposé les thèmes de travail des deux sommets ! Excès d’ambition ! Ingérence inacceptable dans un Internet, qui se développerait parfaitement tout seul ! Volonté interventionniste vis à vis des marchés des matières premières, qui ne connaîtraient aucun problème de fonctionnement !

Aujourd’hui, plus personne ne conteste les thèmes proposés.

Au Sommet du G8 de Deauville les résultats ont été au rendez-vous, qu’il s’agisse des partenariats avec l’Afrique et les « printemps arabes » ; qu’il s’agisse aussi de l’Internet : pour la première fois, les chefs d’État des principaux pays concernés ont adopté une déclaration commune qui établit les principes du développement de ce phénomène majeur de notre temps. Je souhaite que la présidence américaine du G8, l’an prochain, permette de nouveaux progrès.

Le Sommet du G20 de Cannes, dans deux mois, sera un moment capital pour marquer de nouveaux progrès de la coopération économique et financière entre des partenaires qui représentent 85 % du PIB mondial.

Face à la crise des dettes souveraines, aux craintes pour la croissance mondiale, à l’instabilité des marchés, à la volatilité des prix des matières premières, la coopération internationale au sein du G20 est encore plus nécessaire aujourd’hui qu’elle ne l’était en 2008.

Notre premier objectif, c’est de consolider la reprise de l’économie mondiale. La croissance est indispensable pour créer des emplois, sortir des milliards d’être humains de la pauvreté, réduire les déficits et les dettes.

Les marchés ont perdu leur boussole : ils demandent à la fois de réduire les déficits et les dettes, mais s’inquiètent immédiatement de l’impact de la réduction des déficits sur la croissance.

Des politiques de rigueur au niveau mondial seraient pires que le mal. Elles menaceraient la reprise et risqueraient de nous replonger dans la récession. La réduction des déficits et des dettes, qui est indispensable, doit être graduelle et surtout crédible. Plutôt que des baisses de dépenses immédiates qui pèseraient sur la croissance, nous devons engager les réformes nécessaires pour renforcer à moyen terme la soutenabilité de nos finances publiques. C’est tout le sens de la réforme des retraites que nous avons conduite en France. Surtout, nos stratégies doivent être crédibles : elles doivent s’inscrire dans des cadres à moyen terme comme la règle d’or, déjà adoptée selon les chiffres du FMI, par 80 pays dans le monde.

Cette stratégie ne sera possible qu’accompagnée d’un rééquilibrage de la demande et de la croissance mondiales. Les pays émergents, dans ce contexte, ont un rôle très important à jouer. Songez qu’en Chine, la consommation privée ne représente que 35 % du PIB contre 60 % dans la zone euro et 70 % aux Etats-Unis !

Pour réduire les déséquilibres mondiaux, il est indispensable que ces pays rééquilibrent leur modèle de développement vers la demande interne. C’est une question que j’ai évoquée dans un climat positif avec le président Hu la semaine dernière lors de ma visite à Pékin.

Ce que nous voulons, c’est qu’à Cannes, le G20 se mette d’accord sur un plan d’action pour la croissance, comprenant des engagements précis et concrets des principales économies.

La question des déséquilibres macro-économiques ne peut être séparée de la réforme du système monétaire international. Cette question a été au cœur des débats de l’année écoulée : certains ont même parlé de guerre des monnaies. Chacun sent bien aujourd’hui que l’absence d’un système monétaire international équilibré et représentatif est coûteux pour l’économie mondiale. Depuis le colloque de Nankin, nous avons fait beaucoup de progrès. Nous avons aujourd’hui un agenda précis et concret défini par la Présidence française.

Le système monétaire international doit en premier lieu être plus représentatif de l’économie mondiale actuelle. Il faut que le DTS puisse inclure de nouvelles monnaies. Nous devons ensuite renforcer nos instruments de lutte contre les crises financières. La surveillance du FMI doit être renforcée et nous devons le doter des moyens nécessaires pour faire face à des crises systémiques. N’est-il pas temps d’envisager que les pays en excédents puissent investir une partie de leurs réserves au FMI pour renforcer ses moyens ? Enfin, nous devons parvenir à des recommandations communes sur la gestion des flux de capitaux.

Je souhaite que sur tous ces sujets, les ministres des Finances puissent aboutir à des propositions concrètes en vue du Sommet de Cannes.

Je vous avais aussi parlé l’an dernier de la régulation des marchés de matières premières. Le plan d’action adopté en juin par les ministres de l’Agriculture du G20 relève le principal défi : celui de la production. La famine dans la Corne de l’Afrique traitée dans l’urgence avec la FAO, comme la souffrance de près d’un milliard d’humains victimes de malnutrition permanente sont des scandales ; mais ces scandales ne cesseront que lorsque le monde réinvestira massivement dans la production agricole.

Un agenda ambitieux de transparence des marchés et de régulation des dérivés s’impose également. Il faut définir des règles pour les marchés dérivés agricoles comparables à celles qui sont en vigueur pour les marchés financiers, avec des sanctions pour les abus de position dominante.

La Présidence française a voulu faire du développement une grande priorité du G20. C’est une condition de sa légitimité. Mais c’est aussi et surtout l’intérêt de tous de réduire la pauvreté et les écarts de développement entre les nations. Le Sommet de Cannes se concentrera sur la sécurité alimentaire et sur des projets concrets d’infrastructures.

Mais j’ai souhaité que le G20 parle aussi du financement du développement. Face aux difficultés des pays développés pour augmenter l’aide publique et face à l’ampleur des défis à relever dans les pays les plus vulnérables, chacun sait que les financements innovants sont une nécessité. Je défends depuis longtemps la création d’une taxe sur les transactions financières. Lors de ma rencontre avec la chancelière Merkel le 16 août, nous avons décidé que la France et l’Allemagne feraient une proposition à leurs partenaires européens dans le courant du mois de septembre. Notre objectif, c’est que l’Europe puisse donner l’exemple de ce qui peut être fait, afin que d’autres se rallient à cette initiative à Cannes. Je souhaite que vous soyez très actifs dans les deux prochains mois pour défendre cette idée dans les pays où vous êtes en fonction. La France est et restera à la pointe du combat en faveur des plus pauvres.

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À Cannes, c’est aussi le nouvel ordre mondial qui progressera. La légitimité du G20 vient de son efficacité, de sa capacité à décider. Mais la mise en œuvre des décisions prises passe nécessairement par les organisations regroupant toute la communauté des nations.

Les réformes, à parachever, des institutions financières internationales devront être complétées par celles des autres organisations qui ont la responsabilité de mettre en œuvre les décisions du G20 : l’OMC, l’OIT, la FAO, pour ne citer que trois exemples. Et ainsi, de proche en proche, c’est tout le système multilatéral né en 1945 qui s’adaptera aux exigences du XXIème siècle en intégrant mieux le progrès social et la protection de l’environnement dans la gouvernance mondiale.

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Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

La mondialisation est le phénomène dominant de notre époque. Ses effets s’étendent désormais à tous les champs d’activité, à tous les espaces de notre planète. L’interconnexion des systèmes économiques, financiers, sociaux, politiques, écologiques à l’échelle du monde entier qui en résulte, s’accompagne d’une instabilité grandissante, de vulnérabilités croissantes.

Face à ces risques, une seule réponse possible : la solidarité et l’esprit de responsabilité. C’est le chemin que la France propose à ses partenaires de l’Union européenne et du G20. Avec une conviction : si nous étions désunis, incapables de prendre les décisions nécessaires, nous irions tout droit vers des conséquences dramatiques pour tous.

Rassemblés, les Européens peuvent au contraire faire de leur Union un pôle de richesse et de rayonnement sans égal.

Unis, les pays du G20 peuvent mettre en place la nouvelle gouvernance mondiale et les règles indispensables pour faire du XXIème siècle un siècle sans précédent de prospérité partagée.

Je vous remercie.