La Coalition mobilise ses relais d’opinion pour vendre l’élection en Irak comme une grande avancée démocratique. Toutefois, Salim Lone souligne que la Coalition n’a pas d’autre but en organisant ces élections que de légitimer son occupation. Sami Ramadani observe pour sa part que le taux de participation dont la Coalition s’enorgueillit n’est pas vérifiable puisque les autorités sont dans l’incapacité d’indiquer le nombre d’inscrits.
Dans Le Monde, James Dobbins, de la Rand Corporation, s’inquiète du bourbier irakien et appelle à un retrait progressif des troupes états-unienne. Cependant, l’analyse du lobbyiste militaro-industriel n’est pas exempte d’arrières-pensées. Il demande la fin de l’occupation, pas l’abandon des 16 bases permanentes. Surtout, une occupation militaire consomme du personnel, pas du matériel. À l’inverse, en libérant du personnel, les États-Unis peuvent se lancer dans de nouvelles opérations militaires qui, elles, consomment matériels et munitions et relancent ainsi le business.
À l’inverse, le général Robert H. Scales, consultant militaire de Fox News, mobilise les lecteurs du Washington Times pour redonner à l’Army toutes ses capacités d’intervention. Il réclame, pour assurer l’occupation de l’Irak et pour de nouvelles aventures, 150 000 hommes supplémentaires.
Plus belliqueuse encore, Maggi Mitchell-Salem, ex-assistante du secrétaire d’État de Madeleine Albright, déplore dans le Daily Star le manque d’enthousiasme des États-uniens pour l’épopée irakienne. Ils trouvent le prix trop lourd à payer, financièrement et humainement, et risquent de se désengager. L’auteure ne précise pas en quoi cette aventure vaudrait un tel bain de sang, pas plus que Mme Albright ne précisa pourquoi un demi-million d’enfants morts de l’embargo « c’est un choix très difficile, mais le prix… nous pensons que ça vaut ce prix là » (« 60 Minutes », 12 mai 1996).
L’ambassadeur britannique John Holmes expose dans Le Monde la vulgate de la Coalition. Le pays a été libéré de la tyrannie par les grandes démocraties et les insurgés se battent contre l’installation de la démocratie, dont les élections sont la première manifestation.
L’argument est beau, mais ne correspond pas à la réalité. L’Irak n’a pas été libéré, mais conquis. Ses ressources énergétiques ont été confisquées par les conquérants et le gouvernement issu des urnes n’aura aucune autorité en matière pétrolière. Les insurgés ne se battent pas contre la démocratie, mais résistent à l’occupant. Les élections dans un pays occupé ne sont pas un signe de démocratie, pas plus que les élections sous Saddam Hussein n’en étaient une manifestation.
De son côté, Salim Lone, ancien porte-parole de l’ONU à Bagdad, souligne dans The Guardian que la Coalition n’a pas d’autre but en organisant ces élections que de légitimer son occupation. Elles ne sont approuvées que par les Kurdes, en quête d’indépendance, et le grand ayatollah Sistani qui collaborait identiquement avec Saddam Hussein et pour les mêmes raisons : le contrôle de la gestion des lieux de culte chiites.
Le sociologue irakien Sami Ramadani observe, dans le même quotidien, que le taux de participation dont la Coalition s’enorgueillit n’est pas vérifiable puisque les autorités sont dans l’incapacité d’indiquer -à 2 millions près- le nombre d’inscrits. Surtout, cette participation ne vaut pas approbation de l’occupation. Au contraire. C’est un moyen pour la population d’exprimer pacifiquement son hostilité à la tutelle étrangère. À ce propos, l’auteur rappelle que les États-Unis se flattèrent aussi de la forte participation aux élections vietnamiennes de 1967 (83 % !) malgré « le terrorisme Vietcong ». Elle provoquèrent en réalité une recrudescence des combats à laquelle le Pentagone répondit quelques mois plus tard par l’offensive du Têt.
Pour le professeur Shlomo Avineri analyse que l’un des enjeux de l’élection était le passage du pouvoir des sunnites aux chiites. Dans le Jerusalem Post il feint de dénoncer un danger d’éclatement du pays, sur le modèle yougoslave alors que l’année dernière, il appelait explicitement à la sécession du Kurdistan.
Dans la même veine, l’ambassadeur Peter W. Galbraith plaide pour l’indépendance du Kurdistan dans le New York Times. Il feint d’accuser l’administration Bush de s’y opposer, alors qu’il est précisément chargé par elle d’y préparer l’opinion publique et de l’organiser, comme il fit en Yougoslavie avec l’efficacité que l’on sait.
En définitive, le leader libéral britannique Charles Kennedy note dans The Independent que ces élections ne changeront rien dans la perception des troupes de Coalition par les Irakiens. Elles ne sont positives que dans la mesure où elles fournissent un prétexte pour mettre fin à une expédition militaire qui n’aurait pas dû commencer.
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