Il existe divers types de smart bombs, « bombes intelligentes », utilisées par celui que Les Leopold définit efficacement comme le « gouvernement secret de Wall Street », la puissante oligarchie financière qui contrôle l’État [1].

Les premières sont celles de propagande qui frappent le cerveau, embrumant les yeux et faisant voir des choses qui n’existent pas. Elles sont aujourd’hui massivement employées pour mystifier la réalité de la crise, pour nous convaincre que celle-ci est provoquée par la dette publique et que, pour nous sauver, nous devons faire de durs sacrifices en faisant des coupes dans les dépenses sociales. La dette publique est pourtant une conséquence, non pas une cause de la crise. Celle-ci est due au fonctionnement même du marché financier, dominé par de puissantes banques et groupes multinationaux. Il suffit de penser que la valeur des actions cotées à Wall Street, et dans les Bourses européennes et japonaises, dépasse celle de tous les biens et services produits annuellement dans le monde. Les opérations spéculatives, effectuées avec d’énormes capitaux, créent une augmentation artificielle des prix des actions et d’autres titres, qui ne correspond pas à une croissance effective de l’économie réelle : « bulle spéculative » qui tôt ou tard explose, en provoquant une crise financière. En ce point, interviennent les États avec des opérations de « sauvetage », reversant de l’argent public (et donc augmentant la dette) dans les caisses des grandes banques et des groupes financiers privés qui ont provoqué la crise.

Aux États-Unis seulement, le dernier « sauvetage  » se monte à plus de 7 000 milliards de dollars, dix fois plus que ce qui est officiellement déclaré. Comment cela peut advenir s’explique par le fait que les candidats aux présidentielles sont financés, à travers des « donations » et en d’autres manières, par les grandes banques, parmi lesquelles Goldman Sachs, et que l’administration Obama, à peine entrée en fonction, a nommé à des postes clé leurs personnes de confiance, qui font partie de la Commission Trilatérale. Celle-là même où Mario Monti, consultant international de Goldman Sachs et à présent chef du gouvernement italien, siège en qualité de président du groupe européen. On ne doit donc pas s’étonner si le gouvernement secret de Wall Street utilise aussi, en fonction de ses intérêts, des « bombes intelligentes » réelles. Ce n’est pas un hasard si les dernières guerres, effectuées par les États-Unis et par l’OTAN, ont « intelligemment » frappé des États situés dans les aires riches en pétrole (Irak et Libye) ou avec une position régionale importante (Yougoslavie et Afghanistan). Des États comme l’Irak de Saddam Hussein, qui menaçait de se décrocher du dollar en vendant du pétrole en euros et autres valeurs ; ou bien comme la Libye de Kadhafi, qui programmait de créer le dinar d’or comme concurrent du dollar et promouvait des organismes financiers autonomes dans l’Union africaine, dont le développement aurait réduit l’influence de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. Pour des raisons analogues, on prend aujourd’hui pour cible la Syrie et l’Iran. Crise et guerre sont deux faces de la même médaille. Car, aussi, la guerre fait croître la dépense militaire qui, en alourdissant la dette publique, impose des sacrifices ultérieurs. L’Italie, estime le Sipri, est arrivée à une dépense militaire annuelle de 28 milliards d’euros : environ le coût de la manœuvre financière qui sera payé par la grande majorité de la population. Mais on n’en parle pas. Les bombes de Wall Street sont vraiment intelligentes.

Traduction
M.-A.
Source
Il Manifesto (Italie)

[1« Wall Street "secret government" outed », par Les Leopold, Voltaire Network, 6 décembre 2011.