Les caisses du complexe militaro-industriel US sont vides. Le Pentagone a donc envoyé ses gros bras, Robert Gates et Anders Fogh Rasmussen, pour presser ses alliés. Comme tous les racketteurs, ils assurent garantir la « protection » de leurs interlocuteurs.
Bien que saisonnière, l’offensive conduite par Robert Gates et Anders Fogh Rasmussen au sein de l’OTAN surprend par son déphasage d’avec la réalité.
Dans son discours d’adieu, prononcé le 10 juin devant le Security & Defense Agenda [1], le secrétaire à la Défense des États-Unis, Robert M. Gates, a souligné que les membres européens de l’Alliance voulaient bénéficier de la protection US, mais étaient pour la plupart incapables d’apporter une contribution significative aux opérations en cours. Il les a donc exhortés à augmenter leurs budgets militaires.
Dans un entretien au Guardian, publié le 15 juin [2], le secrétaire général de l’Alliance Anders Fogh Rasmussen en a rajouté : « L’élargissement de ce fossé économique peut conduire également à un agrandissement du fossé technologique risquant d’entraver les capacités opérationnelles de nos forces entre elles. Les Américains continuent de fournir des équipements militaires plus perfectionnés tandis que les Européens sont loin derrière. Il pourrait devenir éventuellement difficile de coopérer même en ayant la volonté politique de le faire en raison du fossé technologique ».
Au premier abord, ces jérémiades ne sont pas nouvelles. De manière à peu prés régulière, le Pentagone sonne l’alarme, annonce que la situation est critique… et tend sa sébile. Habituellement, les Alliés font d’abord la sourde oreille et finissent par mettre la main à la poche. Jusqu’à la prochaine fois. Si le discours n’est pas nouveau, le contexte —lui— a changé, il en résulte un étrange décalage.
Résumons les faits : les États-Unis sont au bord de la faillite. Ils financent leurs armées avec une monnaie de singe, le dollar. Le complexe militaro-industriel s’avérant incapable de se remettre en question et de diminuer son train de vie, le Pentagone entend contraindre ses alliés à s’engager dans des conflits qui ne les concernent pas pour qu’ils y perdent des matériels et des munitions qui leur seront facturés au prix fort.
Rappelons le contexte : en 2010, un État membre de l’OTAN, de l’UE et de la zone euro (la Grèce) ne parvient plus à rembourser ses emprunts. Pour le sauver, il a été convenu non pas de réduire sa dette, mais de l’accroître. Les Etats-Unis, l’Allemagne et la France l’ont renfloué, par le biais de l’UE et du FMI, tout en le contraignant à acheter des avions de combat et des sous-marins pour se défendre contre un autre État membre de l’OTAN (la Turquie). Alors qu’Athènes ferme ses services publics et brade ses entreprises d’État, il se voit obligé d’entretenir un budget de Défense délirant, presque double (en proportion) de celui de la France. Résultat : un an après le pays implose.
Sur le fond, les choses sont limpides : l’OTAN ne protège pas ses membres, mais les rackette —la preuve par la Grèce face à la Turquie—. Et en cette période de crise économique occidentale, le racketteur est plus violent encore.
Le seul à s’en être ému publiquement est, comme à l’habitude, un Français. L’amiral Pierre-François Forissier, chef d’état-major de la Marine, a répliqué que la mobilisation des forces françaises contre la Libye obérerait rapidement leur capacité à défendre le pays. Une déclaration en forme de préavis qui doit se comprendre en se souvenant que l’amiral était opposé à l’engagement du porte-avions Charles-de-Gaulle dans ce conflit.
Le chef d’état-major de la Marine est dans son rôle. Comme l’était celui de l’armée de Terre, le général Bruno Cuche lorsqu’il s’interrogeait sur l’engagement français en Afghanistan et s’opposait au déploiement des chars Leclerc. Cuche a été contraint à la démission par le président Sarkozy à l’occasion d’un accident meurtrier dans une caserne, gageons que le premier prétexte venu sera utilisé par l’Élysée pour se débarrasser de Forissier.
En définitive, la seule question qui se pose est celle formulée par Vladimir Poutine à la conférence de Munich en 2007 [3] : mais pourquoi donc les Européens restent-ils membres d’une alliance qui va à l’encontre de leurs intérêts ?
[1] « Farewell speech on Nato », par Robert Gates, Voltaire Network, 10 juin 2011.
[2] « Nato chief Anders Fogh Rasmussen warns of ’two-tier’ force », par Julian Borger, The Guardian, 15 juin 2011.
[3] « La gouvernance unipolaire est illégitime et immorale », par Vladimir V. Poutine, Réseau Voltaire, 11 février 2007.
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