La presse française relate abondamment une « émeute » qui serait survenue Gare du Nord, le 27 mars. Commentant les faits, les responsables politiques se félicitent de la fermeté de la police ou s’indignent au contraire des violences policières. Selon les cas, on évoque la misère des banlieues ou la sauvagerie des immigrés. Toutefois sur place, il n’y a jamais eu d’émeute, mais un affrontement soigneusement organisé devant les caméras entre « autonomes » et forces de l’ordre. Les coups tordus de la campagne électorale commencent.
En période électorale, la France aime à se faire peur. La presse nationale fait ses gros titres des « émeutes » qui seraient survenues Gare du Nord, mardi 27 mars 2007 à Paris. La plupart des leaders politiques ont commenté les faits sans les vérifier, contribuant à leur donner une importance disproportionnée. Des experts imaginatifs sont intervenus dans les médias pour en débattre, toujours sans vérifier les faits, les interprétant en relation avec les banlieues pauvres ou les populations immigrées.
- Nicolas Sarkozy, candidat (UMP) à l’élection présidentielle : « La police de la République, la gendarmerie de la Nation font leur travail (…) Arrêter quelqu’un parce qu’il ne paie pas, pendant des années on s’en est moqué, mais c’est leur travail de faire cela ».
– François Baroin, nouveau ministre de l’Intérieur : « [Après un] contrôle normal par les forces de l’ordre, (…) ça dégénère, ensuite ça se transforme en guérilla urbaine, en violence inacceptable, intolérable ».
– Jean-Louis Borloo, ministre de la Cohésion sociale : « L’ordre républicain doit être respecté dans une gare et les contrôles doivent se faire normalement. [Cependant] ne mélangez pas la gare du Nord, quelques incidents, avec les banlieues françaises ».
– Philippe de Villiers de Saintignon, candidat (MPF) à l’élection présidentielle : « La société a tourné du côté des malfrats. Des bandes ethniques sont installées sur notre territoire et considèrent que même la gare du Nord, c’est leur territoire (…). Voilà le résultat de l’immigration incontrôlée ».
– Jean-Christophe Cambadélis, député PS : « Les incidents de la gare du Nord à Paris démontrent un climat sarkozien fait de tensions, d’exactions, de violence verbale et de stigmatisations ».
– Jack Lang, conseiller spécial de Ségolène Royal : « Nous demandons que toute la lumière soit faite, incidents organisés ou fortuits, tout cela doit être en toute indépendance établi (…). Nous vivons une période où les dirigeants de l’État ont souvent allègrement violé les règles, violé les lois, et la situation est d’une grande dégradation civique ».
– Ségolène Royal, candidate (PS-PRG) à l’élection présidentielle : « Ce n’est pas la France que l’on aime voir, celle qui est la France des affrontements (…) surtout qu’en cinq ans d’un gouvernement d’une droite qui avait fait pourtant de la sécurité son thème principal de campagne (...), on voit que c’est l’échec sur toute la ligne ».
– Les porte-parole de Nicolas Sarkozy : « L’ordre juste socialiste, c’est justifier le désordre (…). Alors que ces événements ont suscité un vif et légitime émoi dans la population française, le porte-parole de la candidate socialiste et la responsable des questions de sécurité au PS ont une fois encore cherché à justifier les actes de violences et de pillages inacceptables qui ont été perpétrés ».
– Bertand Delanoë, maire (PS) de Paris : « De tels débordements, après la crise de l’automne 2005, confirment notamment l’erreur magistrale qu’a constitué la suppression de la police de proximité (…). [Ils] révèlent une tension préoccupante et grandissante au sein de notre société. »
En réalité, vers 16 h 30, des policiers ou des vigiles ont interpelé un voyageur sans ticket. Choqués par la violence de l’interpellation des passants se sont interposés et le tout à tourné à la bagarre générale. Le calme était revenu vers 18 h 30.
De nombreuses chaînes de radio et de télévision, ainsi que des photographes, sont arrivés sur les lieux une fois l’incident clos. Curieusement, une partie d’entre eux est restée sur place à attendre. Leur patience a été payée en retour : vers 20 h 30, des jeunes gens (entre 100 et 300) sont arrivés en groupes organisés dans la gare. Ils ont joué au chat et à la souris avec les forces de l’ordre dans les différents niveaux et couloirs de l’échangeur SNCF-RER-RATP en scandant des slogans tels que « À bas l’État, les flics et les patrons ! », sous les yeux des passants attroupés aux balustrades du niveau supérieur comme à un spectacle. Des casseurs ont envoyé un palmier en pot du hall de la gare dans une cour intérieure, trois niveaux plus bas. Des panneaux publicitaires lumineux et un photomaton ont été dégradés. Quatre magasins ont eu leurs vitrines fêlées, l’une d’entre elle a été trouée par le jet d’une grenade lacrymogène. Dans la confusion, quelques articles ont été chapardés dans un magasin de chaussures de sport. Neuf personnes ont été interpellées, aucun blessé grave n’est à déplorer.
Bref, des évènements qui ne sauraient aucunement être qualifiés d’émeutes et qui n’ont aucun rapport ni avec les banlieues, ni avec l’immigration, mais qui rappellent les affrontements habituels entre forces de l’ordre et « autonomes » en queue de certaines manifestations, et donnent l’impression d’avoir été programmés à l’avance pour « faire des images ».
Mercredi 28, en fin de matinée, Nicolas Sarkozy (candidat à l’élection présidentielle) s’est rendu comme prévu de longue date Gare du Nord pour y prendre un train. Il a ainsi pu réaliser in situ des interviews sur son bilan au ministère de l’Intérieur et se féliciter de ce que désormais, force reste à la loi.
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