Nous reproduisons le texte intégral de la Lettre ouverte aux chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne et de l’OTAN signée par 115 personnalités altantistes solicitées par Vaclav Havel. Cette déclaration s’inscrit dans une vaste campagne de propagande visant à stigmatiser le gouvernement de Vladimir V. Poutine et à préparer l’opinion publique « occidentale » à une rupture du Partenariat pour la Paix conclu entre l’OTAN et la Fédération de Russie. Elle a été publiée simultanément dans des grands quotidiens en Europe et aux États-Unis.
En tant que citoyens de la communauté des démocraties européennes et atlantiques, nous voulons exprimer notre sympathie et notre solidarité au peuple de la Fédération russe dans sa lutte contre le terrorisme. Les massacreurs qui se sont emparés de l’Ecole N° 1 à Beslan ont commis un acte de terrorisme odieux pour lequel il ne peut y avoir ni justification ni excuse.
Bien que d’autres bouchers aient tué des enfants et des civils désarmés, le fait de prendre délibérément comme cible un si grand nombre d’enfants innocents dans une école constitue un acte de barbarie sans précédent qui viole les valeurs et les règles de notre communauté et que toutes les nations civilisées doivent condamner.
En même temps, nous sommes profondément préoccupés par la façon dont ces événements tragiques sont utilisés pour miner un peu plus la démocratie en Russie. Les institutions démocratiques russes ont toujours été faibles et fragiles. depuis qu’il est devenu président, en janvier 2000, Vladimir Poutine les a encore affaiblies. Il a systématiquement réduit la liberté et l’indépendance de la presse, détruit le système de restrictions et d’équilibre du système de la Fédération russe. Il a fait emprisonner arbitrairement des rivaux politiques réels ou imaginaires, il a fait retirer des listes électorales des candidats légitimes, il a harcelé et arrêté des dirigeants d’ONG et il a affaibli les partis politiques russes. À la suite de l’abominable crime de Beslan, le président Poutine a annoncé des plans pour centraliser davantage le pouvoir et faire accepter des mesures qui rapprocheront un peu plus la Russie d’un régime autoritaire.
Nous nous inquiétons également de la détérioration de l’attitude de la Russie dans ses relations avec l’étranger. La politique étrangère du président Poutine est de plus en plus marquée par une attitude menaçante envers les voisins de la Russie et la sécurité énergétique de l’Europe, par le retour de la rhétorique militariste et impérialiste et par le refus de se soumettre aux obligations des traités internationaux signés par la Russie.
Dans tous les aspects de la vie politique russe, les instruments du pouvoir étatique semblent en cours de reconstruction, et la prédominance des services de sécurité paraît grandir. Nous pensons que cette attitude ne peut être acceptée comme base d’un véritable partenariat entre la Russie et les démocraties de l’OTAN et de l’Union européenne.
Ces changements ne sont que les preuves les plus récentes du fait que le gouvernement russe actuel s’écarte des valeurs démocratiques fondamentales de la communauté euro-atlantique. Trop souvent dans le passé, l’Occident est resté silencieux et a retenu ses critiques, persuadé que les pas dans la mauvaise direction de Vladimir Poutine n’étaient que momentanés et espérant que la Russie reviendrait rapidement sur une voie démocratique et pro-occidentale. Les dirigeants occidentaux continuent à donner l’accolade au président Poutine en dépit de la preuve que le pays va dans la mauvaise direction et que sa stratégie pour combattre le terrorisme réduit de plus en plus les libertés. Nous croyons fermement que la dictature ne sera pas et ne peut pas être la réponse aux problèmes de la Russie et aux menaces bien réelles qu’elle doit affronter.
Les dirigeants occidentaux doivent reconnaître que notre stratégie actuelle envers la Russie est un échec. Notre politique n’a pas réussi à aider la Russie démocratique que nous souhaitons et que mérite le peuple de ce grand pays après toutes les souffrances qu’il a endurées. Il est temps pour nous de repenser les modalités et les limites de notre engagement avec la Russie de Poutine et de nous placer sans ambiguïté du côté des forces démocratiques en Russie. En ce moment critique de l’histoire où l’Occident fait pression pour un changement démocratique dans le monde entier, y compris dans le "grand Moyen-Orient", il est impératif pour nous de ne pas regarder de l’autre côté dans notre évaluation de l’attitude de Moscou et de ne pas créer une autre norme de la démocratie dans les pays qui s’étendent à l’est de l’Europe.
Nous devons dire la vérité sur ce qui se passe en Russie. Nous le devons aux victimes de Beslan et aux dizaines de milliers de démocrates russes qui continuent à se battre pour préserver la démocratie et les libertés dans leur pays.
Traduit de l’anglais par Florence Lévy-Paoloni
La liste exhaustive des signataires est disponible dans l’article « article 15121 ».
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