A l’heure où l’on dépense des milliards pour développer d’arrache-pied une nouvelle génération d’armes nucléaires et que la phase d’essais est proche, devons-nous nous intéresser à la catastrophe de Tchernobyl ? Elle appartient au passé. Certes, ce n’était pas beau : quelques cancers sur le nombre desquels les experts divergent, mais oublions et consacrons-nous au réarmement, nucléaire et autre… On pourra bientôt vivre à nouveau dans la zone morte de Tchernobyl, non ? Ne nous recommande-t-on pas de nous habituer à vivre avec la radioactivité ? Pourquoi cette excitation 20 ans après ? Le puissant et intelligent « lobby nucléaire » tire profit de la catastrophe. Mais pas pour chercher à éviter à tout prix un nouveau Tchernobyl : son objectif est l’exploitation sans scrupules des dommages sanitaires de la catastrophe. Et les stratégies de propagande en faveur de l’« utilité » des centrales nucléaires sont devenues plus subtiles et trouvent leur paroxysme dans l’évocation de leur prétendue fonction de lutte contre le réchauffement climatique. Après Tchernobyl, les alliances nucléaires se sont consolidées.
La catastrophe est-elle « maîtrisée » ?
Examinons les choses de plus près.
L’ouvrage 20 Jahre Leben mit Tschernobyl – Erfahrungen und Lehren für die Zukunf [[20 Jahre Leben mit Tschernobyl – Erfahrungen und Lehren für die Zukunft, Kongressband zum internationalen Kongress. Herausgeber : E. Lengfelder, Ch. Frenzel, S.P. Kundas, Otto Hug Strahleninstitut MHM e.V.,
München, 2007, ISBN 978-3929990-04-1 ]] » fait la lumière sur le passé, le présent et l’avenir des conséquences de l’explosion du réacteur 4 de la centrale de Tchernobyl en avril 1986. Actes du congrès international qui s’est tenu à Feldkirch/Vorarlberg en septembre 2006, l’ouvrage de 450 pages reproduit le texte des exposés. Ce congrès avait ceci de particulier que les intervenants étaient pour la plupart des scientifiques de Biélorussie, de Russie et d’Ukraine. Les participants bénéficiaient donc d’informations de première main. Voici la liste des questions abordées :
– Problèmes de santé dans les Etats de la CEI et de l’Ouest, épidémiologie, effets à long terme, génétique, effets des faibles doses de radiations, affaiblissement du système immunitaire, diabète, cancer de la thyroïde, cancer du sein, maladies respiratoires et cardiovasculaires.
– Problèmes économiques pour les régions et les communes qui se trouvent à l’intérieur ou en bordure de la zone interdite.
– Problèmes agricoles, conséquences environnementales et socioéconomiques de la catastrophe. La plus grande part des doses de radiations collectives potentielles provient de la contamination par le césium 137 des cultures – avant tout les céréales et les pommes de terre – mais également de la viande bovine et du lait.
– Déroulement physique et technique de la catastrophe et conséquences pour l’élimination des dégâts. L’intervenant était le Russe Konstantin P. Tchetcherov, qui a pu prouver sans conteste l’existence d’une explosion du réacteur 4. Ses recherches personnelles lui ont permis de démontrer que la totalité du combustible nucléaire a été projeté hors du réacteur. Les commissions qui ont essayé de justifier par d’autres considérations la construction d’un nouveau sarcophage coûtant des milliards devraient regarder la réalité en face.
– Quelles leçons pouvons-nous tirer de la gestion de la catastrophe et notamment de celle de la protection radiologique ?
– Charge financière pesant durablement sur le PIB de la Biélorussie et de l’Ukraine.
– Qui, en Occident, apporte son aide et de quelle manière ?
– Pourquoi la catastrophe donne-t-elle l’occasion de s’intéresser à un passage à des énergies renouvelables ?
– Nikolaï Karpan, liquidateur, conseiller de la Commission Tchernobyl du Parlement ukrainien, a montré qu’on n’avait guère tiré de leçons de la catastrophe. Ainsi, selon les chiffres de l’AIEA, le monde va dépenser d’ici à 2030 plus de 200 milliards de dollars pour le développement de l’énergie nucléaire. Croit-on donc à sa sécurité ? A l’aide de l’exemple de l’accident survenu en 2002 aux Etats-Unis à la centrale Devis-Bess, que l’AIEA a dissimulé, Karpan montre que selon les experts le défaut constaté aurait pu conduire à une catastrophe. L’ONU a indiqué que les dommages causés par l’accident de Tchernobyl sont évalués à un billion de dollars environ. La leçon la plus importante à tirer, selon Karpan, est qu’après l’explosion de Tchernobyl, les problèmes posés par l’énergie nucléaire, qui étaient connus depuis longtemps, ont été dévoilés à l’opinion publique mondiale.
L’ouvrage va faire sourire de lassitude l’establishment du nucléaire : encore ces mensonges sur les taux de mortalité par cancer en Biélorussie et en Ukraine, ces exagérations des adversaires fanatiques de l’énergie nucléaire, cette diabolisation des centrales ! L’accident de Tchernobyl ne nous a-t-il pas déjà fait une réputation suffisamment mauvaise ? L’establishment du nucléaire se lamente et dicte sa volonté. Il ne permet pas que l’OMS échappe aux griffes de l’AIEA : il la bâillonne avec un accord condamnable qui fait apparaître ses auteurs comme des dictateurs qui ne veulent pas regarder la vérité en face.
Mais la vérité éclate au grand jour. Des milliers de personnes la vivent et en souffrent ; elle apparaît dans des milliers d’analyses scientifiques, par exemple concernant l’augmentation, en Europe de l’Ouest, des taux de cancers de la thyroïde, de malformations congénitales chez les enfants, de cancers dans le nord de la Suède.
Peut-on considérer la catastrophe comme « maîtrisée » ? Cela dépend de nos critères. En ce qui concerne les taux de cancers, il semble que le pire soit devant nous. Quant aux effets génétiques, ils risquent d’être sans fin. Ceux qui font des enfants maintenant souffrent de troubles dus à la contamination subie par leurs parents et les transmettent à la génération suivante. Les incendies de forêts et les inondations constituent un danger permanent pour les régions environnantes de Biélorussie et d’Ukraine. Le strontium se répand sur les champs du sud de l’Ukraine. L’américium, radionucléide très toxique provenant de la désintégration du plutonium, contamine les eaux.
Les hommes du XXIe siècle sont invités à prendre position sur la problématique environnementale. Le rayonnement radioactif, même à petites doses, détruit l’environnement biologique, souvent lentement mais de manière irrémédiable. La thèse de l’effet hormesis [effet bénéfique des faibles doses] est fausse : la radioactivité n’a pas d’effets positifs. Le rayonnement ionisant endommage les cellules. Toute augmentation de radionucléides dans l’environnement entraîne davantage de cancers et de décès par cancer.
Tchernobyl est un avertissement et le présent ouvrage présente les faits dans
toute leur clarté. Il suffit de vouloir en prendre connaissance.
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