L’empire états-unien refuse le partenariat / Washington et le TSL contre l’opposition libanaise / Un coup de poignard dans le dos du roi Abdallah Ier d’Arabie saoudite / Le Hezbollah veut un Premier ministre ayant prouvé son engagement pour le pays / Changement de majorité parlementaire au Liban ? / Soudan : la contagion de la partition / Révolution populaire en Tunisie.
Tendance générale
L’empire états-unien refuse le partenariat
Le retournement états-unien qui a torpillé le compromis syro-saoudien sur la crise libanaise dévoile la stratégie de l’Administration Obama au Proche-Orient et sa perception des rôles de certains acteurs régionaux et de l’Europe :
– 1. La détermination de la Maison-Blanche à s’accaparer de la carte du Tribunal spécial pour le Liban (TSL) est dictée par deux priorités. D’abord, l’Administration Obama est consciente que le TSL est son dernier outil de pression dans les négociations qu’elle tente d’initier avec la Syrie et l’Iran autour de l’avenir des intérêts états-uniens en Irak. Ensuite, elle montre que la défense des intérêts d’Israël est le principal facteur qui dicte la politique de Washington dans chaque échéance liée au Hezbollah. Les hautes sphères états-uniennes et israéliennes ont clairement indiqué que le TSL constitue la dernière carte efficace susceptible de gêner le Hezbollah et de l’empêcher de passer à une phase offensive après le renforcement de sa force stratégique.
– 2. Pour la troisième fois, l’Administration Obama a prouvé, à travers ses agissements, qu’elle ne souhaite pas voir l’Arabie saoudite jouer un rôle régional et qu’elle veut négocier directement, et non pas par le biais d’une tierce partie, avec la Syrie et l’Iran. Washington craint que la coopération entre la Syrie, l’Iran, la Turquie et l’Arabie saoudite ne forme le noyau d’un système régional duquel serait exclu Israël. Maintenant que l’armée US est présente sur le terrain, les Etats-Unis veulent être des partenaires à part entière avec les Etats de la région dans l’élaboration des arrangements régionaux.
Lorsqu’il a été informé par la secrétaire d’Etat Hillary Clinton du refus de Washington du compromis syro-saoudien, le roi Abdallah s’est sans doute souvenu avec amertume de la promesse non tenue des Etats-uniens de nommer Iyad Allaoui au poste de Premier ministre en Irak, avant qu’ils ne lèvent leur véto du candidat soutenu par l’Iran, Nouri al-Maliki ; ou encore lorsque les Etats-uniens ont sabotés l’accord inter-palestinien de la Mecque entre le Fatah et le Hamas, en 2007.
– 3. Washington s’est comporté avec condescendance avec la France dont le rôle et les souhaits ont été ignorés au Liban, comme ils l’avaient été dans les dossiers irakien et palestinien. Ces deux dernières années, les Européens s’étaient plaints d’avoir été écartés de tous ces dossiers par les Etats-Unis, qui n’ont même pas jugé bon de respecter la forme.
Nicolas Sarkozy est entré à la Maison-Blanche, le 10 janvier, pour exprimer les craintes de la France à l’égard de l’instrumentation du TSL au Liban et de ses probables répercussions sur la sécurité européenne, surtout que le gros des contingents de la Finul provient d’Italie, d’Espagne et de France. Il a tenté d’obtenir une couverture états-unienne au compromis syro-saoudien. Il est ressorti du bureau ovale les mains vides, résigné devant l’entêtement de ses interlocuteurs… avant de s’aligner sur les positions de Barack Obama.
Tendance au Liban
Washington et le TSL contre l’opposition libanaise
Après la chute du gouvernement suite au retrait de onze ministres de l’opposition, les regards se dirigent vers les consultations parlementaires pour le choix d’un nouveau Premier ministre. A la veille de cette échéance constitutionnelle qui mobilise non seulement les Libanais mais tous les pays arabes et des capitales occidentales, on peut noter les observations suivantes :
– 1. La bataille est serrée entre la coalition pro-américaine du 14-Mars et l’opposition principalement composée du Courant patriotique libre du général chrétien Michel Aoun, du leader maronite du Liban-Nord Sleiman Frangié et du Hezbollah. Le 14-Mars dispose de 54 députés et l’opposition de 57 députés. Ce sont les 17 députés « centristes » qui feront pencher la balance, notamment ceux du bloc du leader druze Walid Joumblatt.
– 2. Les ingérences états-uniennes dans ce processus constitutionnel libanais ont franchi toutes les lignes rouges. Après les déclarations surprenantes des premiers jours, condamnant la démission des ministres de l’opposition —un droit pourtant garanti par la Constitution—, la secrétaire d’Etat Hillary Clinton a appelé samedi soir le président de la République Michel Sleiman pour exercer sur lui des pressions. Le chef de l’Etat lui a répondu, selon un communiqué de la présidence, que ce qui se passe aujourd’hui au Liban est un processus politique géré conformément aux dispositions prévues dans la Constitution.
Pire encore, l’ambassadrice des Etats-Unis à Beyrouth, Maura Connelly, s’est rendu dimanche au domicile d’un député « centriste », Nicolas Fattouche, dans la ville de Zahlé dans la Békaa. Elle a tenté de le convaincre de voter en faveur de la reconduction de Hariri.
– 3. Le TSL a annoncé que l’acte d’accusation du procureur Daniel Bellemare, qui devrait accuser des membres du Hezbollah dans l’assassinat de Rafic Hariri, sera soumis lundi au juge de la mise en état, Daniel Fransen. Il est clair que la remise des conclusions de l’enquête coïncide avec le début des consultations parlementaires et vise à exercer des pressions sur les députés hésitants. Il s’agit d’une ingérence flagrante dans les affaires internes libanaises de la part d’une institution internationale censée être indépendante.
Déclarations et prises de positions
Michel Sleiman, président de la République
« L’avenir dépend de notre capacité à rechercher sans relâche les moyens de renforcer notre unité nationale et à nous habituer à toujours faire primer l’intérêt supérieur de la nation, tout en profitant du soutien précieux des pays amis du Liban —un avenir qui dépend aussi de la fermeté de la communauté internationale qui se doit d’assurer, voire d’imposer, une solution juste et globale à la crise du Proche-Orient, basée sur les résolutions onusiennes et l’initiative de paix arabe—. »
Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah
Extraits d’une intervention télévisée le 16 janvier
« L’opposition, à l’unanimité, ne choisira pas le président Saad Hariri comme candidat au poste de Premier ministre lors des consultations parlementaires malgré les ingérences externes qui ne nous intimideront pas (…). Nous n’avons pas eu peur de leurs flottes et de leurs armées, nous n’aurons pas peur aujourd’hui de leurs intimidations et de leurs pressions. Quels que soient les résultats de ces consultations, le Liban est entré dans une nouvelle étape, une étape délicate et dangereuse. Nous ne permettrons pas à un quelconque gouvernement de comploter contre la Résistance avec l’aide de puissances étrangères. Pourquoi ce qui est censé être une simple échéance constitutionnelle libanaise mobilise-t-elle à un tel point la communauté internationale ? Les ingérences des Etats-Unis dans les affaires internes du Liban ont dépassé toutes les limites. C’est d’ailleurs Washington qui a saboté les efforts syro-saoudiens destinés à trouver un compromis interlibanais à la crise actuelle (…) Pourquoi (le procureur du TSL, ndlr) Daniel Bellemare a-t-il décidé de remettre l’acte d’accusation le jour même des consultations parlementaires, après avoir attendu des mois pour le faire ? Ceci n’est pas une coïncidence. Le Hezbollah n’acceptera même pas une accusation dans l’assassinat de Rafic Hariri, indépendamment de la décision (du juge de la mise en état) de Daniel Fransen dans l’avenir. »
Boutros Harb, ministre sortant du Travail (membre du 14-Mars)
« Nous ne formerons plus un gouvernement comme celui qui vient de s’effondrer. La chute du cabinet confirme l’effondrement de l’accord de Doha. En cas de la désignation de candidat de l’opposition au poste de Premier ministre, le 14-Mars ne participera pas au gouvernement et se cantonnera dans l’opposition. »
Général Jean Kahwaji, chef de l’Armée libanaise
« La recrudescence des conflits politiques au Liban, qui n’a rien d’étonnant à l’aune d’un système démocratique, n’aura aucun impact sur le moral de la troupe ni sur sa détermination à faire face à tous ceux qui entendent s’amuser avec la stabilité. La sécurité est la priorité des priorités de l’armée, qui représente la base incontournable grâce à laquelle il sera possible de recréer une entente politique et de trouver une solution à tous les problèmes de l’heure. Je suis confiant qu’avec les efforts de la troupe et des forces de l’ordre, ainsi que l’attachement des leaders politiques à faire primer l’intérêt supérieur de la nation, il sera possible de transcender la situation actuelle et de démarrer une nouvelle phase (…) Je mets l’accent sur l’importance de préserver la stabilité le long de la ligne bleue dans une coordination constante entre l’armée et les Casques bleus. Mais cette stabilité ne dépend pas uniquement de ce partenariat ni du respect par le Liban de la 1701, mais aussi des visées d’Israël, qui continue d’occuper des parcelles de notre territoire et qui multiplie au quotidien ses violations de la souveraineté libanaise à tous les niveaux. »
Amin Gemayel, ancien président de la République (14-Mars)
« Le chemin suivi par certaines forces politiques, notamment le Hezbollah et ses alliés, est clair, comme s’ils cherchaient à nous annoncer qu’ils comptaient parvenir à cette situation de paralysie et d’affrontement avec les institutions en place (….) Nous ne voulons défier personne. Nous voulons simplement nous protéger et sauvegarder les intérêts du Liban et la dignité du peuple libanais. Ce qui est demandé est la chute de tout le Liban et non seulement du gouvernement et des institutions. »
Presse
Al Akhbar (Quotidien libanais proche de l’opposition-14 janvier 2011)
Elie Chalhoub
Des sources iraniennes estiment que le sabotage US de l’initiative syro-saoudiennes est un « un coup de poignard dans le dos du roi Abdallah d’Arabie saoudite », asséné par plusieurs parties à la fois, états-uniennes saoudiennes, égyptiennes et libanaises. Les sources estiment que Saad Hariri a échoué au test et n’a pas pu être une soupape de sécurité pour le Liban : il est temps de donner une chance à une autre personnalité, acceptée par Damas et Riyad, pour diriger le gouvernement.
L’Iran considère que les Etats-Unis ont saboté les efforts du roi Abdallah, en connivence avec d’autres forces régionales, notamment l’Egypte et certaines parties internes saoudiennes qui ne veulent pas que le roi réussisse dans sa mission. C’est un complot auquel ont participé la secrétaire d’Etat Hillary Clinton, son adjoint Jeffrey Feltman, et d’autres parties états-uniennes qui ont voulu mettre un terme au règne du roi Abdallah en Arabie saoudite, ajoutent les sources. « C’est un coup d’Etat contre Abdallah plus qu’un sabotage de l’initiative syro-saoudienne. Les parties opposées à Abdallah à l’intérieur de l’Arabie saoudite, notamment Bandar, Nayef et Sultan, ont à la base envoyé le roi se faire soigner aux Etats-Unis et l’ont gardé là-bas pendant sa convalescence pour réaliser cet objectif ». Les sources soulignent que c’est une tentative de retourner à « l’Arabie saoudite d’avant les efforts S-S et d’avant Abdallah ». Dans le même temps, c’est une tentative de « sortir la France de l’équation, parce qu’elle penchait et se montrait compréhensive à l’égard des efforts régionaux, qu’ils soient saoudiens, syriens, iraniens, turcs ou qataris. Ils ont saboté les efforts français ».
Les sources signalent que jusqu’à son premier voyage à New York, Hariri approuvait le règlement proposé par Damas et Riyad. Cependant, lorsqu’il a quitté Washington pour se rendre à Riyad au lieu de New York, tout a changé. Dans la capitale saoudienne, les autres ailes du pouvoir sont intervenues, en plus de l’Egypte et de Jeffrey Feltman. Ils ont dit à Hariri : « Oubliez Abdallah et son fils. Le roi n’est plus le gouverneur de l’Arabie saoudite, nous sommes les décideurs ». Cependant l’affaire a été révélée, après que le prince Abdel Aziz (fils du roi saoudien) eut informé le président Assad que les choses vont bon train mais qu’elles ont besoin d’un peu de temps. C’est ce qui a poussé Assad à se rendre à Paris et à demander au président Nicolas Sarkozy de convaincre les Etats-uniens d’accepter le règlement. Selon les sources iraniennes, la meilleure issue à la crise libanaise serait pour le moment de former un « gouvernement dont l’unique mission est d’œuvrer à faire échouer l’acte d’accusation et de délégaliser le TSL. Un gouvernement qui accomplit sa mission et pave la voie au gouvernement suivant. »
Al Akhbar (13 janvier 2011)
Paris, Bassam Tayyara
Selon les observateurs, les autorités françaises ont modifié ces dernières 24 heures leur discours vis-à-vis de la Syrie : dans les coulisses, on entend le vieux refrain de « la position de la Syrie qui n’a pas évolué », en plus du discours sur « l’affaiblissement de l’enthousiasme vis-à-vis des négociations sur le Golan » et « le gel des négociations de paix ». A cela s’ajoute un appel invitant Damas à « prouver que sa position vis-à-vis du Liban a évolué ». Un diplomate arabe affirme à ce propos : « C’est le retour à la case départ » pour les relations franco-syriennes. Une source française corrobore, sous couvert de l’anonymat : « L’expérience de l’ouverture de Paris envers Damas a échoué. C’est confirmé. La scène libanaise était le laboratoire pour tester les intentions syriennes ». Car pour Paris, « Damas a un rôle fondamental à jouer dans le raffermissement de la stabilité au Liban ». A l’heure où les événements s’accélèrent, les visites des dirigeants libanais à Paris, prévues à la fin du mois, ont été suspendues. Une source française interrogée par Al Akhbar évoque « un possible report » de ces visites pendant quelque temps, mais tout dépend des développements sur le terrain.
Selon des observateurs, la tension est due à des fuites qui pointent du doigt, de nouveau, « le maillon syrien » dans l’assassinat de Rafic Hariri. Pour ces observateurs, « la prise pour cible de la Syrie a refait surface ». Plusieurs sources évoquent des « mises en garde britanniques et françaises » adressées à Damas, sur la nécessité d’exhorter ses alliés libanais à la retenue, pour empêcher tout « acte de violence ». La Syrie serait même considérée comme directement responsable de tout dérapage.
An Nahar (Quotidien libanais proche du 14-Mars)
Paris, Samir Tuéni (14 janvier 2011)
Selon des sources informées à Paris, l’Elysée a obtenu un mandat américain pour trouver une solution à la crise libanaise après la démission des ministres de l’opposition, et ce afin de préserver la stabilité au Liban et trouver une solution à travers les institutions constitutionnelles. Paris a donc engagé des concertations pour lancer une initiative ou préparer un sommet réunissant le Liban, la France, l’Arabie saoudite, les Etats-Unis et la Syrie. Ces concertations ont été saluées et soutenues par l’Arabie saoudite. Mais il semblerait, à en juger par les informations qui ont filtré après l’entretien téléphonique entre les présidents français et syrien dans le dossier libanaise, que l’atmosphère n’était pas positive pendant cet entretien, Damas ayant refusé toute initiative. Le refus syrien s’explique par le fait que Damas ne souhaite pas rentrer dans les détails de l’initiative qui procède à partir des constantes internationales, à savoir la préservation de la stabilité, la recherche d’une solution dans le cadre constitutionnel et la poursuite du travail du tribunal car justice et stabilité vont de pair. En effet, la Syrie considère que c’est elle qui détient les cartes en main, et elle ne voudrait pas les partager avec une autre partie.
Des milieux diplomatiques n’excluent pas que Damas ait exhorté l’opposition à démissionner, après avoir perdu tout espoir de parvenir à une entente au sujet du TSL. D’autant que Damas et l’opposition veulent que le premier point de n’importe quelle initiative consiste à supprimer le tribunal.
As Safir (Quotidien libanais proche de l’opposition-14 janvier 2011)
Sami Kleib
Le blocage des efforts syro-saoudiens n’est guère surprenant, dans la mesure où les Etats-Unis se retrouvent face à une occasion à ne pas rater au Liban, avec des finalités régionales à la clé, et il est impossible de ne pas la saisir juste pour les beaux yeux de l’opposition libanaise. Ce qui revient à dire que de nombreux obstacles persistent et devront être aplanis avant que la Syrie et les Etats-Unis ne s’entendent sérieusement au sujet du Liban et d’autres dossiers.
Il convient de noter que ce blocage est intervenu après le sommet américano-français à Washington, parallèlement à de nombreuses autres rencontres impliquant aussi le roi Abdallah d’Arabie saoudite et le chef du gouvernement Saad Hariri. Un ballet diplomatique qui rappelle l’état des lieux des relations américano-franco-libanaises peu avant l’adoption de la résolution 1559. Avec une seule différence : cette fois-ci, le président Nicolas Sarkozy établit une distinction entre son appui au TSL et son souhait de promouvoir l’ouverture française et américaine envers Damas.
Les Etats-uniens sont revenus de plain-pied dans la région, et le Liban en paiera le prix tôt ou tard. Les déclarations de la secrétaire d’Etat Hillary Clinton sur « le procès d’individus et non des groupes auxquels ils appartiennent » représentent le maximum de ce que Washington souhaite donner à présent. C’est également une position française, qui consiste à ce que l’acte d’accusation paraisse en mettant en cause des individus du Hezbollah, avec la possibilité de tenir le parti lui-même à l’écart… pour le moment… et à condition que Damas s’engage à brider les réactions de l’opposition libanaise et accepte que Saad Hariri soit reconduit à la tête du gouvernement. D’ailleurs, cette position américaine relativement nouvelle au sujet du Hezbollah fait suite, semble-t-il, à un conseil français.
As Safir (14 janvier 2011)
L’opposition et le 14-Mars tablent sur la position de Walid Joumblatt lors des prochaines consultations parlementaires ainsi que sur ses « ressources parlementaires » qui feront pencher la balance. L’intéressé a toutefois fait savoir aux ambassadeurs d’Arabie saoudite, de France et des Etats-Unis qu’il était « prématuré de répondre à cette question. Nous verrons quand les consultations commenceront ». Mais selon des sources informées, Joumblatt a déjà pris une position définitive vis-à-vis des derniers développements, qu’il a d’ailleurs communiquée au secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah.
Al Hayat (Quotidien saoudien-14 janvier 2011)
Randa Takieddine
Le président syrien Bachar al-Assad ne serait pas opposé à une initiative française qui regrouperait des pays amis du Liban et des pays influents dans la région. C’est l’impression qu’a eu le président français Nicolas Sarkozy lors de son entretien téléphonique avec son homologue syrien, ont indiqué des sources françaises à Al-Hayat avant l’entretien entre Sarkozy et Saad Hariri.
Parmi les pays qui pourraient être inclus dans cette initiative, les sources citent la Syrie, la Turquie et le Qatar, en plus de l’idée proposée par le président français au roi Abdallah d’Arabie saoudite, sur le déploiement d’efforts conjoints français, saoudiens, états-uniens, syriens et libanais pour empêcher une explosion de la situation.
Signalons qu’au moment où Hariri s’entretenait avec le président Sarkozy, le ministre français des Affaires étrangères Michèle Alliot-Marie rencontrait l’émir du Qatar Hamad Ben Khalifa Al Thani à Doha. Le dossier libanais était au menu des discussions. Le prince du Qatar a exprimé son entière disposition à aider les Libanais et à participer aux efforts pour résoudre la crise.
Les sources françaises signalent que l’idée d’une réunion autour de la situation au Liban « ne se réalisera pas demain » mais qu’elle doit être préparée : les contacts sont en cours dans cet objectif.
Al Hayat (14 janvier 2011)
Mohammad Choucair
Les dernières déclarations du député du Hezbollah Mohammed Raad selon lesquelles l’opposition « nommera un chef de gouvernement qui a une histoire dans la Résistance » veulent-elles dire que l’opposition a déjà pris sa décision à ce sujet ? S’agit-il plutôt d’une tentative de hausser la barre politique pour s’engager dans de nouvelles négociations ?
Avant d’y répondre, il convient de rapporter des déclarations attribuées par des membres de cette opposition à de hauts responsables syriens : Damas préférerait que Saad Hariri soit écarté de la présidence du Conseil des ministres, et recommanderait de choisir un président impartial, à condition qu’il n’y ait pas de veto saoudien ou de la part du Courant du futur —allusion sans doute au fait que ce profil est celui du président Nagib Mikati—.
Des sources libanaises proches de Damas indiquent que ce discours vise essentiellement à faire allusion à une certaine volonté d’imposer un nouveau fait accompli, qui entraînerait une intensification des contacts arabo-internationaux, sous l’égide de la Syrie, afin de reprendre les négociations en en accélérant le rythme cette fois-ci.
L’Orient-Le Jour (Quotidien libanais francophone proche du 14-Mars)
Scarlett Haddad (14 janvier 2011)
Si l’opposition a choisi de faire tomber le gouvernement, c’est parce qu’elle estime qu’après cinq mois d’attente, elle ne pouvait plus se laisser embourber dans le pourrissement politique, dans l’espoir que Saad Hariri décide un jour d’adopter la position requise vis-à-vis du TSL. Les rumeurs sur une publication prochaine de l’acte d’accusation se faisant plus insistantes, elle a donc décidé qu’il était temps de reprendre l’initiative et de secouer le statu quo actuel. Dans son optique, il s’agit d’une décision gagnante dans tous les cas de figure. D’abord, elle est constitutionnelle et nul ne peut trouver à y redire. D’autre part, elle permet de tester concrètement la volonté de chaque camp et d’en finir avec les positions grises. Enfin, elle permet d’avancer vers un changement politique qui, à ses yeux, ne peut être que positif.
A la veille des consultations parlementaires contraignantes qui doivent se tenir lundi et mardi, l’opposition se trouve désormais devant deux choix : soit elle se dirige vers un nouveau compromis, mais cette fois à ses conditions, autrement dit avec un Premier ministre et un gouvernement déterminé à adopter une position claire vis-à-vis de l’acte d’accusation du TSL et du tribunal en général, soit il choisit de former un gouvernement monochrome. Ces options font actuellement l’objet de concertations entre les pôles de l’opposition. Mais pour que la première option soit choisie, il faut aussi que l’autre camp soit prêt à la saisir. Dans ce cas, un gouvernement composé d’une majorité de membres appartenant à l’opposition sera formé et s’engagera à adopter une position claire par rapport au TSL, de façon à neutraliser ce que l’opposition qualifie d’effets négatifs sur la scène locale de la publication de l’acte d’accusation.
Le retour de Saad Hariri à la tête du gouvernement, dans ce cas de figure, n’est pas exclu, même s’il reste peu probable. Ayant déjà refusé de conclure un compromis alors qu’il était à la tête du gouvernement, il pourrait difficilement en effet l’accepter dans ces conditions. Certains vont même jusqu’à dire que la décision de l’opposition l’aura même soulagé car il préférerait ne pas être à la tête du gouvernement en cette période difficile.
En principe, l’opposition souhaite aller vite. S’il s’agit d’un gouvernement d’union nationale, avec des rapports de forces inversés, sa formation pourrait prendre un peu de temps, deux mois environ. Mais si la seconde option est choisie, la formation du gouvernement pourrait être plus rapide. Au sein de l’opposition, on affirme en tout cas que même si la formation de la nouvelle équipe prendra du temps, la situation sera préférable à celle qui prévalait avant la démission des onze ministres. Un gouvernement démissionnaire ne peut pas en effet prendre des décisions importantes comme celle de répondre aux exigences de l’acte d’accusation du TSL... Toutefois, l’opposition n’est pas le seul joueur sur l’échiquier libanais et même les scénarios les mieux étudiés peuvent être détournés.
Haaretz (Quotidien israélien-10 janvier 2011)
Le Hezbollah est souvent présenté en Occident comme une caricature du terrorisme islamique. Le Liban est également devenu une sorte de stéréotype des divisions communautaires qui paralysent la paix. Les caricatures et les stéréotypes nous permettent de continuer à nous prélasser dans notre confortable ignorance. Mais le problème, c’est qu’ils assèchent totalement la réflexion. Le livre de l’ancien correspondant du Boston Globe au Moyen-Orient, Thanassis Cambanis, Le privilège de mourir, décrit l’efficacité et l’adaptabilité presque surhumaine du Hezbollah. L’essence du succès de l’organisation, écrit Cambanis, est sa capacité à donner des réponses claires aux grandes questions nationales du Liban, ce qui lui donne un sérieux avantage par rapport à la nébuleuse des autres partis politiques communautaires du pays.
Le pavé de l’ancien correspondant du Guardian, David Hirst, Méfiez-vous des petits États, est rempli de raisons d’être pessimiste sur le prochain conflit entre Israël et le Liban, que l’auteur considère comme inexorable. Contrairement à Cambanis, Hirst estime qu’Israël mérite toute la haine que la politique de l’Etat hébreu provoque dans la région. L’Anglais a vécu une moitié de siècle au Liban. Malheureusement, il n’enrichit pas son livre d’anecdotes autobiographiques. Il a fait le choix d’adopter un ton d’historien, sauf lorsqu’il égratigne les colonialistes français et britanniques, les milices chrétiennes maronites, Saddam Hussein et, bien sûr, les Israéliens
Tendance dans le monde arabe
Soudan : la contagion de la partition
Les récents événements au Soudan, où les habitants du Sud du pays ont voté en majorité pour la sécession, ont prouvé l’existence d’un nouveau plan colonialiste israélo-américain visant à démembrer le continent africain en encourageant et en alimentant les dissensions entre chrétiens et musulmans et les divisions intertribales et interethniques. L’appui états-unien illimité apporté à l’option du partage du Soudan s’est accompagné de dangereuses ingérences des Etats-Unis dans la crise ivoirienne, et de nouvelles tentatives de déstabilisation du Nigéria, où les interventions israélo-américaines avaient déjà provoqué une guerre civile qui a duré des années.
A la lumière de tous ces développements, nous pouvons faire les observations suivantes :
– 1. Les gouvernements successifs au Soudan sont responsables du démembrement du pays car ils n’ont pas réussi à réaliser l’unité nationale et ont échoué à faire en sorte que les particularismes culturels, religieux et ethniques, qui existent dans toutes les sociétés du monde, ne se transforment en bombe à retardement qui risque de faire voler en éclat l’unité géographique du pays. Les contradictions ne sont transformées en conflit sanglant.
– 2. La mort suspecte dans un accident d’avion, en 2005, du leader historique du Sud-Soudan, John Garang, a constitué le déclenchement du plan de démembrement du Soudan. Garang voyait le changement au niveau de tout le pays et ne plaçait pas comme objectif ultime la sécession de la province sudiste.
– 3. L’épisode soudanais a montré combien les tromperies états-uniennes pouvaient être énormes et à quel point Washington contrôlait les institutions internationales soi-disant indépendante. On a vu comment un mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale (CPI) a été utilisé pour exercer un chantage contre le président soudanais Omar Hassan al-Bachir, pour l’obliger à ne pas s’opposer à la sécession du Sud.
– 4. La plupart des analystes pensent que la sécession constitue le début et non pas la fin des difficultés. Le partage des richesses pétrolières, la délimitation des frontières, le conflit sur la ville d’Abiye et la question de la citoyenneté sont autant de problèmes qui n’ont toujours pas été résolus.
– 5. La sécession du Sud-Soudan va encourager d’autres mouvements basés au Nord à suivre le même chemin, ce qui risque de provoquer des conflits sanglants et interminables et de provoquer l’éclatement, voire la disparition du Soudan. Cette situation pourrait s’étendre à d’autres pays d’Afrique. Et pendant que les Africains s’entretuent, les Etats-Unis pillent les immenses richesses de ce continent, en laissent à leurs alliés européens quelques miettes.
Evénements
Tunisie
• Tunis a été le théâtre, dimanche 16 janvier, de violents affrontements entre les forces régulières loyales au gouvernement de transition et des miliciens armés apparemment fidèles au président déchu Zine El-Abidine Ben Ali, qui a fui le pays vendredi. Les combats ont d’abord eu lieu dans le secteur du ministère de l’Intérieur et auraient fait deux tués dans les rangs des miliciens. « Il y a eu deux snipers qui ont tiré depuis un bâtiment situé à proximité du ministère de l’Intérieur. On les a abattus », a déclaré un sous-lieutenant de l’armée à la télévision publique, qui n’a pas fait état d’autres victimes. Dans cette zone, complètement désertée par la population, les tirs ont cessé à la tombée de la nuit. Les affrontements se sont ensuite poursuivis aux abords du palais présidentiel, où l’armée a annoncé avoir donné, dans la soirée, l’assaut du palais présidentiel de Carthage, dans lequel sont retranchés des éléments de la garde présidentielle de Ben Ali. Des témoins vivant à proximité du palais, situé à plusieurs kilomètres du centre de Tunis, ont confirmé avoir entendu des tirs continus d’armes lourdes. Un large périmètre de sécurité a été établi autour du site. Une habitante de Carthage a ajouté voir au loin « au moins deux hélicoptères qui survolent le secteur de la présidence ». Selon la télévision publique, des policiers se trouvant dans l’enceinte de l’école des Hautes études commerciales, près du palais présidentiel, ont appelé l’armée à les secourir, disant qu’ils étaient pris sous le feu. Après l’annonce de cet assaut, les autorités tunisiennes n’ont plus communiqué sur le sujet, mais des témoins indiquaient que les combats baissaient peu à peu en intensité. Un peu plus tôt dans l’après-midi, des tirs avaient été échangés devant le siège d’un parti d’opposition, le Parti démocratique progressiste (PDP), à l’issue desquels plusieurs personnes ont été arrêtées, dont deux étrangers, a indiqué un des responsables de cette formation.
• La révolution tunisienne est observée à la fois avec passion et inquiétude dans le monde arabe. Si les opinions publiques, ce qu’on appelle « la rue arabe », ont suivi les événements avec une empathie parfois très démonstrative, les pouvoirs en place, eux, de Rabat à Bagdad en passant par Le Caire, sont restés silencieux ou très prudents dans leurs réactions. Une réserve qui traduit manifestement leur propre peur de soulèvements populaires. Significative à cet égard, la réaction de la Ligue arabe qui s’est bornée, samedi, à inviter à la fois les autorités politiques et les forces vives de la Tunisie à faire preuve d’« unité » pour « maintenir les réalisations du peuple tunisien ». En Egypte, Hosni Moubarak, qui règne sans partage depuis trente ans sur le pays arabe le plus peuplé, a seulement dit, par la voix du ministère des Affaires étrangères, « avoir confiance dans la sagesse de ses frères tunisiens ». Au Maroc et en Algérie, le silence des autorités est assourdissant. Parallèlement, des centaines de millions d’Arabes ont pu suivre et encourager en temps réel le déroulement des événements en Tunisie, grâce aux chaînes satellitaires et aux réseaux sociaux d’Internet, comme Facebook ou Twitter. « L’odeur du jasmin est déjà arrivée à Sétif » : sur sa page Facebook, redécorée du drapeau tunisien, le cinéaste algérien Yanis Koussim jubile. Le jeune homme de 33 ans a suivi en temps réel la fin du règne du président tunisien Ben Ali en se remémorant les récentes émeutes contre la hausse des prix qui ont fait trembler plusieurs villes d’Algérie, dont sa ville natale, Sétif. Là-bas aussi, la rue gronde depuis un certain temps. « Pousser un peuple à bout, l’affamer, le museler trop longtemps, ne peut que mener à l’explosion », prévient-il. Faut-il s’attendre à un effet domino ? D’Alger à Sanaa en passant par Le Caire, nombreux sont ceux qui ont salué ce soulèvement populaire inédit dans cette partie du monde où nombreux sont les pays minés par les mêmes maux que la Tunisie : chômage, corruption, répression. Pour les observateurs, les pays les plus susceptibles d’être affectés par une onde de choc venant de Tunisie sont ses voisins maghrébins ainsi que l’Égypte, et la Jordanie. (Par le correspondant du Figaro au Moyen-Orient)
Palestine
• Des responsables de Jérusalem ont annoncé qu’un nouveau projet de construction de 1 400 logements à Jérusalem-Est était à l’étude. Un feu vert susciterait certainement la colère des Palestiniens, qui ont rompu les pourparlers de paix avec Israël, en raison de son refus de mettre un terme aux constructions à Jérusalem-Est et en Cisjordanie. Les Palestiniens revendiquent ces zones, ainsi que la Bande de Gaza -contrôlée par le Hamas- pour la création d’un futur Etat. L’Hôtel de Ville de Jérusalem a précisé qu’il avait connaissance du nouveau projet mais n’a pas précisé si la commission d’urbanisme procéderait à un vote. Le conseiller municipal Meir Margalit a juge ce projet « dangereux » sur les ondes de la radio militaire israélienne, tout en observant que ces constructions n’auraient pas lieu avant des années, le projet nécessitant un accord supplémentaire à l’échelon national.
• Les dirigeants de plusieurs groupes palestiniens de la bande de Gaza ont déclaré au Hamas qu’ils allaient mettre fin aux tirs de roquettes en direction d’Israël pour ne pas provoquer une nouvelle offensive de Tsahal. L’Egypte avait mis en garde le Hamas contre des risques sérieux d’une nouvelle offensive si les tirs de roquettes provenant du territoire palestinien contrôlé par le mouvement islamiste se poursuivaient. « Les groupes de combattants ont décidé de cesser les tirs de roquettes » tant qu’Israël ne mène pas de raids aériens ou d’autres attaques, a dit un responsable du Hamas à l’issue d’une réunion à Gaza. En décembre 2008 et janvier 2009, Israël avait mené dans la bande de Gaza une opération dévastatrice pour briser le Hamas et faire cesser les tirs de roquettes en direction du territoire israélien, un objectif qui n’a pas été atteint comme le montre le récent regain de tension à la frontière commune. « Le Hamas ne cherche pas une nouvelle escalade à moins d’y être contraint », fait-on valoir de source proche du mouvement islamiste.
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