Monsieur le Président du Sénat,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Élus,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Madame et Messieurs les Représentants des cultes,
Monsieur le Président du CRIF,
Mesdames, Messieurs,
Nous nous réunissons ce soir, comme chaque année, pour ce dîner qui est le cadre de la relation la plus fraternelle entre les juifs de France et la République. Mais il se trouve que cette année nous nous retrouvons au moment où, en Ukraine, se produisent des événements d’une gravité exceptionnelle qui rappellent un temps que l’on croyait révolu, celui des ingérences, des interventions et des démonstrations militaires.
La Russie, dans un contexte que l’on sait difficile, a pris le risque d’une escalade dangereuse. Le rôle de la France avec l’Europe, dans ces circonstances, c’est d’exercer toute la pression nécessaire, y compris le recours éventuel à des sanctions, pour imposer la voie du dialogue et rechercher une issue politique à la crise sur des principes simples : la garantie de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de l’Ukraine, le respect aussi de la diversité de la population de ce pays et enfin l’organisation d’élections libres sous contrôle international.
Tel est le sens des démarches qu’avec le ministre des affaires étrangères nous engageons depuis le début de la crise. La Russie, avec laquelle nous dialoguons, doit comprendre qu’elle est devant un choix très important pour l’avenir de ses relations avec l’Europe et que la seule option, je dis bien la seule option raisonnable, c’est la négociation. Quant à l’Ukraine, elle doit pouvoir choisir son destin tout en reconnaissant les liens historiques, culturels, humains qui l’unissent à la Russie et que personne ne conteste.
Ces événements nous rappellent que la paix est décidément toujours une œuvre difficile, fragile et que des engrenages sont à l’œuvre, qui peuvent, à tout moment, la menacer. Ces événements nous rappellent aussi que l’actualité convoque toujours l’Histoire et, que si l’on oublie l’Histoire, on ne peut pas régler les crises qui surviennent.
Je rappelle l’Histoire aussi parce que je suis devant vous ici, amis du CRIF, et que votre rendez-vous annuel, je le disais, est un moment fort où vous exprimez de manière vibrante votre attachement à notre pays et à la République. En même temps, le dîner du CRIF, c’est l’occasion - comme l’a dit le président et ce n’est pas forcément agréable de l’entendre - de porter aussi un jugement sur la réalité du racisme et de l’antisémitisme dans notre pays et de le faire avec vérité et lucidité. C’est ce que vous avez, Monsieur le Président, encore mené à bien ce soir.
En 2013, nous pensions avoir vécu une accalmie et même un recul des actes et manifestations antisémites. C’était hélas une illusion. Pourquoi ? Parce que si le nombre des faits avait diminué de 30 %, le niveau qui permettait cette comparaison était lui-même exceptionnellement élevé puisque c’était l’année 2012. Dois-je rappeler ce qui s’était produit durant l’année 2012 et notamment le 19 mars ? C’était une illusion parce que le nombre de dépôts de plainte, 423 pour être précis, ne tient pas compte de tout ce qui n’est pas déclaré, de ce qui n’est pas connu, de ce qui n’est pas avoué. Enfin, c’était une illusion, parce qu’au mois de janvier les violences ont doublé par rapport au mois de décembre 2013 et que les menaces antisémites ont même été multipliées par trois.
Au-delà des statistiques et des chiffres qui sont avancés, de quoi s’agit-il, qu’est-ce qui est en cause ? Ce sont des juifs qui sont agressés sur la voie publique parce qu’ils portent une kippa. Ce sont des enfants dans les écoles de la République qui sont insultés parce que juifs. Ce sont des synagogues qui sont souillées par des croix gammées, voilà ce qu’est la réalité de l’antisémitisme.
Cette flambée de haine ne surgit pas du néant. D’abord, n’accusons pas la crise. Elle a bon dos la crise ! Ce n’est pas une cohorte de chômeurs qui crient « mort aux juifs ! » Ce ne sont pas les « damnés de la terre » qui s’expriment avec les mots de la haine. Ce ne sont pas les plus pauvres dans la société qui seraient porteurs de ces idées malsaines. C’est un peu court de penser que c’est la crise ! Finalement ce serait commode : il suffirait d’en sortir - cela ce n’est pas facile ! - et finalement tout irait bien...
Non, le mal est plus profond. Le mal n’est d’ailleurs pas que français, cessons de ne regarder que le tableau de notre propre pays. Le mal est européen, il est même mondial. Il y a des pays où il n’y a pas de chômage, où la croissance est élevée, où le pouvoir d’achat est parmi le plus haut du monde, et où l’on se méfie des étrangers, où l’on pense que l’autre est un danger, où l’on veut restreindre la liberté de circulation. Ne laissons pas croire donc qu’il s’agirait simplement d’une mauvaise période, d’un mauvais temps. Non, le climat comme vous l’avez dit, est plus lourd.
Ce que l’on a entendu dans la manifestation du 26 janvier est exceptionnellement grave, avec des slogans hérités des années 30, des amalgames, des confusions... Des groupes, qui n’avaient rien à voir entre eux, se retrouvaient sur le même objectif, la même haine, celle du juif, cherchant un coupable. Il en faut toujours un pour exorciser les peurs, les malheurs, les rancœurs. Là encore, ce n’est pas nouveau. On a connu cela à d’autres époques, sauf que là les propagandistes ne se cachent plus, ils publient des livres, ils défilent dans la rue, ils donnent des spectacles et ils utilisent des moyens modernes, c’est-à-dire internet pour colporter des rumeurs qui deviennent des tumeurs.
Nous savons comment cette mécanique infernale se termine, toujours de la même façon, dans la violence et dans le drame.
C’est pourquoi, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, le gouvernement de la République française ne tolérera rien.
C’est ensemble - quand je dis « ensemble » c’est à travers toutes les sensibilités qui sont représentées ici, tous les républicains - que nous devons nous retrouver pour défendre les valeurs qui font la France. Je l’affirme ici : face à des périls - et l’antisémitisme, le racisme, en est un – il ne serait y avoir la moindre place pour la division, la polémique et la surenchère.
Si nous cédions à cette tentation d’utiliser ces dérives et ces comportements à des fins politiques, nous nous perdrions nous-mêmes. Il y a des causes heureusement dans la République - dont je suis le garant - qui nous permettent de nous rassembler sur l’essentiel. C’est d’ailleurs ce qui fait que nous sommes citoyens français et qu’au-delà des oppositions qui doivent exister, des clivages qui ont leur valeur et leur pertinence, la France est une quand il s’agit de combattre le racisme et l’antisémitisme.
Le gouvernement, et vous l’avez rappelé, Monsieur le Président, est d’une intransigeance absolue contre les actes antisémites parce que ce sont autant de coups portés à la France. Les lois existent. La tentation, c’est toujours de vouloir en inventer d’autres et de ne pas appliquer celles qui sont en vigueur. Elles doivent donc être mises en œuvre avec sévérité et fermeté par les services de sécurité publique comme par la justice.
Encore faut-il que les victimes elles-mêmes ne craignent pas de se faire connaitre et signalent tous les faits. À nous de les aider. La garde des sceaux a donné des instructions en ce sens et je pense qu’en matière d’insultes elle sait ce que signifie le racisme. Mais si la police fait son travail, si la justice condamne les coupables, faut-il encore que les jugements eux-mêmes, ceux qui sont rendus, soient exécutés. Parce que se soustraire à une condamnation est une malhonnêteté de plus et un encouragement à continuer. Certains sont allés très loin. Trop loin.
Que l’on soit bien clair : la liberté d’expression, la liberté de création, la liberté de manifestation sont des valeurs fondamentales de la République, mais elles ne peuvent offrir aux racistes et aux antisémites un permis de propager leurs thèses. La liberté de moquer n’est pas la liberté de haïr. Là aussi, le droit existe pour prévenir ces transgressions. Il a été appliqué par le ministre de l’intérieur dans les limites posées par le juge, en l’occurrence le juge administratif.
Nous avons fait la démonstration que les lois n’empêchent pas d’agir mais peuvent permettre justement d’intervenir, y compris de façon préventive. La loi, toute la loi, rien que la loi, y compris pour interdire des groupuscules qui n’ont pas d’autre objet que la propagation d’idéologies incitant à la discrimination, à la violence et à la haine. C’est ce que nous avons fait, là encore, suite à un drame qui a coûté la vie à un jeune étudiant, Clément Meric. Il mettait en cause des groupuscules dont on savait bien qu’ils pouvaient être, au moins au niveau des thèses propagées, à l’origine de ce genre de tragédie.
Vous avez évoqué, Monsieur le Président, les nouvelles menaces d’internet. Outil merveilleux de diffusion et d’échange, mais comme le livre avant lui, le numérique peut aussi servir de déversoir à l’intolérance, à l’injure, à l’endoctrinement. Il y a eu des livres, hélas, qui ont eu aussi ce rôle dans l’Histoire. Ce n’est donc pas l’instrument qui est en cause, c’est la thèse qui est diffusée. En France et à l’étranger, des manipulateurs et des criminels enseignent ce que Poliakov appelait « le bréviaire de la haine ». Et nous voyons ceux qui écoutent, ceux qui adhèrent à ces thèses, à ces mensonges et qui s’en font les prosélytes.
C’est cela le risque d’internet : c’est la multiplication, c’est le déversement, c’est la diffusion à un niveau jusque-là jamais atteint de mensonges et d’insultes. Le numérique doit donc avoir ses règles. Les fournisseurs d’accès comme les opérateurs doivent les respecter sans que l’extraterritorialité ne puisse constituer une excuse. Je retiens, Monsieur le Président, ce que vous nous avez proposé. Si l’on arrive à lutter contre les images pédophiles, nous devons aussi réussir à lutter contre les messages délibérément racistes et antisémites.
J’ai donc demandé au gouvernement de me faire rapidement des propositions pour améliorer notre réactivité et éventuellement notre appareil répressif par rapport au développement de la cybercriminalité.
Je rappelle ce qui s’est produit par rapport à Twitter l’année dernière [1]. Le gouvernement a négocié avec cette grande entreprise des engagements concrets : suppression des contenus illicites, gel des données d’enquêtes, déréférencement. Nous agirons de la même manière en France, en Europe et dans le monde face aux géants mondiaux du numérique pour aboutir à ce résultat.
Mais l’ambition de la République, ce n’est pas simplement d’utiliser la sanction. Elle doit faire en sorte que la prévention puisse être la plus efficace. Ce que nous avons comme ambition, c’est de pouvoir élever le niveau de conscience citoyenne par l’éducation. Tel est l’objet de la morale laïque qui est désormais enseignée dans nos écoles : transmettre à tous les élèves de France un socle de valeurs communes qui fondent notre identité.
C’est quoi notre identité ? Le respect de la personne, sa dignité, ses origines, sa religion, ses croyances ; le refus de toutes formes de discrimination. C’est cela la morale laïque : elle n’exclut personne, elle rassemble tout le monde et elle protège tous ceux qui ont, par leur histoire, par leur parcours, par leur origine, par leur couleur de peau, à craindre qu’on les mette en cause. L’école de la République doit rester ce lieu où, depuis des générations, les enfants apprennent à vivre au milieu des autres selon une règle commune, la même pour tous. Cet enseignement de la vie, cet enseignement de la République doit intervenir au plus tôt dans les programmes d’enseignement de notre pays.
Jean Zay - dont j’ai annoncé qu’il rentrerait au Panthéon avec Geneviève Anthonioz de Gaulle, Pierre Brossolette et Germaine Tillion l’année prochaine, Jean Zay donc, ministre de l’éducation, avait écrit une circulaire - déjà, la première, en 1936 - sur les signes religieux à l’école. Comme quoi, là aussi, on croit toujours avoir inventé, mais l’on vient toujours trop tard. Mais là, en l’occurrence, Jean Zay, lui, il était venu à temps. Parce que déjà, il y avait ces menaces et il écrivait dans cette circulaire : « ceux qui voudraient troubler l’expérience éducative n’ont pas leur place dans les écoles, qui doivent rester l’asile inviolable où les querelles des hommes ne pénètrent pas. » Cela reste encore vrai aujourd’hui.
Nous avons la Charte de la laïcité comme expression contemporaine de cette exigence. Elle est désormais affichée et étudiée dans tous les lieux d’enseignement. Le ministre en a pris l’initiative. Nous devons également la mettre au programme de la formation permanente des enseignants. Toutes les initiatives doivent être soutenues dans ce sens : la mise en place de référents académiques « Mémoire et Citoyenneté », pour coordonner toutes les actions dans les écoles pour la mémoire des génocides, en particulier de la Shoah et de tous les crimes contre l’Humanité ; l’instauration de modules spécifiques de formation dans les écoles du professorat ; la priorité donnée, dès cette rentrée, pour fixer la lutte contre les discriminations comme objectif de la transmission.
Là aussi, l’éducation nationale soutient toutes les initiatives et il y en a de nombreuses. Je ne vais pas les signaler toutes. Celle de l’Union des étudiants juifs et de SOS Racisme notamment a eu, à travers le programme CoExist, à lutter contre les préjugés. Je souligne aussi ce que font les Académies de Lyon et de Grenoble avec la LICRA, pour attribuer un prix, là aussi, le Prix Gilbert Dru, pour être exemplaire par rapport à cette mission de lutter contre le racisme et l’antisémitisme.
Je veux aussi saluer les efforts de toutes les grandes familles philosophiques et spirituelles dans notre pays, qui œuvrent au rapprochement entre les Français.
Vous avez, à l’instant, salué le Père Patrick Desbois. Il a découvert par son histoire familiale le drame des juifs ukrainiens. Il a œuvré pour que soit reconnue la « Shoah par balles ». Car, la Shoah avait commencé avant même les camps, et pas seulement en Ukraine. C’est très important de savoir à quel moment l’œuvre génocidaire a commencé et comment elle est arrivée jusqu’aux camps d’extermination. Aujourd’hui, le Père Desbois est le directeur du Service national pour les relations avec le Judaïsme à la Conférence des évêques. Je veux saluer le dialogue interreligieux, qui ne veut pas effacer les différences entre les cultes, mais combattre tous ceux qui les utilisent pour les opposer.
Le fanatisme n’est pas une religion. C’est un dévoiement. C’est le fanatisme et non l’islam qui a guidé le bras assassin de Merah à Toulouse et à Montauban, lorsqu’il a abattu Jonathan, Gabriel, Arié, Myriam, Imad Ibn Ziaten, Mohamed Legouad et Abel Chennouf : quatre juifs, trois musulmans [2], sept Français. Autant d’atteintes aux institutions les plus symboliques de la République : l’école et l’armée.
La semaine dernière, le CRIF, à Toulouse, a rendu un hommage à Latifa Ibn Ziaten, la mère d’Imad. Je veux aussi saluer son combat courageux, je le connais, et celui de tous les militants de l’amitié judéo-musulmane, avec le soutien des plus hautes autorités du culte musulman, représentées ici ce soir. Je veux les remercier pour leur engagement au service de la tolérance et de la paix.
Mesdames et Messieurs, l’année 2014 sera marquée par deux grandes commémorations : centenaire de la Première guerre mondiale et 70ème anniversaire de la Libération de notre pays. Je veux en faire des moments de rassemblement de nos concitoyens, des temps pour la mémoire, pour toutes les mémoires.
C’est pourquoi j’ai rendu hommage aux soldats musulmans à la Grande mosquée de Paris le 18 janvier dernier. Au Mont-Valérien, j’ai rendu hommage, c’était le 21 février dernier, au Groupe Manouchian et j’ai salué l’initiative qu’avait prise Robert Badinter pour que les 1.010 fusillés aient leurs noms gravés dans le bronze d’une cloche au Mont-Valérien. Nommer les morts pour interpeller les vivants, c’est le sens des monuments. Yad Vashem à Jérusalem, que je suis allé visiter, le Mur des Noms, l’Allée des Justes à Paris et tant d’autres lieux..., pour que rien ne soit oublié, travesti, transformé, occulté et pour nous rappeler à chaque fois notre devoir.
Quelle est notre exigence ? Savoir. Tout savoir. D’où nous venons, quelles sont les épreuves que notre pays a traversées pour être libre aujourd’hui. Ne rien ignorer des drames d’hier pour mieux les prévenir désormais. Connaitre l’Histoire, oui connaitre l’Histoire, pour reconnaitre notre responsabilité de l’écrire à notre tour.
La mémoire, je sais que vous y êtes particulièrement attachés. Votre mémoire, ici en France, et la mémoire aussi entretenue dans la relation des juifs de France avec Israël. Je sais le lien qui vous unit à Israël. Israël, pour les juifs de France, comme ceux d’ailleurs du monde entier, c’est d’abord l’État refuge. On raconte - c’est vrai - que c’est en assistant à la dégradation publique de Dreyfus, en 1895, dans la cour des Invalides, que Theodor Herzl, devant le spectacle de l’innocence outragée, en avait conclu que les juifs ne pourraient conquérir la garantie d’une existence digne et libre que le jour où ils disposeraient d’une patrie.
Israël, pour les juifs, c’est aussi l’espoir réalisé. Très vieil espoir, aussi ancien que le judaïsme lui-même. La relation que les juifs français ont avec Israël est constituée de liens multiples, humains, intimes, personnels, familiaux, professionnels... Cette solidarité ne vous éloigne jamais de votre patrie. Elle vous y ramène, tant vous attendez de la France qu’elle joue un rôle utile dans le monde et particulièrement au Proche-Orient. Ce fut le sens de ma visite en Israël et en Palestine. Vous m’y avez accompagné avec une délégation du CRIF. Vous m’avez accompagné aussi bien en Israël qu’en Palestine. Je voulais, ici, vous en remercier.
À la Knesset, je me suis exprimé, en toute franchise, en toute liberté. J’ai rappelé la position de la France : deux États pour deux peuples, l’État d’Israël et l’État de Palestine, avec tous deux Jérusalem pour capitale, pouvant coexister en paix et en sécurité. Il faut un règlement qui mette fin à toutes les revendications et éteigne définitivement le conflit. Cet accord n’aura de sens que si la sécurité d’Israël est renforcée et si toute nouvelle menace est écartée. C’est le langage que j’ai fait passer aussi bien à Benjamin Netanyahu qui m’a reçu avec beaucoup de chaleur, qu’à Mahmoud Abbas qui a été attentif à la position de la France qu’il connaît.
Si on ne veut pas reconnaître l’autre partie, il ne peut pas y avoir de paix. C’est le sens de ce que nous devons chercher, que les Américains ont également encouragé. Les Israéliens et les Palestiniens, en ce moment même, tentent d’aboutir à la paix. La poursuite de la négociation, car c’est maintenant là l’enjeu, est une opportunité décisive. Tout échec, s’il se produisait, aggraverait encore la situation de la région et menacerait donc l’État d’Israël.
Or, le Proche-Orient est déjà profondément déstabilisé par la crise syrienne. Alors, on me dira : « les armes chimiques ont commencé d’être détruites ». Et encore ! La Conférence de Genève a été un échec, elle n’a abouti à rien. Pendant ce temps-là, les massacres se multiplient. D’ailleurs dans une forme d’indifférence générale, que seule la France entend briser.
Pendant que les réfugiés s’entassent en Jordanie, en Turquie, au Liban, avec un risque de déflagration générale, demain, avec le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, je recevrai le Groupe international de soutien pour le Liban, pour préserver l’unité et l’intégrité de ce pays, pour également lui apporter une aide humanitaire. Il se trouve qu’il y aura aussi bien le secrétaire d’État américain que le ministre des affaires étrangères russe. Nous ne parlerons pas que du Liban. Mais si nous pouvions aussi parler du Liban et de l’Ukraine, nous aurions, rien que pour cela, eu le bénéfice de cette initiative.
Je pense au Liban parce que c’est un pays cher à la France et c’est un pays qui doit être absolument préservé de ce conflit. Je sais aussi les forces qui travaillent pour son instabilité. Nous sommes profondément concernés par ce qui se produit en Syrie. Vous l’évoquiez, Monsieur le Président : 700 Français ou résidents français sont aujourd’hui impliqués, c’est-à-dire pris en main par des groupes djihadistes. Ils sont parfois tués - c’est encore arrivé ces jours derniers - ou reviennent avec tous les risques que cela comporte pour notre propre sécurité.
Le ministre de l’intérieur a été particulièrement mobilisé pour dissuader tous ces candidats du Djihad qui pourraient, non seulement perdre leur vie, mais aussi, à un moment, atteindre la nôtre. Je rappelle que deux membres de la cellule qui avait agi en septembre 2012 contre l’épicerie casher de Sarcelles viennent d’être interpellés. Ils reviennent de Syrie. Les liens sont établis.
Parler de la Syrie, c’est parler de l’Iran, tant sa responsabilité est grande dans la guerre que Bachar Al-Assad a lancée à l’égard de son propre peuple. Avec l’Iran, la France ne se contente pas de paroles, mais veut des actes et l’a clairement montré sur le dossier nucléaire. C’est le sujet de préoccupation majeure, pas simplement pour Israël, mais pour l’ensemble de la région et pour la paix du monde. C’est pourquoi la France a tout fait pour que l’accord intérimaire avec l’Iran soit à la fois solide et crédible. Mais le plus dur est à venir. La position de la France, ce sera qu’un accord définitif apporte la garantie à Israël et à l’ensemble du monde que l’Iran ne disposera jamais, je dis bien jamais, de l’arme nucléaire.
Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que j’étais venu vous dire : à la fois la préoccupation de l’ensemble du gouvernement, de l’État par rapport à ce climat que j’ai décrit, l’action que nous menons pour lutter contre l’antisémitisme et le racisme, pour le prévenir, pour le réprimer. Je voulais également vous exprimer la position de la France par rapport à un certain nombre de situations dans le monde. J’ai évoqué l’Ukraine, j’ai fini par la situation au Moyen-Orient et notamment avec l’Iran.
Mais je voulais vous adresser un dernier message. La communauté juive est pleinement chez elle en France. Elle a tant donné pour notre pays, tant donné par ses talents, par ses réussites, par son dévouement, par ses sacrifices et surtout par l’amour qu’elle a toujours témoigné à la France. Alors, à tous ceux qui s’interrogent, et il y en a ici, sur la protection que la République peut offrir, sur l’amour de la France à l’égard de tous ses citoyens et notamment aux juifs de France, je veux réaffirmer que notre pays sera à la hauteur de l’espérance que vous portez en lui. Parce que la France a besoin de vous, parce que la France a besoin de tous, parce que la France doit réussir, grâce à vous. Merci.
[1] Ndlr. « La France championne du monde de la censure sur Twitter », Réseau Voltaire, 8 février 2014.
[2] Ndlr. C’est par erreur que le président Hollande présente Abel Chennouf comme musulman. Il était catholique.
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