La séance est ouverte à 15 h 10.
La Présidente : Conformément à l’article 37 du règlement intérieur provisoire du Conseil, j’invite le représentant de l’Ukraine à participer à la présente séance.
Conformément à l’article 39 du règlement intérieur provisoire du Conseil, j’invite M. Ivan Šimonović, Sous- Secrétaire général aux droits de l’homme, à participer à la présente séance.
Le Conseil de sécurité va maintenant aborder l’examen de la question inscrite à son ordre du jour.
Je salue la présence du Vice-Secrétaire général, S. E. M. Jan Eliasson, et je lui donne la parole.
M. Jan Eliasson, Vice-Secrétaire général (parle en anglais) : Ma déclaration aujourd’hui portera brièvement sur les efforts que ne cesse de mener l’ONU en ce qui concerne la crise en Ukraine et sur les faits nouveaux survenus en Ukraine depuis l’exposé présenté au Conseil par le Secrétaire général adjoint, M. Feltman, le 13 mars (voir S/PV.7134).
Le Secrétaire général est aujourd’hui en route pour Moscou et Kiev dans le cadre de l’intensification de ses bons offices. Ses discussions dans les deux capitales porteront sur des solutions politiques et diplomatiques à la crise. Avant son départ, ce matin, il s’est entretenu avec le Premier Ministre ukrainien, M. Yatsenyuk.
Depuis le dernier exposé qui a été fait au Conseil de sécurité sur cette question (voir S/PV.7134), le Secrétaire général est resté en contact avec les acteurs clefs dans le but de désamorcer la situation. Il n’a cessé de les exhorter à engager le dialogue et à promouvoir le respect des principes fondamentaux inscrits dans la Charte des Nations Unies s’agissant de l’Ukraine, comme le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale et la garantie de l’exercice des droits de l’homme pour tous, en accordant une attention particulière aux minorités.
Lors de la mission que j’ai effectuée récemment en Ukraine, j’ai insisté auprès de tous mes interlocuteurs sur l’importance de mettre en place un gouvernement associant toutes les parties et sur la nécessité de préserver une Ukraine multiethnique, multiculturelle et multilingue. Comme le Conseil a pu le constater, dans ses déclarations publiques, le Secrétaire général n’a de cesse de déconseiller la prise de mesures hâtives susceptibles d’exacerber les tensions et de conduire à des erreurs d’appréciation et des conséquences inattendues.
Ma mission en Ukraine a été suivie par celle du Sous-Secrétaire général adjoint aux droits de l’homme, M. Ivan Šimonović. À la demande du Secrétaire général, compte tenu de la situation précaire sur le terrain, M. Šimonović a prolongé son séjour en Ukraine jusqu’à hier, le 18 mars.
Dans l’intervalle, une mission des Nations Unies de surveillance des droits de l’homme est en train d’être déployée en Ukraine, afin de procéder à une évaluation objective de ce qui se passe sur le terrain. M. Šimonović prendra la parole après moi pour faire un exposé au Conseil sur sa visite en Ukraine et fournir de plus amples informations sur les travaux de la mission de surveillance. Je voudrais ajouter que l’ONU a étroitement coordonné ses efforts avec ceux de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), qui envisage également de déployer des observateurs en Ukraine.
Je voudrais rappeler que, pendant ma mission en Ukraine, j’ai fait un exposé au Conseil le 4 mars à partir de Kiev. J’ai indiqué avoir constaté que ce pays était confronté à une série de graves défis politiques, économiques et de sécurité, qui évoluent sans cesse.
Depuis lors, la crise n’a fait que s’aggraver. Au lieu de s’atténuer, les tensions en Crimée et dans l’est de l’Ukraine continuent de s’exacerber. Les autorités de la Crimée ont décidé d’organiser un référendum sur le statut de la Crimée, le 16 mars ; après quoi, elles ont annoncé que près de 97% de ceux qui se sont rendus aux urnes avaient voté en faveur de la sécession de la Crimée de l’Ukraine. Le Secrétaire général a exprimé sa profonde déception et ses vives préoccupations devant cette décision hâtive d’organiser un référendum sur une question qui a de lourdes conséquences pour l’Ukraine, la région et au-delà. Par la suite, la Crimée a proclamé son indépendance, qui a été reconnue par la Fédération de Russie.
Le 17 mars, l’Union européenne et les États-Unis ont décidé d’imposer des sanctions ciblées contre des dirigeants russes et de la Crimée. Le 18 mars, le Président Poutine a signé un traité, que le Parlement de la Fédération de Russie devrait bientôt ratifier, rattachant la Crimée à la Fédération de Russie. Dans le même temps, le Gouvernement à Kiev s’est dit résolu à ne jamais accepter l’indépendance ou l’annexion de la Crimée, en déclarant que la Crimée faisait partie intégrante de l’Ukraine.
Hier, le Premier Ministre ukrainien s’est dit préoccupé par le fait que le conflit dans la péninsule de Crimée était en train de « passer d’une phase politique à une phase militaire ». Cette déclaration faisait suite à des informations selon lesquelles un soldat ukrainien avait été tué devant une base militaire ukrainienne à la périphérie de Simféropol.
Après cet incident, le Vice-Premier Ministre et Ministre de la défense de l’Ukraine a annoncé son intention de se rendre en Crimée aujourd’hui. Les dirigeants de la Crimée auraient déclaré que les dirigeants ukrainiens ne seraient pas autorisés à entrer en Crimée. Cela montre bien combien il importe d’ouvrir d’urgence un dialogue direct entre Moscou et Kiev.
Aujourd’hui, nous avons reçu des informations selon lesquelles les forces pro-russes ou des groupes non identifiés se seraient emparés de deux bases navales ukrainiennes en Crimée. Même si les premières informations laissent entendre que jusqu’à présent la saisie de ces bases s’est faite sans effusion de sang, il est évident qu’une telle évolution de la situation comporte des risques graves. Le Secrétaire général n’a cessé d’insister sur le fait qu’il était essentiel d’éviter d’autres actes de provocation et de s’abstenir de toute incitation.
Ces derniers événements ont exacerbé les tensions et rendu encore plus complexe une situation déjà précaire. Nous sommes maintenant confrontés au risque d’une nouvelle escalade dangereuse, qui pourrait avoir des répercussions sur la paix et la sécurité internationales et revêtir une grande importance pour le Conseil et pour l’Organisation des Nations Unies.
Dans un contexte plus large, il convient de rappeler que la Fédération de Russie et l’Ukraine restent des pays voisins, avec des liens historiques, culturels, économiques et politiques étroits et souvent complexes. Nous estimons qu’il est dans notre intérêt à tous que ces deux nations entretiennent de bonnes relations entre elles et avec l’ensemble de la région. Cependant, le premier pas dans cette direction consiste à désamorcer immédiatement la situation et à faire preuve de retenue face à la crise actuelle.
Je voudrais terminer en citant quelques messages importants récents du Secrétaire général :
« Il est clair que nous sommes à la croisée des chemins. Si les positions continuent de se durcir et la guerre des mots continue de s’intensifier, nous risquons de rentrer dans un engrenage dangereux ;
Il faut privilégier un dialogue direct entre Moscou et Kiev afin de définir des mesures spécifiques qui ouvriraient la voie à une solution diplomatique ;
Même si jusqu’à présent il a été difficile de trouver une voie vers la paix, elle demeure une possibilité. »
C’est dans cet esprit et dans l’esprit de la Charte des Nations Unies qu’il entame aujourd’hui sa mission à Moscou et à Kiev.
Je voudrais seulement ajouter que notre outil diplomatique de choix est un dialogue constructif sur la base du Chapitre VI de la Charte qui porte sur le règlement pacifique des différends. L’ONU continuera à jouer son rôle en promouvant le dialogue en faveur d’une solution pacifique et concertée à la crise, qui est désormais plus grave que jamais.
La Présidente : Je remercie M. Eliasson pour son exposé.
Je donne maintenant la parole à M. Šimonović.
M. Šimonović, Sous-Secrétaire général adjoint aux droits de l’homme (parle en anglais) : Madame la Présidente, je vous remercie de cette occasion qui m’est donnée de faire rapport au Conseil au sujet de ma mission en Ukraine. J’ai rejoint le Vice-Secrétaire général à Kiev le 9 mars, suite à une demande urgente du Secrétaire général et de la Haut-Commissaire aux droits de l’homme. J’avais pour mandat de procéder à une première évaluation de la situation des droits de l’homme, d’insister sur l’importance cruciale de respecter les droits de l’homme dans le cadre des efforts visant à la désescalade des tensions et de faire des recommandations sur la voie à suivre.
Je me suis entretenu avec des personnes représentant toutes les catégories culturelles, ethniques, linguistiques et politiques à Kiev, à Kharkiv et à Lviv, y compris de hauts responsables du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif, le Médiateur, des organisations de la société civile représentant les diverses communautés, notamment des victimes de violations des droits de l’homme, ainsi que des membres des organisations régionales et du corps diplomatique. Mon équipe a également recueilli de nombreux documents.
Je n’ai pas pu me rendre en Crimée, car les autorités de la région avaient initialement refusé d’accueillir la mission ou d’assurer sa sécurité. Finalement, le dimanche, j’ai reçu une invitation de me rendre à Simféropol. J’espère qu’il sera possible d’effectuer bientôt une visite en Crimée, peut-être par le chef de la mission de surveillance des droits de l’homme des Nations Unies, M. Armen Harutyunyan. Je salue également la demande formulée le 19 mars par l’Expert indépendant sur les questions relatives aux minorités en vue d’effectuer une visite en Ukraine. J’espère que cette mission pourra avoir lieu dès que possible et contribuer à apaiser les tensions.
Des violations chroniques des droits de l’homme font partie des principales raisons qui sont à l’origine des bouleversements que connaît l’Ukraine ces derniers mois. Depuis de nombreuses années, la faiblesse de l’état de droit, le non-respect du principe de responsabilité et l’impunité qui en résulte suscitent des préoccupations. Le droit à un procès équitable, l’accès à la justice sur un pied d’égalité, des cas de torture et de mauvais traitements et de mauvaises conditions de détention sont tous des sujets de préoccupation de longue date. Il faut également remédier au manque d’indépendance du pouvoir judiciaire et procéder à une réforme du secteur de la sécurité et du Bureau du Procureur de toute urgence. La corruption est un problème transversal qui porte atteinte à l’état de droit, ainsi qu’à l’égalité d’accès aux services publics, et doit également être résolu sans tarder.
Toutes les réformes et nouvelles mesures politiques doivent être adoptées sans aucun esprit de revanche et de façon consultative, transparente et ouverte. Il est absolument primordial de veiller à ne pas répondre aux violations des droits de l’homme par d’autres violations. Pour ce qui est des mesures législatives en cours relatives à la lustration, elles doivent pleinement respecter les droits de l’homme et la primauté du droit, notamment le droit des individus de demander un réexamen et de faire appel.
J’en viens maintenant aux violations commises dans le cadre des manifestations. En relation avec les récentes manifestations à Kiev et ailleurs, je suis profondément préoccupé par les allégations faisant été de graves violations des droits de l’homme, notamment l’emploi excessif de la force, les exécutions extrajudiciaires, les actes de torture, les disparitions et les arrestations et mises en détention arbitraires. Les agissements de tireurs isolés sur la place Maïdan nous inquiètent particulièrement et doivent faire l’objet d’une enquête approfondie. Plus de 100 personnes, essentiellement des manifestants mais aussi des membres des forces de l’ordre, ont perdu la vie et de nombreuses autres ont été blessées lors de ces manifestations. Je me suis rendu au chevet de plusieurs blessés. J’ai également parlé aux médecins qui ont soigné les blessés dans des hôpitaux de fortune, y compris l’actuel Ministre de la santé, M. Oleh Musiy, et Mme Olga Bogomolets. Tous m’ont confirmé que les tireurs embusqués avaient visé les manifestants comme s’il s’agissait d’une exécution, visant la tête et la poitrine. Les auteurs de ces violations et d’autres violations des droits de l’homme doivent être rapidement conduits devant la justice, quels que soient leur origine, leur statut et leur appartenance politique, et ce, à l’issue d’une enquête indépendante, impartiale et approfondie.
Pour ce qui est à présent des violations en cours et de la manière de les combattre, j’ai exhorté tous les représentants des autorités que j’ai rencontrés à faire en sorte de gouverner dans un esprit d’ouverture et, tout en respectant la liberté d’expression, à combattre les appels à la haine. L’Ukraine est un pays pluriethnique, multilingue et multiculturel. Le discours et les politiques nationalistes sont contreproductifs et ne feront que creuser les lignes de fracture au sein de la société. Toutes les opinions doivent pouvoir s’exprimer librement dans une démocratie, tant que le discours n’incite pas à la haine ou à la violence contre autrui. Toute tentative d’attiser la violence et la haine doit être prévenue, voire stoppée en cas de passage à l’acte, avant que la situation ne débouche sur de nouvelles violences. Toutes les autorités ont l’obligation de garantir la même protection pour tous, en particulier les groupes minoritaires.
Le rejet précipité de la loi sur les langues par le Parlement était une erreur. La décision du Parlement n’a fort heureusement pas été entérinée par le Président par intérim, aussi l’ancienne loi va-t-elle demeurer en vigueur en attendant qu’un nouveau texte soit préparé. Ce processus devra se faire en parfaite consultation avec toutes les parties concernées et être pleinement participatif, transparent et ouvert.
Durant ma visite, j’ai rencontré un vaste éventail de représentants de la société civile, y compris des représentants des Ukrainiens de souche russe. Il semble y avoir plusieurs cas où des membres de la minorité russe ont été harcelés voire agressés, à l’image par exemple d’un membre du Parlement qui a été attaqué. Toutes les allégations de violations des droits de l’homme, en particulier contre des minorités, doivent donner lieu à une enquête approfondie. Toutefois, ces violations ne sont a priori ni généralisées ni systématiques.
Je suis gravement préoccupé par la question de la protection des droits de l’homme en Crimée, où la situation reste tendue. J’ai rencontré des personnes ayant été victimes d’arrestations et de détentions arbitraires, d’actes de torture, de sévices et autres violations des droits de l’homme. J’ai parlé aux représentants des déplacés d’origine tatare à Lviv, au Président du Mejlis (gouvernement) des Tatars de Crimée, M. Refat Chubarov, et au Président de la Fondation pour la recherche et l’appui des peuples autochtones du front de Crimée, M. Nadir Bekirov. Je suis très inquiet pour les droits de l’homme de ceux qui s’opposent aux récents événements politiques en Crimée. Selon certaines informations, le cadavre d’un militant tatar de Crimée qui avait disparu après avoir participé à une manifestation le 3 mars aurait été retrouvé, le 16 mars, dans une forêt près de la ville de Belogorsk. Des sources dignes de foi indiquent que son corps portait des marques suggérant qu’il a été sauvagement battu.
Outre les récentes échauffourées entre divers groupes politiques ukrainiens et russes, auxquelles auraient participé des groupes venus de l’extérieur de la région et qui ont fait plusieurs morts et blessés, la propagation des rumeurs, notamment dans les médias, surtout dans l’est de l’Ukraine, ajoute au sentiment d’insécurité dans la population. Je crois comprendre que ce climat est en partie lié aux rumeurs et conjectures autour de la volonté des nouvelles autorités de Kiev de garantir les politiques de décentralisation, un gouvernement d’ouverture et la protection et l’usage de la langue russe.
Il faut d’urgence que des observateurs indépendants puissent se rendre sur place pour évaluer objectivement et signaler les violations des droits de l’homme, suivre les répercussions des événements récents et surveiller la situation actuelle des droits de l’homme dans tout le pays. Un travail indépendant et objectif d’établissement des faits et circonstances entourant les violations des droits de l’homme présumées peut contribuer aux efforts d’enquête, empêcher de nouvelles violations d’être commises et lutter contre la diffusion de fausses informations.
Le Ministre ukrainien des affaires étrangères par intérim nous a demandé d’envoyer des observateurs des droits de l’homme et nous nous sommes immédiatement attelés à leur déploiement. Cette équipe sera composée de 9 observateurs internationaux et d’environ 25 agents locaux. Le chef de cette mission de surveillance des droits de l’homme est arrivé sur place la semaine dernière et le reste de l’équipe le rejoindra progressivement. D’ici à vendredi, des observateurs seront en place à Kharkov et Donetsk.
Pour le déploiement de cette mission, nous allons travailler en lien très étroit avec l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), qui projette elle aussi d’envoyer une mission d’observation, de plus grande taille toutefois. Le Vice-Secrétaire général et moi-même sommes en contact permanent avec les dirigeants de l’OSCE à cet égard, et la même coopération s’appliquera sur le terrain.
L’ONU est disposée à prêter son concours pour faire en sorte que les droits de l’homme soient respectés et protégés en Ukraine, et ce, avec l’appui d’organisations internationales et régionales telles que l’OSCE, le Conseil de l’Europe et d’autres. En plus de la surveillance des droits de l’homme, l’ONU peut fournir une assistance technique concernant les réformes législatives et autres qui s’imposent pour garantir que les recommandations que les mécanismes des Nations Unies chargés des droits de l’homme ont transmises à l’Ukraine soient pleinement mises en œuvre, afin qu’elles puissent contribuer efficacement aux efforts de paix et de développement.
La Présidente : Je remercie M. Šimonović de son exposé.
Je donne maintenant la parole au représentant de l’Ukraine.
M. Sergeyev (Ukraine) (parle en anglais) : Je remercie le Conseil d’avoir convoqué la présente séance et de m’y avoir convié.
Je commencerai par remercier tous les membres du Conseil qui ont présenté aujourd’hui, par le truchement de ma délégation, leurs condoléances à la famille du soldat ukrainien tué hier d’une balle dans la nuque après qu’un groupe d’hommes armés a fait irruption dans une base militaire ukrainienne située à Simféropol, au nord- est de la Crimée. Le Ministre ukrainien des affaires étrangères a protesté hier contre tous les actes de provocation hostiles de la part des forces armées russes, qui ont finalement entraîné la mort d’un de nos soldats.
Aujourd’hui, on a pu constater que la situation est en train de changer de manière radicale en Crimée, mais malheureusement ces changements ne vont pas dans le sens d’une amélioration. Comme nous l’avions prévu dans nos précédentes déclarations, le référendum illégitime sur la question de l’annexion du territoire de la Crimée à la Fédération de Russie a été mené de manière expéditive le 16 mars. Tout de suite après ce référendum, le 18 mars, le Président de la Fédération de Russie a signé, dans un geste de provocation, l’accord sur le rattachement à la Fédération de Russie, censé être ratifié par le Parlement de la Fédération de Russie le 21 mars.
Nous considérons tous ces actes illégitimes et nous demandons à l’ensemble du monde civilisé de ne pas reconnaître la légitimité de l’indépendance autoproclamée de la Crimée et le démembrement violent du territoire de notre pays.
Je tiens à remercier le Vice-Secrétaire général et le Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme de leurs importants exposés sur la situation des droits de l’homme en Ukraine. Tout ce que je veux dire, c’est que les seules violations des droits de l’homme sont commises sur la péninsule de Crimée, qui est sous le contrôle total des autorités illégitimes de la Crimée.
Premièrement, nous avons de sérieuses réserves quant à la volonté librement exprimée de la population de cette région de l’Ukraine, car depuis le 26 février, les forces armées de la Fédération de Russie occupent de facto la Crimée. Qu’il me soit permis de présenter au Conseil les cas de violations des droits de l’homme qui se sont produits depuis le référendum illégal.
Des bulletins de vote ont été distribués à des électeurs qui n’étaient pas inscrits dans les bureaux de vote, ainsi qu’à des ressortissants d’autres pays. Des citoyens russes possédant un permis de séjour à Simféropol ont réussi à obtenir un bulletin de vote, en fait, à voter. Même ceux qui ne se sont pas rendus dans les bureaux de vote ont reçu la visite d’équipes électorales mobiles escortées par la police, les forçant ainsi à voter. Les journalistes ont été interdits en dépit de la validité de leurs cartes de presse.
D’autres listes d’électeurs comprenaient un grand nombre de citoyens qui n’étaient pas habilités à voter. Contrairement aux dispositions électorales en vigueur, les bulletins de vote étaient remis immédiatement après qu’une demande d’inscription à une liste supplémentaire avait été soumise, sans que les membres de la Commission aient pu voter.
Même les résultats du référendum illégal sont douteux, car les Tatars de Crimée – environ 300 000 personnes – avaient décidé de le boycotter. Les Ukrainiens de souche – 500000 personnes environ – et les minorités nationales de Crimée n’ont pas non plus pris part au vote. Les bulletins du référendum présentaient deux options qui, ni l’une ni l’autre, ne prévoyaient de maintenir le statut actuel de la République autonome de Crimée ; ils mentionnaient seulement le rattachement à la Fédération de Russie.
Les observateurs étrangers invités à surveiller le référendum ont émis des doutes quant à son impartialité.
Encore une fois, je tiens à rappeler la nature illégale du référendum. Même si l’on ne tient pas compte des lois ou de la juridiction territoriale de l’Ukraine, à laquelle la République autonome de Crimée est soumise, les autorités autoproclamées de Crimée ont tenu, le 16 mars, un référendum qui enfreignait non seulement la législation en vigueur de l’Ukraine, mais également les règles fondamentales du droit international consacré par la Charte des Nations Unies, le Statut du Conseil de l’Europe et d’autres documents, dont l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et la Déclaration d’Alma-Ata de 1991 sur la Communauté d’États indépendants.
Une abondance de preuves, dont des photos et des vidéos, des témoignages oculaires, y compris de ressortissants étrangers, prouvent que les conditions dans lesquelles s’est déroulé le référendum n’étaient pas conformes aux normes démocratiques de l’OSCE et du Conseil de l’Europe. La déclaration d’indépendance de la République de Crimée est la conséquence directe de l’emploi ou de la menace de l’emploi de la force de la Fédération de Russie contre l’Ukraine. Au vu du statut de puissance nucléaire de la Russie, la situation est particulièrement grave pour l’indépendance et l’intégrité territoriale de l’Ukraine et pour la paix et la sécurité internationales en général.
En conséquence, j’affirme que, sur la base du droit coutumier et du droit international, la communauté internationale est dans l’obligation de ne pas reconnaître la Crimée en tant que sujet du droit international, ou de quelque situation que ce soit qui découlerait d’un traité ou d’un accord signé par ce territoire.
Mon pays proteste avec force contre la reconnaissance par la Fédération de Russie de cette république autoproclamée, contraire au droit international. Les actions de la Russie sont contraires aux obligations internationales que lui imposent ses accords multilatéraux et bilatéraux garantissant l’intégrité territoriale de l’Ukraine, l’intégrité et l’inviolabilité des frontières et la non-ingérence dans les affaires internes d’autres États.
L’indépendance de cette formation a été déclarée par une autorité illégitime sur la base des résultats d’un référendum anticonstitutionnel tenu en violation flagrante des normes démocratiques. La reconnaissance par la Russie de la République autoproclamée de Crimée vise un seul objectif : créer des raisons pseudo-légitimes pour annexer ce territoire de l’Ukraine et l’intégrer à la Fédération de Russie.
Nous sommes très inquiets pour la sécurité des Ukrainiens de souche, des Tatars ukrainiens, des Karaïtes et autres groupes ethniques de Crimée qui n’ont pas appuyé ce « référendum ». Leurs vies sont en grand danger.
Je voudrais enfin me faire l’écho de mes collègues du Conseil. L’Ukraine et le monde civilisé tout entier ne reconnaîtront jamais l’indépendance déclarée de manière illégitime de la Crimée et son rattachement à la Fédération de Russie.
La Présidente : Je donne maintenant la parole aux membres du Conseil de sécurité.
M. Araud (France) : Je remercie MM. Eliasson et Šimonović de leurs interventions ainsi que le Représentant permanent de l’Ukraine.
Samedi dernier, la communauté internationale a envoyé par la voix de ce Conseil un message unanime à la Russie : le référendum dont elle est l’instigatrice en Crimée est illégal et ne peut avoir de conséquence au regard du droit international. Le veto de la Russie n’y a rien fait, bien au contraire. L’illégalité du détachement de la Crimée, préparée de longue date, n’en a été que plus patente.
Hier, la Crimée a été annexée par la Russie, quel qu’en soit l’habillage qui ne trompe personne, annexée avec drapeaux, tambours et trompettes au milieu d’un déferlement de nationalisme agressif dont on ne sait pas jusqu’où il ira une fois qu’on l’a éveillé, dont il n’y a jamais rien de bon à attendre et qu’on utilise pour dissimuler ou justifier les atteintes aux libertés publiques. D’ailleurs, peu d’efforts ont été déployés pour maquiller le coup de force : un référendum organisé dans la précipitation, des soldats russes partout, des questions qui ne laissaient rien au hasard, un contrôle des moyens d’information à la limite de la caricature, des observateurs internationaux recrutés dans les partis d’extrême droite européens – s’il y a des fascistes dans cette histoire, ils ne sont pas où on le répète – et enfin, des chiffres si excessifs qu’ils en perdent toute signification. Comment voulez-vous qu’il y ait eu plus de 86% de votants alors que des communautés, notamment tatares et ukrainiennes, représentant près de 40 % de la population, avaient appelé au boycott.
Les Nations Unies ont été créées pour qu’on n’assiste plus à ce genre de spectacle qui déshonore ceux qui l’organisent et qui salit l’ensemble de la communauté internationale. La règle de droit doit régir les relations entre les États. L’acquisition de territoires résultant de l’usage de la force, ou même de la simple menace, ne saurait être reconnue. Ce principe auquel la Russie a souscrit en son temps, c’est notre code, c’est l’ADN de notre organisation.
Comme je le disais samedi, en s’opposant au projet de résolution, c’est à la Charte des Nations Unies que la Russie a opposé son veto.
Nous venons d’entendre de la part de M. Šimonović que rien en Ukraine ne justifiait que l’on parle « d’atteintes graves aux droits de l’Homme », ou « de minorités placées dans une situation critique ». S’il y avait des atteintes graves aux droits de l’homme, c’était à l’époque de Yanukovych.
Au moins sommes-nous rassurés sur la situation dans l’ensemble du pays. Les autorités de Kiev s’appliquent à tendre la main à toutes les composantes de la société ukrainienne. Rien ne saurait justifier plus longtemps que l’on parle d’un gouvernement irresponsable dont les agissements susciteraient l’inquiétude des populations.
La protection des populations russes ou russophones en Ukraine, argument invoqué par Moscou pour justifier son intervention en Ukraine, ne correspond donc ni à la réalité de la situation, ni à une justification légale pour l’occupation militaire d’une partie du territoire d’un État souverain, et encore moins pour tirer prétexte à l’extension de ses propres frontières.
Nous rappelons avec constance que les minorités en Ukraine, tant religieuses que linguistiques, doivent être protégées, ce qui échoit en premier lieu aux autorités du Gouvernement de transition. C’est d’ailleurs ce qu’elles font.
La situation à Kiev, à Lvov, à Donetsk ou à Kharkiv n’est pas ce qui doit occuper le Conseil. C’est à Sébastopol, c’est à Simféropol que le droit est bafoué, que des hommes de main terrorisent ceux qui ne veulent pas céder à la force, que des soldats ukrainiens se font tuer simplement parce qu’ils refusent de se rendre.
Face à une Russie qui n’entend pas l’inquiétude de l’ensemble de la communauté internationale, qui n’a même pas répondu aux propositions de bon sens que nous présentions pour régler pacifiquement la crise, nous sommes contraints de réagir, ne serait-ce que pour lui faire comprendre que jamais nous n’accepterons le fait accompli qu’elle vient d’imposer sur le terrain. Mais nous devons aussi nous tourner vers l’avenir, avec un double appel à la Russie.
L’un doit lui dire de s’arrêter là. Des agents provocateurs sont déjà à l’œuvre dans l’est de l’Ukraine. Qu’ils ne jouent pas le même jeu qu’en Crimée. Que la Russie cesse ses manœuvres transparentes. Elle a déjà réussi à s’aliéner durablement l’Ukraine et les pays européens ; aller plus loin serait grave. Le deuxième appel porte sur la nécessité pour Moscou d’ouvrir un canal de négociation direct avec Kiev. Que la Russie ne se trompe pas. Nul ne se substituera à l’Ukraine, comme elle semble l’espérer. Nul ne décidera de l’avenir de l’Ukraine si ce n’est l’Ukraine elle-même.
Déjà nous comptons les premiers morts de cette sinistre aventure. Hier, le Premier Ministre ukrainien a annoncé que le conflit avec la Russie passait désormais d’une phase politique à une phase militaire. Nous continuons d’appeler la Russie à la raison. Qu’elle écoute la voix de la communauté internationale. Qu’elle n’entraîne par la communauté internationale dans une spirale qui échapperait tôt ou tard à tout contrôle. Enfin, qu’elle imite la retenue des Ukrainiens.
M. Sarki (Nigéria) (parle en anglais) : Ma délégation remercie le Vice-Secrétaire général, M. Eliasson, et le Sous-Secrétaire général, M. Šimonović, de nous avoir fait le point des événements récents survenus en Ukraine. Pour commencer, nous réitérons l’observation du Vice-Secrétaire général, à savoir que la voie du règlement de la crise ukrainienne par le dialogue reste ouverte, et non close. Nous espérons que toutes les parties impliquées et concernées saisiront cette occasion.
C’est la huitième fois en trois semaines que le Conseil de sécurité se réunit pour se pencher sur la situation en Ukraine. Cela montre que le Conseil prend cette question très au sérieux et qu’il est déterminé à régler les questions relatives à la paix et à la sécurité internationales. Le Nigéria n’a de cesse de souligner l’importance du dialogue, en particulier entre les parties directement concernées, et de la médiation par le reste de la communauté internationale pour veiller à ce que la situation en Ukraine soit réglée par des moyens pacifiques.
Nous réitérons notre avertissement : le monde est en proie à un trop grand nombre de problèmes en matière de paix et de sécurité internationales pour en ajouter un de plus à ceux qui existent déjà. Tous les moyens pacifiques, notamment la médiation, l’arbitrage et le dialogue, doivent être explorés et utilisés jusqu’au bout par les parties concernées. Toute nouvelle escalade de la situation provoquée par des discours blessants aurait inévitablement de graves conséquences, notamment l’affrontement militaire, que le monde ne peut guère se permettre, en particulier lorsque des États dotés d’armes nucléaires sont concernés. Le monde ne souhaiterait donc pas que la situation continue de se détériorer car cela pourrait avoir de graves conséquences, non seulement pour l’Ukraine, mais également pour l’ensemble de la région et au-delà. Le rapport du Vice-Secrétaire général a clair sur ce point.
Pour ce qui est de la situation des droits de l’homme en Ukraine, nous nous félicitons du déploiement par le Sous-Secrétaire général, M. Šimonović, d’une équipe de surveillance des Nations Unies dans le pays afin d’établir la vérité sur les allégations de violations des droits de l’homme. Le Nigéria exhorte une fois de plus toutes les parties à choisir le dialogue et la négociation et à s’efforcer de régler la crise par des moyens pacifiques. Nous appelons toutes les parties concernées à respecter la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de l’Ukraine, conformément aux principes énoncés dans la Charte des Nations Unies.
M. Churkin (Fédération de Russie) (parle en russe) : Hier, un événement véritablement historique a eu lieu – la réunification de la Russie et de la Crimée, que nos peuples attendaient depuis 60 ans. Dans le strict respect du droit international et de la procédure démocratique, sans ingérence étrangère et sur la base d’un référendum libre, le peuple criméen a exercé un droit consacré par la Charte des Nations Unies et un grand nombre de documents juridiques internationaux fondamentaux – son droit à l’autodétermination. Il s’est tourné vers la Russie pour lui demander d’accueillir la Crimée au sein de la Fédération de Russie. La Russie, en tant qu’État souverain, a accédé à la demande du peuple criméen. À cette fin, un traité a été signé par la Fédération de Russie et la République de Crimée en ce qui concerne l’intégration de la République de Crimée et de la ville de Sébastopol à la Fédération de Russie et la création à l’intérieur de la Fédération de Russie de deux nouvelles unités territoriales.
Les résultats du référendum sont très clairs. Plus de 82 % des électeurs ont voté, et plus de 96 % des votants ont choisi la réunification avec la Russie. Ces chiffres représentent la libre expression de la volonté du peuple criméen.
Je vais maintenant m’écarter brièvement de mon texte. J’ai été stupéfait par la manière dont le Représentant permanent de l’Ukraine a tenté de discréditer le référendum en utilisant les arguments de la propagande occidentale – à savoir que ceux qui ne voulaient pas voter ont reçu une visite de la police. Certains de mes collègues occidentaux ne le savent probablement pas, mais mes collègues ukrainiens savent très bien que c’est une tradition électorale ancienne et éprouvée. Si une personne ne peut pas voter parce qu’elle est trop malade pour se rendre aux urnes, des membres de la commission électorale se rendent chez elle pour lui permettre de voter.
Je reviens à mon sujet. Je ne vais pas m’attarder sur l’histoire de cette question dans le détail. Le Président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, l’a expliqué hier dans une intervention télévisée dont je suppose que toutes les personnes présentes ont pris connaissance. Je me contenterai de mettre l’accent sur quelques aspects. Aujourd’hui, sur les 2,2 millions d’habitants de la péninsule criméenne, près d’1,5 million sont russes ; 350000 sont ukrainiens, dont la plupart considèrent le russe comme leur langue maternelle ; et 290 000 à 300 000 sont des Tatars de Crimée, dont une grande partie, comme l’a montré le référendum, s’orientent également vers la Russie, indépendamment des appels au boycott qui aient pu être lancés par ailleurs avant le référendum.
Une injustice historique a été réparée. Elle était le fruit des actes arbitraires du chef de l’Union des Républiques socialistes soviétiques de l’époque, Nikita Krouchtchev, qui, d’un coup de stylo en 1954, en violation des normes constitutionnelles, a transféré la région russe de la Crimée et la ville de Sébastopol à la République socialiste soviétique ukrainienne, qui faisait alors partie du même État. Il l’a fait sans en informer la population de la Crimée et sans son consentement. Par la suite, nul n’a prêté la moindre attention aux vues des Criméens au moment de la désintégration de l’Union des Républiques socialistes soviétiques. Au fil des ans, de nombreux citoyens et personnages publics criméens ont soulevé cette question à maintes reprises, affirmant que la Crimée était une terre intrinsèquement russe et que Sébastopol était une ville russe. Ce n’est que maintenant que la volonté et le libre choix des Criméens se sont réalisés.
Bien sûr, nous avons pris note de la réaction d’un certain nombre de nos partenaires occidentaux, qui ne parviennent tout simplement pas à se débarrasser de leurs habitudes coloniales impérialistes, puisqu’ils tentent d’imposer leur loi à d’autres peuples et à d’autres pays. Ils sont maintenant nerveux parce que leur pari géopolitique imprudent en Ukraine a donné des résultats inattendus. Le peuple criméen s’est exprimé et a fait son choix, tout comme le peuple russe, et ces choix doivent être acceptés et respectés par tous.
J’en viens maintenant à la situation alarmante en Ukraine et à l’assistance internationale qui lui est fournie pour l’aider à surmonter cette grave crise interne. Les soi-disant amis de l’Ukraine doivent comprendre une fois pour toutes que la crise dans ce pays n’a rien à voir avec la Russie, mais découle plutôt des comportements irresponsables des forces politiques ukrainiennes et de leurs mentors étrangers. La tentative de pousser l’Ukraine, comme d’autres États ciblés du Partenariat oriental, à faire un choix artificiel entre l’Union européenne et la Russie, est en grande partie responsable de la profonde crise politique interne qui a provoqué des changements anticonstitutionnels à Kiev.
Cependant, il semble que les capitales occidentales continuent de n’éprouver aucune honte à miser sur des personnes qui ne sont pas prêtes à écouter ou prendre en compte les vues de l’ensemble de la population ukrainienne et qui sont pleinement dominées par des organisations nationalistes ultra-radicales, le Secteur droite et le Parti de la liberté, qui est, selon le Parlement européen, antirusse, antisémite et xénophobe. Pourtant, c’est avec eux que l’Union européenne envisage de signer dans les prochains jours le volet politique d’un accord d’association.
À cet égard, nous sommes surpris par l’évaluation engagée, légère et non objective que M. Šimonović a faite de la situation des droits de l’homme en Ukraine. Nous sommes particulièrement étonnés par la façon dont M. Šimonović interprète l’incident relatif aux tireurs isolés de Maïdan. Il n’a pas dit un mot sur les éléments de preuve démontrant que ceux qui ont tiré sur les manifestants étaient les mêmes qui ont tiré sur les forces de l’ordre pour provoquer la prise du pouvoir.
On ne peut prétendre affirmer qu’en Ukraine, il n’y aurait pas d’assassinats motivés par des réseaux politiques, des représailles massives ou des cas de torture. On ne peut feindre d’ignorer que des personnes sont enlevées, que des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme sont attaqués et que des personnes sont emprisonnées pour des raisons politiques. On ne peut feindre d’ignorer que les nationalistes radicaux, comme les Taliban en Afghanistan, détruisent et profanent des monuments historiques, et que des incidents effrayants à coloration raciste, y compris antirusses et antisémites, se sont produits sur ordre de ceux qui ont pris le pouvoir à Kiev ou avec leur consentement tacite. On en est au point que les extrémistes de Kiev décernent des médailles pour tuer des journalistes, que les autorités autoproclamées interdisent les chaînes de télévision étrangères, empêchent massivement l’entrée de correspondants étrangers et tentent de brouiller les transmissions par satellite.
Un incident criant a eu lieu hier. Une vingtaine de parlementaires et militants du Parti de la liberté sont entrés de force dans le bureau du directeur général de la première chaîne de télévision nationale et, devant les caméras, l’ont enlevé pour le contraindre à démissionner. Qui mène donc le bal à Kiev ? Des slogans néonazis sont diffusés, des bourreaux nazis glorifiés et des adeptes de Bandera appellent aux représailles contre la population russe d’Ukraine et les Russes en général, des agissements qui montrent tous les signes d’un nettoyage ethnique, et au renversement par les armes des autorités légales. Tout cela doit être condamné de manière claire et sans ambiguïté par tous ceux qui prétendent à l’objectivité. Au lieu de cela, on parle de préoccupations concernant la situation des droits de l’homme, qui serait inquiétante, en Crimée, où, grâce aux efforts de la population et des forces d’autodéfense, l’ordre et la primauté du droit sont maintenus, où les autorités de Crimée garantissent les droits de toutes les minorités, sans exception.
À cet égard, nous tenons à appeler en particulier l’attention du Conseil sur le fait que, conformément au traité conclu entre la Fédération de Russie et la République de Crimée concernant l’entrée de la Crimée dans la Fédération de Russie, il y aura trois langues officielles égales en droits : l’ukrainien, le russe et le tatare. Les habitants de Crimée, avec l’appui de l’ensemble du peuple russe, feront tout leur possible pour préserver la paix et le calme en Crimée. Aucun acte de provocation ne les en empêchera, pas même des incidents tel que celui survenu il y a quelques jours à Simféropol, où, de la même manière que cela s’est produit à Maidan, des tirs isolés ont retenti d’un immeuble en construction situé en face d’un poste militaire ukrainien. Deux personnes ont été tuées – un combattant désarmé des forces d’autodéfense de Crimée et un militaire ukrainien. Quant à la prétendue attaque des forces russes mentionnée par certains représentants permanents, elle n’a tout simplement pas eu lieu. Il s’agissait clairement d’un acte de provocation planifié qui a été immédiatement exploité par M. Yatsenyuk et M. Turchynov pour inciter les forces armées ukrainiennes en Ukraine à se servir de leurs armes – contre qui ? Contre leurs compatriotes.
La Russie est prête à travailler en coopération étroite avec tous les partenaires internationaux qui souhaitent sincèrement une normalisation de la situation en Ukraine, basée sur un vaste dialogue entre Ukrainiens, avec la participation de toutes les forces politiques responsables et de toutes les régions. La mise en place d’un mécanisme multilatéral pour trouver une solution à la crise ukrainienne pourrait être facilitée par notre proposition, transmise à nos partenaires, relative à la création d’un groupe d’appui pour l’Ukraine. Nous espérons une réponse favorable à notre initiative constructive.
Nous avons toujours pour objectif de discuter des propositions visant à appliquer l’accord du 21 février dans le but de rétablir l’ordre, de lancer une réforme globale de la Constitution en Ukraine et de mettre fin aux actes de provocation des forces ultranationalistes et radicales ciblant la population russophone et nos compatriotes dans le sud-est et d’autres parties de l’Ukraine. À cet effet, on peut avoir recours aux observateurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et du Conseil de l’Europe, pour autant qu’ils s’acquittent de leur mandat de manière impartiale et qu’il y ait un accord précis sur le lieu et les modalités de leur déploiement dans les différentes régions de l’Ukraine.
Mme Power (États-Unis d’Amérique) ( parle en anglais) : Je remercie le Vice-Secrétaire général, M. Eliasson, et le Sous-Secrétaire général, M. Šimonović, pour leurs exposés.
Le représentant de la Fédération de Russie a commencé sa déclaration en louant le prétendu référendum, qui incarnerait des procédures démocratiques et se serait déroulé sans ingérence extérieure. La Russie est connue pour la grandeur de sa littérature, et ce que le Conseil vient d’entendre de la bouche de l’Ambassadeur russe révèle plus d’imagination que Tolstoï ou Tchekhov. La Russie a semble-t-il décidé de réécrire ses frontières, mais elle ne peut réécrire les faits.
Les États-Unis dénoncent l’intervention militaire russe et sa mainmise sur des territoires en Crimée. Ces actes, nous le répétons, violent la souveraineté et l’intégrité de l’Ukraine, les propres accords contraignants de la Russie, le droit international, la volonté exprimée par la plupart des membres du Conseil et la lettre et l’esprit de la Charte des Nations Unies. Il y a deux jours, le Président Obama et d’autres dirigeants de la planète ont mis en place des sanctions suite au mépris flagrant affiché par la Russie à l’égard de l’opinion mondiale et des droits de l’Ukraine reconnus par la loi. Nous sommes prêts à prendre d’autres mesures si l’agression russe ou les actes de provocation russes continuent.
Dans cette salle, au début de la crise, la Fédération de Russie a décrit son intervention en Crimée comme une mission de protection des droits de l’homme. Ses représentants ont affirmé que le récent changement de gouvernement en Ukraine posait un tel danger pour les Russes de souche qu’une action militaire était justifiée. L’exposé du Sous-Secrétaire général, M. Šimonović, montre une nouvelle fois que, dans cette crise, il n’a jamais été question de protéger les droits des Russes de souche. Il s’est toujours agi de l’ambition d’un pays de redessiner ses frontières.
De fait, s’il y a jamais eu un moment où il aurait fallu se préoccuper de la situation des droits de l’homme en Crimée, c’est maintenant. Des informations crédibles indiquent que des cas de harcèlement par des alliés russes ont directement visé des Ukrainiens et des Tatars de souche. La communauté tatare, qui représente 12 % de la population craint à juste titre d’être une fois encore victime de déportation ou de discrimination. Le premier Vice-Premier Ministre de Crimée a récemment annoncé que les Tatars de Crimée seront expulsés de certaines de leurs terres, indispensables, selon ses affirmations, à des « projets d’infrastructure ». Le corps de Reshat Ahmletov, Tatar de Crimée, a été découvert dimanche. M. Ahmletov aurait été vu pour la dernière fois le 3 mars lors d’une manifestation à Simféropol. Son corps porterait des traces de torture.
Des soldats russes prendraient d’assaut des immeubles d’habitation abritant des soldats, des gardes- frontières, d’anciens combattants ukrainiens et leurs familles, les menaçant et exigeant leur départ immédiat. Nous sommes en outre très préoccupés au sujet des militants, des responsables de la société civile, des restrictions imposées aux médias et aux journalistes en Crimée. Les États-Unis sont donc favorables au déploiement rapide d’observateurs internationaux partout en Ukraine. Nous pensons que le fait que le Gouvernement ukrainien se soit félicité à plusieurs reprises de leur déploiement et que la Fédération de Russie ne l’ait pas fait est instructif.
Une nouvelle fois, aujourd’hui à Vienne, la Russie était le seul pays à faire obstacle à une mission d’observation de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. À Vienne, la Russie était très clairement en infériorité numérique. Elle était la seule voix dissidente sur 57 pays. Il semble que 56 pays aient une opinion différente. Les responsables russes disent comprendre le caractère d’urgence, mais ils votent avec leurs bottes, s’appuyant sur leur force militaire et refusant d’autoriser le déploiement de ceux qui pourraient contribuer à apaiser la crise et à prévenir de nouvelles violences. Après avoir entendu mon collègue russe s’en prendre il y a quelques minutes à l’exposé du Sous-Secrétaire général, je perçois la logique de l’obstruction russe. Des informations objectives ne conviennent pas au récit russe. Nous appelons toutes les parties à appuyer ces missions d’observations, y compris l’accès des observateurs à la Crimée.
Nous tenons à remercier le Conseil d’avoir adopté une position ferme concernant l’intervention de la Russie en Ukraine et à faire clairement savoir que la Russie est seule dans sa tentative vaine, illogique et mensongère de justifier des actes qui ne sauraient être justifiés. Il y a cinq jours, quand le Conseil a décrit avec justesse le référendum séparatiste en Crimée comme étant sans effet, une seule main s’est levée pour s’opposer. Quand le Conseil a déclaré que ce référendum ne saurait constituer la base d’une quelconque modification du statut de la Crimée, une seule main s’est levée pour s’opposer. Aujourd’hui, le référendum a eu lieu, mais le statut juridique national et international de la Crimée demeure inchangé. Un voleur veut dérober un bien, mais cela ne lui confère aucun droit de propriété.
En conclusion, je voudrais simplement insister une nouvelle fois sur le fait que ce qu’a fait la Russie est indéfendable du point de vue du droit, indéfendable du point de vue de l’histoire et indéfendable du point de vue politique, en plus d’être dangereux. Ce qui s’est passé en Crimée ne peut être reconnu légitime. Nous devons tous nous montrer unis pour refuser toute reconnaissance et faire en sorte que cet acte illégal ne reste pas sans conséquences. Ce faisant, nous devons également affirmer très clairement que ce qui s’est passé en Crimée ne saurait se répéter dans d’autres parties de l’Ukraine.
M. Errázuriz (Chili) (parle en espagnol) : Je remercie le Vice-Secrétaire général Eliasson, le Représentant permanent de l’Ukraine et le Sous- Secrétaire général Šimonović de leurs déclarations.
Le Conseil de sécurité se réunit à un moment très délicat. Le 16 mars a été organisé en Crimée un référendum jugé inconstitutionnel et qui constitue une atteinte à l’intégrité territoriale de l’Ukraine, un État souverain Membre de l’Organisation des Nations Unies. Les circonstances singulières dans lesquelles s’est déroulé ce vote ont suscité l’inquiétude de la communauté internationale, qui conteste sa légitimité. La tenue du référendum a indéniablement contribué à détériorer la situation. Le Chili réaffirme la nécessité de rétablir l’état de droit et de respecter la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de l’Ukraine, conformément à la Charte des Nations Unies et au droit international.
La mort d’un soldat ukrainien au cours de l’attaque d’une caserne en Crimée et l’aggravation des tensions dans la partie orientale de l’Ukraine signalent qu’il faut impérativement stopper l’escalade de la crise. À cet égard, nous remercions le Vice-Secrétaire général, M. Eliasson, et le Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme, M. Šimonović, des exposés qu’ils nous ont présentés.
Le fait est que la situation continue de s’envenimer. Le Chili estime indispensable de donner davantage d’espace à une solution diplomatique. C’est pourquoi nous souscrivons aux efforts déployés par l’ONU, et en particulier par le Secrétaire général.
Le Chili regrette que M. Šimonović et les observateurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe n’aient pas été autorisés à entrer en Crimée. Nous lançons un appel à ce qu’il ne soit pas fait obstacle aux initiatives de l’ONU pour obtenir rapidement des informations vérifiées afin d’évaluer la situation des droits de l’homme. La situation des minorités ethniques en Crimée nous inquiète, en particulier celle des minorités tatares, qui ont commencé à partir vers d’autres régions de l’Ukraine. Les déplacés sont le signe le plus manifeste de l’aggravation de la crise.
Cette situation vient renforcer l’appel de la communauté internationale à la recherche d’une solution négociée.
Il est indispensable que le Conseil contribue à ce que les parties fassent preuve de la plus grande retenue et modération et, à cet égard, le Chili renouvelle son appel à toutes les parties pour qu’elles s’abstiennent de tout acte unilatéral qui pourrait envenimer davantage la crise. L’heure est à la participation, dans un esprit constructif, à un processus ouvert qui garantisse l’état de droit, les droits humains, les libertés fondamentales et le respect des droits de l’homme.
M. Oh Joon (République de Corée) (parle en anglais) : Nous remercions le Vice-Secrétaire général Eliasson et le Sous-Secrétaire général Šimonović de leurs exposés et du dévouement avec lequel ils mènent leurs efforts s’agissant de la situation en Ukraine.
La République de Corée est extrêmement préoccupée par les derniers événements dans ce pays. La République de Corée ne reconnaîtra pas le référendum en Crimée ni l’annexion de la Crimée par la Russie. Nous demandons à la Russie et aux autorités criméennes de s’abstenir de toute nouvelle décision hâtive. Nous les exhortons à entamer immédiatement des pourparlers constructifs avec le Gouvernement ukrainien et la communauté internationale, afin de trouver une solution politique pacifique.
Les répercussions qu’aurait toute altération des frontières sur l’ordre international en place doivent être pleinement prises en compte. Nous espérons qu’un espace subsiste pour une sortie de crise négociée. À cet égard, nous apprécions vivement les efforts de médiation de la communauté internationale actuellement en cours, notamment ceux du Secrétaire général. Nous espérons que le Secrétaire général Ban Ki-moon continuera de jouer un rôle constructif en ce sens.
Une fois de plus, nous réaffirmons notre appui énergique à la souveraineté, à l’intégrité territoriale et à l’indépendance de l’Ukraine. Tous les accords internationaux et bilatéraux pertinents, en particulier la Charte des Nations Unies et le Mémorandum de Budapest de 1994, doivent être pleinement respectés. Il est également tout à fait capital que les droits de toutes les personnes en Ukraine, notamment les minorités, soient protégés. L’avenir de l’Ukraine ne peut être envisagé et déterminé que sur la base des aspirations de tous les Ukrainiens, sans l’intervention ou l’influence de forces extérieures.
Mme Perceval (Argentine) (parle en espagnol) : Tout d’abord, je tiens à remercier le Vice-Secrétaire général, M. Jan Eliasson, et le Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme, M. Ivan Šimonović, de leur exposé respectif, et à saluer la participation du Représentant permanent de l’Ukraine à la présente séance du Conseil.
L’Argentine suit avec une grande préoccupation l’évolution de la situation en Ukraine. La délégation argentine réaffirme une nouvelle fois qu’il est fondamental de respecter strictement les principes auxquels nous avons tous souscrit en tant que Membres de l’Organisation des Nations Unies.
De l’avis de l’Argentine, il est absolument indispensable de respecter la primauté du principe d’intégrité territoriale, de souveraineté et d’indépendance politique de tous les États. C’est pourquoi, lors du vote sur le projet de résolution présenté le 15 mars dernier, j’ai rappelé qu’il s’agit d’un principe que mon pays a défendu tout au long de son histoire, avant même la création de l’ONU, et continuera de défendre inlassablement.
L’Argentine ne se prononce pas sur les événements internes en Ukraine qui ont mené à la crise institutionnelle actuelle parce que nous considérons que tous les pays doivent s’abstenir d’intervenir militairement, économiquement ou politiquement dans les affaires intérieures des autres États et que leurs actions doivent se conformer strictement au droit international et à la Charte des Nations Unies. Dans ce contexte, nous demandons instamment que les droits de l’homme et le droit international humanitaire soient rigoureusement respectés, de même que les droits de toutes les minorités, qu’elles soient ethniques, linguistiques, culturelles ou religieuses.
Les violences, passées et présentes, nous inquiètent, ainsi que le risque qu’elles s’aggravent. Nous regrettons qu’en dépit des appels répétés, le discours de la confrontation persiste en Ukraine. Nous devons tous nous abstenir d’encourager les dissensions et l’escalade des affrontements qui pourraient se transformer en une menace pour la paix et la sécurité internationales. Il revient tout particulièrement à ceux qui ont la plus grande influence de privilégier une diplomatie constructive.
Enfin, nous appuyons les efforts de médiation déployés actuellement par plusieurs responsables de l’ONU ainsi que la mission de bons offices du Secrétaire général. Nous considérons que la situation ne peut être réglée de manière unilatérale. C’est la raison pour laquelle nous insistons sur la nécessité d’éviter tout acte contribuant à compliquer encore la situation et à éloigner la possibilité d’une solution politique et pacifique de cette crise.
M. Gasana (Rwanda) (parle en anglais) : Je vous remercie, Madame la Présidente, d’avoir convoqué la présente séance sur la situation en Ukraine. Ce fait illustre la gravité de la situation et la détermination du Conseil de sécurité de rechercher une solution diplomatique à la crise. Je remercie également le Vice-Secrétaire général, M. Jan Eliasson, et le Sous-Secrétaire général, M. Ivan Šimonović, de leur exposé respectif sur la situation en Ukraine sur les plans politique, de la sécurité et des droits de l’homme.
Le Rwanda reste préoccupé par le type de discours qui continue d’avoir cours en Ukraine et dans la région et par la poursuite des manifestations et de la violence dans les villes de l’est de l’Ukraine. Quelque chose doit être fait, et cela commence par l’engagement de toutes les parties de reprendre, de toute urgence, le dialogue afin d’éviter une nouvelle escalade de la situation.
Nous félicitons une fois de plus l’ONU du rôle qu’elle joue à cet égard. Nous attendons avec intérêt le voyage que doit effectuer le Secrétaire général en Fédération de Russie et en Ukraine, à partir de demain 20 mars, dont nous espérons qu’il aidera toutes les parties concernées et les organisations régionales à trouver une solution politique et diplomatique dans l’intérêt des Ukrainiens et de tous les peuples de la région. Nous accueillons avec satisfaction le déploiement d’une équipe d’observateurs des droits de l’homme des Nations Unies en Ukraine, et nous comptons sur toutes les parties prenantes pour coopérer pleinement avec elle. Nous pensons réellement que seul un organe indépendant sera à même d’établir objectivement les faits sur les violations alléguées des droits de l’homme.
Le Rwanda a appelé à des efforts constructifs en vue d’une désescalade de la situation et il continue de prôner une solution politique et diplomatique au conflit, avec la participation de l’ONU, de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, de l’Union européenne et de la Fédération de Russie au niveau international, ainsi que des pourparlers à l’échelon national, ouverts à toutes les parties ukrainiennes, qui permettent une participation égale de toutes les communautés du pays tout en protégeant les minorités. Dans cette attente, nous appelons toutes les parties ukrainiennes à respecter l’état de droit et à faire preuve du maximum de retenue. Nous exhortons les acteurs régionaux et internationaux à éviter toute initiative diplomatique, économique, politique ou même militaire de nature à provoquer une nouvelle escalade de la situation.
Pour terminer, je tiens à souligner que le Conseil de sécurité, qui est le seul organe dans le monde chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationale, se doit de faire le nécessaire pour retrouver sa propre unité, afin d’être à même de défendre l’indépendance, la souveraineté et l’intégrité territoriale d’un État Membre de l’ONU tout en veillant aux intérêts de tous les pays de la région.
M. Quinlan (Australie) (parle en anglais) : Je remercie le Vice-Secrétaire général de son exposé et le Sous-Secrétaire général, M. Šimonović, de sa déclaration. Je remercie également l’Ambassadeur de l’Ukraine, M. Sergeyev.
Comme on le sait, le Conseil a cherché à adopter il y a cinq jours un projet de résolution sur l’Ukraine réaffirmant les principes fondamentaux du droit international, y compris la Charte des Nations Unies. Ce projet de résolution s’est heurté à l’opposition d’un seul État : la Russie. Le message des membres du Conseil à la Russie, qui reflète les vues de la communauté internationale, demeure, néanmoins, clair : elle doit se conformer au droit international, s’employer activement à désamorcer la crise et engager le dialogue en vue d’un règlement pacifique de cette crise.
Mais le fait est que la Russie a constamment ignoré ce message. Elle a pris des mesures pour annexer la Crimée sur la base d’un référendum manifestement illégal et illégitime, notamment parce qu’il s’est déroulé alors que les forces russes exerçaient un contrôle de fait sur la Crimée. La signature par le Président Poutine d’un décret reconnaissant l’indépendance de la Crimée et d’un prétendu traité avec les dirigeants de la Crimée, et l’approbation par le Président d’un projet de loi sur l’annexion de la Crimée ne valident aucunement le référendum, pas plus qu’elles n’apportent une base légitime à l’acquisition par la Russie d’une partie du territoire ukrainien. De fait, les agissements de la Russie sont une violation patente des principes fondamentaux du droit international, qui figuraient dans le projet de résolution auquel elle a opposé son veto samedi : le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale, et l’inégalité de l’acquisition de territoires par la menace ou l’usage de la force. Ces principes demeurent la pierre de touche de la communauté internationale et la communauté internationale ne reconnaîtra pas l’annexion de la Crimée par la Russie.
La Russie a encore renforcé son contrôle militaire sur la Crimée dans les derniers jours, engendrant une escalade spectaculaire des tensions. Des incidents mettant en jeu un recours à la force armée, l’occupation de bases militaires et le meurtre d’un soldat ukrainien, dont l’un des collègues a également été blessé, introduisent un élément notable de surenchère et rendent un glissement vers le conflit plus probable.
Le Premier Ministre ukrainien, M. Yatsenyuk, a demandé une réunion immédiate des Ministres de la défense des parties au Mémorandum de Budapest de 1994, qui prévoyait des garanties de sécurité pour l’Ukraine, afin de prévenir une nouvelle escalade de la crise, et nous exhortons la Russie à répondre favorablement à cette demande. Il a dépêché le premier Vice-Premier Ministre et le Ministre de la défense par intérim en Crimée pour tenter une désescalade de la crise. Il est crucial que ce dialogue direct ait lieu.
Le voyage du Secrétaire général à Moscou et à Kiev dans les prochains jours est évidemment bienvenu, et nous exhortons toutes les parties à engager un dialogue constructif avec lui.
En poursuivant dans la direction où elle s’est engagée, la Russie a opté pour la voie de l’isolement. Ce faisant, elle porte atteinte à sa propre position, à sa crédibilité et à ses relations avec les autres États et fait peser une menace croissante sur la sécurité et la stabilité de la région. Il est inévitable que son action illégale ait des conséquences. Outre les mesures mises en place par les uns et les autres, le Gouvernement australien a annoncé le 19 mars qu’il imposerait des mesures ciblées à l’encontre des individus ayant contribué à la menace qui pèse sur la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Nous n’avons pas pris ces mesures à la légère et nous nous y sommes résolus à regret, non sans avoir à maintes reprises exhorté la Russie à la désescalade et au dialogue diplomatique en vue de résoudre la crise.
Un premier pas important, pour la Russie, consiste à reconnaître la nécessité du déploiement d’observateurs sur le terrain et à appuyer ce déploiement. Nous engageons la Russie à coopérer de façon constructive aux fins d’appuyer une mission d’observation de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Cette mission devra être déployée à titreprioritaire.
Étant donné les allégations soulevées par la Russie concernant une atteinte grave aux droits fondamentaux des russophones en Crimée et ailleurs en Ukraine, il importe à l’évidence que ces allégations fassent l’objet d’une évaluation indépendante, d’autant que la Haut-Commissaire aux minorités de l’OSCE n’a trouvé aucune preuve de violations ou de menaces à l’encontre de russophones en Crimée, où elle s’est rendue récemment. Comme le Sous-Secrétaire général, M. Šimonović, vient de nous le rapporter, les violations dont il a entendu parler ne sont ni répandues ni systématiques. En revanche, la communauté tatare de Crimée se sent manifestement menacée. M. Šimonović a fait observer qu’il existe des informations crédibles selon lesquelles un militant tatar a été torturé et tué. Des informations font également état de l’enlèvement de militants de la société civile ukrainienne. Ces violations doivent cesser. Une surveillance constante du respect des droits de l’homme est essentielle, et nous accueillons avec satisfaction le travail qu’effectue d’ores et déjà à cet égard l’équipe du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme ainsi que son déploiement prolongé, mais cette surveillance doit également avoir lieu en Crimée.
Pour terminer, nous sommes à l’évidence à un tournant critique pour l’Ukraine et la région, et pour l’intégrité même de notre ordre international fondé sur des règles. Il est dans l’intérêt direct de tous les États Membres de préserver cet ordre international.
Comme l’a souligné encore une fois aujourd’hui le Vice-Secrétaire général, la crise doit être réglée pacifiquement par des voies diplomatiques et par un dialogue direct. Ce règlement doit respecter l’unité et l’intégrité territoriale de l’Ukraine. C’est à la Russie de s’engager à trouver une solution. Il n’est pas trop tard pour elle de se détourner de la voie de la provocation et de l’isolement qu’elle a délibérément empruntée.
M. Liu Jieyi (Chine) (parle en chinois) : Je voudrais remercier le Vice-Secrétaire général, M. Eliasson, et le Sous-Secrétaire général, M. Šimonović, de leurs exposés respectifs. La Chine suit de près l’évolution de la situation en Ukraine.
La Conseil de sécurité s’est à maintes reprises saisi de la question de l’Ukraine. La Chine a explicitement fait connaître sa position de principe sur les problèmes en question. Respect de l’indépendance, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine : voilà la position constante de la Chine. La Chine a adopté une approche juste et impartiale s’agissant de la question de l’Ukraine. Nous continuerons de promouvoir le dialogue pacifique et de jouer un rôle constructif dans la recherche d’un règlement politique à la crise en Ukraine. La Chine a formulé les propositions suivantes pour régler la crise en Ukraine.
Un mécanisme international de coordination impliquant toutes les parties concernées doit être mis en place dès que possible en vue de trouver les moyens de traiter la situation en Ukraine. Dans l’intervalle, toutes les parties doivent s’abstenir de tout acte susceptible d’exacerber les tensions. Les institutions financières internationales doivent commencer à explorer les diverses possibilités d’aider l’Ukraine à préserver sa stabilité économique et financière. À notre avis, c’est dans le cadre du respect de la loi et du maintien de l’ordre qu’une solution politique à la question de la Crimée doit être trouvée.
Toutes les parties concernées doivent faire preuve de retenue et s’abstenir de tout acte susceptible d’aggraver encore davantage la situation. La communauté internationale doit déployer des efforts constructifs pour apaiser les tensions.
La Chine appuie le voyage qu’effectue aujourd’hui le Secrétaire général Ban Ki-moon dans les pays concernés aux fins de conduire une médiation. La Chine espère que la communauté internationale continuera de déployer des efforts constructifs pour apaiser les tensions.
Sir Mark Lyall Grant (Royaume-Uni) (parle en anglais) : Je remercie le Vice-Secrétaire général de son exposé. Nous nous félicitons de ce que le Secrétaire général entend se rendre à Moscou et à Kiev cette semaine. Nous espérons que cette visite aidera à persuader le Président Poutine de faire marche arrière, d’apaiser la situation, de remplir les obligations de la Russie au titre de la Charte des Nations Unies, de permettre aux observateurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et de l’Organisation des Nations Unies d’avoir plein accès à la Crimée, et d’ouvrir le dialogue avec l’Ukraine.
Nous remercions aussi M. Šimonović de son exposé. Qu’on lui ait refusé l’accès à la Crimée est inexcusable, et nous applaudissons à ses efforts visant à collecter des informations sur la péninsule par d’autres moyens. Son rapport sur l’étendue des violations des droits de l’homme en Crimée est vivement préoccupant. Les cas d’arrestations et de détentions arbitraires, de tortures, de mauvais traitements, de disparitions et de déplacements de populations contredisent directement les déclarations de la Russie affirmant le contraire.
Nous partageons les préoccupations de M. Šimonović au sujet des violations des droits de l’homme qui ont eu lieu sous le précédent Gouvernement ukrainien. À cet égard, nous nous félicitons de ce que le nouveau Gouvernement ait demandé aux observateurs de l’ONU d’enquêter sur ces violations et qu’il se soit engagé à refléter la riche diversité linguistique, ethnique et culturelle de l’Ukraine. Nous exhortons au déploiement rapide d’observateurs de l’ONU dans tout le pays.
Samedi dernier, 14 membres du Conseil ont exprimé leur attachement à l’unité et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine (voir S/PV.7138). La Russie a été priée de se distancier du référendum prévu le lendemain en Crimée. Notre but était d’éviter une nouvelle escalade et de demander à la Russie d’entendre le point de vue de la communauté internationale.
La Russie a rejeté ce message. Elle l’a rejeté samedi en opposant son veto à la résolution qui exprimait l’appui écrasant du Conseil. Et hier, après le référendum, elle a fait fi de nos appels au calme et à la désescalade en annonçant la promulgation de nouvelles lois pour intégrer la Crimée à la Fédération de Russie. Le Représentant permanent de la Russie a affirmé que ce processus était conforme au droit international, qu’il s’est déroulé sans ingérence étrangère et qu’il était tout à fait démocratique. Il est difficile de dire laquelle de ces affirmations est le plus gros mensonge.
Le référendum de dimanche était un simulacre de pratique démocratique. Il était illégal au titre de la Constitution ukrainienne ; il a été organisé 10 jours après avoir été annoncé ; il ne répond à aucune norme de l’OSCE en matière d’élections démocratiques ; il s’est tenu sous occupation militaire russe ; et il n’a pas donné à la population ukrainienne la possibilité de voter en faveur du statu quo. Ni le référendum ni la succession d’arguments juridiques de plus en plus désespérés, contradictoires et incohérents avancés par la Russie ne peuvent cacher la triste réalité des actions de ce pays. La Russie a annexé une partie du territoire souverain d’un État indépendant Membre de l’Organisation des Nations Unies par le recours à la force militaire.
La Russie affirme qu’elle n’est tenue par aucune des obligations et par aucun des engagements précédemment pris en ce qui concerne l’Ukraine, notamment le Mémorandum de Budapest de 1994, en faisant valoir qu’elle ne considère pas le nouveau Gouvernement ukrainien comme légitime. Mais les traités et les accords internationaux sont conclus entre États, non entre gouvernements. Un changement de gouvernement à Kiev ne dégage pas la Russie de ses obligations et de ses engagements internationaux. Nous sommes les témoins d’un comportement illégal de la part d’un grand pays qui agresse ses voisins, qui fait fi des normes internationales et qui ajuste des frontières internationalement reconnues à son avantage.
Hier, dans son discours au Conseil de la Fédération, le Président a affirmé : « Dans les cœurs et la conscience du peuple russe, la Crimée a toujours été, et elle reste, partie inaliénable de la Russie ». Il a poursuivi en ajoutant que parce qu’elle était un territoire stratégique, la Crimée devait être sous la souveraineté solide et stable de la Russie. Enfin, la Russie admet maintenant, après deux semaines de déni, les vrais motifs de son aventurisme militaire. De nombreux enseignements tirés de l’histoire montrent où mène cette extraordinaire logique. Il n’est que de se rappeler les années 30 pour ce faire une idée des risques que comporte une réaction internationale complaisante face à un tel comportement.
Le système des Nations Unies et le cadre de normes internationales qu’il incarne ont été la réponse qu’ont apportée nos aïeux à un conflit mondial résultant d’une agression illégale. L’Organisation des Nations Unies a été conçue pour garantir la sécurité de tous en empêchant l’assujettissement d’un État quel qu’il soit. Nous avons tous intérêt à défendre le cadre international et les normes que l’Organisation des Nations Unies représente. Les actions de la Russie font douter de la crédibilité de cet ordre international. C’est pourquoi il faut les condamner clairement et pourquoi la Russie doit subir maintenant de nouvelles conséquences de ses actions.
La Russie ne peut jouir de l’impunité pour violation du droit international et de la Charte des Nations Unies. Même à ce stade tardif, la Russie peut encore changer de cap, répondre au message de la communauté internationale et ouvrir le dialogue avec l’Ukraine. La semaine dernière, au Conseil, nous avons tous entendu le Premier Ministre ukrainien offrir d’établir un tel dialogue avec la Russie (voir S/PV.7134). Pourtant, à ce jour, même cette première mesure de base a été rejetée.
La situation en Ukraine et dans la région est grave. Hier, un autre seuil a été franchi lorsqu’un un soldat ukrainien a été tué dans l’assaut donné contre un complexe militaire en Crimée par des forces pro-russes. Des informations crédibles font état de provocations inspirées par la Russie partout dans l’est et le sud de l’Ukraine. Nous saluons la remarquable retenue dont continue de faire preuve l’armée ukrainienne. Toutefois, de telles actions ne font que souligner combien on se rapproche d’une nouvelle escalade tragique.
Le problème s’étend bien au-delà des frontières ukrainiennes en péril. Ce dont il est question ici posée est celle du respect des traités bilatéraux et internationaux. Celle du respect de la Charte des Nations Unies et du droit international. Ce sont là les cadres dont nous dépendons tous et que la Russie met à l’épreuve. C’est à nous tous qu’il incombe de défendre tout ce que nous avons œuvré si durement à édifier au cours des 70 dernières années.
Mme Murmokaité (Lituanie) (parle en anglais) : Je voudrais moi aussi remercier le Vice-Secrétaire général, M. Eliasson, et le Sous-Secrétaire général, M. Šimonović, de leurs exposés, et notre collègue de l’Ukraine de sa déclaration.
Dimanche dernier, un référendum illégal organisé à la hâte s’est tenu en Crimée, en Ukraine – un référendum tenu dans une région coupée du continent et du reste du monde par les forces armées d’un autre pays et soumise à un déluge de propagande anti-ukrainienne.
Des représentants de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), du Conseil de l’Europe, de l’ONU et des organismes nationaux et régionaux ayant une vaste expérience en matière de surveillance des droits de l’homme et d’organisation et d’observation des élections se sont tous vus interdire l’accès en Crimée. Ce plébiscite a été organisé en un temps record, ce qui constitue probablement une première dans l’histoire des référendums, sans préparatifs ni consultations à l’échelle nationale. Aucun observateur international crédible n’était présent sur les lieux pour vérifier et certifier que ce référendum organisé dans la précipitation était libre et juste. Ces faits à eux seuls suffisent pour susciter des préoccupations quant à la qualité du référendum et son caractère frauduleux.
Dans le même temps, alors que les représentants des principales organisations internationales et les observateurs n’ont pas été autorisés à entrer en Crimée, plus de 100 soi-disant « observateurs indépendants du référendum », pour reprendre les propos de notre collègue français, qui sont en fait des nationalistes purs et durs avérés, des sympathisants du nazisme, des négationnistes de l’Holocauste, des antisémites, des négationnistes du massacre de Srebrenica et des islamophobes – des individus infréquentables pour ceux qui prétendent protéger l’Europe, l’Ukraine et la Crimée du fascisme – ont pu observer ce prétendu référendum et certifier qu’il s’était bien déroulé et qu’il était juste.
Les populations tatares autochtones, qui considèrent la Crimée comme leur seule patrie au monde et dont le souvenir des déportations massives par Staline dans des wagons à bestiaux demeure vivace dans la mémoire collective, ont appelé au boycott de cette élection, estimant qu’elle allait à l’encontre de leur souhait de faire partie intégrante de l’Ukraine. Qu’en est-il alors de leur droit à l’autodétermination ?
Ce prétendu référendum n’est rien d’autre qu’une saisie patente de territoire et une violation flagrante par la Russie de la Charte des Nations Unies, du droit international, ainsi que des accords et des engagements bilatéraux et multilatéraux. Un pays qui était censé se porter garant de la souveraineté de l’Ukraine en vertu du Mémorandum de Budapest de 1994 a manqué à sa responsabilité juridique à l’égard de l’Ukraine, qui consiste à protéger la souveraineté et l’intégrité territoriale de ce pays en échange de sa décision de renoncer aux armes nucléaires. Qu’est-ce que cela augure pour le régime de non -prolifération ?
Le référendum de dimanche n’est rien d’autre qu’un simulacre frauduleux, dont le seul but était d’entériner l’annexion illégale d’une partie de l’Ukraine. En ce sens, il ne peut pas être reconnu par la communauté internationale. La Lituanie appelle de nouveau tous les États à rejeter ce processus, à ne pas reconnaître le rattachement illégal d’une partie du territoire souverain de l’Ukraine à la Russie et à réaffirmer leur appui aux principes de la Charte des Nations Unies et à la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de l’Ukraine.
Comble de l’ironie, l’agression contre la Crimée perpétrée par des militants pro-russes avec l’appui de Moscou, sous le faux prétexte de protéger les droits de l’homme et les droits des minorités, a fait subir à la population de Crimée des violations graves et répétées des droits de l’homme, sous forme d’actes d’incitation contre les Ukrainiens, d’une extrême censure, de la fermeture des organes d’information et des centres de presse, de cas d’arrestation et de détention arbitraires, de disparitions forcées, d’attaques systématiques contre des journalistes, d’actes de vandalisme, de coups et d’autres mauvais traitements.
En outre, le résultat du référendum et le rattachement hâtif de la Crimée à la Russie portera atteinte aux droits d’un grand nombre des habitants de la Crimée, qui seront obligés de faire des choix déchirants relatifs à leur loyauté envers l’État ukrainien et à leur citoyenneté, des choix lourds de conséquences pour leurs familles, leurs droits de propriété et leur avenir.
Le fait qu’un pays s’approprie à son gré une partie du territoire d’un pays voisin est vivement préoccupant parce qu’il envoie un signal à tout le monde que, de nouveau, il est possible de s’accaparer des territoires d’autrui et que les normes internationales garantissant la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’inviolabilité des États peuvent être remises en question par la force. À qui le tour ?
M. Omaish (Jordanie) (parle en arabe) : La Jordanie tient à exprimer ses vives préoccupations suite à la tournure qu’ont prise les événements dans le contexte de la crise en Ukraine, notamment en Crimée, et suite au fait que les efforts déployés pour parvenir à une solution pacifique n’ont malheureusement pas encore abouti. Nous réitérons la nécessité de protéger la souveraineté de l’Ukraine, son intégrité territoriale et son indépendance politique.
Tous les territoires et les régions de l’Ukraine, y compris la Crimée, relèvent de la souveraineté ukrainienne. Il s’agit d’un fait reconnu par la communauté internationale et établi par le droit international et la Charte des Nations Unies, ainsi que par les traités internationaux pertinents, tels que le Mémorandum de Budapest de 1994 et le Traité d’amitié, de coopération et de partenariat de 1997 entre l’Ukraine et la Fédération de Russie.
Nous tenons à réaffirmer que l’instrument qui régit toutes les régions et parties du territoire de l’Ukraine est la Constitution de ce pays, qui garantit son intégrité territoriale et son unité, dans toutes les régions et territoires du pays. De ce fait, il est inacceptable de détacher une partie de son territoire et de l’annexer à un autre pays. La communauté internationale doit tout mettre en œuvre pour désamorcer cette crise et pour encourager les parties à parvenir à un règlement qui protège leurs droits et intérêts légitimes, et qui devrait aboutir, en définitive, au retour de la Crimée sous le contrôle de l’Ukraine.
Il faudrait par ailleurs mettre en place les garanties nécessaires pour protéger les intérêts des différentes parties. Si jamais un accord est conclu pour mettre fin à la crise, il devra prévoir des garanties pour les droits des minorités en Ukraine. Nous exhortons l’ONU à faire usage de ses bons offices pour rapprocher les positions des deux parties et pour mettre en place un mécanisme permettant d’entamer un dialogue et d’aller de l’avant.
Il va sans dire que le moment est venu de mettre en place un groupe de contact international pour réaliser cet objectif, d’œuvrer avec toutes les parties sur le terrain et de coopérer avec les groupes d’observation et de surveillance qui pourraient être déployés pour évaluer la situation dans toutes les régions de l’Ukraine, dont la Crimée. Les parties à la crise doivent s’abstenir de toute mesure susceptible de conduire à une escalade et privilégier la réconciliation, la raison, la logique et la coopération avec les instances internationales dans le cadre des efforts consentis. Ces efforts pourraient épargner au monde les retombées négatives de cette crise sur la paix et la sécurité internationales.
M. Cherif (Tchad) : Je voudrais remercier M. Eliasson et M. Šimonović de leurs exposés. Je remercie également le Représentant permanent de l’Ukraine de son intervention.
Le Tchad est profondément troublé par ce qui se passe en Ukraine, notamment en Crimée. Nous constatons avec beaucoup de préoccupation que malgré les appels répétés de la communauté internationale, et en particulier du Conseil de sécurité, l’atteinte à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine se poursuit.
Nous réaffirmons, une fois de plus, que nous restons attachés à l’unité et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine et appelons toutes les parties au respect des principes cardinaux de la Charte des Nations Unies, notamment son Article 2. Nous demandons à toutes les parties concernées de privilégier un règlement pacifique et appuyons les bons offices du Secrétaire général visant à nouer un dialogue direct entre les deux parties en vue d’une solution politique.
La Présidente, Mme Lucas (Luxembourg) : Je vais maintenant faire une déclaration en ma qualité de représentante du Luxembourg.
Je remercie à mon tour le Vice-Secrétaire général, M. Jan Eliasson, et le Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme, M. Ivan Šimonović, de leurs exposés. Je remercie également le Représentant permanent de l’Ukraine auprès de l’Organisation des Nations Unies, l’Ambassadeur Yuriy Sergeyev, de sa déclaration.
On ne le répétera jamais assez : le référendum organisé le 16 mars en Crimée est contraire à la Constitution de l’Ukraine, qui dispose que le territoire de l’Ukraine est indivisible et inviolable. De surcroît, le scrutin s’est tenu dans des conditions qui lui ont enlevé toute légitimité : la Crimée a été occupée et coupée du reste de l’Ukraine, les journalistes et les membres de la société civile ont été intimidés, la liberté des médias a été gravement entravée. Les représentants de l’Organisation des Nations Unies et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) invités par le Gouvernement ukrainien se sont vus refuser l’accès à la Crimée.
La communauté internationale ne saurait en aucun cas reconnaître le résultat de ce référendum illégal et anticonstitutionnel. De même, la communauté internationale ne saurait reconnaître les mesures visant à intégrer la République autonome de Crimée (Ukraine) au sein de la Fédération de Russie en instrumentalisant ce référendum. Nous nous félicitons de la très large convergence de vues sur ce point au Conseil de sécurité.
Les actions entreprises par la Russie sur le territoire de l’Ukraine au cours des trois dernières semaines constituent une violation flagrante du droit international, notamment de la Charte des Nations Unies et de l’Acte final d’Helsinki. Elles vont à l’encontre des engagements que la Russie a pris envers l’Ukraine, dans le cadre du Mémorandum de Budapest de 1994 et dans le cadre du Traité d’amitié, de coopération et de partenariat signé en 1997 entre la Russie et l’Ukraine.
Le Luxembourg est profondément préoccupé par l’augmentation des tensions en Crimée causée par la présence illégale de forces armées russes hors des zones dans lesquelles leur présence est autorisée. Il faut d’urgence désamorcer la crise par une désescalade militaire, à commencer par le retrait immédiat des forces armées russes vers leurs lieux de stationnement permanent d’avant la crise. Nous nous félicitons du sang-froid et de la retenue dont ont fait preuve jusqu’ici les autorités ukrainiennes face à la violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de leur pays. Cependant, la mort d’un officier ukrainien tué hier par balles lors de l’attaque contre une base militaire à Simféropol nous inquiète au plus haut point. Aujourd’hui, des informations font état d’attaques lancées contre les bases des forces armées ukrainiennes, notamment le quartier-général de la marine ukrainienne en République autonome de Crimée. Dans le contexte actuel, chaque incident pourrait être l’étincelle qui met le feu aux poudres.
Pour régler cette crise, nous estimons que les Nations Unies ont leur rôle à jouer, en étroite coopération avec l’OSCE, le Conseil de l’Europe et d’autres organisations. Nous regrettons qu’il n’ait pas été possible au Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme de se rendre en Crimée. Néanmoins, l’exposé de M. Šimonović, qui se base sur les témoignages qu’il a recueillis, tend à confirmer le constat dressé il y a deux semaines par la Haut- Commissaire aux minorités nationales de l’OSCE : la principale raison invoquée par la Russie pour légitimer ses actions, c’est- à-dire les menaces qui pèseraient sur les droits des communautés russophones et russes en République autonome de Crimée, s’avère être sans fondement. Ce n’est pas l’action du Gouvernement à Kiev et des autorités ukrainiennes, mais bien l’escalade militaire russe qui s’est accompagnée d’un climat d’impunité et d’une multiplication des violations des droits de l’homme en Crimée. Cette situation risque de gravement perturber l’équilibre entre les différentes communautés qui coexistaient jusqu’à présent de façon pacifique en Crimée.
Nous saluons les efforts du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme visant à déployer rapidement des observateurs, conformément à l’initiative du Secrétaire général « Les droits avant tout », afin de suivre la situation des droits de l’homme sur l’ensemble du territoire de l’Ukraine. Ces observateurs pourront établir les faits et faire rapport de manière objective afin de mettre un terme à la propagation d’allégations sans fondement visant à exacerber les tensions. Nous espérons que cette équipe d’observateurs sera bientôt pleinement opérationnelle et qu’elle pourra aussi se rendre en Crimée et dans les régions de l’est de l’Ukraine. Dans le même ordre d’idées, nous espérons aussi que la présence de la communauté internationale sur l’ensemble du territoire de l’Ukraine pourra être renforcée dans les meilleurs délais par l’établissement d’une mission d’observation spéciale de l’OSCE. Sa mise en place ne doit pas être retardée davantage.
De façon générale, nous encourageons les Nations Unies à poursuivre leurs bons offices dans la crise qui oppose l’Ukraine à la Russie. Nous saluons à cet égard le déplacement que le Secrétaire général fera à Moscou et à Kiev dans les tout prochains jours. Même s’ils n’ont pas encore porté leurs fruits, les efforts diplomatiques doivent se poursuivre de façon intense pour aboutir à une solution qui respecte l’indépendance politique, la souveraineté, l’unité et l’intégrité territoriale de l’Ukraine.
Je reprends à présent mes fonctions de Présidente du Conseil de sécurité.
Le représentant de la Fédération de Russie a demandé la parole pour faire une autre déclaration. Je la lui donne.
M. Churkin (Fédération de Russie) (parle en russe) : Au cours de ce débat, plusieurs collègues se sont autorisé quelques libertés linguistiques, mais je me vois contraint, surtout, de revenir sur la déclaration de la représentante des États-Unis, que Mme Power a commencée en évoquant Tolstoy et Tchekhov pour terminer au niveau de la littérature de boulevard. Nous nous élevons contre ce type de propos insultant pour notre pays. Si la délégation des États-Unis d’Amérique compte sur notre coopération au Conseil de sécurité sur d’autres questions, Mme Power devrait alors le comprendre.
La Présidente : Le représentant de l’Ukraine a demandé la parole pour faire une autre déclaration. Je la lui donne.
M. Sergeyev (Ukraine) (parle en anglais) : Je voudrais vous remercier personnellement, Madame la Présidente, d’avoir organisé la présente séance du Conseil de sécurité, et remercier tous les membres du Conseil de m’avoir invité à y participer. Je sais gré au Vice-Secrétaire général et au Sous-Secrétaire général de leurs exposés. Je voudrais aussi dire ma reconnaissance à tous les membres qui, dans leur déclaration, ont exprimé leur appui à l’intégrité territoriale de mon pays et élevé d’énergiques objections à l’égard du caractère illégitime du référendum tenu en Crimée.
Je voudrais maintenant dire quelques mots en russe, ce qui devient presque une habitude.
(l’orateur poursuit en russe)
Je voudrais revenir sur certains éléments de la déclaration de mon collègue de la Fédération de Russie. C’est un exercice très compliqué, et dans une large mesure désagréable, que celui qui consiste à commenter certaines assertions de mon collègue de la Fédération de Russie. Il est très difficile de commenter des contre- vérités criantes, puisque l’on est mis en position de devoir se justifier.
Il était question en l’occurrence de liberté d’expression et d’accès à l’information en Ukraine.
Vitaly Ivanovitch Churkin sait bien la différence entre la liberté d’expression et l’accès à l’information en Ukraine et en Russie. Tous les reportages concernant le Conseil de sécurité sont retransmis en Ukraine sans aucune coupure par les différentes chaînes de télévision. Non que ce que nous entendons en ce moment soit nécessairement agréable à l’égard de l’Ukraine, car beaucoup de recommandations ont un caractère critique. Néanmoins, nous sommes disposés à écouter cela. La seule chose que l’on entend dans les médias russes, en revanche, ce sont les déclarations russes.
Hier, j’ai rencontré des déléguées d’une organisation non gouvernementale féminine venue participer à la session de la Commission de la condition de la femme ici à l’ONU. L’une de ces femmes était d’Odessa, une autre de Tchernihiv, toutes étaient russophones. Elles m’ont posé la question suivante : « comment peut-on écouter à la télévision, dans le monde entier, autant de mensonges que ceux que l’on entend dans toutes ces déclarations de représentants de la Fédération de Russie ? » Que pouvais-je leur répondre ? Que la fin justifie les moyens ?
J’ai deux commentaires que je ne peux pas ne pas faire. Mon collègue de la Fédération de Russie a qualifié de honteuse la décision prise hier par les autorités ukrainiennes d’autoriser nos forces armées à utiliser leurs armes en cas de légitime défense après qu’un de nos soldats a été tué. Aujourd’hui, ils donnent l’impression que c’est l’Ukraine qui a attaqué les forces russes et non l’inverse, alors qu’il y a trois semaines, la Russie a envoyé ses troupes dans une partie du territoire de l’Ukraine souveraine et ce, au début des Pâques orthodoxes, au moment où les fidèles se réunissaient. Je crois que c’est là le comble du cynisme.
(l’orateur reprend en anglais)
L’Ukraine ne cesse de réitérer sa volonté de dialoguer. Nous avons demandé à nos collègues russes de tenir des consultations dans le cadre d’un accord bilatéral. Nous avons invité tous les garants du Mémorandum de Budapest à tenir une réunion, comme ce document le prévoit. La Fédération de Russie a refusé. Nous sommes prêts à dialoguer, et nous prenons note des dernières propositions faites par la Fédération de Russie, mais nous sommes déçus car il ne s’agit pas de propositions mais d’ultimatums lancés à l’Ukraine pour lui dicter son avenir. Nous n’apprécions pas ces ultimatums qui constituent une ingérence manifeste dans nos affaires internes. Nous aimerions établir un dialogue.
Nous saluons les efforts déployés par le Secrétaire général ces dernières semaines et nous espérons que les réunions qu’il a eues à Moscou et à Kiev donneront des résultats positifs.
Je remercie mes collègues au Conseil de sécurité pour leur appui.
La Présidente : Le représentant de la Fédération de Russie a demandé à prendre la parole pour faire une autre déclaration.
M. Churkin (Fédération de Russie) (parle en russe) : Je ne souhaite pas ici polémiquer avec mon collègue de l’Ukraine. Je ne crois pas que cette discussion sera longue, mais je dois faire deux observations. Qu’est-ce que le cynisme ? Le cynisme, c’est essayer de provoquer un conflit en tirant sur son camp et sur l’autre. Aujourd’hui, plusieurs de mes collègues ont parlé d’une attaque présumée contre une base militaire ukrainienne. Je le dis encore une fois au Conseil : il n’y a pas eu d’attaque. Il n’y avait même pas un seul soldat russe sur le terrain, mais des membres non armés des forces d’autodéfense qui portaient des gilets pare-balles, et un franc-tireur positionné sur un bâtiment proche a abattu une personne de chaque camp. Les dirigeants de Kiev ont immédiatement dit qu’il fallait tirer contre les soldats russes. Voilà ce qu’est le cynisme.
Le cynisme, c’est ce que nous avons vu sur la place Maïdan, qui a été le théâtre d’une tentative de renversement par la force des autorités ; des coups de feu ont été tirés en même temps sur les forces de maintien de l’ordre et sur les manifestants, comme l’a dit M. Šimonović. C’était l’œuvre de professionnels et on a pu voir d’où les tirs provenaient. Il s’agissait de francs-tireurs bien préparés et bien équipés qui venaient de l’état-major du commandant de la place Maïdan. Voilà le vrai cynisme.
Enfin, s’agissant de nos soi-disant ultimatums, je ne comprends pas pourquoi nos collègues ukrainiens qualifient nos propositions d’ultimatums. Nos partenaires occidentaux nous ont dit qu’il fallait envisager une issue à la crise ukrainienne et ont commencé à nous proposer des recettes. En contrepartie, nous avons dit nos vues sur la façon dont on peut effectivement sortir de cette crise de sorte que toutes les régions soient rassurées. L’essentiel de ces propositions est conforme à l’accord du 21 février. Il doit y avoir un processus constitutionnel où toutes les régions sont parties prenantes et ont le sentiment que leurs droits sont défendus par l’État ukrainien. Ce n’est donc pas un ultimatum lancé à Kiev. Nous en avons discuté avec nos partenaires. J’ai notamment déclaré aujourd’hui que nous sommes prêts à poursuivre le dialogue.
La Présidente : Le représentant de la France a demandé la parole pour faire une autre déclaration.
M. Araud (France) : Je crois qu’on ne peut pas dire n’importe quoi et qu’on ne peut pas laisser le représentant de la Fédération de Russie nous apprendre, nous dire que la Russie a fait des propositions et que ce sont des propositions pour régler le conflit. En réalité, les propositions de la Russie sont simples : ce qui est à moi est à moi, c’est-à-dire la Crimée, et on peut négocier ce qui est à vous, c’est-à-dire la souveraineté ukrainienne. C’est cela la proposition russe.
Les Russes nous répètent : on est prêts à discuter de tout ce qui reste, de tout ce qui reste de l’Ukraine, mais la Crimée, c’est fini. Alors non, soyons clairs. Ce n’est pas sur cette base que nous pouvons avoir un dialogue, un dialogue fondé sur la légalité internationale.
Non. Nous n’avons pas dit non aux propositions russes. Simplement nous disons non à toute proposition qui revient à essayer de nous faire admettre l’annexion de la Crimée. C’est simple. Nous sommes prêts à négocier sur la base du droit international. Le droit international, c’est l’intégrité territoriale de l’Ukraine.
La Présidente : Le représentant de la Fédération de Russie redemande la parole.
M. Churkin (Fédération de Russie) (parle en russe) : J’ai bien senti que quelque chose dans notre proposition ne plaisait pas à la France. Mais ce n’est pas au Conseil de sécurité que nous avons fait ces propositions sous la forme d’un projet de résolution. Notre Ministre des affaires étrangères, M. Lavrov, en a discuté en détail avec le Secrétaire d’État des États-Unis, M. Kerry. Vous avez proposé votre document et nous avons proposé le nôtre. Qu’y-a-t-il là d’inhabituel ? Je n’y vois rien d’inhabituel, et si quelque chose ne vous plaît pas dans ces propositions, nous pouvons en parler concrètement, et suivre le processus diplomatique habituel.
La Présidente : Il n’y a plus d’orateurs inscrits sur la liste.
Le Conseil de sécurité a ainsi achevé la phase actuelle de l’examen de la question inscrite à son ordre du jour.
La séance est levée à 17 heures.
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