Les États-Unis ne sont plus une « nation indispensable » que dans le discours du président Obama.

Le président Obama a prononcé, le 28 mai, un important discours précisant sa doctrine stratégique à l’occasion de la remise des diplômes aux cadets de l’Académie militaire de West Point [1].

Sans surprise, le président a rappelé avoir tenu sa promesse de rapatrier les troupes déployées en Afghanistan et en Irak et être parvenu à éliminer Oussama Ben Laden. Mais ce qu’il a présenté comme un bilan prétendument élogieux n’en est pas un : les GI’s sont revenus épuisés d’Afghanistan et ont fui l’Irak avant d’en être chassés par la résistance populaire. Le coût exorbitant de ces expéditions –plus de 1 000 milliards de dollars— à empêché le Pentagone d’entretenir son arsenal. Quant à la mort de Ben Laden, ce n’est qu’un conte pour enfants : Oussama Ben Laden n’avait rien à voir avec les attentats du 11-Septembre et il était mort de maladie et enterré en décembre 2001, ainsi que l’a attesté le MI6 britannique [2].

On ne peut qu’être admiratif de la capacité états-unienne à poursuivre sa narration d’une réalité imaginaire, pourtant démentie par des preuves solides, et d’être toujours suivi par la presse atlantiste.

Dans son discours, le président a décrit son pays comme « une nation indispensable », à la fois la plus puissante militairement et économiquement. Pourtant aucune de ces deux assertions n’est encore vraie. Le 14 mai, le général Martin Dempsey, président du Comité des chefs d’état-major, reconnaissait devant l’Atlantic Council que ses Forces armées seraient définitivement dépassées dans 10 ans si un énorme effort de mise à jour n’était opéré tout de suite [3] ; un effort improbable avec les restrictions budgétaires. Le Pentagone constate que le retard pris dans la recherche militaire est probablement irréversible. Les technologies militaires de pointe de la Russie et de la Chine sont aujourd’hui plus développées que celles des États-Unis. Il est trop tard pour remonter la pente. L’apparente supériorité de Washington ne tient que parce que ses troupes sont les seules déployées dans le monde entier. Elle n’existe donc que sur certains théâtres d’opération, mais ni contre la Russie, ni contre la Chine, qui gagneraient en cas de Guerre Mondiale. Quant à l’économie, la majorité des biens de consommation consommés aux USA est fabriquée en Chine.

Sur cette base fantasmagorique, selon l’expression du Washington Post qui ne fait référence qu’à la relative faiblesse militaire des États-Unis [4], le président Obama a annoncé que son pays n’hésiterait pas à intervenir à l’étranger lorsque ses intérêts directs sont mis en cause, mais recourrait à des coalitions internationales pour traiter des problèmes plus lointains. Il a affirmé que, contrairement à la période de la Guerre froide, la Russie ne représentait plus un danger imminent, mais que le principal adversaire, c’est le terrorisme.

Peu importe donc l’adhésion de la Crimée à la Fédération de Russie. Washington ne combattra pas contre ce qu’il présente par ailleurs comme une « annexion » violant gravement le Droit international, n’hésitant pas à comparer le président Vladimir Poutine à Adolf Hitler.

Surtout, à l’issue de 13 ans de « guerre contre le terrorisme », Washington prétend avoir éliminé les quelques fanatiques qui composaient la direction internationale d’Al-Qaïda, mais doit désormais affronter un problème plus grave : de très nombreux groupes affiliés à Al-Qaïda qui se sont formés presque partout dans le monde.

Cette « guerre sans fin » a l’avantage de tout autoriser. Se présentant depuis 2001 en légitime défense, Washington s’autorise à violer la souveraineté des autres États pour y enlever ou y bombarder qui lui chante, quand cela lui chante. Pour poursuivre cette guerre, le président Obama a annoncé la création d’un « Fonds de partenariat contre le terrorisme », abondé à hauteur de 5 milliards de dollars. Il aura pour but de former les services de sécurité des États alliés. Qui peut croire en un tel programme ? Actuellement les terroristes sont formés dans plusieurs camps permanents d’Al-Qaïda, situés dans le désert libyen, pays occupé par l’Otan. Tandis que trois camps d’Al-Qaïda sont installés à Şanlıurfa, Osmaniye et Karaman, en Turquie, pays membre de l’Otan [5].

Les Syriens se souviennent des aveux télévisés de cet émir du Front Al-Nosra (affilié à Al-Qaïda) qui transporta des missiles chimiques d’une base militaire turque jusqu’à la Ghouta de Damas. Selon cet homme, non seulement les armes lui furent fournies par une armée membre de l’Otan, mais l’ordre de s’en servir « sous faux drapeau » pour justifier un bombardement de la Syrie par les États-Unis provenait des États-Unis.

13 ans après les événements du 11-Septembre 2001, qui peut encore croire qu’Al-Qaïda est l’ennemi principal de la « nation indispensable », alors même que Barack Obama décrivait les éléments affiliés à Al-Qaïda comme « moins capables » que leur maison-mère lors de son discours à l’Université nationale de Défense, le 28 mai 2013 ? [6]. Il déclarait alors que le danger était devenu relatif et que les États-Unis ne devaient plus en faire leur priorité.

À propos de la Syrie, le président Obama poursuivit à West Point en déclarant que l’on doit « aider le peuple syrien à tenir tête à un dictateur qui bombarde et affame son peuple » (sic). C’est pourquoi Washington aidera « ceux qui se battent pour le droit de tous les Syriens d’être les artisans de leur avenir » (comprenez : pas les Syriens eux-mêmes qui votent pour élire leur président, mais uniquement ceux qui sont prêts à collaborer avec un gouvernement colonial composé par l’Otan).

Au demeurant, pourquoi intervenir seul en Syrie ? Parce que « la guerre civile syrienne se propage au-delà des frontières du pays, la capacité des groupes extrémistes aguerris de nous prendre pour cible ne fera que s’accroître ». En d’autres termes, après avoir incendié la Syrie, les États-Unis pourraient être atteints par le feu qu’ils ont allumé.

« Nous allons intensifier nos efforts pour soutenir les voisins de la Syrie —la Jordanie et le Liban, la Turquie et l’Irak— qui gèrent le problème des réfugiés. Je vais travailler avec le Congrès pour accroître le soutien aux éléments de l’opposition syrienne qui offrent la meilleure alternative aux terroristes et à un dictateur brutal. En outre, nous continuerons à collaborer avec nos amis et alliés en Europe et dans le monde arabe en vue d’une solution politique à cette crise et pour veiller à ce que ces pays, et pas seulement les États-Unis, assument une part équitable des mesures de soutien au peuple syrien  », a-t-il poursuivi.

En d’autres termes, la Maison-Blanche discute avec le Congrès de la manière de soutenir les ambitions personnelles des membres de la Coalition nationale. Selon la presse, Washington pourrait dispenser des formations militaires dans les États limitrophes et distribuer des armes plus performantes. Seulement voilà :
 Si Washington se met à former et armer des Collaborateurs syriens, il faudra bien admettre ne pas l’avoir fait à grande échelle auparavant et avoir eu principalement recours à des mercenaires étrangers dans le cadre d’Al-Qaïda.
 Si 250 000 mercenaires jihadistes ont été incapables de renverser l’État syrien au cours des trois dernières années, comment quelques milliers de Collaborateurs de la colonisation occidentale pourraient-ils y parvenir ?
 Pourquoi les États limitrophes, déjà engagés dans une guerre secrète, accepteraient-ils d’entrer dans une guerre ouverte contre la Syrie, avec les risques que cela implique pour eux ?
 Quelles armes plus sophistiquées pourraient être livrées à ces Collaborateurs du colonialisme qu’ils ne puissent pas utiliser un jour contre d’autres cibles, notamment la suprématie aérienne d’Israël ?
 Et —the last, but not the least— sachant que tout cela est discuté depuis trois ans, quelle nouveauté pousserait à croire que ces questions pourraient trouver une réponse aujourd’hui ?

Le discours d’Obama est celui de l’impuissance : il se vante d’avoir retiré ses troupes d’Afghanistan et d’Irak et d’avoir assassiné un fantôme qui n’existait depuis une décennie que dans les cassettes d’Al-Jazeera. Il annonce qu’il va combattre le terrorisme que partout il protège. Il déclare qu’il va soutenir plus efficacement l’« opposition syrienne », mais se défausse immédiatement sur le Congrès —qui ne voulait pas le voir bombarder le pays durant la crise des armes chimiques—, certain que celui-ci se limitera au minimum.

Les nouveaux diplômés de l’Académie militaire de West Point n’ont pas réservé de standing ovation au président Obama.

Ce discours n’est qu’un verbiage de façade tentant de masquer un déclin irréversible. Il a stupéfait l’assistance qui a compris la fin de ses rêves de conquêtes. Contre toute attente, moins d’un quart des 1 064 nouveaux diplômés de l’Académie militaire de West Point a applaudi le président, tandis que la majorité restait de marbre. L’Empire se meurt lentement.

Source
Al-Watan (Syrie)

[1« Discours de Barack Obama à l’académie militaire de West Point », par Barack Obama, Réseau Voltaire, 28 mai 2014.

[2« Réflexions sur l’annonce officielle de la mort d’Oussama Ben Laden », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 4 mai 2011.

[3« Le Pentagone adopte la formule "2, 2, 2, 1" », par Alfredo Jalife-Rahme, Traduction Arnaud Bréart, La Jornada (México), Réseau Voltaire, 27 mai 2014.

[4President Obama’s foreign policy is based on fantasy”, éditorial de la rédaction du Washington Post, 2 mars 2014.

[5Israeli general says al Qaeda’s Syria fighters set up in Turkey”, par Dan Williams, Reuters, 29 janvier 2014. « Lettre ouverte aux Européens coincés derrière le rideau de fer israélo-US », par Hassan Hamadé, Réseau Voltaire, 21 mai 2014.

[6« Discours de Barack Obama à la National Defense University », par Barack Obama, Réseau Voltaire, 23 mai 2013.