Manlio Dinucci revient sur l’indécence consistant à afficher sa solidarité avec les victimes du tremblement de terre qui vient de frapper le centre de l’Italie, tout en ne manifestant que du mépris pour les victimes des guerres engagées secrètement, avec l’Otan, par la même Italie.
« Rien que des décombres, comme s’il y avait eu un bombardement », a dit la présidente de la Chambre Boldrini en visitant les lieux sinistrés par le tremblement de terre [1]. Paroles sur lesquelles il faut réfléchir au-delà de l’image.
Face aux scènes déchirantes des enfants morts sous les décombres, comment ne pas penser à tous ces enfants (que la télé ne nous a jamais montrés) morts sous les décombres des bombardements auxquels, de la Yougoslavie à la Libye, a aussi participé l’Italie ? « On a l’impression d’être en guerre », raconte un des nombreux volontaires.
En guerre, la vraie, l’Italie en effet y est déjà, brûlant des ressources vitales qui devraient être destinées à protéger la population de notre pays des tremblements de terre, des coulées de boue et inondations qui provoquent de plus en plus de victimes et de destructions. Des politiciens de provenances diverses ont proposé, dans un élan de générosité, de destiner aux zones sinistrées le jackpot du Superenalotto [2], 130 millions d’euros. Personne cependant n’a proposé d’employer à cet effet le « jackpot » de la dépense militaire italienne qui se monte, selon les données officielles de l’Otan, à environ 20 milliards d’euros en 2016, 2,3 milliards de plus qu’en 2015 : en moyenne 55 millions d’euros par jour, chiffre en réalité plus important quand on inclut les dépenses hors budget de la défense attribuées à d’autres ministères. En tout cas d’après les données de l’Otan, l’Italie dépense en un seul jour pour le militaire plus que ce qu’a prévu le gouvernement pour l’urgence tremblement de terre (50 millions d’euros), cinq fois plus que ce qui a jusqu’à présent été récolté avec les SMS solidaires [3].
Alors que manquent les fonds pour la reconstruction et la mise en sécurité des édifices par de réels systèmes anti-sismiques, pour un plan à long terme contre les tremblements de terre et les débâcles hydro-géologiques.
Alors que les pompiers, dont en ces occasions on reconnaît formellement les mérites, ont des effectifs, salaires et moyens totalement inadéquats pour le travail qu’ils effectuent, souvent au risque de leur vie, non seulement dans les urgences quotidiennes, mais dans les désastres « naturels » de plus en plus fréquents (dont les conséquences catastrophiques relèvent en grande partie de responsabilités humaines).
Par contre ne manquent pas les financements et les moyens pour les forces spéciales italiennes qui opèrent dans la nouvelle guerre de Libye. À Pise, où il y a deux ans a été constitué le Commandement des forces spéciales de l’armée (Comfose), se sont intensifiés depuis des mois les vols des C-130J qui partent pour des destinations inconnues chargés d’armes et de ravitaillements. Ces opérations sont autorisées secrètement par le président du Conseil Matteo Renzi sans qu’il en réfère au parlement. L’article 7 bis de la loi 198/2015 sur la prolongation des missions militaires à l’étranger confère au président du Conseil la faculté d’adopter des « mesures de Renseignement d’opposition, en situations de crise (…), avec la coopération de forces spéciales de la Défense avec les aménagements consécutifs de soutien de la même Défense », avec la seule obligation d’en référer formellement au « Comité parlementaire pour la sécurité de la République ». En d’autres termes, le président du Conseil a en main des forces spéciales et des services de renseignement à utiliser dans des opérations secrètes, avec le soutien de tout l’appareil militaire. Un pouvoir personnel anticonstitutionnel, potentiellement dangereux y compris sur le plan intérieur.
Alors qu’il affiche son émotion aux funérailles des victimes du tremblement de terre, en faisant des promesses sur la reconstruction, le président du Conseil Renzi, dans le cadre de la stratégie USA/Otan, conduit l’Italie à d’autres guerres et à une dépense militaire croissante au détriment des exigences vitales du pays. Dépense à laquelle s’ajoute celle, secrète, pour les opérations militaires secrètes qu’il a ordonnées. Alors que, sur la reconstruction promise des zones sinistrées, Renzi assure la « plus grande transparence ».
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