« Les Irakiens peuvent se gouverner eux-mêmes sans supervision américaine »
Iraqis can govern themselves without American supervision
The Daily Telegraph (Royaume-Uni)
[AUTEUR] Ahmed Chalabi est président de l’Iraqi National Congress, un groupe d’opposition irakienne créé par la CIA dans les années 90.
[RESUME] Nous, l’opposition irakienne, avons un message différent de celui des manifestants de samedi : nous demandons un soutien à la démocratie en Irak. Quand on est au Kurdistan irakien, on comprend mieux que dans les rues de Londres que Saddam Hussein est en guerre contre son propre peuple depuis plus de trente ans. Par conséquent nous n’appelons pas à une guerre anglo-américaine contre le peuple irakien, mais nous demandons à la communauté internationale de nous aider à libérer l’Irak.
Nous allons construire en Irak un système politique qui donnera le pouvoir au peuple, garantira l’autonomie régionale, assurera l’équilibre des pouvoirs et le respects des droits de tous les Irakiens. L’Irak sera dirigé par les Irakiens, même si dans un premier temps il y aura une participation internationale. Nous rejetons les principes de gouvernement militaire et d’administration par l’ONU car il existe bien assez d’Irakiens talentueux parmi les exilés et les Kurdes, le tiers de la population irakienne qui n’est pas sous le contrôle de Saddam Hussein. Nous avons déjà préparé des plans pour reconstruire le pays en assurant les besoins élémentaires, en garantissant la stabilité du pays, en recherchant les dernières armes de destruction massive, en reconstruisant l’économie et en organisant la déba’assification du pays. Dans un premier temps, nous devrons accepter des restrictions de nos libertés sous contrôle des libérateurs, mais elles seront minimes et ne dureront pas. Il n’y a pas de problème ethnique en Irak. Nous savons coexister et nous savons diriger le pays ensemble.
« Les Irakiens ne seront pas les pions du jeu de guerre de Bush et Blair »
Iraqis will not be pawns in Bush and Blair’s war game
The Guardian (Royaume-Uni)
[AUTEUR] Kamil Mahdi est un exilé politique irakien et enseignant sur les questions économiques du Proche-Orient à l’University of Exeter.
[RESUME] Après avoir échoué à convaincre la population britannique que la guerre était justifiée, Tony Blair invoque les souffrances du peuple irakien pour justifier son bombardement. Selon lui, si Bush ne fait pas la guerre à Saddam Hussein, ce dernier fera plus de victimes dans sa population qu’une guerre.
Nous connaissons les crimes du régime irakien et nous savons aussi que ses pires excès ont été commis il y a douze ans, avec les gaz des troupes de Colin Powell, et il y a trente ans quand Henry Kissinger instrumentalisait le nationalisme kurde. La pire répression politique eut lieu entre 1978 et 1980, dans l’indifférence internationale, mais les plus graves souffrances des Irakiens viennent des sanctions imposées dans les années 90.
Dans les discours du gouvernement, les Irakiens ne sont que des victimes sans espoir ou dignité, incapables d’une action politique qui ne serait pas sous tutelle. Pourtant, les Irakiens continuent de se battre pour la liberté. Prétendre que seule l’invasion américaine peut les libérer n’est que de la propagande. Saddam Hussein et son parti ont dû subir de nombreuses révoltes ou menaces politiques et ils ne s’en sont sortis que grâce à la complicité internationale ou régionale. Les Anglo-Américains veulent un changement de régime sans les Irakiens et ils n’utilisent des auxiliaires irakiens que pour minimiser leurs pertes.
Bush a recruté des exilés pour se donner une crédibilité, mais Amhed Chalabi et Kanan Makiya n’ont aucune crédibilité dans la population et les nationalistes kurdes, rongés par les luttes internes, sont totalement dépendants des États-Unis. La vraie opposition irakienne, composée des partis de gauche, du parti communiste irakien, des partis nationalistes arabes, du parti Islamique et du parti Dawa, ne veut pas la guerre. L’attaque états-unienne conduira au désastre, pas à la libération.
« La pire défense »
The Worst Defense
New York Times (États-Unis)
[AUTEURS] Daniel Benjamin est associé au Center for Strategic and International Studies. Lui et Steven Simon sont co-auteurs de The Age of Sacred Terror. Ils ont été membres du National Security Council (1994-1999) sous l’administration Clinton.
[RESUME] Tom Ridge, le secrétaire à la Sécurité de la Patrie a lancé la « Ready campaign » afin de calmer la population, excédée par deux semaine d’alerte orange de menace terroriste. Cela aurait plus de poids si l’administration Bush avait investi davantage contre une attaque terroriste sur le territoire.
En effet, sur les 160 milliards de dollars supplémentaires dépensés par l’administration pour la sécurité depuis le 11 septembre, la plus forte partie a été attribuée à l’armée et bien peu à la sécurité du territoire, cette dernière devant se contenter d’une augmentation d’1,1 milliard de dollars pour les forces d’opérations spéciales. Dans le même temps, la défense anti-missile nationale en recevait 9, bien que la probabilité d’une attaque par missile soit quasi nulle.
Le département à la Sécurité de la patrie a bien reçu 12 milliards pour la sécurité aérienne et pour la recherche de vaccins, mais la sécurité des bagages en provenance d’avions venant d’aéroports étrangers n’a pas été renforcée. Oui, la défense parfaite n’existe pas, mais une approche plus systématique de notre défense est essentielle.
Nous pourrions par exemple instituer une zone de quarantaine maritime, éloignée de nos côtes, pour les bateaux suspects, créer un nouveau type de radar permettant de mieux assurer la sécurité aérienne, renforcer la sécurité dans les zones autour des aéroports pour éviter les tirs de missiles comme à Mombassa et équiper les avions de lignes de contre-mesures. Il faut aussi empêcher Al Qaïda de s’équiper en armes de destruction massive en relançant le programme de destruction des armes soviétiques et en l’appliquant à de nombreux pays dans le monde, tels que l’Irak ou le Pakistan.
Les États-Unis doivent faire preuve de créativité contre l’ingéniosité d’Al Qaïda au lieu de donner plus de moyens à l’armée qui a déjà les capacités suffisantes pour vaincre n’importe quel État voyou.
[CONTEXTE] Sur la Ready campaign, voir également l’article du Réseau Voltaire, « Conditionnement des familles états-uniennes » dans l’Observatoire de la propagande.
« Garder l’option nucléaire ouverte »
Keep Nuclear Options Open
Los Angeles Times (États-Unis)
[AUTEUR] L’ambassadeur David J. Smith est officier d’opération en chef du National Institute for Public Policy, un think tank financé par Lockheed Martin et réunissant les plus anciens partisans de l’arme spatiale. Il a été chef négociateur pour la défense et l’espace dans la première administration Bush. À ce poste, il s’est efforcé de dissocier les demandes soviétiques de non-prolifération et le programme US de « guerre des étoiles ». Il fut aussi responsable des questions de défense et de politique étrangère pour la campagne électorale de Bob Dole.
[RESUME] Dans quelques semaines, pour sauver son régime ou pour frapper une dernière fois l’ennemi, Saddam Hussein risque d’utiliser ses armes de destruction massive contre les troupes états-uniennes ou de la coalition, contre les pays voisins, contre le Royaume-Uni ou les États-Unis. Saddam Hussein est l’incarnation de ce à quoi Bush faisait référence quand il parlait du risque qu’incarnait la « rencontre de l’extrémisme et de la technologie ». En effet, aujourd’hui, même des nations insignifiantes ou des groupes terroristes peuvent disposer d’une technologie militaire dangereuse. Face à ces menaces les États-Unis doivent envisager toutes les options, y compris nucléaires, de façon préventive ou offensive.
En 1991, les États-Unis avaient fait comprendre à l’Irak que toute utilisation d’arme de destruction massive entraînerait une riposte nucléaire et l’OTAN avait également affirmé qu’une attaque conventionnelle de l’URSS contre l’Europe aurait également cette conséquence. C’est pourquoi George W. Bush a raison de prévenir Saddam Hussein qu’il ne doit pas utiliser ses armes de destruction massive et de garder l’option nucléaire ouverte.
Les armes nucléaires peuvent également frapper les sites possédant des armes de destruction massive, si on sait qu’elles sont sur le point d’être utilisées. Que ce soit pour la prévention ou pour protéger la nation, il pourrait être désastreux pour la stratégie militaire états-unienne de suggérer que l’arme nucléaire n’est plus une part importante de notre stratégie de sécurité nationale.
« Jouer la montre est risqué »
Playing the long game is risky
International Herald Tribune (États-Unis)
[AUTEUR] James E. Goodby est diplomate états-unien. Il est membre du Center for Northeast Asian Policy Studies de la Brookings Institution. Il a été négociateur en chef lors des pourparlers du plan Nunn-Lugar avec la Russie, sous l’administration Clinton.
[RESUME] Le dédain de Washington pour la crise nord-coréenne est probablement imputable à la concentration sur l’Irak, mais peut-être fait-il partie d’une stratégie. Les conseillers de Bush pensent qu’ils seront en meilleure position pour négocier avec Pyongyang quand ils auront fait une démonstration de force en Irak.
Toutefois, vu l’aversion de Bush pour les négociations en matière d’armement et pour Kim Jong Il, il est possible que l’administration états-unienne joue la montre en pensant que, tôt ou tard, le régime du Nord s’effondrera et que la Corée sera réunifiée. Cela entre dans la logique de Colin Powell qui avait affirmé que si la Corée du Nord détient déjà une ou deux armes nucléaires, peu importe qu’elle en ait six de plus. Vu l’orientation idéologique et l’obsession irakienne de Bush, on peut malheureusement penser qu’il s’agit de la seule option envisageable pour Washington, même si cela va pousser à une course aux armements en Asie.
Cela valide l’affirmation de George Tenet, le directeur de la CIA, qui prétend que nous sommes entrés dans un « nouveau monde de prolifération ».
« Schroeder ne parle pas pour tous les Allemands »
Schroeder Doesn’t Speak for All Germans
Washington Post (États-Unis)
[AUTEUR] Angela Merkel est présidente de la CDU et du groupe parlementaire CDU/CSU au Bundestag.
[RESUME] Avec la chute du Mur de Berlin, le 9 novembre 1989, et les évènements du 11 septembre 2001, nous avons assisté à la naissance d’une nouvelle époque dans laquelle l’Europe et les États-Unis doivent redéfinir leurs principes de politiques étrangères, intérieure et de sécurité. L’Europe a de nouvelles responsabilités mondiales, au Kosovo ou en Afghanistan, mais elle est divisée et l’OTAN vit une crise de légitimité. L’Allemagne ne doit pas agir toute seule, pourtant son gouvernement le fait par tactique électorale. La France s’attaque aux nouveaux pays de l’Union européenne simplement parce qu’ils ont rappelé leur attachement aux liens entre l’Europe et les États-Unis.
Le seul point positif récent est la déclaration commune du sommet de l’Union européenne de lundi dans laquelle les dirigeants européens ont adopté une position commune sur l’Irak, position qui marque la première évolution de Schroeder sur cette question et qui nous réjouis, nous l’opposition parlementaire allemande. En effet, même si la guerre ne doit être que le dernier recours, le chancelier allemand, en excluant tout recours à la force, empêche de faire pression sur un dictateur. La paix est certes un bien précieux, mais on ne peut pas sacrifier une véritable paix à venir à la fausse paix actuelle. Les nations libres doivent être unies dans la crise actuelle et pour l’avenir.
Il faut reconstruire une alliance de sécurité commune entre l’Europe et l’Amérique. L’Allemagne a besoin de l’amitié de la France comme de celle des autres pays européens, nouveau ou anciens, et de celle des États-Unis. Le parti que je représente estime que, pour l’Allemagne, l’alliance avec les États-Unis est aussi importante que l’intégration européenne.
[CONTEXTE] Le 16 janvier dernier, Angela Merkel avait cosigné une tribune dans Le Figaro avec le président de l’UMP, Alain Juppé, intitulée « France-Allemagne : un rôle toujours décisif » dans laquelle elle appelait à une relance du couple franco-allemand et à une politique étrangère et de défense commune entre la France et l’Allemagne. Cette tribune avait été traitée dans le numéro 68 de Tribunes libres internationales.
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