Procès-verbal de la séance du 2 avril 2003

Présidence de M. Patrick Ollier, Président

Les témoins sont introduits.

M. le Président leur rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête leur ont été communiquées. A l’invitation du Président, les témoins prêtent serment.

M. le Président : Monsieur Petit. Nous souhaitons que vous nous disiez ce que vous avez à dire sur le processus de reprise, sur la gestion de l’entreprise et sur les travaux réalisés à la demande du comité d’entreprise par M. Bonan. Au fur et à mesure de votre propos, forcément des questions seront posées.

Ensuite, M. Bonan parlera aussi pour une dizaine de minutes. Enfin, Me Levasseur interviendra puisqu’il a, je crois, quelque chose à nous dire.

M. Didier PETIT : J’ai ici un dossier de pièces que je vous communiquerai à la fin de cette audition, dossier que je détaillerai pendant mon intervention. J’ai aussi l’ensemble des disquettes informatiques des procès-verbaux du comité d’entreprise. Je ne les ai pas avec moi, mais je peux vous les communiquer si cela vous intéresse.

M. le Président : La réponse est oui, monsieur Petit, et je vous en remercie.

M. Didier PETIT : Je vais vous donner quelques appréciations personnelles sur la période qui va du 1er août 2001 au 10 janvier 2002, en tant que représentant syndical au comité d’entreprise d’Air Lib.

Une chose évidente que vous avez remarquée : il n’y a jamais eu d’investisseur dans la compagnie Air Lib. Détail fondamental : la CIBC, banque mandatée par M. Corbet, aurait reçu 9 millions d’euros pour trouver des investisseurs. Cette banque n’a jamais trouvé d’investisseur et le seul investissement de trésorerie qu’il y ait eu a été le prêt FDES. C’est quelque chose de très curieux pour une compagnie aérienne qui se voulait être le deuxième pôle aérien français.

Suite à cela, pendant cette période du 1er août 2001 au 10 janvier 2002, nous n’avons pas vu de projet d’entreprise, nous n’avons pas vu de plan de restructuration visant une rentabilité économique. Il y avait un sureffectif connu sur l’Airbus 340, 76 pilotes de mémoire, un long courrier qui ne démarrait pas puisqu’il a fallu faire un code share avec Air France et mettre une base à Charles de Gaulle qui s’est révélée être une catastrophe économique.

Nous, en tant qu’acteurs sociaux et représentants syndicaux, nous avons vu arriver deux ordres du jour -celui du 18 décembre et celui du 28 décembre. Celui du 18 décembre dit : " information et consultation éventuelle du comité d’entreprise sur la marche générale de l’entreprise et conséquences éventuelles pouvant entraîner la nécessité d’un dépôt de bilan."

M. le Président : Le 18 décembre ?

M. Didier PETIT : Le 18 décembre 2001. On est à peine trois mois et demi après le démarrage de cette société et l’on nous donne déjà un ordre du jour sur la nécessité d’un dépôt de bilan !

L’ordre du jour du 28 décembre 2001 précise à peu près la même chose en son point 3 : " éventuelle consultation du comité d’entreprise sur un éventuel dépôt de bilan. "

Au comité d’entreprise du 28 décembre, M. Bachelet, directeur général, annonce : " nous avons épuisé notre trésorerie, nous aurions dû être en cessation de paiement dès ce soir. " On peut dire que d’ores et déjà la compagnie Air Lib avait vécu.

Tout ce qui va suivre, à partir du mois de janvier 2002, hormis l’arrivée de cette trésorerie, ne sera qu’une lutte contre l’impossible rentabilité, une forme de dégradation, de mort lente.

Au comité d’entreprise du 4 janvier 2002, M. Corbet précise que pour rendre l’entreprise pérenne sur le long terme, il faut 400 millions de francs de fonds propres, 400 millions de francs d’emprunts et 350 millions de francs de gains de productivité. Et plus loin, il dit : " nous sommes en trésorerie nulle à partir de ce jour. "

Tous les procès-verbaux que je cite seront communiqués à la commission.

Dans le même temps, le 9 janvier 2002, le tribunal de commerce de Créteil -vous le saviez- avait nommé un mandataire ad hoc, Me Lafont, dans le cadre de la loi de 1984 sur la prévention et le règlement des difficultés des entreprises.

On reçoit le premier versement du prêt FDES de 30 millions d’euros dans le même temps, à un jour près, et ce dans le but de restructurer l’entreprise. On est donc dans une entreprise qui est quasiment en dépôt de bilan et en cessation de paiement ; on apporte 30 millions d’euros, soit près de 200 millions de francs, afin qu’elle puisse redémarrer.

Il est évident que ce montant n’est absolument pas calibré pour un redémarrage d’entreprise et que l’on est plus dans une logique de survie de l’entreprise et de maintien de l’emploi. Ces 200 millions de francs auraient déjà dû préparer un plan social ou préparer une suite, une transformation de cette entreprise, ce qui n’a jamais été fait.

A un an près, on est exactement dans la situation où l’on est aujourd’hui. C’est-à-dire que si l’on n’avait pas eu ces 200 millions de francs, la liquidation aurait été prononcée dans les mêmes termes.

Que faisait le juge commissaire à l’exécution du plan ? C’est la question que je me pose. L’audit Mazars intervient à ce moment-là. Pourquoi n’a-t-il pas insisté sur la difficulté de cette entreprise ? Je ne sais pas, je ne connais pas l’audit Mazars.

L’Etat a-t-il été abusé sur le montant nécessaire à cette restructuration ? Je ne sais. En tout cas, aucun projet de restructuration n’a été réalisé et finalisé à l’exception d’une vague présentation d’un projet de gain de productivité au comité d’entreprise qui n’a donné aucune suite. Mais aucun projet n’a été finalisé.

Pendant ce temps, que faisaient les organisations syndicales ? Je passe à un deuxième point qui est la réactivité syndicale à cela.

M. le Président : Excusez-moi, vous avez parlé du commissaire chargé du plan de liquidation. Qui était-ce ?

M. Didier PETIT : Le juge commissaire à l’exécution du plan était M. Rousselin.

M. le Président : C’est le président du tribunal de commerce.

M. Didier PETIT : C’est le Président Rousselin qui avait été nommé lors jugement du 27 juillet 2001.

M. le Président : A l’époque, il était juge commissaire, il n’était pas président.

M. Didier PETIT : Exactement.

M. le Président : Depuis, il est président. C’est la même personne.

M. Didier PETIT : C’est la même.

Que font les organisations syndicales, juste après tout cela ? Elles sont quand même conscientes, en temps et en heure, de la difficulté de l’entreprise et de ce qu’il faudrait réaliser pour qu’elle survive. Elles ne restent pas inactives.

Le syndicat de pilotes que je représente est un syndicat corporatiste qui a quand même des alliances avec d’autres syndicats. Que fait-il ? Le 22 mars, lors de la présentation par Corbet d’un énième business plan, il demande tout simplement des comptes et des informations économiques vérifiables. Il demande surtout un ordre du jour avec un droit d’alerte, avec la possibilité de mettre en route un droit d’alerte et de faire nommer un expert-comptable.

A cet instant, on n’a pas de comptabilité analytique, on n’a plus de comptes, même quelques informations, depuis octobre 2001. C’est très important : on n’a pas de comptes après que l’on nous ait annoncé qu’il y aurait pu y avoir un éventuel dépôt de bilan !

Nous avons alors été obligés de faire une sommation interpellative à la suite de ce comité d’entreprise du 22 mars 2002 pour pouvoir avoir l’ordre du jour. Le 12 avril 2002, le tribunal de grande instance de Créteil, en référé, a tout simplement prononcé la validation et l’exécution de l’ordre du jour.

Le 29 avril, un droit d’alerte est voté, M. Bonan est nommé expert-comptable et tout un ensemble de réponses aux questions qui avaient été présentées lors de ce comité d’entreprise est défini. Je vous ai communiqué l’ensemble de ces réponses, c’est-à-dire le texte donné par la direction à ce moment-là.

Un élément important concernant ces textes : des documents auraient normalement dû être transmis au comité d’entreprise, dont la fameuse facture de la CIBC. Ce dernier document ne l’a jamais été, alors qu’il avait été précisé que ce document aurait dû l’être.

M. le Président : Vous ne l’avez toujours pas eu ?

M. Didier PETIT : Non, nous ne l’avons pas eu. Détail important : juste avant le 29 avril, nous avions eu la possibilité d’avoir accès à certains documents en préparation de ce droit d’alerte et nous avions eu la possibilité de voir une facture. On nous a montré une facture d’Holco. C’est très important.

M. le Président : L’avez-vous ?

M. Didier PETIT : Non, elle devait être communiquée au comité d’entreprise avec le droit d’alerte.

M. le Président : C’était une facture issue de Holco ?

M. Didier PETIT : Une facture à Holco de la CIBC.

Mme Arlette GROSSKOST : Quel en était le libellé ?

M. Didier PETIT : Je vais vous montrer comment on travaille à Air Lib. (Agitant un papier)Voilà la facture ! Voilà comment on montre les informations à Air Lib.

M. le Président : Personne à ce moment-là ne demande à la voir ?

M. Didier PETIT : Si, nous la voyons.

M. le Président : Personne ne demande à la saisir ?

M. Didier PETIT : Nous la voyons, nous essayons quand même de l’avoir.

M. Claude BONAN : J’ai assisté à cette réunion, j’ai eu la facture entre les mains quinze secondes. Dans cette facture, le libellé commençait par : "Honoraires de nos différentes interventions", puis suivait une liste de motifs : "Premier motif : recherche de financement pour votre opération" et puis divers autres motifs dont j’ai oublié le détail. En gros, cela n’avait aucun caractère d’une facture réelle. Simplement, il y en avait pour 50 millions de francs ; 9,135 millions de dollars.

M. Gilbert GANTIER : Ce n’est pas la peine de vous demander si vous avez eu une photocopie de cette facture.

M. Claude BONAN : Non, nullement.

Mme Arlette GROSSKOST : Et pas d’ordre de mission ?

M. Claude BONAN : Non plus !

M. le Président : Je vous rassure : nous allons nous faire transmettre les pièces. Il n’y a aucun problème, nous aurons cette facture.

M. Didier PETIT : Bravo ! Bon courage !

M. Claude BONAN : Vous avez des brouettes de documents à faire saisir !

M. Didier PETIT : Le droit d’alerte avait pour principal objet l’information sur la ventilation de l’argent des Suisses, les investisseurs, la banque CIBC, les comptes de l’entreprise et le plan d’entreprise 2003 que l’on n’avait jamais reçu sous une forme finalisée.

Surtout, ce droit d’alerte a permis une chose fondamentale dont nous sommes très contents : la découverte des filiales étrangères. Le 29 avril 2002, pour la première fois M. Corbet et Me Léonzi, dont nous parlerons tout à l’heure, ont prononcé les mots de Holco Lux et de Mermoz Hollande et Irlande. Cela figure au procès verbal du comité d’entreprise.

De quoi se rend-on compte à ce moment-là ? Qu’une séparation des actifs a été faite sans information du comité d’entreprise, puisque Mermoz Hollande et Holco Lux ont été créées bien avant le 29 avril 2002. Nous nous rendons compte que toutes les informations économiques étaient annoncées sans qu’il soit possible de les vérifier. C’est cela le point fondamental de ce droit d’alerte.

Les réponses données aux questions posées par le comité d’entreprise ne sont jamais étayées. On vous dit que c’est ainsi, que cela a déjà été communiqué. Où ? Quand ? Comment ? On ne sait pas. Je ne vous en ferai pas la lecture ici.

Petit détail à propos de la CFDT que vous avez reçue : il faut savoir qu’elle s’est opposée à un ordre du jour d’une séance du comité d’entreprise qui prévoyait de demander un droit d’alerte. Ils ont voté contre. La CFDT s’est opposée fermement au vote de ce droit d’alerte qui a été adopté à une voix près, 8 voix pour et 7 voix contre. Il est très important de le dire : parmi les organismes syndicaux, la CFDT a été à ce moment-là l’allié objectif de M. Corbet. Je ne sais pas pour quelle raison. Moi, j’ai reçu le bâton -je vais vous l’expliquer-, peut-être ont-ils reçu la carotte.

M. le Président : Que voulez-vous dire précisément ?

M. Didier PETIT : C’est une question qu’il faudrait leur poser. Vous les avez peut-être déjà auditionnés. Quand je dis que j’ai reçu le bâton, c’est que j’ai été attaqué en représentativité pour que mon syndicat soit dissout ou n’existe plus. Peut être que si l’on donne du bâton à l’un, on donne une carotte à l’autre. On peut se poser la question.

M. le Président : Vous n’avez pas d’élément de preuve permettant de montrer l’avantage que la CFDT a pu en tirer.

M. Didier PETIT : C’est une image. La carotte doit être bien pourrie aujourd’hui, après une liquidation de 3 200 personnes !

M. le Rapporteur : Pour être précis, visez-vous ce qu’a évoqué une autre organisation syndicale, à savoir une promotion dont aurait bénéficié l’épouse de l’un des membres de la CFDT à l’époque ?

M. Didier PETIT : Absolument pas. Je ne rentre pas dans ce débat.

M. le Rapporteur : Visez-vous d’autres choses, comme ce qui s’est passé lors des élections ?

M. Didier PETIT : Quand je dis que certains ont eu le bâton et d’autres la carotte, c’est une supposition et une interrogation que je soulève. Si j’ai eu le bâton, peut-être que d’autres ont eu la carotte.

Dernier point important : les pistes de ce qui pourrait être apparenté à des détournements d’actifs. Cela concerne Holco Lux, un peu la gestion d’Air Lib, et peut-être celle d’Holco parce que l’on n’a aucune information sur Holco.

Vous avez sans doute l’ensemble des jugements des tribunaux de commerce sur la reprise. Le jugement du 6 août du tribunal de commerce de Créteil précise que la contribution financière de Swissair dans l’annexe 1 de ce jugement a pour objet : " ... le financement de la restructuration et de l’activité de la ou des structures de reprise des actifs faisant l’objet du plan de cession ". Cela veut dire que la contribution financière avait pour objet le financement de la restructuration.

Le jugement du 13 septembre 2001 du tribunal de commerce de Créteil précise : " par ces motifs, dit que la société Holco bénéficie d’une faculté de substitution au profit de toute entité créée pour les besoins de la reprise. "

Il faut bien mettre en parallèle ces deux éléments : l’un, la contribution financière de Swissair, qui a pour objet le financement de la restructuration, et l’autre, toute entité créée pour les besoins de la reprise.

Je me pose la question suivante sur la création d’Holco Lux -dont je vous ai apporté les statuts-en février 2002 : pour quels besoins de la reprise des actifs cette entité a-t-elle été créée ? Je n’ai pas la réponse.

Il faudrait voir les comptes d’Holco Lux et le rapport Mazars. Secafi Alpha, le deuxième expert du comité d’entreprise, nous a donné des informations sur le rapport Mazars que Me Léonzi lui a transmis. Je ne sais pas si vous allez auditionner ces experts, mais c’est très important.

M. le Président : Je vous rassure, nous allons les auditionner.

M. Didier PETIT : Très bien ! Ils ont lu le rapport Mazars dans le détail. Il y a, paraît-il, un très long passage sur Holco Lux. J’aimerais que l’on m’explique pourquoi cette entité Holco Lux a été créée dans le même temps que le prêt FDES arrivait.

Il y a là une vraie question de fond, une supposition : Corbet n’a-t-il pas utilisé le prêt FDES pour ne pas intervenir en tant qu’actionnaire, pour avoir prétexte à ne pas intervenir en tant qu’actionnaire principal dans Air Lib ? N’a-t-il pas organisé Holco par rapport à la gestion de ce prêt FDES à sa manière ?

La cession globale du 27 juillet 2001 donnait bien l’ensemble des actifs AOM-Air Liberté à Corbet. Pourquoi Corbet a-t-il eu la ferme volonté de séparer constamment les actifs, de ne jamais en informer les organisations syndicales ni les représentants du personnel, si ce n’est aux forceps par un droit d’alerte violent qui a été une bataille sans nom ? C’est la question de fond que nous nous posons.

En quoi le financement d’Holco Lux pouvait-il servir la restructuration d’Air Lib ? C’est une question de fond. Holco Lux - 5 millions d’euros - société de portefeuille, sans personnel et sans gestion d’actifs. Que s’est-il passé ? Aujourd’hui, il y a une liquidation. Holco Lux reste vivante et M. Corbet en est le seul propriétaire.

M. le Président : De Mermoz aussi.

M. Didier PETIT : Non, Mermoz UA avait les avions.

M. le Président : M. Corbet est propriétaire de Mermoz UA aussi. Nous sommes bien d’accord là-dessus.

M. Didier PETIT : Oui, tout à fait.

Deux derniers points : le rapport Mazars évoque des primes au personnel. A ce sujet, un article du Canard Enchaîné d’aujourd’hui reprend dans le détail l’affaire des primes qui auraient été données aux personnels dans Holco. Ces primes, pour un montant supérieur à 1,2 million d’euros, auraient été données entre août 2001 et le 31 mars 2002.

Holco, c’est quatre personnes d’après ce que l’on en sait. En réalité, on ne connaît toujours pas l’effectif total d’Holco ; le turn-over y est visiblement important.

M. le Rapporteur : Vous parlez d’Holco Lux ?

M. Didier PETIT : Non, de Holco.

M. le Rapporteur : Quelles sont ces personnes ?

M. Didier PETIT : D’après les informations dont nous disposons, il s’agirait de M. Corbet et de M. Bachelet.

M. le Rapporteur : Et les deux autres ?

M. Didier PETIT : Je n’ai que le nombre, je n’ai pas les noms.

Un dernier détail sur l’embauche de M. Michel Asseline, en tant qu’adjoint, au directeur des opérations en vol, en février 2002 : il n’y a eu absolument aucune transparence sur le financement de sa qualification Airbus 320 au sein de la compagnie Air Lib. J’ai posé plusieurs fois la question au comité d’entreprise. Ce monsieur était un cadre au sol, il n’était pas pilote et il a bénéficié d’une qualification Airbus 320, qui est coûteuse et qui n’est pas attribuée n’importe comment.

Pourquoi donner cette qualification soi-disant pour un futur projet de mise en ligne d’un Airbus A320 dans le cadre du développement de la flotte tout Airbus ? Ce monsieur n’était pas pilote au sein de la compagnie, il n’avait jamais été embauché comme pilote.

M. le Président : On nous a indiqué qu’il y avait un sureffectif de pilotes. Vous le confirmez ?

M. Didier PETIT : Tout à fait. Je le confirme.

M. le Président : N’est-il pas possible pour des pilotes de A340 de piloter des A320 ?

M. Didier PETIT : Tout à fait, c’est quasiment la même qualification. Vous avez de bonnes questions à poser à M. Corbet si vous le voyez.

M. le Président : Nous le verrons, mais plus tard.

M. Didier PETIT : Je terminerai en rappelant que M. Corbet avait deux casquettes : il était président d’Holco et président d’Air Lib. Il ne pouvait pas nier, il ne pouvait pas être inconscient que tout ce qu’il avait fait au sein d’Holco était organisé, prémédité -le mot est peut-être un peu fort- et que sa gestion d’Air Lib était différenciée par rapport à sa gestion d’Holco.

Je vous livre encore un élément : vous lirez dans le procès verbal du 29 avril 2002 la réponse qu’il fait quand on lui demande ce qu’il ferait si demain Air Lib rencontrait des difficultés. Il répond clairement : " Non, je n’investirai pas ce que j’ai mis dans Holco dans Air Lib". C’est-à-dire que dès le 29 avril 2002, il y a quasiment un an, M. Corbet avait déjà fait la séparation des pouvoirs et celle des intérêts. Il avait bien séparé Air Lib d’Holco.

M. le Président : D’après vos informations, les fonds versés à Holco venaient bien de fonds dus à Air Lib.

M. Didier PETIT : Oui, ces fonds, normalement, devaient assurer la pérennité et le maintien de l’emploi dans le plan de cession.

M. Xavier de ROUX : Le prêt FDES est-il versé à Air Lib ou à Holco ?

M. Didier PETIT : Il est versé à Air Lib. Il n’y a pas de doute !

Je vous ai laissé le jugement du tribunal d’instance de Longjumeau sur ma représentativité. Il est évident que si l’on a un discours qui dérange, on est écarté. M. Corbet a été condamné à 600 euros de dommages et intérêts, ma représentativité a été confirmée. Cela a obligé certaines organisations syndicales à se consacrer à leur défense plutôt que de se concentrer sur d’autres affaires. Cela s’est passé en novembre 2002.

Avant de passer la parole à M. Bonan, je dirai à cette commission que la fin d’Air Lib sonne la fin de carrière des pilotes. Notre organisation syndicale ne retiendra aucune circonstance atténuante à propos de la gestion des dirigeants d’Air Lib et se portera partie civile dans toute action pénale qui pourrait être envisagée contre M. Corbet. Nous y sommes profondément déterminés.

M. Xavier de ROUX : A titre informatif, M. Corbet soutient que le comité d’entreprise était totalement informé grâce au cabinet Secafi Alpha, expert du comité d’entreprise, qui avait émis un rapport très détaillé démontrant qu’il disposait de tous les éléments sur la gestion d’Air Lib.

M. le Président : De quand ce rapport date-t-il ?

M. Xavier de ROUX : Ce rapport doit être d’août 2002, d’après ce que dit M. Corbet.

M. le Président : Vous confirmez que le comité d’entreprise n’était pas du tout informé des comptes de la société ?

M. Didier PETIT : Je préférerais que cette question soit posée à M. Bonan, l’expert-comptable. En tout cas, il n’y avait aucune comptabilité analytique depuis octobre 2001.

M. le Président : Monsieur Bonan, vous avez la parole. Dans votre exposé, nous souhaiterions que vous nous expliquiez dans quelles conditions vous avez été commis en tant qu’expert-comptable, comment vous avez pu exercer cette mission, jusqu’à quand, comment on vous a facilité la mission pour qu’elle soit la plus efficace possible, et enfin, vos conclusions.

M. Claude BONAN : Monsieur le Président, mesdames et messieurs, je suis très heureux de venir devant votre commission. Au préalable, je voudrais préciser que je n’aurais pas dû être devant cette commission si l’on avait lancé une commission du même type lorsque Francis Lagarde a détourné 450 millions de francs dans une affaire identique, montée par le cabinet Vargas, cabinet d’avocats, qui est celui qui a été choisi par M. Corbet quand il a monté sa propre société !

M. le Président : Pouvez-vous donner plus de précisions sur les dates ?

M. Claude BONAN : La faillite d’EAS (Europe Aéro Services) date de janvier 1993. Après avoir été repris en décembre 1991, EAS a fait faillite au bout de deux ans, dans quasiment les mêmes conditions, avec une séparation d’actifs qui a permis à M. Lagarde d’empocher 450 millions de francs. M. Lagarde a été condamné par le tribunal correctionnel de Perpignan, à une peine de deux ans de prison, peine confirmée par la cour d’appel à deux ans de prison dont un an avec sursis. Il a ensuite déposé un pourvoi en cassation qui a été rejeté par la Cour de cassation. Huit ans après, il n’a toujours pas purgé sa peine et circule librement. Le procureur de Montpellier prétend qu’il n’est pas possible d’arrêter M. Lagarde qui aurait déménagé et que l’on ne sait pas où il habite, alors que M. Lagarde habite chez son frère, 6, rue Bizet à Paris.

M. le Président : Quel rapport ce monsieur Lagarde a-t-il avec Air Lib ?

M. Claude BONAN : C’est exactement le même montage financier qui a été mis en place ; il a fait exactement la même faillite.

M. le Président : C’est le même Lagarde... ?

M. Didier PETIT : Ce n’est pas le même.

M. le Président : Vous démontrez une situation similaire.

M. Claude BONAN : Oui, absolument.

M. le Président : ...mais ce monsieur Lagarde n’a rien à voir avec le Lagarde que l’on voit apparaître dans Air Liberté, en tant qu’expert.

M. Claude BONAN : Non, cela n’a rien à voir avec cet expert. Par contre, on voit apparaître M. Lagarde dans une société s’appelant EAS Industrie...

M. le Président : Excusez-moi, cela n’a rien à voir avec Air Lib tout cela.

M. Claude BONAN : Non, cela n’a rien à voir directement.

M. le Président : M. Corbet n’est pas mêlé à EAS ?

M. Claude BONAN : Non, bien sûr que non. Je voulais faire ce préambule pour vous dire que la situation a été montée par le même cabinet d’avocats, dans lequel travaillait Me Léonzi qui s’est ensuite mis à son compte.

M. le Président : Ah ! Commencez par nous dire cela !

M. Claude BONAN : Me Vargas était le conseil de M. Francis Lagarde, il avait suivi toutes ses opérations. C’est lui qui a monté l’opération pour M. Corbet. Dans le cabinet Vargas travaillait Me Léonzi qui suivait le dossier ; il s’est mis à son compte dès que l’opération s’est faite. Me Léonzi a créé son cabinet le 2 juillet 2001 et l’opération s’est faite le 27 juillet 2001.

M. le Président : Maintenant, nous avons compris, monsieur Bonan.

M. Claude BONAN : Vous comprenez pourquoi je parle de cela.

Ce préambule étant terminé -je pourrai y revenir plus longuement si vous le souhaitez-, sachez aussi que cette opération est une mauvaise application de la justice et qu’il est inacceptable que le pourvoi en cassation ayant été rejeté, ce monsieur soit toujours en liberté.

En ce qui me concerne, j’ai été désigné expert du comité d’entreprise dans le cadre d’une procédure d’alerte le 29 avril 2002. Quelques jours plus tôt, le 24, j’avais participé à la fameuse réunion que j’ai évoquée tout à l’heure, au cours de laquelle certains syndicats ont été reçus par Me Christophe Wilhelm pour avoir connaissance d’un certain nombre de documents dans le cadre des explications que donnait la direction aux questions posées par le comité d’entreprise. Il y avait une vingtaine de questions et quelques pièces devaient être présentées, dont la fameuse facture dont on a parlé, ainsi qu’une feuille présentant le détail de l’utilisation du 1,2 milliard de francs versés par Swissair à Holco.

J’ai été désigné le 29 avril, je n’ai pas pu prendre ma mission avant le 12 mai. C’est-à-dire que du 29 avril au 12 mai, j’ai eu des discussions téléphoniques avec M. Corbet pour qu’il m’accorde un rendez-vous. Il m’a accordé mon premier rendez-vous le 12 mai. Au cours de l’entretien, je lui ai posé des questions sur la réorganisation du groupe et sur son organisation. Je lui ai demandé des informations sur Holco. Il m’a répondu : "Sur Holco, je ne vous donnerai rien du tout."

Je lui ai dit que c’était la structure qui avait reçu les actifs d’Air Liberté. Il m’a répondu que j’étais mandaté par le comité d’entreprise d’Air Liberté qui est une filiale d’Holco et que je n’avais pas à demander quoi que ce soit sur Holco. Il a ajouté qu’il ne me donnerait rien, qu’il me montrerait éventuellement une facture ou deux de Holco à Air Liberté si tant est que j’aie besoin d’avoir accès à ces documents, mais qu’autrement, je n’aurais jamais accès à quoi que ce soit.

Par ailleurs, dans le cadre de ma mission, j’ai demandé à ce qu’un certain nombre de documents me soient donnés, des documents juridiques. Il m’a dit qu’il me donnerait les documents juridiques et qu’il demanderait à Me Léonzi qui était présent de m’en faire le commentaire. Me Léonzi devait prendre rendez-vous avec moi. J’ai refusé parce que je pense que c’est à l’expert d’organiser sa mission comme il le souhaite, et notamment de travailler sur documents plutôt que sur commentaires. J’ai donc demandé à ce que les documents me soient remis en me disant que j’étais assez grand garçon pour lire les documents et savoir ce qui m’intéressait.

M. le Président : Avez-vous eu les documents ?

M. Claude BONAN : Oui, j’ai eu un certain nombre de documents juridiques. Je les ai eus au début du mois de juin car les choses ont traîné.

Début juin, je n’avais toujours pas de local. Je voulais avoir un bureau dans lequel je puisse entreposer les documents que l’on me remettait et dans lequel je voulais me rendre pour travailler régulièrement, tous les jours s’il le fallait, avec mes collaborateurs dans l’entreprise. Nous avons pu avoir ce bureau vers le 14 ou le 15 juin et nous avons eu accès à quelques documents d’ordre comptable, comme la balance générale, mais nous n’avons pas pu avoir d’interlocuteur. M. Thierry Dervieux, le directeur financier, venant d’arriver le 1er mai, n’avait pas eu le temps de se mettre au courant des dossiers et il refusait de venir discuter avec moi parce qu’il n’avait pas eu le temps de prendre la mesure de son poste, ce que je conçois fort bien.

Il se trouve que le directeur financier a changé juste au moment où je suis arrivé ; ce n’est pas un point tout à fait neutre parce que le fait d’avoir changé le directeur financier alors que le précédent venait d’Air Liberté et connaissait bien la société, c’était quand même une opération faite délibérément pour m’empêcher d’avoir un interlocuteur normal. Quelqu’un qui arrivait ne pouvait pas me donner les informations que je demandais.

Ensuite, j’ai eu quelques difficultés à avoir tel ou tel document précis que je demandais. J’ai donc pris la décision, avec mon avocat, de demander les documents par voie judiciaire. Je les ai demandés le 25 juin 2002 et le 9 juillet, nous avons eu la séance du référé. Elle me donnait totale satisfaction et disait que sous astreinte, la société devait me donner tous les documents.

M. le Président : Pouvez-vous répéter la date ?

M. Claude BONAN : Le 9 juillet. Ma demande était du 25 juin, le 9 juillet j’ai obtenu une décision extrêmement favorable, décision qui a extrêmement surpris un auteur bien connu, spécialiste du droit social, Maurice Cohen. Il a dit qu’il avait l’intention de publier cette décision qu’on lui avait donnée pour la mettre dans la prochaine édition de son livre. En effet, cette décision fait jurisprudence car c’est la première fois qu’un expert-comptable demandait des documents par voie judiciaire.

Je n’ai pas eu de documents. Ce n’est pas parce que j’avais cette décision que j’ai eu les documents. J’ai donc attendu le mois de juillet ; ensuite, c’était les vacances et je me suis dit que ce n’était pas le moment...

M. le Président : Excusez-moi. Qui vous répondait qu’il ne voulait pas vous donner les documents ?

M. Claude BONAN : M. Corbet ou M. Dervieux, le directeur financier, ou M. Calderini, le directeur des relations humaines.

M. le Président : Que vous disaient-ils ?

M. Claude BONAN : La direction ne veut pas vous donner ces documents.

M. le Président : M. Corbet lui-même disait : " Je ne veux pas... " ?

M. le Rapporteur : Par oral ?

M. Claude BONAN : Verbalement, bien sûr.

M. le Rapporteur : Malgré la décision de justice !?

M. Claude BONAN : Malgré la décision de justice, je n’ai rien eu.

Après le 12 septembre, je demande au tribunal une liquidation d’astreinte. Le tribunal, le 12 septembre, au lieu de se prononcer sur le siège pour une liquidation d’astreinte, ce qui est l’habitude dans toutes les liquidations d’astreinte, se " gratte la tête " pour savoir si effectivement l’astreinte est justifiée sous prétexte que le comité d’entreprise qui n’avait rien à voir avec l’opération est intervenu pour dire qu’il n’était pas d’accord, qu’il voulait avoir accès au dossier. Accès au dossier de quoi ?

M. Xavier de ROUX : C’était devant quel tribunal ?

M. Claude BONAN : Le tribunal de grande instance de Créteil. Je précise qu’entre-temps, cela devait être vers le 9 ou le 10 juin, des élections avaient eu lieu au comité d’entreprise, provoquant un changement de majorité.

La CFDT, ayant obtenu la majorité, avait envie de contrôler ma mission. En l’occurrence, elle prenait prétexte de ce que le comité d’entreprise n’avait pas eu le temps d’avoir accès aux documents alors que les documents en cause étaient ceux visés par le jugement du 9 juillet qu’on ne m’avait toujours pas transmis. C’était donc extrêmement simple. Pourtant, le tribunal a mis cela en délibéré pour réfléchir. Le premier délibéré est fixé au 3 octobre. Le 3 octobre, il ne se passe rien. Le délibéré est reporté au 20 octobre. Le 20 octobre, il ne se passe rien. Le délibéré est reporté au mois de novembre. Et ce n’est que le 29 novembre...

M. le Président : Est-ce toujours vous qui allez au tribunal, monsieur Bonan ?

M. Claude BONAN : Oui, bien sûr.

M. le Président : C’est toujours vous qui faites les demandes. Que se passe-t-il avec le comité d’entreprise pendant ce temps ?

M. Claude BONAN : Le comité d’entreprise ne me soutient pas, c’est clair.

J’arrive le 29 novembre devant le tribunal qui me donne satisfaction. Nous avons la décision du tribunal qui n’est rendue que le 2 décembre. C’est-à-dire que je n’ai que le 2 décembre ce que l’on appelle l’exécution d’astreinte. J’obtiens une astreinte de 10 000 euros. C’est très bien, mais l’astreinte.

M. Gilbert GANTIER : L’astreinte ne vous donne pas les documents.

M. Claude BONAN : Bien sûr, l’astreinte, ce n’est pas les documents. Les documents, je ne les ai jamais eus.

Il faut savoir que c’est à ce moment-là, le 25 novembre, que le comité d’entreprise a décidé de me démettre de mes fonctions.

M. le Président : Sous quel prétexte ?

M. Claude BONAN : Sous le prétexte que ma mission gênait l’entreprise. Vous comprenez, quand on demande des documents, cela perturbe l’entreprise.

Donc, je n’ai jamais pu exécuter ma mission normalement. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir essayé.

Entre septembre et octobre, et même novembre, j’ai, pratiquement toutes les semaines, obtenu de la direction de pouvoir m’entretenir avec différents cadres de l’entreprise pour avoir une idée de ce qui se passait. J’ai vu un certain nombre de services. J’ai fait des comptes rendus extrêmement précis sur ce qui se passait.

Je peux vous préciser une chose : le 12 octobre, devant le tribunal de Créteil, Me Hubert Lafont, mandataire ad hoc, est venu dire quelque chose qui m’a particulièrement étonné. Il a dit : " Vous comprenez, nous sommes en négociations très importantes avec des investisseurs, ce n’est pas le moment que l’expert-comptable du comité d’entreprise vienne perturber ces négociations ".

M. le Rapporteur : Qui était Me Lafont ?

M. Claude BONAN : Me Hubert Lafont, le mandataire ad hoc, s’est mêlé de cela. Il est venu spécialement.

Pour déplacer Me Hubert Lafont qui est un mandataire judiciaire très occupé, pour qu’il vienne perdre une matinée à Créteil, il fallait que l’affaire soit très importante pour lui.

M. le Président : C’était quel jour ?

M. Claude BONAN : Le 12 septembre.

M. le Président : Le 12 septembre ? Pouvez-vous nous transmettre les comptes rendus ?

M. Xavier de ROUX : Le 12 septembre, Me Lafont se promène !?

M. Claude BONAN : Bien sûr, je vais vous donner tout cela. Je vais vous remettre les jugements et vous aurez tout ce qu’il faut pour apprécier.

M. le Président : Et les comptes rendus des entretiens avec les cadres dont vous avez parlé tout à l’heure.

M. Claude BONAN : Je vous en ai apporté un, mais je pourrai vous en donner d’autres. Je vous en ai apporté un qui me paraît extrêmement intéressant et pittoresque.

M. le Président : Lorsque Me Lafont a traité de cette perturbation que vous provoquiez dans les relations avec les investisseurs, éventuellement avez-vous eu à ce moment-là par lui ou par d’autres connaissance des investisseurs avec qui ils étaient en contact ?

M. Claude BONAN : C’est confidentiel, secret. Il n’a même pas voulu le dire au tribunal. Il n’a même pas dit : " Chut ! C’est M. Machin. ". Il a dit : " On ne peut pas vous le dire. Ce sont des investisseurs très importants et si leurs noms étaient évoqués, ne serait-ce qu’en filigrane, ce serait immédiatement la rupture des négociations ". Ce n’était pas sérieux !

M. le Président : Deuxième question : est-ce sur ce prétexte que le comité d’entreprise ensuite vous a relevé de votre mission ou sur un autre prétexte ?

M. Claude BONAN : Le prétexte de mon relèvement est clairement le fait que je perturbais l’entreprise en demandant des documents. Point !

M. le Président : C’est le prétexte qui était écrit dans le...

M. Claude BONAN : Oui, dans le procès verbal du comité d’entreprise.

M. le Rapporteur : Qui a été voté à l’unanimité du comité d’entreprise ?

M. Claude BONAN : C’est une délibération qui a été votée au comité d’entreprise. Oui, bien sûr.

M. le Rapporteur : Qui a voté pour ? Qui a voté contre ?

M. Claude BONAN : La CFDT qui avait juste la majorité a voté pour et l’on s’est retrouvé à 6 contre 5.

M. le Rapporteur : Et tous les autres syndicats ont voté contre ?

M. Claude BONAN : J’espère que tous les autres syndicats ont voté contre !

M. Didier PETIT : Le comité d’entreprise est composé de 9 membres. La CFDT a une forte représentativité. Elle a 5 membres, elle a la majorité.

M. Claude BONAN : Cela a fait 5 contre 4.

M. Didier PETIT : Non, il y a eu une abstention ; il y a eu un fort vote des autres syndicats contre le changement d’expert. De mémoire, je crois qu’il y a eu 7 ou 8 votes pour changer d’expert. En effet, le problème était posé différemment ; il était posé sur le maintien du droit d’alerte et le changement de l’expert. Et c’est ce vote-là qui a été validé.

M. le Président : D’accord.

M. Jean-Louis IDIART : Quelle était la majorité précédente au comité d’entreprise ?

M. Claude BONAN : Vous savez que ma nomination s’était faite à 5 contre 4.

M. Jean-Louis IDIART : Oui, mais quelle était la majorité précédente ?

M. Didier PETIT : La majorité précédente était floue parce qu’elle résultait de la réunion des comités d’entreprise d’AOM et d’Air Liberté ; les instances ont été fusionnées pour pouvoir donner lieu à un nouveau comité d’entreprise. Et ce nouveau comité d’entreprise n’est arrivé qu’au mois de juin 2002.

Si vous m’accordez une seconde, j’ai un procès-verbal, je vais vous donner cela précisément.

M. le Président : Vous nous le donnerez. Monsieur Bonan, continuez !

M. Claude BONAN : Vous m’avez demandé ce qu’étaient les entretiens que j’avais avec les différents services. Je vous ai amené le compte rendu d’une page d’un entretien avec M. Patrice Berthaud, directeur du commissariat hôtelier, c’est-à-dire directeur du service qui s’occupe de l’approvisionnement des avions en nourriture, en présence de Mme Brigitte Droumaguet, directrice des opérations au sol, sa supérieure hiérarchique directe, et de M. Francis Gisselman, directeur général adjoint de l’exploitation.

J’étais systématiquement sous la tutelle d’un directeur général adjoint. Donc, M. Gisselman intervenait de temps en temps quand c’était dans son domaine d’activité, quand c’était dans le domaine financier, c’était M. Dervieux, quand c’était dans le domaine des relations humaines, c’était M. Calderini.

Le compte rendu en question parle de l’approvisionnement en nourriture de Air Lib Express. Le coût de l’opération, pour un budget de 12 mois, est passé à 20 millions de francs en budget annuel, soit 3 millions d’euros, soit 250 000 euros par mois. Il y a eu une grande discussion à propos du fait que la recette était abandonnée par la compagnie au personnel navigant commercial.

Ce personnel avait donc une très bonne motivation pour récupérer l’encaissement des clients. Surtout, cela leur permettait d’avoir une bonne motivation aussi pour faire le ménage en fin de vol. Grâce à cela, ils ont pu faire des économies importantes sur les frais d’entretien.

L’inconvénient de cette opération est que -je n’ai pas manqué de le faire remarquer aux dirigeants- c’était en fait de l’argent qui n’était pas déclaré fiscalement, ce n’était pas de l’argent qui payait des charges sociales ; c’était, à mon avis, quelque chose de tout à fait illégal. On m’a dit de ne pas m’inquiéter car, sur ce sujet, les plus hautes autorités de l’Etat étaient au courant. Selon eux, ils avaient un accord avec la Direction du travail qui était en train de chercher comment habiller cela et un accord avec la Direction générale des impôts pour qu’il n’y ait pas de poursuite contre le personnel qui allait encaisser de l’argent.

J’ai fait remarquer que cela me paraissait étonnant, que j’aimerais bien avoir ces documents prouvant ce que l’on me disait. On m’a dit que l’on me donnerait ces documents. Ces documents, bien entendu, je ne les ai jamais eus.

M. le Président : Est-ce que l’on vous a cité à ce moment-là qui, au niveau des services de l’Etat, avait pris cet engagement ?

M. Claude BONAN : Non, on m’a dit la Direction générale des impôts, la Direction nationale du travail. Cela ne veut rien dire.

On m’a dit qu’en plus, les cabinets des différents ministres en question étaient au courant, ce que je ne peux pas accepter. Cela me paraît tout à fait inconcevable.

M. le Président : C’est farfelu.

M. Claude BONAN : Bien sûr, c’est totalement farfelu.

J’ai fait un petit calcul d’apothicaire et je me suis aperçu que cela représentait 1,625 million d’euros à partager entre 380 personnes.

M. le Rapporteur : Pour combien de temps ?

M. Claude BONAN : Pour 5 mois. D’avril à août.

M. le Président : Combien de PNC ?

M. Claude BONAN : 380. Cela faisait une recette moyenne de 4 270 ¤ sur 5 mois, c’est-à-dire de 854 ¤ par mois par personne. En sachant que ces personnes sont payées en moyenne 1 200 ¤ ou 1 300 ¤, vous voyez le pourcentage de la rémunération.

M. Xavier de ROUX : Cela représente 40 %.

M. Claude BONAN : Non, cela fait plus que 40 %, cela fait au moins 60 % de revenus supplémentaires au noir. Vous pensez bien que les gens ne peuvent pas y être insensibles. Cela permet d’acheter le calme syndical.

Je vous signale que cette disposition a été mise en place au 1er avril 2002, c’est-à-dire au moment où il y avait une menace de grève du personnel navigant commercial qui ne voulait pas entrer dans le jeu d’Air Lib Express. Air Lib Express a été mis en place au mois d’avril 2002 et c’est à cette période que l’on a demandé aux gens de faire le ménage à la fin des opérations de vol pour que la rotation suivante puisse se faire rapidement et que l’on n’ait pas besoin de faire venir une équipe de ménage, ce qui prend toujours plus de temps.

Après chaque entretien, je faisais toujours un compte rendu que j’envoyais au directeur général adjoint qui y avait assisté pour lui demander si je m’étais trompé.

J’ai envoyé ce compte rendu à M. Gisselman et évidemment, cela n’a pas dû lui faire très plaisir. Mais dans mon compte rendu, je ne parlais pas de l’aspect réglementaire ni de l’aspect fiscal. Je disais simplement que je m’étonnais du rapport de la somme donnée par rapport à la rémunération des gens. Je m’interrogeais aussi sur les coefficients multiplicateurs, parce que, compte tenu des tarifs qu’ils pratiquaient, je me demandais à qui profitait la différence.

M. Xavier de ROUX : La différence entre quoi et quoi ?

M. Claude BONAN : Entre le prix d’achat et le prix de vente.

Je me suis posé la question. Je me suis dit que cela représentait quand même une masse importante et qu’il faudrait que l’on me donne des explications.

M. le Rapporteur : Monsieur Bonan, vous voulez dire par-là que votre calcul était fondé sur l’hypothèse que le prix de vente était égal au prix d’achat ?

M. Claude BONAN : Non. Mon calcul se basait sur un prix de vente, fonction d’un tarif que j’avais.

M. le Rapporteur : Vous avez donc basé vos calculs sur le prix de vente.

M. Claude BONAN : Sur le tarif, oui.

M. le Rapporteur : Il y avait un tarif ?

M. Claude BONAN : Oui.

M. Marcel DEHOUX : Soyez clair là-dessus. Vous parlez de coefficient multiplicateur ?

M. Claude BONAN : Si l’on dit que la recette est faite au prix de vente à bord, on arrive à ces 854 ¤ par mois. Si l’on dit que ce n’est pas fait au prix de vente, effectivement, on a des chiffres beaucoup moins forts. Mais je ne vois pas pourquoi on pourrait considérer que la recette n’est pas faite au prix de vente.

M. le Rapporteur : Mais le coefficient que vous avez pu recalculer, puisque vous aviez le montant des achats, de quel ordre était-il ? De 2 ?

M. Claude BONAN : Non, j’ai calculé le coefficient par rapport au tarif.

M. le Rapporteur : Le rapport entre le tarif officiel divisé par les coûts d’achats de la compagnie...

M. Claude BONAN : Oui, c’est cela.

M. le Rapporteur : ... quel était leur ordre de grandeur ?

M. Claude BONAN : C’est de 2,5 à 4. Il faut savoir que les prix sont très variables selon qu’il s’agit de boissons ou de sandwiches. En fait, ce qui rapportait le plus, c’était les sandwiches.

M. le Président : Passons sur les sandwiches ! On est en train de se perdre dans votre enquête.

M. Claude BONAN : Je vous remets cette pièce.

M. le Président : C’est simplement le relevé de certaines pratiques.

M. Claude BONAN : Cette pratique est tout à fait détestable.

M. le Rapporteur : Allons au but. Vous avez travaillé pendant 6 à 7 mois. Quelles sont les conclusions de vos travaux ?

M. Claude BONAN : J’ai fait des conclusions dans ce que l’on appelle un rapport intérimaire que je vous remets là.

M. Claude BONAN : Elles sont extrêmement simples. On m’a mis un maximum de bâtons dans les roues et je n’ai pas pu avoir d’informations, ne serait-ce que sur la situation comptable. On me dit qu’il n’y a pas de situation comptable autre que du 1er août au 31 octobre 2001, c’est-à-dire sur 4 mois.

M. le Rapporteur : Il n’y a pas de comptes ?

M. Claude BONAN : On me dit qu’il n’y a pas de comptabilité utilisable. Comme je fais remarquer que l’on ne peut pas prétendre gérer une compagnie aérienne sans rien, on me répond qu’il y a quand même des " trucs ", des documents qui ne sont pas des documents puisque ce sont des écrans informatiques dont on n’a pas de trace, qu’on voit au jour le jour et sur lesquels on ne peut pas intervenir puisque l’on ne conserve pas d’archives...

M. le Président : Attendez, vous êtes en train de nous dire, et vous parlez sous serment, que " on vous a dit ". Qui entendez-vous par " on " ?

M. Claude BONAN : Le directeur financier, M. Dervieux.

M. le Président : M. Dervieux vous a dit : " Air Lib ne dispose pas de comptabilité ".

M. Claude BONAN : Absolument.

M. le Président : Il vous a dit cela ?

M. Claude BONAN : Il m’a dit qu’il ne disposait absolument pas d’une comptabilité normale. Il ne pouvait pas me sortir d’état comptable, ni de bilan comptable.

M. le Rapporteur : Il y avait un grand livre ?

M. Claude BONAN : Oui, il y avait un grand livre et une balance, sauf que rien n’était à jour.

M. le Rapporteur : Mais les balances n’étaient pas tenues ?

M. Claude BONAN : Elles n’étaient pas à jour. C’est-à-dire que quand vous étiez au mois d’avril 2002, la dernière balance était au 30 novembre 2001.

M. Xavier de ROUX : Soyons précis. La question est de savoir s’il y avait une comptabilité ou si vous n’aviez pas accès à cette comptabilité.

M. Claude BONAN : Non, je n’avais pas accès à cette comptabilité. C’était certain. Par contre, ils m’ont prétendu qu’il n’y en avait pas.

M. Xavier de ROUX : Voilà une réponse.

M. Claude BONAN : Non, mais ils me l’ont prétendu.

M. Xavier de ROUX : Vous n’avez pas eu accès à cette comptabilité parce qu’ils ont prétendu qu’il n’y en avait pas.

M. Claude BONAN : Ce que je n’ai pas cru une seule seconde.

Mme Arlette GROSSKOST : Quand les comptes étaient-ils normalement clôturés ?

M. Claude BONAN : Les comptes sont clôturés au 31 mars.

M. le Président : Poursuivez pour les conclusions.

M. Claude BONAN : Je suis désolé de vous faire sourire, messieurs, mais malheureusement, c’est comme cela.

M. Xavier de ROUX : Nous ne sourions pas, nous essayons d’être précis.

Mme Odile SAUGUES : Ce n’est pas que l’on ait envie de sourire, mais on a entendu parlé d’un grand livre, et puis après, on nous dit qu’il n’y a plus de comptes. C’est un peu confus. Pardonnez-nous.

M. Claude BONAN : Excusez-moi, mais simplement, on peut avoir un grand livre à n’importe quel moment, mais s’il n’est pas à jour, ce n’est pas un grand livre utile.

M. le Président : Vous nous dites que le document que l’on vous a montré au niveau du grand livre était un document qui n’était pas à jour quand on vous l’a montré.

M. Claude BONAN : Bien sûr.

M. le Président : Avec quel décalage ? Vous l’avez dit tout à l’heure.

M. Claude BONAN : On m’a donné celui du mois de novembre au mois de juin 2002. Cela faisait 7 mois.

Mme Odile SAUGUES : Vous l’avez vu ?

M. Claude BONAN : Oui.

M. le Président : M. Bonan nous dit, madame Saugues, qu’on a refusé de lui donner les éléments comptables en disant qu’il n’y avait pas de comptabilité susceptible d’être montrée. En revanche, on lui a montré le grand livre qui, lui, n’était pas à jour de 6 mois. C’est ce que vous dites ?

M. Claude BONAN : Oui. En gros, il avait 6 mois de retard.

M. le Président : Mais le grand livre n’est pas la seule expression d’une comptabilité à jour. C’est un élément.

M. Claude BONAN : Attendez ! Aucune comptabilité n’est à jour si son grand livre n’est pas à jour.

M. le Président : Oui, c’est exact. Mais le grand livre n’est pas la seule pièce de la comptabilité.

M. Claude BONAN : On peut montrer les factures.

M. le Président : C’est la pièce qui fait foi.

M. Claude BONAN : Mais, on me montre des factures éparses. Donc, quand on me les montre, je ne sais pas si elles sont comptabilisées ou non.

M. le Président : C’est clair. Avancez, monsieur Bonan.

M. le Rapporteur : Vous n’avez eu accès à aucune pièce comptable ? Des pièces justificatives ?

M. Claude BONAN : Aucune, c’est peut-être excessif. On m’a montré quelques factures.

M. le Rapporteur : De quoi ?

M. Claude BONAN : J’ai demandé à voir les factures de location des appareils. J’en ai vu quatre sur un appareil particulier qui était un Airbus.

M. le Rapporteur : Qu’avez-vous constaté sur ces factures ?

M. Claude BONAN : Elles étaient tout à fait normales. Il n’y avait rien à redire.

Quand vous êtes dans une entreprise normalement gérée, quand vous demandez les factures de location d’avions, on vous donne la pile de factures et on vous donne toutes les pièces. On ne vous donne pas une pièce par-ci, une pièce par-là.

Quand je demandais des documents, j’avais les documents parce que je les voyais sur le bureau de M. Dervieux. Je lui disais : " Vous avez une facture de location d’avion, j’aimerais bien la voir ".

M. le Président : Poursuivez dans vos conclusions.

M. Claude BONAN : J’ai obtenu la position de trésorerie au 30 juin 2002. La position de trésorerie qui m’a été présentée est un document qui paraissait bien fait, mais qui a été fait à ma demande le 2 juillet parce qu’on m’a sorti l’état informatique qui était encore dans l’ordinateur, ce jour-là. Et on me l’a sorti en disant qu’on me donne cela, mais l’on ne pourrait pas me le redonner la semaine suivante, parce que ce ne serait pas le même. Et celui-là n’était pas archivé.

Cette absence d’archives m’a beaucoup surpris.

M. le Président : Ce sont toutes vos conclusions ?

M. Claude BONAN : Ensuite, il y a les demandes d’étalement des règlements. C’est-à-dire que la société n’a pas payé en temps et en heure un certain nombre de prestations. Donc, j’ai demandé à voir l’état des retards. Soi-disant, à l’égard d’Aéroports de Paris (ADP), il y avait 6 échéances de retard entre le 17 juillet et le 17 décembre 2002.

Quand j’ai demandé les courriers avec ADP, on m’a dit qu’il n’y en avait pas. Ou, en tout cas, on n’a pas voulu me les remettre. Même chose à l’égard de la Direction générale de l’aviation civile, il y avait 12 échéances mensuelles qui n’avaient pas été payées du 20 septembre 2002 au 20 août 2003, parce que cela se paye d’avance.

M. le Rapporteur : Vous parlez sans doute du FIATA ?

M. le Président : Nous connaissons la période pendant laquelle les charges n’ont pas été payées, que ce soit à l’égard d’ADP, de l’URSSAF, ou d’autres.

Avez-vous, à un moment donné, vu dans la comptabilité trace de virement d’Air Lib vers une filiale étrangère ou vice versa ?

M. Claude BONAN : Je n’ai jamais eu accès à ces documents et ce n’est pas faute de les avoir demandés.

M. le Président : Non, mais je vous pose la question.

M. Claude BONAN : Je suis très précis. Je n’ai pas eu accès à ces documents.

M. le Président : Avez-vous posé des questions à ce sujet-là ?

M. Claude BONAN : Bien sûr !

M. le Président : Et que vous a-t-on répondu ?

M. Claude BONAN : Circulez, il n’y a rien à voir !

M. le Président : Merci.

M. Claude BONAN : Je me suis étonné que la balance clients fournie fut un document fantaisiste, parce qu’il y avait plusieurs pages 3, plusieurs pages 5. Ce n’est pas acceptable. Pour une balance clients, de la première à la dernière page, tout est numéroté. Il n’y a pas plusieurs fois la même chose et il n’y a pas non plus plusieurs fois le même nom de client à plusieurs pages d’intervalle.

Cela m’a donc paru extrêmement grave. De toute façon, je dirais que n’importe quel expert-comptable, le plus mauvais soit-il, rejetterait une balance clients présentée de la sorte.

M. le Président : Votre conclusion est que la comptabilité que l’on vous a transmise ou les éléments que l’on vous a transmis...

M. Claude BONAN : Les rares éléments de comptabilité.

M. le Président : ... n’étaient pas lisibles.

M. Claude BONAN : Non, ils étaient carrément faux.

Mme Arlette GROSSKOST : Pas fiables.

M. Claude BONAN : Non, ils étaient faux. On m’a donné des documents incomplets. Une balance clients, cela ne peut qu’être complet.

M. le Président : Voulez-vous dire par-là, monsieur Bonan, que vous avez le sentiment -je ne veux pas influencer votre réponse- que ces documents étaient fabriqués pour votre usage ?

M. Claude BONAN : Non, pas du tout. Ils n’ont pas été faits pour moi, mais on m’a montré des documents qui étaient reconstitués et qui n’avaient aucun sens. La balance clients par exemple, c’était vraiment n’importe quoi. On n’a donc pas voulu me donner les vrais documents. Je ne sais pas pourquoi.

M. Xavier de ROUX : Vous maintenez le terme de faux ? Vous avez dit que ce sont des faux documents.

M. Claude BONAN : Non, ce ne sont pas des faux documents, ce sont des documents extraits de la comptabilité -je le veux bien-, mais ils ne sont pas faux, ils sont incomplets.

M. Frédéric SOULIER : C’est une comptabilité de circonstance.

M. Claude BONAN : Si vous voulez. Je dirais que ce sont des documents ne prouvant rien. Cela veut dire que ce sont des photocopies que l’on a prises à droite et à gauche, mais n’ayant aucune cohérence comptable.

M. le Président : Nous avons compris, monsieur Bonan, sur ce plan-là. Peut-être qu’éventuellement, nous vous appellerons encore à préciser les choses lorsque nous aurons poursuivi un peu plus loin notre enquête.

Avez-vous d’autres choses à dire sur la conclusion ?

M. Claude BONAN : Il me reste quatre points.

Dossier d’appel d’offres : j’ai demandé à ce que me soient communiquées les réponses aux dossiers d’appel d’offres. On m’a dit qu’il n’y avait aucun dossier d’appel d’offres puisque toutes les sociétés qui intervenaient étaient des filiales de Holco. Il n’y avait donc pas d’appel d’offres.

Je veux bien que dans un groupe, on privilégie les sociétés qui sont dans le même groupe, mais normalement, dans une société, même si l’on travaille au sein d’un groupe, on doit avoir un appel d’offres pour se rendre compte du niveau de la prestation que l’on obtient. Or, ils n’ont pas fait ne serait-ce que cela.

M. le Président : Qui vous a fait cette réponse ? M. Dervieux ?

M. Claude BONAN : M. Dervieux, oui, bien sûr.

Les rapports des commissaires aux comptes : j’ai demandé à ce qu’on me les remette. On m’a dit qu’ils n’avaient pas été établis. Il est probable que le 17 juillet 2002 les commissaires n’avaient pas encore établi le rapport du 31 mars 2002. Mais normalement, les comptes auraient dû être présentés le 30 juin. Il n’y a pas eu de respect du délai légal et on ne m’a même pas justifié d’avoir fait une demande au tribunal pour repousser la date d’échéance de l’assemblée générale. C’est-à-dire que cette démarche simple n’aurait pas été faite, ce que je ne peux croire !

J’ai demandé à voir les dossiers des contentieux et Me Léonzi m’a envoyé un bout de papier avec une liste de 13 contentieux. Je n’ai jamais pu avoir aucune autre information sur les contentieux.

Voilà l’essentiel de mon rapport. Celui-ci n’était pas glorieux, je sais bien, mais c’est ainsi. On n’a pas voulu me donner les documents, bien que l’on ait accepté en traînant les pieds de me recevoir, de faire semblant d’accepter de me parler, mais tout juste, du bout des lèvres.

M. le Rapporteur : Monsieur Bonan, qui étaient les commissaires aux comptes de l’entreprise ?

M. Claude BONAN : Je les ai rencontrés. Je n’ai pas leurs noms de mémoire, mais ils sont faciles à retrouver. Je les ai rencontrés tous les deux. Ils m’ont dit que comme j’étais l’expert-comptable du comité d’entreprise, je devais comprendre que déontologiquement, ils ne pouvaient rien me dire, ils ne pouvaient absolument pas avoir la moindre discussion avec moi sur quoi que ce soit. Je leur ai répondu que, quand même, ils avaient une situation de pré-alerte et je leur ai demandé s’ils avaient lancé la procédure d’alerte. Ils m’ont dit qu’ils ne pouvaient pas me parler de cela, car c’était leur secret professionnel.

Ils m’ont donc opposé le secret professionnel le plus absolu. Or, je vous rappelle que la loi dit que le secret professionnel du commissaire aux comptes ne peut pas être opposé à l’expert-comptable du comité d’entreprise.

M. le Rapporteur : Mais vous ne leur avez pas demandé s’ils avaient une mission continue ?

M. Claude BONAN : Bien sûr. Je leur ai demandé s’ils avaient déclenché la procédure d’alerte. Ils m’ont dit que non. Or, il était manifeste, au moment où j’ai été nommé, que la procédure d’alerte aurait déjà dû être lancée depuis le CE du 18/12/2001, au moins.

M. le Rapporteur : Pouvez-vous nous transmettre les noms de ces deux commissaires aux comptes ?

M. Claude BONAN : Oui, sans problème.

M. le Rapporteur : Ils n’ont jamais saisi le procureur ?

M. Claude BONAN : Ils ne m’ont pas dit l’avoir fait. C’est tout. Moi, je leur ai demandé s’ils l’avaient fait. Ils m’ont répondu que c’était leur secret professionnel.

M. le Rapporteur : Pourriez-vous nous fournir leurs noms ?

M. Claude BONAN : Sans problème. Je vous donnerai leurs noms, leurs téléphones.

Mme Odile SAUGUES : Vous avez parlé de M. Asseline. Nous avions cru comprendre lors d’autres auditions que c’était un pilote et qu’il avait redemandé une formation et que celle-ci avait été payée par Air Lib.

M. Didier PETIT : M. Asseline a été embauché comme cadre sol, comme adjoint au chef pilote. Chez nous, cela s’appelle le directeur des opérations en vol. Il était salarié Air Lib. Nous avons appris que M. Asseline était en train de faire une qualification Airbus A320. M. Asseline est un ancien pilote commandant de bord à Air France. Qui a payé ? Nous n’avons eu aucune information. Les questions que nous avons posées au sujet du financement de cette qualification pour un personnel sol, un cadre sol, nous semblaient quand même de circonstance. Nous n’avons jamais eu de réponse.

Mme Odile SAUGUES : C’est simplement ceci qui vous paraît être une anomalie ?

M. Didier PETIT : Madame, je vais essayer d’être plus simple. Nous sommes dans une entreprise où il y a des pilotes. On demande au chauffeur de bus de faire une qualification Airbus. On paie au chauffeur de bus une qualification Airbus. Il y a là quelque chose d’anormal. C’est un cadre sol. De plus, ce monsieur a 58 ans.

M. le Rapporteur : Monsieur Petit, cette affaire a été soulevée par d’autres de vos collègues, hier. Simplement, nous leur avons posé la question : pourquoi la direction d’Air Lib, d’après vous, a-t-elle fait cela ?

M. Didier PETIT : M. Asseline et M. Corbet se connaissaient car ils ont tous deux milité au sein du SNPL Air France...

M. le Rapporteur : Selon votre thèse, c’est un coup de main qu’il aurait donné à cette personne ?

M. Didier PETIT : Si vous voulez, j’essaie d’être le plus froid possible. Il pourrait peut-être arriver un jour que des révélations - que je n’ai pas - concernant certains financements pourraient avoir des conséquences pour les gens dont je parle.

J’essaie donc d’être le plus sincère possible. J’étais acteur social, représentant syndical. J’ai demandé comment il se faisait que quelqu’un embauché en février 2002 puisse bénéficier d’une qualification alors qu’il était personnel sol et que cette qualification n’apparaisse pas dans les comptes de formations ou n’apparaisse pas dans les budgets ?

M. le Président : On a bien compris votre réponse. Les personnes que nous avons auditionnées ont dit, depuis déjà deux jours, qu’il y avait un certain nombre de dysfonctionnements, qui confinent à des erreurs de gestion ou à des gaspillages inutiles qui ensuite, bien sûr, peuvent expliquer un certain nombre de raisons qui ont conduit au dépôt de bilan.

Je présume que des gouttes d’eau peuvent finir par faire un verre lorsqu’on les met toutes dans le même verre.

M. Didier PETIT : C’est tout à fait cela. Si vous permettez une demi-seconde, le directeur des opérations en vol qui s’appelait M. Frochot a eu une promotion sur Airbus A340 où le sureffectif était notoire depuis la reprise. Il y avait 76 pilotes.

M. le Président : Il y en avait 76, c’est cela.

M. Didier PETIT : M. Frochot qui était sur un autre type d’appareil s’est vu promu sur ce type d’avion...

M. le Président : Alors qu’il y avait 76 pilotes au sol.

M. Didier PETIT : ... et qu’il n’a fait que très peu de vols, peut-être une quinzaine en tout.

M. le Président : Cela s’appelle effectivement de la gestion...

Me Levasseur, vous m’avez adressé un courrier que j’ai sous les yeux. Je vous passe donc la parole.

Me François LEVASSEUR : Monsieur le Président, j’ai été sollicité par Didier Petit pour l’accompagner devant vous, car je l’ai accompagné pendant le temps d’existence d’Air Lib. Cela ne me semblait pas poser de problème. J’ai dû me rapprocher tout de même de mes instances ordinales et on m’a fait un tableau très restrictif de mes obligations relatives au secret professionnel.

Je pourrais vous donner lecture des décisions de justice mais vous les avez déjà et je ne vais pas vous les commenter. Je voudrais simplement rappeler les différentes phases.

Il y a eu une première phase que j’appellerai la phase de dépeçage qui va du 27 juillet au 18 décembre 2001 où l’on annonce le dépôt de bilan. Il y a ensuite une deuxième phase où les représentants du personnel tous azimuts - car j’ai représenté aussi bien FO, la CFTC, la CGT, Alter Air Lib et des syndicats catégoriels - se sont inquiétés et ont voulu déclencher le droit d’alerte.

Cette deuxième phase est une véritable guerre judiciaire, une véritable guerre juridique. Le nerf de la guerre, on voit dans le Canard Enchaîné de ce matin où il était quand on y lit le montant des honoraires payés par Holco. Il n’empêche que dans cette affaire, dans ce combat, ce n’est pas Goliath qui l’a emporté et on a obtenu le droit d’alerte.

La phase suivante, le mouvement suivant, ce fut l’opposition virulente faite à l’exercice du droit d’alerte pendant la mission de M. Bonan, avec un adversaire qui a l’art et la manière de manier la confusion. Alentours, autour, contours et pourtours sont pour eux synonymes. Ils essayent toujours de vous faire prendre l’un pour l’autre.

Au mois de juin, après les nouvelles élections professionnelles, on s’appuie sur une centrale syndicale et l’on essaye de tuer. C’est vraiment le mot que l’on doit employer, quand on demande à faire juger que des syndicats n’ont pas d’existence légale, quand on demande l’annulation des désignations de délégués syndicaux ou de représentants syndicaux. Il s’agit bien de tuer la personne civile, de faire un constat de décès de la personne civile.

Évidemment, pendant cette phase qui va commencer en août 2002, devant le tribunal d’instance de Longjumeau, et qui va se poursuivre jusqu’à fin novembre 2002, pendant que les syndicats sont obligés de puiser dans leurs forces vives et dans leur petite cagnotte pour se défendre de tout cela, ils ne peuvent plus intervenir et soutenir régulièrement dans les comités d’entreprise l’expert-comptable du comité d’entreprise.

Je pense, sur ces simples observations, être en parfaite règle avec mon obligation de secret professionnel.

M. le Président : Puis-je vous interrompre ?

Une question qui n’a rien à voir avec le secret professionnel. La représentativité de M. Petit a été contestée par qui ? Par la CFDT ?

Me François LEVASSEUR : Non, elle a été contestée par Air Lib.

M. le Président : Par la direction.

Me François LEVASSEUR : Air Lib a engagé 10 actions contre 10 représentants syndicaux.

M. le Président : Quels autres syndicats ont-ils été également attaqués pour non représentativité ?

Me François LEVASSEUR : Vous avez les cotes du tribunal, le rôle avec les numéros de rôle et les demandeurs et les défendeurs. Vous avez les extraits qui m’ont été remis par le Greffe et que j’avais remis à mes clients à ce moment-là.

M. le Rapporteur : Ont-ils contesté la représentativité de tous les syndicats ou seulement de certains d’entre eux ?

Me François LEVASSEUR : De certains syndicats...

M. le Rapporteur : Lesquels ?

Me François LEVASSEUR : ... et de certains représentants syndicaux. Vous les avez au dossier.

M. le Président : C’est clair. Vous avez dit qu’ils étaient au dossier, merci.

Me François LEVASSEUR : Dernière chose que je peux faire sans trahir le secret professionnel puisque c’est en tant que public que j’ai assisté à l’audience de la cour d’appel l’autre jour où l’on disait au président d’audience qu’il y avait encore un nouvel investisseur " secret ", " confidentiel ", pas " secret Défense " mais presque, et qu’on ne pouvait pas le révéler en audience publique, même au président, mais qu’on allait voir ce que l’on allait voir.

Cette partie d’esbroufe a marché, tout de même, et l’on a tenté de la faire marcher encore le mois dernier devant la cour d’appel. Et là, j’étais spectateur, je peux donc donner mon sentiment de spectateur.

M. le Rapporteur : Avez-vous autre chose qui pourrait être utile à la commission d’enquête et qui respecte votre secret professionnel ?

Me François LEVASSEUR : J’étais dans les procédures pour le secrétaire CGT du comité d’entreprise et pour le secrétaire FO du comité d’entreprise. Je suis même intervenu aux côtés de l’expert pour rédiger la sommation interpellative qui a été faite d’avoir à lui communiquer des documents que le comité d’entreprise de l’époque attendait. Pratiquement, il n’y a rien dont je puisse parler qui ne soit relié à l’un des dossiers sur lesquels je suis intervenu.

Je le regrette, mais j’ai voulu en venant aujourd’hui marquer à la fois le respect et le soutien que j’apporte à votre commission, l’intérêt que je porte à ses travaux en souhaitant qu’ils puissent aboutir le plus rapidement possible car le temps qui passe, en matière judiciaire, peut laisser passer les échéances. Je pense notamment au délai de 18 mois qui s’applique en cas de procédure collective, à l’intérieur duquel on peut annuler toutes les opérations qui ont été faites sans avoir à le motiver autrement que par le fait de la période suspecte.

Il est clair que la période suspecte dans cette affaire a commencé dès le jugement d’envoi en possession d’Holco.

M. le Président : Il est clair, Maître, que notre commission est bien décidée à aller jusqu’au bout de son enquête. Elle est bien décidée aussi à utiliser tous les moyens que la loi lui donne. Je suis bien décidé avec le rapporteur à les mettre en œuvre et je trouve imprudents les propos tenus hier soir au retour d’une audition par certains représentants de syndicats qui mettent en doute et notre volonté et notre capacité à aboutir. Je trouve qu’ils ont été imprudents.

Me François LEVASSEUR : Quand je monte dans un avion, monsieur le Président, je fais toujours confiance au pilote, et aujourd’hui, c’est vous.

M. le Président : Nous sommes plusieurs à tenir la barre.

M. Marcel BONNOT : Si j’ai bien compris, vous nous avez dit qu’une dizaine d’actions avaient été intentées contre les syndicats. Il s’agit là de l’exercice d’un droit. Il ne s’agissait pas d’une entrave à la liberté syndicale au sein de l’entreprise.

Me François LEVASSEUR : J’ai simplement dit que, pendant que les syndicats étaient occupés à se défendre dans ces instances qui ont traîné pendant trois mois, ils ne pouvaient être à la fois au four et au moulin et ils ne pouvaient plus soutenir comme il aurait fallu et ils ne pouvaient plus analyser ou réclamer comme ils auraient dû pouvoir le faire les documents qu’ils auraient pu analyser. Ils ont simplement -la meilleure défense c’est l’attaque- été attaqués dans leur substance vitale, dans leur mandat et dans leur existence même puisque, de certains d’entre eux - c’était le cas d’Alter Air Lib -, on est venu dire qu’ils n’avaient pas d’existence légale.

M. Marcel BONNOT : J’ai noté qu’avait été nommé un mandataire ad hoc. Aux termes de la loi, le mandataire ad hoc doit, dans un délai très court, référer au président de la juridiction sur le fait de savoir si l’entité est en état de cessation de paiement ou non. Si elle est en état de cessation de paiement, le mandataire ad hoc ne peut plus continuer sa mission.

M. le Président : Très bonne question.

M. Claude BONAN : Il engage sa responsabilité pénale.

M. le Président : Avez-vous été informé que le mandataire ad hoc ait pu dire quoi que ce soit sur ce plan-là ?

M. Claude BONAN : Non, parce que Me Lafont est intervenu au mois de septembre pour dire qu’il fallait négocier, qu’il n’y avait pas de problème, que tout allait bien.

M. le Président : Monsieur Bonnot, nous recevrons Me Lafont et vous aurez tout loisir à ce moment-là de lui poser les bonnes questions que vous venez de poser.

M. Marcel BONNOT : Une simple observation pour M. Bonan qui s’insurgeait sur le fait que, lorsqu’il est allé demander la liquidation de son astreinte, la décision n’ait pas été rendue sur le siège. Je peux vous dire qu’elle l’est rarement, parce que la juridiction du fond a la possibilité soit de réduire en fonction des éléments qui lui sont fournis la demande de liquidation d’astreinte, soit même de la supprimer complètement.

M. Claude BONAN : En l’occurrence, le simple calcul donnait trois millions d’euros ; ils m’ont accordé 10 000 euros. C’est tout à fait négligeable. Mais de toute façon, ce n’est pas pour un problème d’argent que je suis allé pour l’astreinte. Moi, je voulais mes documents.

Je n’ai pas réussi à vous parler d’un problème connexe, mais qui est très lié à cette opération, c’est de vous dire pourquoi la banque CIBC a été choisie par M. Corbet. M. Corbet n’a pas choisi la banque CIBC par hasard. C’est la banque d’Air France et du SNPL. Il faut savoir que le SNPL avait intérêt à ce que M. Corbet réussisse et Air France également. Sachez que si les 50 millions de francs sont allés à la CIBC, ce n’est peut-être pas innocent. Je dirais que c’était un moyen de financer une caisse noire pour l’avenir ou pour permettre de protéger M. Corbet.

M. le Rapporteur : Quand vous parlez de caisse noire, que voulez-vous viser ?

M. Claude BONAN : Encaisser 50 millions de francs pour présenter des investisseurs que l’on ne trouve pas me paraît absolument inconcevable.

Le 27 juillet 2001, Aurel-Leven a présenté sa garantie pour la reprise de 80 millions de francs. Le 13 septembre, c’est-à-dire le jour du deuxième jugement, ils ont reçu un fax de M. Corbet demandant d’arrêter la garantie et d’envoyer la facture pour le mois et demi de garantie. La facture représentait un montant de 460 000 francs, soit un intérêt de 5,2 % par an.

La garantie des 80 millions a été largement payée de son côté. Il n’y avait donc aucune raison que la CIBC encaisse quoi que ce soit pour avoir présenté Aurel-Leven, entreprise française bien connue que n’importe quelle banque française est capable de trouver toute seule.

M. Marcel BONNOT : Quand cela s’est-il passé ?

M. Claude BONAN : A la reprise, entre le 27 juillet et le 13 septembre 2001.

La grande question était qu’il fallait obtenir le 13 septembre 2001 la ventilation des actifs, c’est-à-dire la substitution des autres sociétés, pour obtenir les actifs. Une fois qu’il l’a obtenue, c’était terminé. Une fois que le plan de Me Vargas était exécuté, c’était fini.

Mme Arlette GROSSKOST : Une petite question : y avait-il d’autres relations financières entre Air Lib et Air France, notamment dans le cas du code share ? Y a-t-il eu des abandons de créance à ce niveau-là ?

M. Claude BONAN : Dans le cadre du pool, il y avait des relations entre Air France et Air Lib, mais contrairement à ce que vous pouvez imaginer, c’était de l’argent pris dans la caisse d’Air Lib pour payer le financement du pool, et non pas l’inverse.

En fait, le pool du code share a profité à Air France. Personne ne le contredit. Dans les comptes, cela se voit à peu près. A chaque fois que l’on m’en a parlé, on m’a dit que cela avait largement profité à Air France (à près de 70 %).

Mme Arlette GROSSKOST : Qui a été payé.

M. Claude BONAN : Oui, bien sûr. Il s’agit d’argent qui est bien sorti de la caisse d’Air Lib.

M. le Président : Cela aussi nous a été indiqué.

M. Claude BONAN : Et pas des petites sommes d’après ce que l’on m’a dit.

M. le Président : Nous verrons cela dans le détail avec les responsables d’Air France.

M. Claude BONAN : Oui, j’espère que vous interrogerez les responsables d’Air France. Ce qui serait intéressant, c’est que vous interrogiez tous les responsables d’Air France travaillant chez Air Lib.

J’ai pris l’annuaire de téléphone, j’ai coché les quatre anciens responsables d’Air France travaillant chez Air Lib.

M. le Président : Pouvez-vous citer leur nom ?

M. Claude BONAN : Corbet, Perri, Gisselman et Repaci.

M. le Président : Pourquoi ? Corbet et Perri sont-ils encore salariés par Air France ?

M. Claude BONAN : Non, c’étaient des anciens salariés d’Air France.

M. le Président : D’accord.

M. Claude BONAN : Je vous parle des anciens salariés d’Air France. Il y avait Bardi et...

M. le Président : Vous pourriez rajouter Paris qui lui...

M. Claude BONAN : Non, lui n’est pas payé.

M. le Président : Oui, mais il était influent.

M. Claude BONAN : Pour Christian Paris, je n’ai pas la preuve, mais je serais très heureux de l’avoir.

Si ce que des journalistes racontent est vrai - ce que je ne sais pas -, ils prétendent avoir vu des documents prouvant que Christian Paris est salarié d’Holco. Je veux bien, mais je n’ai toujours pas la preuve.

Me François LEVASSEUR : Je suis un peu frustré de ne pas avoir beaucoup parlé. Je souhaite donner une explication technique au niveau de la liquidation de l’astreinte.

Il faut bien comprendre que le problème pour les magistrats n’a pas été simple, car Air Lib a appelé en intervention forcée le comité d’entreprise. Alors, c’est un peu l’Auguste qui appelle le clown blanc, en l’espèce. Il a donc appelé en intervention forcée le comité d’entreprise. Ce dernier a posé la question suivante au magistrat en disant : l’expert du comité d’entreprise étant l’expert du comité d’entreprise comme son nom l’indique, nous demandons que la liquidation de l’astreinte soit faite au bénéfice du comité d’entreprise et non pas au bénéfice de l’expert.

Je comprends que devant ce sophisme, le magistrat ait tourné un peu sa cervelle sous sa toque et sa plume dans sa main avant de pondre la décision qu’il a pondue.

Il y a donc eu, là encore, un argument qui était complètement fallacieux, très innovant, et qui a joué sur le calendrier. Car, toujours, on joue la montre.

M. le Président : Je crois qu’il faut en arrêter là notre audition. Si d’aventure, nous avons besoin de vous entendre à nouveau, nous nous permettrons de vous reconvoquer.


Source : Assemblée nationale (France)