Composition de la délégation : MM. Jean-Pierre Schosteck, président, Jean-Claude Carle, rapporteur, Mme Michèle André, vice-présidente, MM. Laurent Béteille, Jean-Claude Frécon, Mme Valérie Létard, M. Jacques Mahéas.
I - Rencontre avec le Conseil communal de prévention de la délinquance de Valenciennes
a) Mme FLIPO, vice-présidente de la communauté d’agglomération Val Métropole, déléguée à la prévention de la délinquance
· L’origine du Conseil communal de prévention de la délinquance (CCPD)
Le Conseil communal a été créé en 1986 pour renforcer la coopération entre l’Etat et la commune en vue de mener différentes actions de prévention. Il rassemble deux collèges d’acteurs, l’un délibératif, l’autre consultatif.
Ses missions sont multiples : proposer des réponses spécifiques au développement de la délinquance, assurer la coordination des acteurs et leur mise en réseau, faire circuler l’information, procurer aux différents services une aide technique. Il vise en outre à favoriser la prévention du décrochage social et à lutter contre la toxicomanie et l’insécurité.
Le CCPD a permis de redéfinir les instruments et les objectifs de la politique de la Ville, en concertation avec le Conseil général.
· La création du Conseil d’agglomération de prévention de la délinquance (Val Métropole)
La prévention de la délinquance et la sécurité sont des sujets qui suscitent l’intérêt de l’Agglomération entière et relèvent, à l’exception de la police municipale, de ses compétences.
Le CAPD siège au moins deux fois par an. Les axes du contrat local de sécurité sont les mêmes que ceux du CAPD, à savoir la prévention de la délinquance, la prévention du décrochage social des jeunes, la lutte contre la récidive, la lutte contre les incivilités et la sécurité dans les transports publics.
Un contrat-cadre relatif à la sécurité rassemble 82 communes de l’arrondissement de Valenciennes, avec pour priorités la lutte contre la délinquance des mineurs et la sécurité dans les lieux publics.
Un « baromètre de l’ambiance » qui permet le repérage des incidents quotidiens dans chaque quartier a été également mis en place.
b) Mme DUPUIS, présidente du tribunal pour enfants de Valenciennes
· Le Tribunal pour enfants de Valenciennes
Valenciennes dispose de trois juges des enfants, répartis sur le fondement de secteurs territoriaux recoupant à peu près les zones de l’aide sociale à l’enfance.
L’activité civile des juges pour enfant reste prépondérante mais l’activité pénale est en croissance.
Les juges siègent deux fois par mois en audience de cabinet, il y a une session du tribunal pour enfants par semaine.
· La délinquance des mineurs sur Valenciennes, du point de vue de la justice
En 2001, 704 mineurs ont été jugés, 427 en audience de cabinet, 277 par le tribunal pour enfants. Ont été notamment prononcées 273 admonestations, 150 remises à parents et 52 peines de prison ferme.
Les juges sont confrontés à une majorité de garçons parmi les mineurs poursuivis ainsi qu’à un certain rajeunissement. Ils déplorent les manques importants de moyens matériels et humains des brigades des mineurs.
Les profils des mineurs mis en cause sont de deux ordres :
Pour les trois quarts il s’agit de primo-délinquants, auteurs d’un seul acte souvent lié à l’adolescence, ou plusieurs délits dans un laps de temps très bref. Une réponse pénale sous forme d’un rappel à la loi assorti d’une mesure éducative est souvent suffisante. La responsabilisation des parents est nécessaire mais, dans ces cas, les outils proposés par l’ordonnance de 1945 sont le plus souvent adaptés.
Pour un quart, il s’agit de récidivistes suivis par des éducateurs dans l’application d’une mesure pénale. Malgré toutes les mesures prises, il est très difficile de contrer cette délinquance. Ces jeunes souffrant souvent d’une dépendance alcoolique ou au cannabis, sont en situation d’échec scolaire. Beaucoup présentent des troubles du comportement. La plupart sont issus de milieux sociaux défavorisés (père défaillant, logement inadapté, mère isolée et fragile psychologiquement).
· Les réponses de la justice
Les juges des enfants utilisent toute la palette mise à leur disposition par le droit : admonestation, remise à parents, réparation, sanction pénale. Dans ces derniers cas, l’exécution provisoire, qui est une dérogation spécifique pour les mineurs, produit des effets bénéfiques.
La mise en cause des parents est insuffisante, dans bien des cas, les dispositions du code pénal devraient être utilisées du fait des carences éducatives lourdes.
Les difficultés posées par l’ordonnance de 1945 sont néanmoins réelles :
Elle ne permet pas le cumul de mesures éducatives et de sanctions pénales.
Pour les récidivistes, la détention provisoire n’est pas possible en-dessous de seize ans en matière correctionnelle, même en cas de révocation du contrôle judiciaire.
Les mineurs, mis en cause pour viol ou agression sexuelle commis avant l’âge de seize ans et poursuivis après, comparaissent deux fois -une fois devant le tribunal pour enfants et une fois devant la Court d’assises des mineurs- ce qui est peu compréhensible et pénible pour les victimes. La Cour d’Assises s’imposerait pour l’intégralité des faits commis ainsi que pour les trafics de stupéfiants.
Les centres d’accueil posent des difficultés.
Les CER souffrent du manque de moyens et d’une formation très insuffisante des éducateurs. L’application de la loi relative à la réduction du temps de travail est un casse-tête pour les établissements. En outre, ces établissements ne sont pas fermés.
Une structure comme le centre JET à la Souchère, en Haute Loire, gérée par l’armée, donne des résultats encourageants, mais elle est unique en son genre. Le succès de cette structure permet de déplorer la disparition du service militaire qui jouait incontestablement un rôle structurant et intégrateur.
Dans ce contexte, la pertinence de la création de centres fermés se pose : il est peu envisageable néanmoins de mener une mesure éducative dans un lieu clos, les éducateurs n’étant pas des gardiens. En conséquence, l’amélioration des quartiers de mineurs des prisons est de loin préférable.
Il est nécessaire d’offrir une palette de réponses assurant la formation des jeunes, des réponses aux problèmes des toxicomanes et un accueil pour les psychotiques. Dans le Nord, il manquerait environ 100 psychiatres. Le dépistage précoce s’impose de plus en plus, il pourrait être organisé en partenariat avec l’Education nationale et les services de la PMI.
La question des délais d’administration de la justice reste centrale : pour les délits peu graves, le jugement intervient dans les 2 ou 3 mois. En cas de renvoi devant le tribunal pour enfants, ce délai s’allonge à 6-9 mois. L’exécution des peines est très rapide, il n’y a pas de délai de prise en charge. Les placements demeurent néanmoins parfois problématiques par manque de places.
c) M. BAISY, vice-procureur du TGI de Valenciennes
Les mineurs mis en cause à Valenciennes sont de plus en plus jeunes, et sont interpellés pour des faits de plus en plus graves. De 893 mineurs en 2000 (23,7% des mises en cause), la zone est passée à près de 950 mineurs mis en cause, soit 25,4 % du total, en 2001.
Pour les petites infractions, la réponse est immédiate. Un délégué du procureur peut procéder à des rappels à la loi. Le résultat est convenable car beaucoup ne récidivent pas.
Pour la moyenne délinquance, la réponse prend entre deux et trois mois. Les mineurs sortent avec une convocation devant le juge. Une mesure éducative est prise rapidement.
Pour la délinquance la plus grave, les solutions sont moins évidentes. Les plus jeunes, notamment entre 10 et 16 ans, ne peuvent être placés en détention provisoire pour un délit grave. Sur la zone de Valenciennes, on peut estimer qu’entre 12 et 15 mineurs posent des problèmes réels et pour lesquels tout a été essayé, notamment la mise à l’épreuve, le TIG, etc. Ils ont conscience, dans l’immense majorité des cas, qu’ils ne risquent rien. Au delà de ce premier cercle, il faut estimer à une cinquantaine le nombre de jeunes qui rendent la vie dans la cité difficile.
Deux points sont particulièrement à déplorer : la brièveté des passages dans les CER qui, le plus souvent, ne devraient pas être inférieurs à six mois et le séjour en prison, dont la sortie est peu ou pas préparée.
En outre, le législateur devrait donner une base légale aux interventions de police visant à raccompagner des jeunes seuls dehors le soir, car trop souvent les forces de l’ordre se heurtent au principe constitutionnel de la liberté de déplacement.
d) M. BEAUDOIN, directeur de la Protection Judiciaire de la Jeunesse de l’arrondissement de Valenciennes
La protection judiciaire de la jeunesse dans l’arrondissement de Valenciennes s’occupe d’environ 350 jeunes, en stock, et traite dans l’année 1.062 mesures. Entre 70 % et 80 % des jeunes concernés relèvent du pénal. Pour mener à bien ces missions, la PJJ sur l’arrondissement dispose d’un volant de personnel de l’ordre de 45 agents, contractuels et fonctionnaires confondus, au profil souvent jeune.
La PJJ travaille avec le secteur associatif à des actions de prévention ciblée (lutte contre l’illettrisme, pour la santé, etc.) et avec des dispositifs relevant de la politique de la ville (opérations Ville-Vie-Vacances).
Les formes de la délinquance sont classiques : des violences urbaines, des crimes et surtout beaucoup de mineurs en souffrance nécessitant des mesures individuelles de protection. Les trois facteurs les plus importants sont les carences éducationnelles, les conflits entre couples qui rejaillissent sur les enfants et les troubles psychotiques des parents et/ou des enfants.
Il n’y a pas de crises de vocation pour le recrutement d’agents mais des difficultés à trouver des candidats motivés par le métier d’éducateur, qui est un concours présenté par des diplômés ayant souvent présenté d’autres concours administratifs et qui ne sont souvent pas préparés à l’affrontement avec des jeunes difficiles.
Le secteur associatif souffre enfin de difficultés équivalentes pour recruter des éducateurs acceptant de travailler en hébergement.
e) Mme SERRA, directrice territoriale de la prévention et de l’action sociale au Conseil Général
La mise en place d’un projet de territoire a permis d’orienter l’action du département dans trois directions : l’insertion, la santé et le soutien à la parentalité, avec le souci constant de trouver des solutions très en amont.
Les activités de l’ASE sont essentiellement concentrées sur les placements et assez peu sur les interventions éducative à domicile (IEAD), alors même qu’il existe une véritable nécessité de cette dernière, notamment chez les tout-petits.
La distinction des interventions d’assistance éducative et celles posées par l’ordonnance de 1945 est artificielle et inopérante.
Les profils des jeunes auxquels sont confrontés les services sont variés. Certains adolescents mettent volontairement en échec leur placement. Pour ces derniers, une véritable coordination des services est nécessaire afin d’assurer un suivi de qualité. D’autres présentent des troubles du comportement extrêmement précoce. D’autres encore, victimes d’abus sexuels deviennent eux-mêmes abuseurs. Ces cas désarment véritablement les services sociaux.
La responsabilité des parents est bien souvent engagée mais il est difficile de la mettre en cause systématiquement : les cas d’immaturité parentale sont fréquents. On parle « d’enfants qui ont des enfants ». Il faudrait idéalement construire un maillage territorial efficace qui permette une prise en charge rapide. Il existe actuellement des ruptures dans les prises en charge. Comparé aux procédures en vigueur en Belgique, le mode de fonctionnement des institutions françaises est inefficace car trop long.
f) M. GRANDAMME, proviseur du Lycée de l’Escaut
Quatre points doivent retenir particulièrement l’attention. Tout d’abord, l’absence de repère de l’Education nationale qui est devenue un lieu de « présentéisme ». L’école ne peut plus faire l’impasse d’une réflexion sur sa mission véritable.
Les difficultés relationnelles avec les parents dont beaucoup sont agressifs ou absents, voire les deux.
La concurrence de l’école de la rue et l’attractivité des groupes de « pairs » sont vives. L’école doit apprendre à travailler avec des groupes et non plus seulement des individualités qui sont très différentes lorsqu’elles sont prises à part.
Le collège unique et la suppression des filières professionnelles restent problématiques. Le cursus dans ces filières est souvent perçu comme un échec.
Le risque des toxicomanies est omniprésent dans un contexte où les « dealers » pénètrent dans les lycées, et où un message brouillé sur la nocivité du cannabis est adressé aux jeunes.
Des propositions doivent enfin être mises en avant :
– réaffirmer les missions de l’école autour de deux axes : instruire et contribuer à l’éducation, ce dernier volet reposant sur l’effort commun de plusieurs pôles (familles, associations, etc.) ;
– redonner du lien avec les parents qui, pour beaucoup, se méfient de l’école en raison de leur propre échec scolaire ;
– encourager « l’école ouverte » qui permet de sortir du cadre scolaire et de faire venir les jeunes.
En outre, l’éducation n’étant pas opposée à la sanction, l’école elle-même doit être capable de répondre rapidement aux infractions mineures.
Pour compléter et améliorer la formation des enseignants, les notions d’éducation et de prévention doivent être prises en compte dans les formations initiales et continues, ainsi que dans une approche partenariale, notamment avec les éducateurs.
L’internat scolaire devrait être développé.
g) M. MILLON, sous-préfet de Valenciennes
La situation de certaines familles sur le Valenciennois est dégradée : l’alcoolisme est répandu, les cas de comportement sexuels aberrants ne sont pas isolés. Il existe un véritable travail à faire sur la « formation » des parents et pour la prévention de l’alcoolisme foetal. « On voit des enfants qui, à cinq ans, ont vécu ce que nous ne vivrons jamais à 90 ans. »
Le recul des mouvements de jeunes (scoutisme, éducation populaire, etc.) a ouvert des brèches qui n’ont pas été comblées.
Le développement des vacances scolaires a paradoxalement dégradé la situation des jeunes les moins favorisés qui, pendant ces périodes, se trouvent souvent laissés à eux-mêmes. Pendant les périodes de vacances de 15 jours, le climat se dégrade presque systématiquement.
Il faudrait en outre réhabiliter l’école aux yeux des parents qui n’y ont pas eux-mêmes réussi.
h) Mme DUFOUR, directrice de l’Association « DIVA »
L’association gère le seul établissement de la Sauvegarde de l’enfance de l’arrondissement.
Elle formule plusieurs préconisations, et notamment celle de confier à la PJJ tous les mineurs ayant fait l’objet d’une mesure privative de liberté, de revoir les normes de suivi des dossiers et notamment d’éviter l’urgence dans les placements et associer les parents dans la prise en charge des enfants.
i) M. LAURENT, Club Prévnir (association de prévention spécialisée)
Le club Prévnir a été constitué au début des années 1990 à l’initiative d’un aumônier, afin d’assurer une présence contre la toxicomanie.
Quatre éducateurs rencontrent des jeunes de 13 à 25 ans. Le club réfléchit à une extension de son public sur les 8-13 ans. Les actions du club visent à lutter contre l’isolement du jeune et à apporter un soutien aux familles.
L’association est confrontée à des difficultés de recrutement d’éducateurs et craint une dérive de ce métier vers l’animation.
II - Visites de structures sur le terrain
a) Visite du centre d’éducation renforcée de Raismes
Le CER permet l’accueil de jeunes délinquants, en rupture ou récidivistes pour une période de 3 mois, renouvelable. Il fonctionne en continu. Les jeunes sont gardés tant qu’il est possible mais beaucoup présentent des comportements psychopathologiques qui rendent l’accueil quasi impossible, sont toxicomanes ou alcooliques.
Les éducateurs sont confrontés à des difficultés réelles dans un cadre, le CER, qui est en définitive poreux. Ils souffrent, par ailleurs, du manque de considération, des difficultés du travail en structures d’hébergement et du manque de formation.
Les locaux sont dégradés. Sur une fenêtre sont inscrits les termes « nique la police ». A l’intérieur d’un atelier, « nique la police et la justice ».
b) Le centre de jour et le Centre de Placement immédiat de Raismes
Ouvert en 1979, le centre de jour de Raismes accueille des jeunes de 16 à 18 ans en difficulté pour les aider à définir un projet personnel. Il leur est proposé un atelier d’horticulture et un atelier électrotechnique. Deux professeurs techniques ainsi qu’un éducateur les encadrent.
Le CPI est placé dans les mêmes locaux que le centre de jour. 9 éducateurs encadrent les jeunes répondant souvent au même profil que des jeunes placés en CER.
Ils sortent du centre le plus souvent pour regagner leurs familles mais cette sortie est accompagnée d’une activité de jour et du soutien d’un éducateur.
Le budget de la structure totale s’élève à 1,4 million de francs pour l’ensemble des services, hors personnel.
Le local est en bon état. Le rez-de-chaussée est aéré et lumineux. Des jeux d’intérieur sont disponibles. La cuisine est en bon état. Au premier étage se trouve l’atelier d’électrotechnique, qui permet la prise en charge de quatre personnes.
c) Visite du quartier « Terrain des moins de 7 ans »
Le quartier « terrain des moins de sept ans » dispose d’un local associatif destiné aux jeunes du quartier. Les travaux de rénovation sont effectués par ces jeunes. Le local contient des jeux d’intérieur (baby-foot, ping-pong, etc.). Il sert de lieu de rencontre et de détente.
Il n’y a pas d’horaires fixes. Le local est placé sous la responsabilité d’un éducateur du quartier. La surveillance est continuelle.
Ce lieu, entouré d’un bac à sable et de jeux pour les petits enfants, permet un brassage des populations, les jeunes côtoyant des familles, ce qui favorise une vie harmonieuse sur le quartier et contre un sentiment de défiance à l’égard des jeunes.
L’éducateur présent tient à préciser que les problématiques des jeunes sur Valenciennes diffèrent de celles rencontrées à Paris ou dans le sud de la France.
d) Visite du foyer associatif DIVA
Le foyer DIVA occupe des locaux précédemment dévolus à l’administration des Douanes. Il accueille 14 jeunes, garçons et filles, dont certains vivent en autonomie partielle, logés dans des chambres en ville mais bénéficiant d’un rattachement au foyer. Certains d’entre eux ont été victimes de violences sexuelles. Leur présence au foyer est l’occasion de leur faire prendre conscience de leur statut de victime.
Le foyer est spacieux et bien tenu. Les garçons occupent le premier étage, les filles le second. Les installations sanitaires sont en bon état et propres.
Source : Sénat français
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