Composition de la délégation : MM. Jean-Pierre Schosteck, Président, Jean-Claude Carle, Rapporteur, Mme Michèle André, vice-présidente, MM. Robert Bret, Jean-François Humbert, Bernard Plasait, Simon Sutour, François Zochetto.

I. Visite du quartier des mineurs de la maison d’arrêt d’Aix-Luynes

1. Présentation générale

Le quartier des mineurs comprend 38 places théoriques. Au 16 mai 2002, jour où la délégation l’a visité, 53 mineurs étaient présents. En conséquence, le principe de l’encellulement individuel n’est pas respecté. La durée moyenne de détention est de trois mois, mais les écarts sont considérables. En effet, alors que la plupart des jeunes font l’objet d’un mandat de dépôt d’un mois, le nombre des peines criminelles augmente.

Toutefois, depuis la création de la maison d’arrêt d’Aix-Luynes, les conditions de détention ont connu d’importants progrès. Les détenus mineurs peuvent prendre une douche tous les jours alors que les détenus adultes n’en ont que trois par semaine. Ils sont pris en charge par une équipe pluridisciplinaire comprenant 10 surveillants, 5 enseignants, 1 pédopsychiatre à mi-temps, 1 psychiatre à mi-temps, 1 psychologue à mi-temps et des vacataires chargés du sport effectuant 18 heures par semaine.

Le but recherché est une individualisation de la prise en charge des mineurs. Ainsi, un peu moins d’une fois par mois, la commission de suivi des mineurs incarcérés dresse un bilan du comportement de chaque mineur détenu et des actions menées en sa faveur.

2. La scolarité en prison

Les responsables de la maison d’arrêt s’efforcent de structurer la vie du jeune en prison. Il doit se lever à 7h, faire son lit, prendre son petit-déjeuner puis aller en cours à partir de 8h45 en raison de l’obligation de scolarité. A cet égard, tous les mineurs jusqu’à l’âge de 18 ans sont concernés.

Le contenu de la scolarité varie cependant en fonction du niveau et du comportement des jeunes. Ils peuvent être amenés à passer le certificat de formation générale, qui correspond au premier diplôme de l’éducation nationale. Leur niveau est évalué en une semaine. Les classes comportent en moyenne 6 jeunes. Peuvent également être créés des groupes de remobilisation qui rassemblent un ou deux jeunes seulement.

9 à 10 heures par semaine sont consacrées à la scolarité. Les après-midi sont dédiées au sport. Les journées sont cependant courtes puisque les jeunes réintègrent leur cellule à 17h30.

3. Les difficultés et les limites de la prison

A la question des sénateurs sur les effets bénéfiques de la prison sur le comportement des jeunes, les personnels de l’administration pénitentiaire ont eu une réponse mitigée. Ils ont souligné que l’efficacité de leur action dépendait largement des effectifs du quartier mineur. Lorsque ce dernier n’est pas surpeuplé, un véritable travail éducatif peut être effectué avec les jeunes détenus. Au contraire, lorsque 62 mineurs s’entassent dans les cellules comme ce fut le cas l’année précédente, des violences apparaissent.

Les personnels de l’administration pénitentiaire comme ceux de la protection judiciaire de la jeunesse ont par ailleurs regretté que les mineurs condamnés ne bénéficient pas des mêmes conditions de détention que les majeurs condamnés. En effet, étant mélangés aux mineurs prévenus, ils ne peuvent pas appeler leur famille ou leurs amis et sont plus sévèrement détenus que dans les établissements pour peine.

Ils ont également déploré l’absence de véritables centres de détention pour les mineurs, séparés de manière étanche des détenus majeurs. Ainsi, les personnels de l’administration pénitentiaire ont reconnu qu’ils ne pouvaient pas empêcher les contacts entre mineurs et majeurs à la maison d’arrêt de Luynes.

Ils ont ensuite soulevé le problème des mineurs qui, au cours de leur détention, deviennent majeurs. D’un jour à l’autre, ils sont transférés dans les quartiers des majeurs et, brusquement, ne bénéficient plus des procédures de suivi individualisé.

Ils ont en outre critiqué l’étroitesse des locaux et l’absence de formation qualifiante pour les jeunes.

En revanche, les interlocuteurs de la délégation se sont réjouis de la création d’un quartier des mineurs dans les maisons d’arrêt en construction à Toulon et à Avignon. En effet, jusqu’à présent, la prison de Luynes accueille des mineurs issus des quatre départements de la région, ce qui pose des problèmes en matière de maintien du lien avec les familles.

II. Visite du restaurant d’application « Le chaudron » (centre éducatif renforcé de Grans)

1. Présentation

Le centre d’éducation renforcée de Grans est rattaché à la maison de la Juine, structure associative ouverte en 1966 en région parisienne (Essonne) et qui accueille des mineurs très désocialisés, pour qui ce placement constitue un ultime recours avant une incarcération.

Le projet de service du CER repose sur deux principes : l’éloignement géographique du mineur et un encadrement de ce dernier strictement contrôlé. Les jeunes qui y sont placés sont issus du département de l’Essonne. Ils sont emmenés en minibus au CER par les éducateurs et y effectuent un séjour de trois mois au cours duquel ils sont amenés à participer au fonctionnement d’un restaurant ouvert au public. Chaque éducateur suit un ou deux jeunes et effectue les mêmes tâches que lui afin de renforcer les liens.

Jusqu’à présent, 30 jeunes sont passés au centre d’éducation renforcée : deux ont commis une infraction lors de leur séjour et deux autres ont fugué. Il est prévu que, dès que les éducateurs constatent qu’un délit a été commis, ils doivent porter plainte. En outre, tous les jeunes qui viennent travailler dans le restaurant sont signalés à la gendarmerie pour rassurer la population locale, mais également éviter que tout délit commis dans la commune soit mis sur le dos des jeunes placés au CER.

Les jeunes qui travaillent dans le restaurant sont logés dans un hôtel à proximité. Là encore, ils doivent respecter la règle sous peine de se voir expulser.

Outre l’activité dans le restaurant, le CER propose également à quelques jeunes de participer à la vie dans un cirque accompagnés d’un éducateur. Ils découvrent un milieu à la fois itinérant, mais également très structuré.

D’après les éducateurs rencontrés, le principe de l’éloignement fonctionne bien. En effet, dans leurs quartiers, les jeunes ont des « positions à tenir ». Loin de leurs copains, ils peuvent changer de comportement sans « perdre la face ». En outre, lorsque le jeune revient dans son quartier, ce dernier a évolué : la place occupée auparavant par le jeune a été comblée par un autre et le premier n’a pas forcément l’envie de déployer beaucoup d’énergie pour reconquérir sa place de délinquant.

Le coût de la prise en charge des jeunes dans ce CER est élevé : en 2001, le coût moyen d’une journée s’est élevé à 2.900 francs et il est de 2.500 francs en 2002. Le responsable de l’établissement souhaite pouvoir l’abaisser à 2.300 francs.

Les éducateurs ont insisté sur le profil des jeunes qui sont placés dans le CER et qui se caractérisent par une forte déscolarisation et d’importants problèmes familiaux.

La délégation a constaté que ce dispositif fonctionnait en raison de l’expérience et des capacités d’adaptation des éducateurs. Ces derniers ont souvent commencé leur carrière professionnelle dans un autre secteur d’activité puis se sont tournés vers l’éducation. Ils sont donc capables de s’imposer face aux jeunes. Les éducateurs ont toutefois souligné la pénibilité de leur travail et les difficultés qu’ils rencontrent pour concilier leur vie professionnelle et leur vie privée.

III. Visite du tribunal pour enfants de Marseille

7 magistrats du siège et 4 magistrats du parquet sont chargés de la délinquance des mineurs à Marseille. Tous ont insisté sur la pression permanente des médias à laquelle ils sont soumis en matière de lutte contre la délinquance des mineurs.

Ils ont également souligné les difficultés qu’ils rencontraient pour coordonner leurs actions avec le corps médical, alors même que de nombreux comportements mériteraient d’être suivis médicalement.

1. Réunion avec les magistrats du siège

Un huitième poste de magistrat devrait être créé au début de l’année 2003.

Au pénal, le nombre de procédures s’est élevé à 1402 en 2001 contre 1329 en 2000. En matière d’assistance éducative, le juges ont traité 2460 dossiers, dont 283 mises sous tutelle. Si le nombre des procédures tend à se stabiliser depuis 1992, les mesures d’assistance éducative diminuent au profit des mesures pénales. A cet égard, il convient de remarquer que les moins de 14 ans représentent moins de 4 % des saisines pénales.

Les magistrats ont fait remarquer que la ville de Marseille se distinguait par le nombre de mineurs étrangers isolés en situation irrégulière. 150 mineurs au moins seraient concernés. L’association « jeunes errants » s’efforce de les prendre en charge ainsi que de nouer des liens avec les familles, mais également avec les pays d’origine. Ces jeunes posent un réel problème car ils ne possèdent pas de titre de séjour. Il s’agit essentiellement de jeunes qui fuguent.

En ce qui concerne les noyaux durs, les magistrats ont évalué à 350 le nombre de mineurs qui posent d’énormes difficultés à Marseille.

a) Les relations avec la PJJ

Les magistrats ont regretté l’insuffisance des effectifs et des structures de la PJJ ainsi que le nombre élevé de mesures judiciaires non exécutées par la PJJ et les délais importants qui s’écoulent entre la notification de la mesure par le juge et sa prise en charge par l’éducateur.

Ils ont également fait part de leur difficulté à connaître les capacités d’accueil dans les hébergements dirigés par la PJJ. Ainsi, l’accueil en urgence s’avère très difficile à mettre en place car les établissements ne savent pas gérer les flux : lorsqu’un jeune y est placé, il a tendance à y rester, ce qui empêche de nouveaux placements en urgence. A propos du nouveau centre de placement immédiat situé aux Chutes Lavie, les magistrats ont déclaré qu’entre juillet 2000 et décembre 2001, 5 réunions avaient été organisées pour définir les missions de ce centre. Or, actuellement, ils ne disposent toujours pas du projet de service du CPI.

En ce qui concerne les centres d’éducation renforcée, ils ont souligné la difficulté de faire coïncider le début des sessions avec le placement des jeunes.

Les demandes d’hébergement sont tellement disproportionnées par rapport à l’offre que les établissements associatifs, forts d’un rapport de force qui leur est favorable, en arrivent à exiger des dossiers de candidature pour sélectionner les jeunes qu’ils accueilleront.

Les magistrats ont ensuite constaté que les éducateurs avaient souvent en charge 30 mineurs, ce qui ne permettait pas d’effectuer un travail de fond avec le jeune. Les éducateurs devraient avoir moins de mineurs à suivre afin de pouvoir établir de véritables relations avec le jeune.

Plus généralement, les magistrats ont posé la question de l’encadrement à la PJJ. Ils ont reconnu que cette profession avait été « prolétarisée » et que la gestion des carrières souffrait d’importants dysfonctionnements.

b) Développer les partenariats avec l’école

Les magistrats ont observé que les mineurs rencontraient des difficultés importantes au moment du passage de l’école primaire au collège. Ils ont prôné la présence d’un service éducatif et social au collège afin d’être informés rapidement sur la situation d’un jeune. A l’heure actuelle, l’absence de ce dispositif fait perdre entre 6 mois et un an entre le moment où le mineur est repéré et le moment où le juge ordonne une mesure.

2. Réunion avec les membres du parquet

Le parquet est fortement impliqué par la politique des mineurs : lutte contre la délinquance des mineurs, mais également protection des mineurs, politique de la famille (abandon, non présentation d’enfants, non paiement de pension alimentaire). Or, l’ensemble de ce contentieux doit être pris en charge par seulement 4 substituts sur lesquels pèse une pression psychologique très forte.

Les magistrats du parquet ont constaté une augmentation de la délinquance sur la voie publique, causée à 40 % par des mineurs. Le choix des mesures mises en oeuvre dépend du fait que le mineur soit déjà connu ou non par la justice. S’il n’est pas connu, les magistrats vont insister sur l’avertissement. Le rappel à la loi commence avec l’arrestation du mineur, puis il est prononcé officiellement par le délégué du procureur qui convoque le mineur et sa famille au tribunal.

En revanche, la troisième voie n’est pas utilisée pour les récidivistes et le parquet saisit alors le juge des enfants.

Les magistrats ont reconnu que le système péchait par un bilan insuffisant réalisé après chaque infraction.

3. Réunion avec les membres du service éducatif auprès du tribunal (SEAT)

9 éducateurs travaillent au SEAT, ce qui correspond, au regard de la population de Marseille, à un éducateur pour 108.000 habitants.

Le SEAT a pour missions de conduire des entretiens avec les jeunes et de faire des propositions éducatives. C’est à l’éducateur du SEAT qu’il revient également d’annoncer aux parents la mise en détention provisoire de leur enfant.

Les éducateurs ont regretté l’absence de concertation entre les juges des enfants, le parquet des mineurs et les juges d’instruction. Ils ont souligné qu’aucune réunion ne rassemblait ces différents interlocuteurs afin de coordonner leur politique en matière de délinquance des mineurs.

A propos de la réhabilitation des métiers de la PJJ, ils ont estimé que certaines petites mesquineries entretenaient le mécontentement des éducateurs. Ils ont souligné que les frais de déplacement avec leur propre véhicule n’étaient remboursés qu’à la hauteur de 23 centimes le kilomètre. Ils ont noté que lorsqu’un éducateur accompagne un jeune au tribunal et attend parfois toute l’après-midi que ce dernier soit reçu par le juge, il doit payer le parking (soit jusqu’à 7,5 euros) qui ne lui est pas remboursé.

Evoquant le profil des mineurs qui leur sont présentés, les éducateurs se sont dits frappés de l’absence très régulière d’un parent, en raison soit de son décès soit d’une grave maladie. Ils ont également insisté sur l’idéal de consommation qui marque les jeunes et les parents. Ces derniers se sentent coupables s’ils n’offrent pas à leurs enfants tous les biens de consommation à la mode.

IV. Réunion avec M. Jo Ros, ancien éducateur

M. Jo Ros a insisté sur l’importance pour les éducateurs de se faire comprendre par les jeunes et par les services publics. Actuellement, il y a une crise d’identité du métier d’éducateur. Sont recrutés des éducateurs ayant des formations universitaires mais incapables de faire face aux jeunes délinquants. Ce phénomène est encore aggravé par l’absence de tuteurs au sein des services de la PJJ qui apprendraient leur métier aux éducateurs débutants.

Pour traiter efficacement la délinquance des mineurs, il faudrait créer un corps d’élite d’éducateurs, un véritable« GIGN de l’éducation ».

V. Visite du complexe des Chutes-Lavie

1. Présentation générale de la PJJ dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur

Le secteur public occupe 681 agents (chiffres de 2001) ainsi que 50 agents de justice et le secteur habilité 1.500. Les mesures prises en charge par le secteur public s’élèvent à 15.000 contre 18.000 pour le secteur habilité.

Dans la région, il existe 4 CPI dont 3 sont issus de la transformation de foyers d’action éducative en CPI. Par ailleurs, un CER du secteur public est implanté à Hyères et un autre devrait être ouvert par le secteur habilité à Marseille. Le responsable régional a cependant souligné les difficultés rencontrées par la PJJ pour implanter un centre de ce type face au rejet de la population.

2. Le complexe des Chutes-Lavie

La PJJ dispose d’un immense domaine de 8 hectares dans Marseille (dont 2 hectares de colline boisée) qui abrite un centre de placement immédiat, un service de milieu ouvert, un centre régional de formation, un centre d’insertion professionnelle, une école d’application et trois associations qui organisent des modules d’insertion professionnelle pour les jeunes en difficulté et les jeunes sous mandat judiciaire : l’association ADELIES qui s’est spécialisée dans le forestage et les espaces verts, l’association « impec’auto » impliquée dans la réparation automobile et de carrosserie et l’association « Le temps des cerises » qui fabrique du mobilier de jardin.

Le responsable régional a constaté que ce site devait être restructuré depuis dix ans. Le coût global est évalué à 3 millions d’euros. En réalité, seul le CPI a été créé à partir de la transformation et de la rénovation du foyer d’action éducative. Encore convient-il de noter que la réservation avait pour but d’ouvrir un foyer traditionnel et que la commande a été modifiée pendant les travaux, le bâtiment étant appelé à devenir un CPI... Le centre d’insertion professionnelle et d’activités de jour est en cours de restructuration.

Des négociations ont lieu actuellement entre le ministère de la justice et la ville de Marseille pour la cession du stade et d’une parcelle de terrain sur laquelle est implantée une villa.

3. Les partenariats

Les responsables de la PJJ ont fait remarquer l’absence de partenariat avec le département des Bouches du Rhône : aucun schéma conjoint n’a été signé. Ils ont rappelé qu’en 5 ans, les services du Conseil général avaient vécu quatre réorganisations avec la nomination successive de responsables qui ne sont pas restés assez longtemps en place pour acquérir la dimension politique des dossiers et mettre en place un travail sur ce schéma.

En revanche, la région s’est fortement impliquée dans la lutte contre la délinquance. Ainsi, le contrat de plan Etat-région comporte un important volet « justice ».

La coordination avec le milieu médical mériterait également d’être renforcée face à des jeunes faisant souvent l’objet de troubles psychologiques. A l’hôpital de Nice a été développée une structure intersectorielle pour les jeunes en difficulté à laquelle participent deux personnels de la PJJ. Le nombre de places offertes (6) est insuffisant.

En revanche, la délégation a constaté un important partenariat entre la PJJ et de nombreuses associations chargées des mineurs délinquants ou en danger. De même, les relations entre la PJJ et la mairie de Marseille sont très bonnes. Il faut dire que cette dernière a développé des liens très étroits avec tout une série d’associations très actives dans le cadre du conseil communal de prévention de la délinquance.

4. Centres fermés ou développement des mesures en milieu ouvert ?

Les responsables de la PJJ ont estimé que tout mineur délinquant devait avoir une activité structurante de 9h à 17h. Si l’on parvient à occuper ainsi le jeune, son enfermement devient inutile. Or, aujourd’hui, ces jeunes délinquants ne trouvent pas d’occupation dans les dispositifs de droit commun qui ne leur sont pas adaptés.

Pour autant, ils ont reconnu que certains jeunes se sont laissés aspirer dans une spirale de la violence telle qu’il faut arrêter ce processus mortifère. Mais si le jeune doit être enfermé, il faut faire appel à l’administration pénitentiaire. En outre, l’enfermement doit intervenir rapidement et doit être aussitôt posée la question du suivi en milieu carcéral.

Par ailleurs, il est indispensable de renforcer la prévention, ce qui passe notamment par une augmentation du soutien aux familles. A l’heure actuelle, un éducateur doit suivre 25 mesures. Concrètement, cela signifie qu’il ne reste en moyenne d’une demi-heure tous les quinze jours avec les familles. C’est très insuffisant. Il faut donc renforcer les moyens en milieu ouvert.

A propos des travaux d’intérêt général, les responsables de la PJJ ont déclaré qu’il existait deux places dans la mairie du 13ème arrondissement et deux places dans celle du 14ème arrondissement.

Par ailleurs, la mairie de Marseille a mis à la disposition du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) et de la PJJ 60 places. Toutefois, elles sont peu utilisées pour les mineurs. En effet, si les majeurs comprennent l’intérêt des travaux d’intérêt général, qui leur permettent d’échapper à la prison, ce n’est pas le cas des mineurs. En outre, les moins de 16 ans ne peuvent pas bénéficier de cette mesure.

5. CPI et CER

Les responsables de la PJJ ont constaté que les CER pouvaient contribuer à sortir un jeune réitérant de son quartier et, en conséquence, permettaient d’envisager un travail éducatif. Pour autant, la question de l’après CER se pose, une fois que les trois mois se sont écoulés.

Ils ont ensuite exposé les dysfonctionnements des CPI liés à un détournement de leurs missions. Théoriquement, les CPI sont censés recevoir en urgence des jeunes qui ne sont pas connus (donc qui ne sont pas des délinquants multirécidivistes). C’est tout le contraire qui se produit en pratique.

En outre, les responsables de la PJJ ont regretté que seul un travail sur l’individu soit effectué et que le travail sur le milieu criminogène soit négligé. En conséquence, les centres d’hébergement sont considérés comme des bourses d’échanges des jeunes les plus difficiles, qui sont transférés d’un établissement à l’autre après avoir semé le trouble dans l’établissement où ils avaient été placés.

En réalité, les CPI fonctionnent mal parce que les juges les ont assimilés à des alternatives à la prison. Or, il ne s’agit pas de centres de détention immédiate.

Le CPI des Chutes-Lavie a ouvert le 1er avril 2001. Lors de l’audition des magistrats du tribunal pour enfants de Marseille, ces derniers avaient affirmé que l’effectif théorique s’élève à 15 personnels pour 12 mineurs, son budget de fonctionnement se monte à 610.000 francs et il dispose de trois véhicules de service.

Actuellement, seuls 9 éducateurs y travaillent et encadrent 8 jeunes. La veille de la visite du CPI par la délégation, un jeune avait cassé le nez à un éducateur. Pourtant, aucune sanction n’a été prise par le juge (qui n’a d’ailleurs reçu ni l’éducateur ni le jeune). Les éducateurs ont souligné qu’ils ne se sentaient pas soutenus par la justice et que l’absence de réaction de la part du juge minait leur autorité : tout jeune peut frapper un éducateur, il n’est pas sanctionné immédiatement. Certes, cet acte de violence sera rappelé au moment du jugement, mais il aura à ce moment-là été oublié par le jeune. Selon les représentants de la PJJ, c’est l’absence de traitement en temps réel de telles actions qui crée ou renforce l’impunité des jeunes.

Les syndicats rencontrés par la délégation ont estimé que les CPI constituaient de véritables « cocottes-minute ». Ils se sont par ailleurs opposés à la création de centres fermés qui, selon eux, ne régleront pas le problème de la délinquance.

VI. Les actions des associations et du Conseil communal de prévention de la délinquance

La PJJ a développé un très important partenariat avec de multiples associations qui prennent en charge les mineurs délinquants ou en danger.

Ainsi, le site des Chutes-Lavie abrite plusieurs associations comme l’association Adelies qui vise à faciliter l’insertion des jeunes de plus de 16 ans par l’apprentissage des métiers liés aux espaces verts, impec’auto ou encore « Le temps des cerises » qui fabrique du mobilier de jardin.

Par ailleurs, la PJJ a détaché un éducateur à l’association pour la réadaptation sociale (ARS) qui s’occupe de la protection des mineurs prostitués.

1. Les associations

La délégation a rencontré la plupart des associations qui travaillent en étroite relation avec les services de la mairie et a relevé les principales remarques ou revendications que ces dernières ont exposées.

D’abord, certaines se sont plaintes des difficultés de financement de leurs activités : elles sont obligées de consacrer un temps considérable à monter des dossiers alors qu’elles seraient plus utiles sur le terrain.

L’ARS, chargée également de la réparation pénale, a estimé que la définition retenue pour la réparation était trop limitée : il ne s’agit pas seulement d’imposer aux jeunes de réparer l’infraction qu’ils ont commise, mais de« se réparer eux-mêmes », c’est-à-dire de leur faire comprendre qu’ils ont mal agi et de restaurer leur image par un acte qui les valorise. Le cas d’agression de personnes âgées a été cité : plutôt que d’obliger le jeune à aller s’excuser auprès de la personne qu’il a agressée, il vaut mieux l’envoyer dans une maison de retraite pour lui faire comprendre la vulnérabilité des personnes âgées : s’il passe quelques heures à les promener, son action est valorisée et il aura pris conscience de la laideur de son acte.

Toutefois, ce travail nécessite du temps et le nombre d’heures prévu pour les réparations (12 heures) serait largement insuffisant. L’ARS a estimé avoir besoin de 30 à 35 heures pour effectuer un travail efficace avec le jeune.

Pour Médecins sans frontières, une très courte incarcération provoque un choc chez le jeune. Il faut alors profiter de son désarroi pour travailler avec lui et élaborer un projet. En revanche, au bout de trois semaines, il s’est habitué à la prison et il est déjà trop tard pour engager une démarche éducative.

L’association Adelies, qui prend en charge les mineurs de 4 à 13 ans qui traînent dans les rues, a insisté sur l’importance de la prévention. Elle a jugé indispensable de s’interroger sur les causes de la déscolarisation des jeunes et de comprendre leur perception de l’école.

L’unité de prévention urbaine (UPU) a également développé un partenariat avec l’ARS. Ainsi, deux agents participent deux nuits par semaine aux rondes effectuées de 20 h à 4 h du matin afin d’entrer en contact avec des jeunes prostitués. Son représentant a souligné la nécessité de développer les partenariats, notamment avec l’éducation nationale. Il a également constaté que lorsque les familles viennent chercher leurs enfants au commissariat, elles sont en état de choc et qu’elles sont alors plus perméables au débat avec les institutions. Il faut donc profiter de ce moment pour sensibiliser les familles.

Il convient de rappeler que l’UPU créée à Marseille est la seule instance de ce type en France : 8 fonctionnaires sont répartis dans les quartiers sensibles. Ils ne sont pas armés mais vont au contact des jeunes. Il s’agit d’un travail de longue haleine puisqu’il faut créer un climat de confiance avec la population. Son responsable a déploré que lorsqu’un citoyen est prêt à dénoncer une infraction, il ne soit pas protégé par la loi et risque ainsi de subir des représailles de la part du mineur qu’il a mis en cause.

Les associations ont également regretté que depuis la loi de 1975, seuls l’hébergement et les mesures de milieu ouvert soient financés par l’intermédiaire d’un prix de journée. En revanche, toutes les activités de travail organisées par les associations reçoivent uniquement des subventions. Leur action est ainsi rendue précaire alors même que l’intégration des jeunes par le travail devrait être une priorité.

2. Le Conseil communal de prévention de la délinquance

La délégation a également pu constater le travail important mené par le Conseil communal de prévention de la délinquance. Sa représentante a estimé qu’il constituait l’outil majeur de prévention de la délinquance à Marseille. Elle a regretté l’empilement des dispositifs qui, selon elle, entraîne une dilution des responsabilités et ôte à la politique de prévention de sa lisibilité.


Source : Sénat français