Loin de résoudre le problème, l’absence d’intervention des responsables politiques dans le débat sur le fait religieux a encouragé le développement du communautarisme et l’action des fondamentalistes. Une réponse politique est nécessaire mais elle doit s’appuyer sur de nouveaux portes paroles, issus de l’immigration, et mettre en évidence les succès de l’intégration. C’est la responsabilité de l’actuelle majorité de créer les conditions de l’émergence de ces nouvelles élites et de prendre ses responsabilités face à ceux qui prônent une rupture avec le modèle républicain.
A - Rétablir la laïcité comme projet politique en lui redonnant tout son sens
Le besoin d’une prise de parole des responsables politiques sur la laïcité est devenu réel. Il faut à la fois expliquer le sens de la notion, son actualité et sa place dans notre système de valeurs. Compte tenu de la méconnaissance du sujet et des passions qu’il peut susciter, une certaine prudence est nécessaire. Il faut ouvrir le débat dans la société et avec les élus. Une occasion pourrait être la préparation de la célébration du centenaire de la loi de 1905.
Le thème de la laïcité apparaît en fait inséparable de la réhabilitation du politique en général et de l’autorité en particulier. Défendre la laïcité, c’est défendre la liberté de conscience, c’est promouvoir l’universalisme et la personne humaine. C’est donc donner du sens à l’humanisme face au déterminisme social, culturel, ethnique.
En ce sens, la laïcité est une réponse au choc du 21 avril 2002. Elle doit permettre de redonner du sens à l’action politique et de lutter contre les peurs et les replis identitaires. Pour autant, elle ne saurait faire l’impasse sur les aspects politiques et sociaux de la laïcité.
B - "Liberté, laïcité, intégration"
La République ne tient plus ses promesses. Tant que certains Français pourront penser qu’ils ne sont pas des citoyens comme les autres et que du fait de leurs origines ils ne peuvent accéder aux meilleures formations, aux emplois bien rémunérés et au style de vie européen, la tentation du repli identitaire aura de l’avenir et la République sera en échec.
C’est pourquoi il faut apporter une réponse globale et équilibrée à la question des rapports entre la République et l’islam et mieux expliquer le sens de la laïcité dans la culture française. Il est frappant de constater qu’à aucun moment les étrangers ne se voient expliquer les "règles" du fonctionnement de la société française. Or si ces règles ne sont pas expliquées, il est difficile d’en reprocher la non observation. C’est une difficulté que rencontre le personnel enseignant sur la question du voile islamique. En effet, la plupart des élèves et de leurs parents ne savent pas ce que signifie la laïcité et ignorent les difficultés que peuvent poser le port de signes d’appartenance religieuse. Un effort de pédagogie est donc nécessaire.
C - Une réponse au communautarisme
On assiste au développement du communautarisme dans les banlieues sous l’action du prosélytisme des fondamentalistes. Les revendications concernent le contenu des cours, le principe de mixité, l’autorité des enseignants. Une élève avocate a demandé à prêter son serment d’avocat voilée. Des malades refusent d’être examinés par des personnels médicaux du sexe opposé. Le fait de serrer la main d’une personne du sexe opposé est désapprouvé par les fondamentalistes etc.
On constate en fait que le voile islamique n’a été qu’une première étape. La perspective dans certains quartiers est la prise en charge de populations musulmanes par une société parallèle régie par une interprétation minoritaire de l’islam déclare notamment Hanifa CHERIFI. Cette évolution a eu pour point de départ la tolérance envers le voile islamique établie en 1989. L’enjeu aujourd’hui semble être de préparer les conditions d’une réponse politique qui fixe des limites déterminées par les valeurs démocratiques et humanistes au premier rang desquelles la dignité de la femme et la non-discrimination. Dans cette perspective, la perspective d’une modification du droit applicable en matière de port des signes d’appartenance religieux ne doit pas être tabou, mais elle doit s’inscrire dans un cadre global de réaffirmation des valeurs républicaines.
La laïcité peut être une réponse au communautarisme, mais elle doit s’accompagner de mesures concrètes pour promouvoir des portes paroles d’un contre discours aux thèses des fondamentalistes. L’erreur de 1989 a été de considérer que le voile islamique était un signe d’appartenance religieuse alors qu’il s’agit en fait d’un attribut des fondamentalistes qui s’inscrit dans un modèle de société fondé sur une logique de ghetto et hostile aux valeurs de la démocratie. L’islam n’est pas incompatible avec la République, c’est le fondamentalisme qui l’est. Ce contre discours doit être porté par des personnalités issues de l’immigration. La nomination de plusieurs ministres issus de ces rangs a été un premier signe encourageant. Il revient à l’actuelle majorité de créer de vraies élites républicaines issues de l’immigration dans tous les domaines (politique, économique et social). C’est une condition de la reconquête des territoires perdus de la République.
Source : Club " Dialogue & Initiative "
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