I. Introduction

1. Le présent rapport est présenté en application du paragraphe 24 de la résolution 1483 (2003) du Conseil de sécurité, par lequel le Conseil m’a demandé de lui faire régulièrement rapport sur l’action menée par mon Représentant spécial pour mettre en oeuvre cette résolution. On y trouvera une évaluation préliminaire de l’ampleur des défis à relever pour exécuter le mandat fixé par la résolution, ainsi qu’une indication des domaines dans lesquels j’estime que l’Organisation des Nations Unies dispose des compétences et des atouts requis pour jouer un rôle utile. J’ai eu avant tout à l’esprit les intérêts du peuple Irakien, notamment sa revendication d’un rétablissement rapide de la souveraineté Irakienne.

2. Le 27 mai 2003, j’ai nommé M. Sergio Vieira de Mello mon Représentant spécial pour l’Irak, pour une période de quatre mois. Son équipe de départ comprenait des personnels provenant du Département des opérations de maintien de la paix, du Département des affaires politiques, du Département de l’information, du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international (FMI) et du Haut Commissariat aux droits de l’homme auquel il appartient lui-même. Elle est arrivée à Bagdad le 2 juin 2003. Peu de temps après, le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques a proposé un échange de lettres avec les États-Unis d’Amérique et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord dans lequel l’ONU indiquerait compter sur le respect par l’Autorité provisoire de la coalition des Conventions sur les privilèges et immunités des Nations Unies et des institutions spécialisées.

3. Dans ce premier rapport au Conseil de sécurité, j’estime qu’il importe de décrire le contexte opérationnel dans lequel l’ONU étudie les moyens par lesquels elle pourrait, en coordination avec l’Autorité, jouer un rôle utile et aider le peuple Irakien. C’est pourquoi chacune de ses sections - s’il y a lieu et selon les analyses initiales du Bureau de mon Représentant spécial - comprend un bref survol introductif des activités de l’ONU et, le cas échéant, des activités correspondantes de l’Autorité.

4. Dans ce contexte, le rapport recommande, pour la présence des Nations Unies en Irak pendant le reste de l’année 2003, une stratégie et une structure générales qui tiennent compte du paragraphe 16 de la résolution 1483 (2003), dans lequel le Conseil de sécurité demande qu’il soit mis fin aux activités du programme " pétrole contre nourriture " en novembre 2003.

5. Le présent rapport n’offre pas - et ne pouvait pas offrir - un tableau d’ensemble de la situation actuelle en Irak. Ce tableau évolue en effet au fur et à mesure que mon Représentant spécial et son équipe élargissent leurs contacts avec les Irakiens et recueillent des avis différents. Il y a aussi, bien entendu, une évolution au jour le jour de la situation sur le terrain dans chaque secteur d’activité potentiel, et notamment une évolution des conditions de sécurité qui a un impact sur le rôle croissant joué par l’ONU.

II. Approche initiale : de larges consultations en vue de définir le rôle des Nations Unies

6. Soucieux de déterminer comment l’ONU pourrait apporter le concours le plus efficace possible, mon Représentant spécial et les membres de son Bureau se sont entretenus, au cours de leurs premières semaines en Irak, avec des interlocuteurs composant un échantillon vaste et divers de la société Irakienne. Ils ont notamment eu des entretiens avec des groupes politiques, des chefs religieux, des chefs de tribu, de hauts fonctionnaires des ministères et des membres de la société civile - y compris des membres d’associations Irakiennes de défense des droits de l’homme et d’organisations non gouvernementales récemment apparues -, des associations féminines, des journalistes, des membres de professions libérales et des chefs d’entreprise, tant à Bagdad qu’en province. Toujours au cours de ces premières semaines, mon Représentant spécial s’est rendu à Bassorah, Erbil, Najaf et Hillah.

7. Depuis son arrivée, mon Représentant spécial s’est entretenu régulièrement avec l’Administrateur de l’Autorité provisoire de la coalition, M. L. Paul Bremer III, ainsi qu’avec l’Envoyé spécial pour l’Irak du Premier Ministre du Royaume-Uni, M. John Sawers. Les membres de l’équipe de mon Représentant spécial ont de leur côté établi des contacts avec leurs homologues au sein de l’Autorité.

8. Chaque fois que les circonstances s’y prêtaient, le Bureau de mon Représentant spécial s’est efforcé d’organiser des réunions mettant en présence des représentants Irakiens et des représentants de l’Autorité avec la participation de l’ONU. L’ONU a ainsi organisé des réunions sur l’état de droit, les violations passées des droits de l’homme et les processus constitutionnels. Des contacts ont également été établis avec les représentants de la communauté diplomatique à Bagdad et des délégations de parlementaires étrangers.

9. La résolution 1483 (2003) donne pour mandat à mon Représentant spécial de coordonner les activités menées par les organismes du système des Nations Unies et les organisations non gouvernementales. Or l’Autorité provisoire de la coalition a créé, par son arrêté No 5 du 18 juin 2003, un mécanisme de coordination, le Conseil de la coordination internationale (CCI), qui est chargé d’assurer la liaison entre l’Autorité et la communauté de l’entraide internationale. Le Président du CCI, M. Marek Belka, a cependant précisé à mon Représentant spécial que les bailleurs pouvaient apporter leurs fonds par le canal des Nations Unies, à condition que l’ONU agisse en coordination avec le CCI. En attendant que ce dernier devienne opérationnel, les représentants des divers organismes des Nations Unies ont repris contact avec leurs correspondants Irakiens dans les ministères d’exécution et les membres du Bureau de mon Représentant spécial ont trouvé extrêmement avantageux d’établir eux-mêmes des liens directs avec ces ministères.

10. Conformément à l’invitation lancée au paragraphe 8 c) de la résolution 1483 (2003) à oeuvrer sans relâche avec " les autres parties concernées " à la création et au rétablissement d’institutions nationales et locales permettant la mise en place d’un gouvernement représentatif, mon Représentant spécial et moi-même avons rencontré récemment à Amman des dirigeants de la région, ainsi que le Secrétaire général de la Ligue des États arabes et les ministres des affaires étrangères et de hauts fonctionnaires d’importants pays donateurs. Les dirigeants que j’ai rencontrés à Amman estimaient que l’Irak était encore très coupé de la région. Tous ont dit espérer que les aspirations du peuple Irakien à exercer son propre gouvernement pourraient être réalisées le plus tôt possible. La plupart des dirigeants de la région estimaient que la mise en place à bref délai d’une administration intérimaire Irakienne serait un pas dans la bonne direction.

11. Les entretiens que mon Représentant spécial et son équipe ont eus avec des Irakiens de toutes tendances ont fait ressortir un certain nombre de thèmes communs. L’un d’eux est la revendication quasi universelle d’un rétablissement rapide de la souveraineté, et un autre que la démocratie ne saurait être imposée de l’extérieur. De graves préoccupations ont été exprimées au sujet de la " débaassification " et de la dissolution de l’armée Irakienne. Plusieurs dizaines d’années d’un régime répressif, de violations massives des droits de l’homme, de guerres à répétition et de lourdes sanctions internationales ont rendu la vie quotidienne de la plupart des Irakiens très difficile. Ils en ont conçu une amertume bien compréhensible qui persiste encore aujourd’hui. Et même si, d’un côté, les Irakiens espèrent de toute évidence un avenir meilleur, de l’autre, ils conservent certaines appréhensions.

12. Les préoccupations d’ordre pratique et immédiat ont occupé une place importante dans presque tous ces entretiens. Groupe après groupe a présenté de longues listes de doléances, d’attentes et de revendications de la population Irakienne. Les conditions de vie ne se sont pas améliorées, au moins pour la population urbaine, et se sont peut-être dégradées. Surtout, les interlocuteurs de mon Représentant spécial ont exprimé leur profonde préoccupation face à la précarité et, selon certains, la détérioration de la situation sécuritaire, notamment à Bagdad. Ils ont dit craindre que, sauf un redressement rapide de la situation, l’insécurité compromette les efforts déployés pour répondre à leurs autres préoccupations immédiates, notamment les défaillances des services publics les plus essentiels et l’urgente nécessité de créer des emplois pour les nombreux chômeurs.

13. Si, d’un côté, de nombreux Irakiens se sont montrés ouvertement critiques à l’égard de certains aspects de l’action passée de l’ONU en Irak, de l’autre, ils ont exprimé leur gratitude pour son activité humanitaire actuelle et souligné l’importance qu’ils attachent à ce que l’ONU joue un rôle actif, notamment en facilitant et en appuyant la transition politique. Tous ont dit considérer que la participation de l’ONU était essentielle pour assurer la légitimité du processus politique. D’autres domaines d’action prioritaires pour la stabilité et la prospérité futures du pays ont été fréquemment cités, parmi lesquels le relèvement économique et le développement durable, la sanction des crimes passés, le respect des droits de l’homme et de l’état de droit, la réconciliation nationale, l’épanouissement d’une société civile dynamique - et notamment d’une presse libre et indépendante - et le renforcement des capacités.

14. Lors de ces entretiens, mon Représentant spécial a souligné le rôle important que les femmes seront appelées à jouer dans le relèvement du pays. Il a souligné que les Irakiennes représentent un puissant facteur de paix, de réconciliation et de stabilité, et qu’elles devraient se voir donner les moyens et l’occasion de jouer pleinement le rôle politique, économique et social qui leur revient. Quelques-uns des groupes avec lesquels s’est entretenu mon Représentant spécial incluaient un petit nombre de femmes. Il est manifeste qu’il faudra du temps pour que cet état de choses évolue.

III. Le processus de transition politique

15. Conformément aux volets de son mandat définis aux paragraphes 8 c) et 9 de la résolution 1483 (2003), mon Représentant spécial s’est efforcé de déterminer quelle serait la meilleure façon pour l’ONU d’apporter son concours à un processus politique qui avait été lancé avant son arrivée. Pour cela, il a commencé par solliciter les vues d’un éventail aussi large que possible d’Irakiens sur les plans dressés à titre provisoire par l’Autorité pour créer un organe politique et un cadre constitutionnel.

16. Après des décennies de régime répressif, l’Irak souffre d’un déficit démocratique et a besoin d’institutions légitimes. En fait, une vie politique fondée sur le pluralisme doit y être réinventée. Il faut, de toute urgence, que les diverses composantes ethniques, religieuses, provinciales et autres de la société trouvent leur unité dans une communauté politique unique qui soit à la fois respectueuse de l’importante diversité culturelle du peuple Irakien et ouverte aux idées nouvelles qui aident les individus à remettre en cause les structures traditionnelles.

17. De nombreux dirigeants Irakiens ont souligné l’urgence qu’ils attachent à ce que tous les partis s’unissent derrière un programme politique commun. Des efforts ont par conséquent été déployés pour élargir à d’autres partis le " Conseil de direction ", qui était composé d’Abdel-Aziz al-Hakim (Conseil suprême pour la révolution islamique en Irak,), Iyad Alawi (Entente nationale Irakienne), Massoud Barzani (Parti démocratique du Kurdistan), Nasir al-Chadirchi (Parti démocratique national), Ahmed Chalabi (Congrès national Irakien), Ibrahim al-Jaafari (Daawa) et Jalal Talabani (Union patriotique du Kurdistan). Malgré la création de plusieurs douzaines de partis politiques, la société politique Irakienne reste encore à l’état embryonnaire.

18. Mon Représentant spécial et son équipe se sont efforcés de rencontrer tous ces groupes, autant ceux de création récente que ceux de création ancienne, qu’ils aient été constitués par des Irakiens restés dans leur pays ou par des Irakiens revenus d’exil. Tous ces groupes partagent une même préoccupation, qui est de mettre en place de toute urgence, dans le cadre d’un processus Irakien, un gouvernement provisoire Irakien qui pourrait aider à résoudre certains des problèmes pratiques immédiats du pays. Ainsi par exemple, les 12 dernières années ont introduit des différences importantes entre la vie politique dans le nord de l’Irak et la vie politique dans le reste du pays. Il s’ensuit que les Kurdes d’Irak craignent aujourd’hui que le processus de réintégration dans le cadre national Irakien ne leur fasse perdre leurs acquis

19. L’idée que la démocratie ne saurait être imposée de l’extérieur mais doit venir de l’intérieur a constitué un autre thème commun de ces entretiens. Les dirigeants politiques, religieux et civiques Irakiens réfléchissent aujourd’hui à un programme de transition sous direction Irakienne. Certains d’entre eux ont dit voir avec pragmatisme le projet de création d’un gouvernement intérimaire Irakien, qu’ils considéraient comme un moyen d’améliorer l’administration du pays pour le court terme et comme un pas en direction du rétablissement de la souveraineté Irakienne et d’une appropriation de la réforme des institutions et des politiques nationales pour le long terme. Les interlocuteurs estimaient que, même si ses attributions étaient limitées, de par sa seule existence un gouvernement intérimaire Irakien ferait une différence.

20. Le processus constitutionnel a occupé une place centrale dans tous les entretiens de mon Représentant spécial. Ses interlocuteurs ont souligné que c’était aux Irakiens eux-mêmes qu’il appartenait de conduire ce processus, et que celui-ci ne devrait pas commencer avant qu’une autorité intérimaire Irakienne n’ait été mise en place. Un certain nombre d’entre ont argué vigoureusement que la participation au processus constitutionnel devrait être déterminée sur la base d’élections. Si on le lui demande, la communauté internationale - et notamment l’ONU - pourra apporter son concours à ce processus sous la forme de conseils, de leçons tirées de l’expérience de différents processus constitutionnels dans le monde, et d’assistance technique.

21. Mon Représentant spécial a facilité la communication entre ses interlocuteurs Irakiens et l’Autorité, tout en formulant ses propres observations et suggestions. L’un des principaux messages qu’il a transmis était qu’il importait de faire en sorte que les Irakiens s’approprient le processus politique et de déléguer de façon tangible aux représentants Irakiens des pouvoirs exécutifs et des prérogatives réelles dans la formulation des politiques, et notamment dans la répartition et l’administration des crédits budgétaires. Tout en exprimant une certaine diversité d’opinions sur la formule à adopter pour la transition, tous les interlocuteurs Irakiens de mon Représentant spécial ont souligné l’importance qu’ils attachaient à la rapide formation, par les Irakiens, d’un gouvernement Irakien provisoire dont les ministres intérimaires jouiraient d’une autorité réelle.

22. L’Autorité a déployé des efforts considérables pour réunir un consensus autour de son plan pour la transition - un plan en constante évolution - d’abord en élargissant à un groupe de 15 à 17 personnes (dirigeants politiques, chefs de tribu, personnalités religieuses, personnalités indépendantes et représentants de la société civile, des associations de défense des droits de l’homme et des associations féminines) des consultations qui, à l’origine, n’impliquaient que le Conseil de direction et ses sept partis. Ces dernières semaines, le plan de l’Autorité pour la transition politique a évolué rapidement, avec l’idée de mettre en place un Conseil de gouvernement coopté et largement représentatif.

23. On ne saurait surestimer l’importance que la population Irakienne attache à ce que des progrès rapides soient faits pour qu’elle puisse assumer son propre gouvernement, ne serait-ce que pour donner un solide point de départ au processus constitutionnel. Mon Représentant spécial a par conséquent vivement conseillé à l’Autorité de transférer à un organe de direction Irakien largement représentatif et coopté des pouvoirs exécutifs concrets, y compris pour la formulation des politiques, la prise de décisions et l’établissement et l’exécution du budget. L’Autorité a accueilli favorablement ce conseil.

24. Je me suis félicité de la création du Conseil de gouvernement le 13 juillet. Dans un document qui a fait l’objet d’un accord entre l’Autorité et les membres du Conseil, il est déclaré que " le Conseil de gouvernement est le principal organe de l’administration provisoire Irakienne envisagée dans la résolution 1483 (2003) du Conseil de sécurité ". Le Conseil de gouvernement compte 25 membres, dont trois femmes, avec une légère majorité de chiites et un nombre égal de Kurdes et de sunnites. Il comprend aussi des représentants des communautés chrétienne et turkmène. Le Conseil de gouvernement est appelé à nommer un ministre intérimaire à la tête de chaque ministère et il est habilité à formuler des politiques et à prendre des décisions, en coopération avec l’Autorité, et à désigner des représentants à l’étranger pendant la durée de la transition. Dans le domaine financier, le Conseil de gouvernement, avec les représentants du FMI, de la Banque mondiale et du PNUD, sera associé à part entière à l’établissement du budget national pour 2004, et c’est lui qui approuvera le budget. En outre, il est habilité à envisager des amendements substantiels au budget d’urgence de 2003. Le Conseil de gouvernement doit également examiner la possibilité de nommer une commission constitutionnelle préparatoire chargée de lui recommander la marche à suivre pour l’élaboration et l’adoption d’une nouvelle constitution pour l’Irak.

25. Soucieux de faire avancer le travail de définition des principaux éléments de ce volet du processus de transition, mon Représentant spécial a organisé le 1er juillet une première réunion avec des experts Irakiens et des experts de l’Autorité pour les inviter à mettre en commun leurs expériences respectives et pour demander aux Irakiens comment ils envisagent le déroulement des processus constitutionnel et électoral, sur la base des valeurs Irakiennes traditionnelles, de l’intérêt bien compris du pays et des principes démocratiques.

26. Selon l’Autorité, le plein rétablissement de la souveraineté viendra après la rédaction d’une nouvelle constitution et la tenue d’élections nationales. Dans le cadre de ses entretiens avec l’Autorité, mon Représentant spécial a proposé de commencer rapidement à dresser les listes électorales pour montrer que des mesures concrètes étaient prises en vue des élections. À cette fin, j’ai donné ordre à la Division de l’assistance électorale du Département des affaires politiques de dépêcher de toute urgence une mission d’évaluation en Irak pour y examiner, avec ses homologues Irakiens et ceux de l’Autorité, les diverses formules possibles pour les listes d’électeurs et le processus électoral, et notamment les textes législatifs et réglementaires qui les régissent, l’enregistrement des partis politiques et les formes que pourrait prendre l’assistance des Nations Unies dans ces domaines.

27. Même si les Irakiens ont des opinions divergentes sur la rapidité avec laquelle les conditions seront réunies pour l’organisation de processus véritablement participatifs et représentatifs, ils partagent très largement le sentiment que les prochains processus constitutionnel et électoral présenteront une importance fondamentale pour la transition politique envisagée au paragraphe 8 c) de la résolution 1483 (2003). C’est dans ces domaines - dont le contenu reste à définir par les experts Irakiens - que j’estime que les Nations Unies peuvent apporter un concours utile. En effet, la participation de l’ONU permettra non seulement de conférer sa légitimité au processus, mais aussi de mettre au service du peuple Irakien le trésor d’expérience et de savoir-faire accumulé par l’Organisation au fil des années, y compris sous la forme de conseils pour l’adoption de dispositions et de mécanismes de protection efficaces dans le domaine des droits de l’homme. Nous sommes donc prêts à aider le Conseil de gouvernement, notamment en apportant un appui technique à son secrétariat, dès qu’il en fera la demande.

IV. Situation sur le plan de la sécurité

28. La sécurité demeure la préoccupation prioritaire de tous les Irakiens avec lesquels mon Représentant spécial s’est entretenu au cours de cette période initiale. La sécurité - ou son absence - affecte en effet de façon fondamentale tous les aspects de la vie en Irak aujourd’hui. Il est ressorti de tous ces entretiens que l’insécurité freine les progrès dans tous les domaines, depuis la sécurité individuelle et la liberté de circulation jusqu’à la réouverture des banques et au développement économique, en passant par la réforme du système juridique, la mise en place d’une presse libre et indépendante et la création de la stabilité nécessaire au processus politique. Cependant, puisqu’il appartient à d’autres instances de rendre compte au Conseil de sécurité de la situation sécuritaire dans l’ensemble du pays, on se limitera dans le présent rapport à ne décrire cette situation que dans la stricte mesure où elle interfère avec les activités de l’ONU.

29. Les entraves à la liberté de circulation ont affecté les activités des Nations Unies, et notamment des activités humanitaires vitales, et elles risquent de gêner la planification de la reconstruction du pays, et notamment l’évaluation des besoins à laquelle on procède actuellement pour préparer la conférence sur le relèvement de l’Irak prévue pour le mois d’octobre. Au début de juillet 2003, 3 des 18 gouvernorats étaient toujours à la phase V de sécurité (c’est-à-dire interdits d’accès) pour les activités des Nations Unies, même s’ils sont réputés " tolérables " par la coalition. Plus de 800 membres du personnel international de l’ONU ont déjà été redéployés dans les secteurs passés à la phase IV. Selon les règles du Bureau du Coordonnateur des Nations Unies pour les questions de sécurité, la phase IV limite l’accès d’un secteur donné aux membres du personnel " directement impliqués dans des activités humanitaires ou de secours ou dans les questions de sécurité ". Cette situation aura de toute évidence des incidences sur toutes les activités et tous les organismes des Nations Unies en Irak, ainsi que sur la rapidité avec laquelle mon Représentant spécial pourra affecter comme prévu des spécialistes des questions politiques et des droits de l’homme aux secteurs concernés.

30. Les activités humanitaires des Nations Unies continuent d’être réduites dans certaines régions dont les conditions de sécurité sont encore considérées par la coalition comme " incertaines " plutôt que " tolérables " du point de vue opérationnel. Jusqu’à maintenant, il existe deux grands " arcs d’instabilité " : d’Al Qaim à Fallouja et de Bayji à Baqubah.

31. Les explosifs, les mines et les munitions non explosées que l’on trouve partout et en grand nombre et qui menacent directement la population locale constituent un obstacle supplémentaire aux activités des organismes humanitaires des Nations Unies. On a constaté une augmentation considérable du nombre des victimes dues à des interférences avec des stocks et des caches de munitions. La pose récente de mines terrestres et la présence de sous-munitions utilisées au cours du récent conflit ont exacerbé les problèmes déjà graves posés par les mines terrestres et les munitions non explosées. Les Nations Unies participent aux efforts déployés pour résoudre ces problèmes avec un " plan d’intervention rapide " coordonné par le Service de l’action antimines.

32. Jusqu’à maintenant, le personnel de l’ONU a rarement été la cible d’une hostilité délibérée, si l’on excepte l’incident survenu à Bassorah le 17 juin, lorsque deux véhicules des Nations Unies ont été bloqués par une foule qui ne faisait apparemment pas la distinction entre l’ONU et l’Autorité. Ces deux véhicules ont fini par être libérés. Le 29 juin, une série de coups de feu ont été tirés à l’extérieur de l’entrée du complexe des Nations Unies situé à l’Hôtel du Canal à Bagdad, à la suite de quoi les forces de la coalition déployées dans le secteur ont été mises en état d’alerte maximale.

33. Plus récemment, les Nations Unies et un organisme travaillant avec elles ont été visés. Le 5 juillet, une roquette a frappé le bureau de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) à Mossoul. Cet incident, qui faisait suite à des menaces proférées contre l’OIM, a fait un blessé - un policier - et endommagé deux véhicules de l’OIM. Le 6 juillet, un bureau du Programme alimentaire mondial (PAM) et, plus tard, un véhicule inoccupé du PAM ont été attaqués par des individus armés à Mossoul. Aucun membre du personnel du PAM n’a été blessé au cours de ces deux incidents. Le responsable de la sécurité a dû annuler toutes les habilitations de sécurité et tous les vols de l’ONU à destination de Mossoul à partir du 7 juillet et transférer de Mossoul à Erbil le point d’entrée des vols vers le nord de l’Irak. L’OIM a fermé son bureau à Mossoul en attendant les résultats d’une enquête de sécurité et l’UNICEF a retiré tout son personnel, avec pour résultat que le nombre des fonctionnaires internationaux présents à Mossoul est passé de 27 à 4.

34. Les sous-traitants et les installations des Nations Unies sont toujours exposés à des actes criminels tant isolés qu’organisés. Des pillards attaquent régulièrement les convois qui transportent sous contrat les provisions du PAM en Irak, au point que les chauffeurs se montrent de moins en moins disposés à accepter ce genre de contrats, tout particulièrement pour les convois au départ du Koweït et de Jordanie. Les installations des Nations Unies continuent de nécessiter un niveau de protection élevé parce qu’elles attirent les pillards. Un entrepôt du PAM à Bagdad a dû ainsi fermer temporairement ses portes, en attendant que les forces coalisées puissent lui fournir une protection supplémentaire. D’autres installations des Nations Unies ont fait l’objet de tentatives de vol avec effraction et à main armée.

35. Pour les citoyens Irakiens ordinaires comme pour le personnel des Nations Unies, la criminalité constitue la principale menace contre leur sécurité. Des délinquants, dont certains sont organisés et dont la plupart sont armés, continuent de profiter de la facilité avec laquelle on peut se procurer des armes et de la défaillance des institutions de maintien de l’ordre. La criminalité a été exacerbée par la libération à la fin de 2002, par décret présidentiel, de la plupart des délinquants détenus dans les prisons Irakiennes. Les Irakiens - et tout particulièrement les femmes - craignent de se trouver dans la rue après la tombée de la nuit et redoutent les enlèvements et les agressions. L’insécurité a contraint les Nations Unies à imposer un régime de couvre-feu à leur personnel international sur tout le territoire Irakien à partir de 20 heures, c’est-à-dire nettement avant le couvre-feu imposé par l’Autorité, qui commence à 23 heures.

36. L’insécurité et les défaillances de services aussi essentiels que l’eau, l’électricité et le carburant figurent parmi les principales préoccupations des Irakiens. Le pillage persistant de l’infrastructure et l’apparition de ce qui semble être une entreprise organisée de sabotage de l’équipement électrique, des aqueducs et des oléoducs, des stocks de livres scolaires et des imprimeries de billets de banque compromettent gravement le rétablissement des services essentiels. En outre, l’important commerce illégal de pétrole et de carburant réduit d’autant l’accès des Irakiens à ces produits essentiels et affecte directement leur perception des progrès réalisés dans le retour à une situation normale.

37. Une certaine préoccupation a été exprimée face aux graves conséquences que pourrait entraîner la récente dissolution de l’armée Irakienne, qui comptait plus d’un million de personnels à qui l’Autorité a récemment décidé de verser une allocation mensuelle. L’ONU a mis à la disposition de l’Autorité son expérience considérable et son corpus de pratiques exemplaires en matière de désarmement, démobilisation et réinsertion. À la demande de l’Autorité, une petite équipe d’experts de l’ONU venus du monde entier a passé une semaine à Bagdad pour faire connaître les enseignements tirés par l’Organisation des programmes de désarmement, démobilisation et réinsertion qu’elle a administrés. L’ONU est disposée, si on le lui demande, à faire bénéficier de son expérience les activités de réinsertion.

V. Droits de l’homme et état de droit

38. Dans sa résolution 1483 (2003), le Conseil de sécurité demande à mon Représentant spécial, en coordination avec l’Autorité, de venir en aide à la population Irakienne en assurant la promotion de la protection des droits de l’homme ; en appuyant les efforts déployés à l’échelle internationale pour rendre à nouveau opérationnelle la police civile Irakienne ; et en soutenant les efforts menés par la communauté internationale pour promouvoir des réformes juridiques et judiciaires [par. 8 g), h) et i)].

39. De l’expérience acquise par l’ONU dans de nombreuses situations de conflit et de transition au cours des dix dernières années, il ressort qu’il importe au plus haut point de mettre les droits de l’homme et l’état de droit au premier plan des efforts tendant à favoriser la création d’institutions représentatives et démocratiques en Irak. Assurer la promotion de la protection des droits de l’homme [résolution 1483 (2003), par. 8 g)]

40. Les organismes des Nations Unies spécialisés dans les droits de l’homme - par le biais des rapporteurs spéciaux de la Commission des droits de l’homme - et les organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme ont abondamment documenté les massives violations des droits de l’homme commises en Irak sous l’ancien régime. Plutôt que de reproduire leurs témoignages, ce premier rapport évoquera en priorité les aspects de cet héritage du passé et de la situation actuelle qui posent un problème immédiat.

41. Depuis qu’il est arrivé en Irak, mon Représentant spécial s’est engagé dans un travail préliminaire d’identification des problèmes des droits de l’homme dans ce pays et d’évaluation des moyens nécessaires pour y faire face. Il a l’intention de se concentrer sur les problèmes ci-après.

42. Il importe de doter l’Irak de moyens d’action nationaux dans le domaine des droits de l’homme, et l’ONU est en mesure d’y contribuer. Ses spécialistes des droits de l’homme présents sur place prévoient d’organiser systématiquement dans tous le pays, avec leurs partenaires nationaux, des ateliers sur les droits de l’homme et de commencer à définir, toujours avec leurs partenaires, les principaux éléments d’une stratégie et d’un programme d’action national. En outre, mon Représentant spécial a entrepris de consulter les dirigeants politiques et religieux Irakiens sur la possibilité de créer une commission nationale des droits de l’homme.

43. La question des disparitions forcées est la plus pressante pour les Irakiens, étant donné que beaucoup d’entre eux comptent des disparus dans leurs familles ou connaissent des familles dont certains membres ont disparu. On estime qu’au cours des 30 dernières années, au moins 290 000 Irakiens issus de toutes les confessions, de tous les groupes ethniques, de toutes les familles politiques, de toutes les classes et de toutes les professions ont disparu. Depuis la chute de l’ancien régime, des charniers ont été découverts dans de nombreuses régions. Il faut absolument protéger ces charniers jusqu’à ce que des experts en médecine légale puissent les examiner. Il importe d’adopter à titre prioritaire, face à cette question, une politique d’ensemble qui garantisse la dignité et les droits des victimes et de leurs familles, ces dernières ayant le droit de savoir ce qui est arrivé à leurs disparus.

44. Conformément à l’alinéa 11 du préambule de la résolution 1483 (2003), il faut aussi, à titre de priorité, veiller à ce que les auteurs des crimes de l’ancien régime aient à en répondre ; il faut également mettre en place un mécanisme qui permettra à la population Irakienne de laisser son passé derrière elle. S’il est vrai que c’est à un gouvernement Irakien élu qu’il appartient exclusivement de se prononcer sur cette question, il n’en reste pas moins qu’il faut commencer dès maintenant à examiner avec les Irakiens le type de processus qui leur serait le plus utile en la matière. C’est pourquoi les activités de mon Représentant spécial dans le domaine des droits de l’homme seront axées sur la question de la justice pendant la transition et sur la création d’un espace au sein duquel l’ONU pourrait faire connaître l’expérience qu’elle a acquise dans ce domaine en d’autres endroits du monde et où les Irakiens pourraient réfléchir en profondeur à ces difficiles questions.

45. Les 30 juin et 1er juillet, mon Représentant spécial et son équipe ont convoqué à Bagdad la première conférence sur les droits de l’homme sous les auspices des Nations Unies. Cette importante manifestation, qui a été organisée avec le Haut Commissariat aux droits de l’homme à Genève, a réuni des spécialistes Irakiens et étrangers, ainsi que des représentants de l’Autorité, pour qu’ils puissent faire connaître leurs vues, définir des mesures pratiques à adopter et formuler des options de politique générale concernant le traitement judiciaire des crimes de l’ancien régime.

46. La situation actuelle des droits de l’homme, notamment sous le rapport des actions de l’Autorité, représentait une préoccupation centrale. Mon représentant spécial a relayé un certain nombre de ces préoccupations auprès de l’Administrateur et lui a rappelé l’obligation que fait le paragraphe 5 de la résolution 1483 (2003) à l’Autorité de respecter intégralement le droit international, en particulier les Conventions de Genève de 1949 et le Règlement de La Haye de 1907.

47. Une autre préoccupation en rapport avec les droits de l’homme concerne les civils tués, blessés ou détenus pendant et après le récent conflit, et dont il n’existe pas de recensement fiable. L’Autorité aurait libéré plusieurs milliers de prisonniers de guerre. Parmi les détenus, figurent des individus arrêtés pour attentat contre les forces coalisées, possession d’armes, infractions diverses telles que le pillage, et infractions mineures ou non précisées. Des Irakiens qui ont approché mon Représentant spécial et les membres de son personnel se sont dits préoccupés du traitement réservé à ces détenus et de leurs conditions de détention, et ont fait valoir que le droit international humanitaire dispose que les détenus doivent être traités avec humanité. Mon Représentant spécial a engagé l’Autorité à améliorer le traitement des détenus et à poursuivre son dialogue avec le Comité international de la Croix-Rouge sur cette question. Le 15 juillet, il a eu un entretien constructif avec MM. Bremer et Sawers au cours duquel il a exprimé sa préoccupation face au traitement des détenus et aux conditions de leur détention. Il lui a été assuré que des mesures correctives étaient en train d’être prises en réponse à ces préoccupations.

48. L’épanouissement de la société civile et notamment d’associations efficaces, professionnelles et indépendantes de défense des droits de l’homme et des droits des femmes, et la création de médias libres et indépendants constituent un élément crucial de la promotion des droits de l’homme et de l’état de droit. C’est pourquoi mon Représentant spécial accorde une importance particulière aux services de la formation. L’ONU a déjà reçu des appels de sources variées à dispenser une formation en droits de l’homme aux fonctionnaires, et notamment à ceux du secteur judiciaire comme les juges, les procureurs, les avocats commis d’office et les agents du maintien de l’ordre. Mon Représentant spécial a l’intention d’étudier la possibilité de dispenser ce genre de formation et de mettre en place des programmes concrets facilitant l’accès des groupes vulnérables à la justice. Il a également l’intention de lancer immédiatement une vigoureuse campagne de sensibilisation aux droits de l’homme grâce à la création, avec le Haut Commissariat aux droits de l’homme et avec l’appui du PNUD, d’un Centre de documentation et de formation aux droits de l’homme à Bagdad.

49. Les femmes sont tout particulièrement concernées par l’insécurité. Pendant la période qui a immédiatement suivi le conflit, de nombreuses Irakiennes des centres urbains se sont retrouvées confinées chez elles à cause de rapports faisant état de harcèlement et de violences accrues à leur encontre. Cette situation a gêné l’accès des femmes et de leurs enfants aux soins de santé. D’une façon générale, les femmes sont sous-représentées dans les efforts tendant à organiser et à gérer tant le processus politique que les processus de relèvement et de reconstruction. Mon Représentant spécial a souligné auprès de tous les partis et mouvements politiques qu’il importe d’encourager la pleine participation des femmes aux processus politique et constitutionnel de la transition. Il convient également de répondre aux besoins économiques et autres des femmes, et notamment de celles d’entre elles qui sont chefs de ménage et sur qui pèse largement et depuis longtemps la responsabilité de gérer leur famille et leur communauté, sans qu’elles reçoivent guère d’appui. Je compte que les conclusions de la récente mission menée par le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM) faciliteront l’adoption de mesures utiles à cet égard.

50. Pour promouvoir le respect des droits de l’homme, il importe de disposer des moyens d’observer et d’analyser la situation dans ce domaine. Six spécialistes des droits de l’homme ont donc été affectés au Bureau du Coordonnateur humanitaire à Bagdad et en province. Mon Représentant spécial a l’intention de déployer de nouveaux spécialistes des droits de l’homme au fur et à mesure que la situation le permettra. Appuyer les efforts déployés à l’échelle internationale pour rendre à nouveau opérationnelle la police civile Irakienne [résolution 1483 (2003), par. 8 h)]

51. Un certain nombre de gouvernements ont approché officieusement mon Représentant spécial pour examiner avec lui la possibilité de déployer des éléments de police internationaux sous les auspices de l’ONU. Pour le moment, le maintien de l’ordre en Irak relève de la seule responsabilité de l’Autorité, en vertu de la résolution 1483 (2003) et conformément au droit international humanitaire. Les entretiens que mon Représentant spécial a eus avec l’Autorité sur cette question m’ont convaincu que la création d’une force de police internationale placée sous les auspices de l’ONU risquerait de créer un système parallèle de maintien de l’ordre public, ce qui ne serait pas un moyen efficace d’améliorer la situation dans ce domaine.

52. Il existe cependant une possibilité de participation de l’ONU dans ce domaine, dans la mesure où elle peut offrir son expérience considérable de la formation et du perfectionnement des services de police locaux. En étroite coordination avec l’Autorité et le Conseil de gouvernement, l’ONU axera d’abord son action sur deux aspects précis. Elle offrira de participer à l’élaboration de la composante droits de l’homme du programme de formation des nouvelles recrues de la police Irakienne ; et elle offrira à l’Autorité et aux institutions Irakiennes de maintien de l’ordre, une fois qu’elles auront été mises en place, ses conseils pour la création et l’administration d’organes indépendants et crédibles de contrôle du maintien de l’ordre public. Soutenir les efforts menés par la communauté internationale pour promouvoir des réformes juridiques et judiciaires [résolution 1483 (2003), par. 8 i)]

53. La communauté juridique Irakienne attend avec impatience le rétablissement de l’état de droit et d’institutions viables après plusieurs décennies passées sans système judiciaire indépendant. Avant même de faciliter les réformes juridiques et judiciaires, il importe que le système judiciaire Irakien recommence à fonctionner dans le cadre des dispositions des Conventions de Genève. L’absence de tribunaux en état de fonctionner a jusqu’à maintenant limité le rôle joué par la communauté juridique et l’a privée de moyens d’existence suffisants. Pour favoriser une rapide reprise des procédures judiciaires, mon Représentant spécial, en collaboration avec le PNUD, a privilégié deux projets concrets concernant la remise en état, de toute urgence, de deux tribunaux à Bagdad et l’appui à donner au Centre de formation des magistrats, également à Bagdad.

54. La justice a été au centre des délibérations de la première réunion trilatérale organisée par l’ONU, le 25 juin, avec des représentants de la communauté judiciaire Irakienne et de l’Autorité. Cette réunion visait à faire connaître l’expérience acquise par l’ONU en matière de réforme des systèmes judiciaires et à offrir un espace au sein duquel les Irakiens pourraient entamer un dialogue sur cette question. L’Irak dispose de moyens intellectuels et matériels substantiels dans ce domaine, et il conviendra de les mettre à profit. Il faudra notamment veiller à ne faire venir d’experts de l’étranger que lorsque des experts ne pourront pas être trouvés sur place.

VI. Des médias libres et indépendants

55. La mise en place de médias libres et indépendants facilitera la création d’une atmosphère favorable à la tenue d’élections libres et régulières et à l’épanouissement d’une société pluraliste et d’une culture respectueuse des droits de l’homme. Pour le moment, cependant, les Irakiens estiment qu’ils manquent d’informations, et notamment d’informations provenant d’organes de radiodiffusion indépendants. Après des décennies de répression, ils ont soif d’informations produites en Irak.

56. Conscient de l’importance de disposer d’informations professionnelles et impartiales et soucieux de favoriser la création de médias Irakiens indépendants, mon Représentant spécial envisage d’examiner avec des journalistes Irakiens la possibilité de créer une station de radio nationale véritablement indépendante et objective qui aurait pour mission de diffuser des émissions d’information et de variétés et d’offrir une tribune accessible à tous pour y examiner l’ensemble des questions d’importance nationale auxquelles est actuellement confronté l’Irak. L’appui d’organisations non gouvernementales spécialisées et de pays donateurs qui se sont dits intéressés à contribuer à des projets de renforcement des médias en Irak sera très important à cet égard.

57. Presque tous les jours, la presse écrite Irakienne s’enrichit de nouveaux titres. Le nombre des quotidiens et des hebdomadaires s’élevait déjà à 60 à la fin de juin pour Bagdad seulement, et à 109 pour l’ensemble du pays. Le 15 juin, lors d’un entretien avec mon Représentant spécial, les journalistes Irakiens ont sollicité l’aide de l’ONU pour presque tous les aspects de leur travail, depuis la fourniture d’ordinateurs et de matériel de communication à celle de rotatives et de papier, depuis la prestation de services de formation technique et professionnelle jusqu’à l’organisation de contacts avec le monde extérieur, et depuis la refonte du régime juridique de la presse jusqu’à la refondation du Syndicat des journalistes Irakiens.

58. Mon Représentant spécial considère le renforcement des médias comme un secteur prioritaire d’intervention et entend s’y associer en facilitant la rédaction de textes législatifs et réglementaires appropriés et en encourageant le professionnalisme. Avec des moyens modestes, l’ONU peut faire beaucoup. Ainsi, par exemple, le Bureau de mon Représentant spécial, en collaboration avec le PNUD, a élaboré une proposition de projet à impact rapide qui consisterait à mettre sur pied un Centre Irakien des médias. Une aide supplémentaire pourrait être apportée dans des domaines comme la coordination du développement des médias nationaux (radio, télévision, presse écrite et Internet), notamment en finançant et en recrutant des experts chargés de concourir à la formation des journalistes, la restructuration des médias et la rédaction des textes législatifs et réglementaires nécessaires.

VII. Assistance humanitaire et travaux urgents de relèvement

59. Par sa résolution 1483 (2003), le Conseil de sécurité a confié à mon Représentant spécial la responsabilité de coordonner l’aide humanitaire et l’aide à la reconstruction apportées par les organismes des Nations Unies, ainsi que les activités menées par ces derniers et des organisations non gouvernementales (ONG) ; de faciliter le retour librement consenti des réfugiés et des déplacés, dans l’ordre et la sécurité ; enfin, d’encourager les efforts déployés par la communauté internationale pour que les fonctions essentielles d’administration civile soient assurées [par. 8 a), b) et f)]. " [Coordonner] l’aide humanitaire et l’aide à la reconstruction apportées par les organismes des Nations Unies et les activités menées par ces derniers et les organisations non gouvernementales " [résolution 1483 (2003), par. 8 a)]

60. En vertu du droit international humanitaire, c’est à l’Autorité provisoire de la coalition qu’il incombe au premier chef de veiller au bien-être de la population Irakienne, y compris d’assurer la prestation des services publics. Les activités d’assistance des organismes des Nations Unies sont complémentaires de celles menées par l’Autorité. Comme dans d’autres situations de crise, ces organismes ont entrepris et continueront d’aider le peuple Irakien comme le veut leur vocation humanitaire.

61. Une version révisée de l’Appel humanitaire des Nations Unies en faveur de l’Irak a été diffusée le 23 juin 2003 à New York ; il ressort des pétitions révisées que les organismes des Nations Unies auront besoin de ressources supplémentaires d’un montant de 259 millions de dollars pour financer leurs activités d’assistance en Irak pour la période allant jusqu’à la fin de 2003. La version révisée de l’Appel humanitaire (disponible sur le site <www.reliefweb.int> ; ) dresse un tableau complet de la situation qui règne actuellement en Irak sur le plan humanitaire, établi sur la base de données issues de plus d’un millier d’analyses ponctuelles. Le document expose aussi en détail les résultats que les organismes des Nations Unies, en étroite coordination avec les ministères Irakiens compétents et d’autres partenaires, ont déjà obtenus au cours des trois derniers mois, dans le cadre d’une opération humanitaire qui compte parmi les plus ambitieuses jamais entreprises par les Nations Unies.

62. Si l’on ajoute aux contributions de divers bailleurs de fonds les ressources issues du programme " pétrole contre nourriture ", le montant des fonds affectés jusqu’à ce jour au financement de l’action des Nations Unies se chiffre à près de 2 milliards de dollars. Grâce à ces ressources, les organismes des Nations Unies ont été à même de jouer un rôle crucial en répondant rapidement aux besoins créés par le conflit et ses répercussions. À cette fin, ils ont notamment ouvert à Mossoul, Kirkouk, Hillah et Bassorah de nouvelles antennes où des fonctionnaires du Bureau de la coordination des affaires humanitaires apportent leur concours aux multiples activités de coordination du Bureau du Coordonnateur des Nations Unies pour les affaires humanitaires en Irak.

63. L’une des actions les plus marquantes, du point de vue de bien-être de la population Irakienne, a été celle menée par le Programme alimentaire mondial (PAM), qui a permis au Ministère du commerce de remettre en service au début du mois de juin le réseau de distribution publique de vivres. La distribution de vivres a pu reprendre grâce à l’acheminement vers l’Irak, entre le 30 mars, date de reprise des importations diligentées par le PAM, et le début de juillet, de plus de 1,2 million de tonnes de denrées alimentaires.

64. Les Nations Unies ont aussi fourni une aide importante dans d’autres secteurs. Par exemple, l’UNICEF a organisé la distribution quotidienne de 3,5 millions de litres d’eau potable aux hôpitaux et à diverses collectivités de Bagdad et du sud de l’Irak. Des organismes des Nations Unies ont distribué des fournitures médicales à des établissements répartis sur tout le territoire Irakien, et ont aussi contribué à la reconstitution des stocks des établissements victimes de pillage. L’action des organismes des Nations Unies a en outre porté sur la réparation des stations de pompage de l’eau, des installations de traitement des eaux usées et des installations électriques. Ont été de plus entreprises des opérations de déminage et d’enlèvement des munitions non explosées. Dans tous ces domaines, il reste cependant encore beaucoup à faire.

65. Dans la majeure partie du pays, l’infrastructure médico-hospitalière fonctionne de 30 à 50 % de sa capacité d’avant la guerre. Bien que les installations électriques n’aient été que peu endommagées par la guerre, des actes de sabotage, des pénuries de combustible et le manque de fonds pour l’entretien et pour l’achat de pièces de rechange font que la capacité de production d’électricité ne couvre plus que 40 % environ des besoins du pays. Pour ce qui est de l’eau, bien que la remise en état des installations de pompage et de traitement et le rétablissement de leur approvisionnement en carburant leur aient fait retrouver leur capacité d’avant la guerre à Bagdad et à Bassorah, le volume distribué a fortement baissé par rapport à l’avant-guerre (de 50 % pour Bagdad), du fait de fuites, d’actes de pillage et de pénuries locales de carburant.

66. Le fait que les installations de traitement des eaux usées n’ont toujours pas été remises en service constitue un problème pressant : dans le centre et le sud de l’Irak, le volume des effluents non traités qui se déversent quotidiennement dans le Tigre pourrait atteindre le million de tonnes. La suspension des services urbains de ramassage des ordures pose de graves problèmes d’hygiène dans les hôpitaux et autres lieux publics. Les écoles ont rouvert, mais la fréquentation reste sensiblement inférieure à la normale, du fait de la persistance de l’insécurité et de l’absentéisme du personnel.

67. L’Équipe des Nations Unies pour la coordination de l’action antimines participe à l’action menée pour faire face aux problèmes humanitaires graves que posent les mines et les munitions non explosées, y compris l’existence dans des zones construites de centaines de caches de munitions abandonnées. Une équipe d’intervention rapide relevant de l’Équipe des Nations Unies pour la coordination de l’action antimines a été chargée de mettre en place en Irak une autorité nationale pour l’action antimines et d’en superviser le fonctionnement ; les forces de la coalition ont de leur côté entrepris quelques activités de déminage ou de neutralisation de munitions, cependant que le Service de la lutte antimines du Secrétariat de l’ONU a déclenché son plan de réaction rapide en vue d’engager des équipes d’experts qui seront chargées de l’évaluation des risques et de l’enlèvement ou de la neutralisation des munitions non explosées. Le Service se tient prêt à coopérer avec l’Autorité à l’élaboration d’un plan détaillé pour l’élimination des dangers qu’entraîne l’existence de stocks et de caches de munitions dans des zones urbaines. Mon Représentant spécial considère qu’il y a place pour une plus étroite coordination des activités menées dans ce domaine par l’Autorité, l’ONU et un certain nombre d’organisations non gouvernementales d’envergure nationale ou internationale. À son avis, il s’agit là d’un domaine où l’expérience et les compétences considérables dont dispose l’ONU pourraient être utilement mises à profit.

68. Les organismes humanitaires des Nations Unies et les ONG collaborent étroitement avec les fonctionnaires Irakiens des ministères compétents, recours de première ligne face à la crise humanitaire actuelle. L’Irak dispose d’une main-d’oeuvre dont les qualifications et le professionnalisme sont de premier ordre, comme en témoigne la qualité de l’infrastructure technologique et administrative du pays. Cependant, depuis l’effondrement du régime, de nombreux cadres ont soit disparu, soit été licenciés en vertu de l’arrêté No 1 de l’Autorité, en date du 16 mai 2003, relatif à la " débaassification ", d’où une notable réduction de la capacité technique et décisionnelle de nombreux ministères. La réforme de la haute administration prendra un certain temps, mais dans les prochaines semaines, la décision prise début juin par l’Autorité de reprendre le versement des traitements, ainsi que les efforts qu’elle fait actuellement pour remettre sur pied les finances publiques devraient réduire l’absentéisme et améliorer le moral dans la fonction publique.

69. Mon Représentant spécial s’emploiera à ménager, autant que faire se peut, une transition progressive et ordonnée de l’action humanitaire et des travaux de relèvement urgents à une action visant le relèvement économique et la reconstruction du pays. Dans cette perspective, j’ai nommé le Coordonnateur pour les affaires humanitaires en Irak Représentant spécial adjoint et coordonnateur résident et l’ait chargé en cette double capacité de superviser la transition, et plus précisément : de superviser l’achèvement des opérations et la clôture du programme " pétrole contre nourriture " ainsi que le transfert à l’Autorité des activités résiduelles d’ici au 21 novembre 2003, conformément au paragraphe 16 de la résolution 1483 (2003) ; d’encadrer la mise en oeuvre des activités prévues par la version révisée de l’Appel humanitaire en faveur de l’Irak ; enfin, avec le concours de tous les organismes, fonds et programmes des Nations Unies, de ménager une transition adéquate devant déboucher sur la mise en place de tous les éléments indispensables au lancement des activités de reconstruction, transition dont les préparatifs ont commencé par une réunion technique tenue à New York le 24 juin 2003. " [Faciliter] le rapatriement librement consenti des réfugiés et des déplacés dans l’ordre et la sécurité " [résolution 1483 (2003), par. 8 b)]

70. Faciliter le retour librement consenti des réfugiés et des déplacés, dans l’ordre et la sécurité, constitue un élément important du mandat que le Conseil de sécurité a assigné à l’ONU par sa résolution 1483 (2003). Le retour des réfugiés et déplacés est une condition nécessaire de la normalisation, en Irak comme ailleurs, et doit être convenablement encadré si l’on veut éviter de nouvelles vagues de misère, de déplacements involontaires de population, voire de violence.

71. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) estime à environ 400 000 l’effectif mondial des réfugiés Irakiens, à 1 million le nombre des Irakiens déplacés à l’intérieur de leur pays et à plus de 110 000 celui des réfugiés d’autres pays qui vivent en Irak. Le rythme du rapatriement des réfugiés Irakiens et du retour des déplacés dépendra de plusieurs facteurs, et particulièrement du degré de sécurité des personnes et des biens, des possibilités de logement et de récupération des biens abandonnés, du rétablissement des services essentiels et des perspectives d’emploi. Il faudra prêter une attention toute spéciale au règlement des litiges touchant les titres de propriété et veiller à ce que les retours n’entraînent pas dans le pays des déplacements secondaires de population. Ces écueils possibles militent en faveur de retours progressifs et soigneusement échelonnés de manière à éviter de nouveaux déplacements de population et de réduire les risques de conflits.

72. C’est à l’Autorité que revient au premier chef la responsabilité de créer des conditions favorables aux retours des réfugiés, particulièrement pour ce qui est de la sécurité, des formalités aux frontières et de la prestation des services essentiels. Organisme chef de file du système des Nations Unies pour les questions touchant les réfugiés, le HCR, dans le cadre de l’opération des Nations Unies en Irak, coordonnera le retour volontaire, à un rythme soutenable, des réfugiés Irakiens, et accordera aide et protection aux réfugiés d’autres pays vivant en Irak. Il favorisera également le retour ordonné des déplacés dans leur région d’origine, à un rythme soutenable, lorsque ce retour est possible. En étroite collaboration avec l’Autorité, le HCR suit l’évolution des conditions essentielles qui doivent être réunies pour le retour des réfugiés en Irak, en vue d’échelonner convenablement les retours.

73. Afin d’assurer la bonne organisation et le bon échelonnement des rapatriements, la participation active des pays d’asile voisins de l’Irak sera indispensable, de même qu’une étroite coopération entre ces pays et le HCR. Deux missions exploratoires dirigées par l’Envoyé spécial du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés se sont rendues en Irak et dans les pays d’asile voisins en vue de mesurer l’ampleur de la tâche. La présence en Iran de plus de 200 000 réfugiés Irakiens répertoriés, dont beaucoup sont pressés de rentrer en Irak, soulève un problème particulièrement préoccupant. Le HCR a proposé que le premier rapatriement de petits contingents de ces réfugiés soit organisé avant la fin de juillet 2003.

VIII. Programme " pétrole contre nourriture "

74. Tel qu’il est prévu dans la résolution 1483 (2003) du Conseil de sécurité, l’achèvement du programme " pétrole contre nourriture " implique deux approches différentes. Alors que dans les gouvernorats du centre et du sud du pays, de simples aménagements formels peuvent être envisagés, le transfert des responsabilités nécessitera des activités de fond dans trois gouvernorats du Nord.

75. Mon Représentant spécial, dans une lettre adressée le 21 juin 2003 à l’Administrateur de l’Autorité, a exposé la position de l’ONU quant aux obligations qui incombent respectivement à l’Autorité et à l’Organisation en vertu des dispositions de la résolution 1483 (2003) touchant le transfert à l’Autorité de la responsabilité du programme. Dans sa réponse, l’Autorité a indiqué que son interprétation de la résolution 1483 (2003) coïncidait à cet égard avec celle de l’ONU.

76. Dans le cas des gouvernorats du centre et du sud, l’Autorité a pleinement engagé le processus et entrepris, avec le concours de personnel technique Irakien, de classer les demandes en leur assignant un rang de priorité. Des réunions techniques auxquelles participent des représentants de l’Autorité, des fonctionnaires des " ministères " Irakiens et des représentants de l’ONU ont eu lieu régulièrement. Le fait que les retours de personnel Irakien sont freinés par des conditions encore précaires de sécurité a toutefois une incidence sur le rythme de ces travaux.

77. L’ONU, en accord avec l’Autorité, a entrepris l’examen des demandes dont le rang de priorité a déjà été établi, et s’est attachée à vérifier que les formalités obligatoires instituées par le Bureau chargé du Programme Irak avaient toutes été accomplies et que le processus présentait la transparence voulue. Toutes les parties ont bon espoir que l’examen des demandes approuvées et financées pourra être achevé avant la clôture du Programme en novembre 2003.

78. Les travaux de planification entrepris par l’ONU sont bien avancés, et les contacts nécessaires ont été établis avec l’Autorité en vue du transfert de la responsabilité du programme dans les trois gouvernorats du nord. Pour ce qui est de ce transfert, on a distingué deux grandes catégories de questions, à savoir le transfert des actifs fixes et des biens meubles, et le transfert des obligations contractuelles. L’Autorité a accepté une proposition de l’ONU tendant à la création d’un groupe de travail tripartite de haut niveau chargé d’encadrer la transition, où siègeront des représentants de l’ONU, de l’Autorité et des autorités locales des trois gouvernorats du nord.

79. Le transfert des actifs est certes laborieux, mais ne présente guère de difficultés. La plupart des biens meubles sont déjà couverts par différents types d’accords de prêt. Répertorier ces biens et établir les titres de transfert prendra du temps. Toutefois, pour les transferts de propriété, on pourra utilement s’inspirer de l’exemple du déménagement des installations de l’ONU, en mars dernier (cession aux autorités locales).

80. Le transfert de la responsabilité des projets couverts par des contrats en cours soulève des problèmes plus délicats. Je considère qu’une approche au cas par cas s’impose en l’occurrence. Au reste, il semble que pour ce type de transfert, l’Autorité n’aura qu’une alternative : ou bien abandonner le projet en cours de route, ce qui implique le paiement du reliquat des pénalités ou autres frais prévus contractuellement, ou bien mener le projet jusqu’à son terme.

81. Pour ce qui est du second terme de l’alternative, ni mon Représentant spécial, ni moi-même ne croyons que l’ONU devrait continuer au-delà du 21 novembre 2003 à participer à la gestion ou à l’exécution de projets, sauf dans un tout petit nombre de cas particuliers.

82. Lors d’entretiens avec mon Représentant spécial et ses collaborateurs, des représentants de l’Autorité ont exprimé le souhait que ne soient pas abandonnés les projets qui auraient été entrepris si le programme " pétrole contre nourriture " n’avait pas été suspendu en mars. Dans les trois gouvernorats du nord, les projets pour lesquels les arrangements contractuels étaient déjà bien avancés lorsque j’ai décidé de suspendre le programme suivront donc leur cours, sous réserve que leur relance sera subordonnée à l’approbation conjointe, par mon Représentant spécial, l’Autorité et la future administration provisoire de l’Irak, d’un plan détaillé prévoyant le transfert à l’Autorité de la responsabilité de l’exécution le 21 novembre au plus tard et la cessation de la participation de l’ONU.

IX. Reconstruction de l’économie et développement durable

83. Dans sa résolution 1483 (2003), le Conseil de sécurité a demandé que mon Représentant spécial, en coordination avec l’Autorité, vienne en aide au peuple Irakien en facilitant la reconstruction des infrastructures clefs, en coopération avec d’autres organisations internationales et favorisant le relèvement économique et l’instauration de conditions propices au développement durable, notamment en assurant la coordination avec les organisations nationales et régionales, selon qu’il conviendra, et avec la société civile, les donateurs et les institutions financières internationales [par. 8 d) et e)].

84. Une succession de guerres, un régime sévère de sanctions internationales et les effets débilitants du dirigisme et de diverses distorsions économiques sont à l’origine d’une détérioration grave de l’infrastructure économique et des institutions civiles de l’Irak. On a enregistré ces dernières années un modeste rebond de l’activité économique et des revenus, dû principalement aux exportations de pétrole et aux importations de biens de première nécessité rendues possibles par le programme " pétrole contre nourriture ". On n’en estime pas moins que le PIB par habitant, de plus de 3 300 dollars en 1980, était tombé à 1 200 dollars à la veille de la guerre toute récente. Selon le rapport du PNUD sur le développement humain dans le monde arabe (édition 2002), l’Irak se classe au cent dixième rang des 111 pays étudiés, et la proportion d’Irakiens vivant actuellement dans la pauvreté est estimée à plus de 80 %. L’absence de progrès vers la réalisation des objectifs de développement du Millénaire, progrès qui peuvent donner une idée des chances de redressement à assez long terme, est aussi révélatrice du degré de détérioration de l’économie Irakienne. Tel est le contexte, rendu encore plus désastreux par la guerre toute récente et le démantèlement des services sociaux qu’elle a entraîné, dans lequel devront s’inscrire le développement de l’Irak et la transformation de son économie planifiée en une économie de marché.

85. Le 7 juillet, l’Administrateur de l’Autorité a annoncé la mise en circulation d’une nouvelle série de billets de banque, opération destinée à renforcer l’indépendance de la Banque centrale, ainsi que l’approbation pour l’Irak d’un budget couvrant le second semestre de 2003. L’émission d’une nouvelle série de billets de banque mérite une mention particulière : il s’agit d’une mesure raisonnable, prise au bon moment pour améliorer la situation économique de l’Irak, qui a l’aval des hauts responsables du Fonds monétaire international. Ces décisions ont été prises en consultation avec des observateurs Irakiens, parmi lesquels les participants aux réunions hebdomadaires consacrées aux questions économiques et de hauts fonctionnaires des institutions publiques Irakiennes, et les propositions budgétaires initiales ont été établies par des fonctionnaires Irakiens. L’Autorité a accepté que l’exécution du budget de 2003 et les allocations de crédits soient soumises sans tarder à l’examen du Conseil de gouvernement.

86. Mon Représentant spécial a inclus dans son équipe initiale des représentants du PNUD, du FMI et de la Banque mondiale. Ceux-ci ont régulièrement des contacts avec un groupe très diversifié comprenant des économistes Irakiens des principaux ministères, des universitaires et des personnalités du monde des affaires, ainsi qu’avec leurs homologues de l’Autorité. Ils se sont d’abord attachés à mieux mesurer l’ampleur de la tâche que constituent le relèvement et la relance de l’économie Irakienne et à déterminer dans quels domaines leur action, qu’il s’agisse d’études et de conseils, d’assistance technique ou de renforcement des capacités, aurait le maximum d’impact.

87. Le terme " reconstruction " recouvre plusieurs tâches essentielles : remettre en état l’infrastructure, jeter les bases du relèvement et de la relance de l’économie et entreprendre des réformes économiques à long terme. En dépit de ses richesses pétrolières, l’Irak aura besoin d’une aide extérieure massive, d’abord pour la réalisation de la première de ces tâches, à savoir la reconstruction des éléments d’infrastructure, des immeubles d’habitation et des entreprises endommagés ; ensuite pour le rétablissement des services essentiels et des administrations publiques ; enfin pour la restauration des sites archéologiques, historiques, culturels et religieux. Nombre de ces tâches essentielles sont incluses dans la version révisée de l’Appel humanitaire des Nations Unies.

88. L’expérience et les compétences des institutions financières internationales et du PNUD se révéleront particulièrement précieuses lorsqu’il s’agira de jeter les bases de la relance de l’économie et des grandes réformes que nécessitera le passage à une économie de marché, et de définir les grandes lignes d’une politique visant à faire reculer durablement la pauvreté. Les mesures macroéconomiques essentielles qui devront être prises rapidement pour amorcer une amélioration des conditions et des perspectives d’existence de la population Irakienne comprennent : la mise en place d’un régime monétaire sain ; le rétablissement des mécanismes nécessaires pour assurer l’efficacité et la transparence des prélèvements fiscaux et la bonne gestion des dépenses publiques, en veillant notamment à ce que la répartition de ces dernières permette la prestation de services sociaux efficaces ; la mise en place d’un système financier viable, incluant le secteur bancaire ; l’instauration d’un système de paiements sûr et efficace pour les salaires, les pensions et toutes autres transactions intérieures et internationales ; la définition des grandes lignes d’une politique macroéconomique ayant notamment pour objectif la maîtrise de l’inflation et des déficits de balance des paiements ; enfin, l’instauration d’un climat favorable à une croissance entraînée par le secteur privé et à la création d’emplois.

89. L’Administrateur de l’Autorité a pris l’initiative de réunions hebdomadaires avec des Irakiens d’horizons très divers : hommes d’affaires, économistes, fonctionnaires, représentants des milieux bancaires et de groupements politiques. Le but de ces réunions est d’obtenir leur avis sur la manière de procéder dans certains des domaines cruciaux pour lesquels des décisions devront être prises à brève échéance, essentiellement la création d’emplois, la réouverture des banques, le régime monétaire et le régime des investissements étrangers directs. Des représentants du PNUD et des institutions financières internationales ont participé activement à ces réunions, faisant part de l’expérience acquise par leurs institutions respectives dans des pays en phase de transition économique et se montrant prêts à aider et conseiller les participants Irakiens.

90. Il faudra définir une vaste politique intégrant des réformes institutionnelles et juridiques pour créer des conditions propices à l’essor d’une économie de marché et à l’ouverture sur les marchés mondiaux. La croissance durable de l’économie Irakienne suppose nécessairement que se développe un secteur privé dynamique, ce qui est loin d’aller de soi dans un pays dont l’économie est dominée par le secteur public et les entreprises d’État. La profonde mutation économique que cela implique aura de très importantes répercussions sociales ; une telle mutation ne peut être réussie que si les objectifs visés et les méthodes employées procèdent d’une approche globale et emportent chez les Irakiens une large adhésion politique.

91. Parallèlement aux mesures macroéconomiques initiales décrites plus haut, il faudra étoffer les activités entreprises dans le cadre du programme " pétrole contre nourriture " et à la suite de l’Appel humanitaire et les intégrer progressivement dans un cadre de développement à moyen terme comprenant : la mise en place d’un filet de protection sociale ; le lancement de programmes de relèvement des collectivités ; le rétablissement des administrations publiques ; la reconstruction et, surtout, le développement et la modernisation des principaux éléments de l’infrastructure publique, en particulier des réseaux et équipements de transport, de télécommunications, de production et distribution d’électricité, de distribution d’eau et d’évacuation des eaux usées et des déchets ; enfin, le développement du rôle de la société civile, en particulier son rôle en tant que partenaire des organismes des Nations Unies. Il faudra aussi faire porter les activités de développement prioritairement sur les régions où sont attendus des retours massifs de réfugiés ou de déplacés, en particulier celles où la prestation des services essentiels relevait précédemment du programme " pétrole contre nourriture ".

92. Coordonnant leur action sous l’autorité de mon Représentant spécial, les organismes des Nations Unies sont actuellement en phase de transition, se consacrant moins à ce qu’ils ont entrepris à la suite de l’Appel humanitaire du 23 juin, et de plus en plus à des activités de reconstruction, de relèvement et de développement. Les discussions qui ont eu lieu lors de la réunion informelle sur la reconstruction en Irak, tenue au Siège de l’ONU le 24 juin, ont aidé à mieux définir le cadre dans lequel doit s’inscrire la coordination des activités de reconstruction et de développement. Ces discussions ont aussi permis de préciser les modalités d’une évaluation des besoins à couvrir dans les secteurs clefs au cours des prochains mois, qui sera réalisée conjointement par le Groupe des Nations Unies pour le développement et la Banque mondiale, ainsi que celles de la réunion en octobre d’une conférence internationale des donateurs. L’évaluation des besoins sera réalisée pour l’essentiel par des experts Irakiens et le personnel local et international des Nations Unies disponible sur place, seuls des concours extérieurs ponctuels étant envisagés.

93. Après avoir envoyé des missions sur le terrain, le FMI et la Banque mondiale ont déjà commencé de fournir une assistance et des avis techniques. Au cours des trois prochains mois, les missions d’assistance technique devront porter prioritairement sur : a) la réforme monétaire, le fonctionnement de la banque centrale et le système de paiements ; b) le secteur des banques commerciales ; c) la gestion des dépenses publiques ; d) la politique fiscale et le régime fiscal du secteur pétrolier ; e) la libéralisation des prix, la réforme des entreprises et la protection sociale ; f) la définition initiale de la politique et des mesures à appliquer pour dynamiser le secteur privé ; enfin g) l’établissement de statistiques économiques. Les deux institutions ont établi à Bagdad une présence permanente, en étroite coopération avec mon Représentant spécial.

94. Au paragraphe 12 de sa résolution 1483 (2003), le Conseil de sécurité a prévu la création d’un Conseil international consultatif et de contrôle du Fonds de développement pour l’Irak. Le 6 juin, le Sous-Secrétaire aux affaires internationales du Département du Trésor des États-Unis d’Amérique m’a adressé une lettre pour m’inviter à participer ou me faire représenter à une réunion d’organisation du Conseil qui devait avoir lieu le 25 juin à Washington. Mon Conseiller spécial pour l’Irak, Rafeeuddin Ahmed, que j’avais chargé de me représenter à cette réunion, a reçu du Représentant permanent des États-Unis une lettre datée du 20 juin à laquelle étaient joints le texte d’un projet de mandat approuvé par l’Autorité et celui de l’arrêté relatif au Fonds de développement pour l’Irak signé le 15 juin par l’Administrateur de l’Autorité. Préalablement à la réunion d’organisation, mon Conseiller spécial, le 24 juin, a informé le Conseil de sécurité des développements concernant le Conseil international consultatif et de contrôle. Lors de la réunion d’organisation, tenue à Washington sous le patronage du Département du Trésor des États-Unis, les représentants des quatre institutions concernées ont examiné le projet de mandat et proposé certaines modifications. À la suite de cette réunion, le Département du Trésor a fait circuler un projet révisé sur lequel les quatre institutions s’emploient actuellement à harmoniser leurs positions. Comme le prévoit la résolution 1483 (2003), je rendrai compte des travaux du Conseil international consultatif une fois qu’il aura commencé de fonctionner.

X. Perspectives d’action

A. Méthodes

95. Par sa résolution 1483 (2003), le Conseil de sécurité a assigné à l’ONU un mandat ambitieux, englobant toute une série d’activités d’importance cruciale, qu’elle devra exécuter dans des circonstances tout à fait exceptionnelles. Le Conseil a autorisé l’Organisation à faciliter le dialogue et à favoriser l’entente entre les Irakiens dans différents secteurs d’activité. Le défi que doit tout d’abord relever l’Organisation est de définir des méthodes qui lui permettent d’aider utilement et efficacement le peuple Irakien à réaliser ses propres objectifs. Le but de l’Organisation est d’aider les Irakiens à participer à la définition des politiques et priorités qui détermineront l’avenir de leur pays, et à en prendre en main la mise en oeuvre.

96. J’ai acquis la conviction que l’ONU est dès maintenant à même d’aider les Irakiens à infléchir leur destinée. Elle a d’ailleurs déjà commencé de le faire, notamment en apportant sa contribution à l’instauration des conditions préalables à un transfert de souveraineté au profit d’institutions Irakiennes démocratiques fondées sur l’état de droit. L’Organisation a dans cet esprit mis à la disposition des Irakiens des locaux où ils peuvent délibérer dans un climat d’impartialité. Elle tient à la disposition de groupements d’Irakiens et de l’Autorité des informations factuelles sur la manière dont certaines questions ont été traitées dans des situations postconflictuelles et sur les enseignements qui en ont été tiré, notamment du point de vue de la participation et de l’habilitation des populations concernées. En somme, selon le mandat défini par la résolution 1483 (2003), l’Organisation des Nations Unies se met à la disposition du peuple Irakien, dont elle a le souci primordial de servir les intérêts.

97. L’Irak est un pays riche en ressources humaines. Il est essentiel que, d’emblée, des Irakiens qualifiés participent à la direction des travaux de planification et des activités opérationnelles que requiert le relèvement de leur pays. Je souscris à l’approche adoptée par mon Représentant spécial, qui s’appuie sur le double principe de la participation et de l’habilitation du peuple Irakien, et met donc tout naturellement l’accent sur le renforcement des capacités nationales.

B. Tâches à accomplir

98. Ayant soigneusement examiné les requêtes présentées par les Irakiens que mon Représentant spécial a rencontrés, et sachant ce qu’exige la résolution 1483 (2003), je considère, en limitant l’horizon à la fin de 2003, que l’action de l’Organisation des Nations Unies devra porter essentiellement sur les points suivants :
 a) Fournir une aide humanitaire, faciliter le retour librement consenti des réfugiés et des déplacés dans l’ordre et la sécurité, et procéder à des travaux urgents de relèvement comme le prévoit la version révisée de l’Appel humanitaire en faveur de l’Irak, diffusée le 23 juin ;
 b) Faciliter à l’échelle nationale l’instauration d’un dialogue et la convergence des vues sur la transition politique ;
 c) Aider à l’élaboration de régimes électoraux ;
 d) Promouvoir la protection des droits de l’homme par les moyens suivants :
i) Observation et analyse de la situation dans le pays en matière de droits de l’homme ;
ii) Initiatives visant à encourager l’élaboration d’un plan national d’action dans le domaine des droits de l’homme ;
iii) Initiatives visant à promouvoir la création d’une institution nationale indépendante pour les droits de l’homme ;
iv) Lancement et soutien d’un dialogue à l’échelle nationale et d’initiatives institutionnelles portant sur la responsabilité des violations des droits de l’homme commises dans le passé ;
v) En vue de promouvoir l’enseignement des droits de l’homme, création à Bagdad, avec le concours du PNUD, d’un centre de documentation et de formation en matière de droits de l’homme ;
vi) Prestation de services consultatifs sur les programmes de formation et organisation, à l’intention des fonctionnaires, particulièrement des fonctionnaires de police et des magistrats, de sessions de formation en matière de droits de l’homme et d’égalité entre les sexes, reflétant les conventions relatives aux droits de l’homme et instruments connexes auxquels l’Irak est partie ;
vii) Initiatives visant à favoriser le développement de la société civile, en particulier des mouvements de défense des droits de l’homme, des groupements féminins et des associations de juristes et à promouvoir la liberté et l’indépendance des médias ;
 e) Réaliser, par l’intermédiaire du PNUD, deux projets urgents dont l’un portera sur le rétablissement des tribunaux et l’autre sur l’appui au Centre de formation judiciaire de Bagdad ;
 f) Créer une médiathèque nationale ;
 g) Mener à bien les activités que requiert la clôture du programme " pétrole contre nourriture " d’ici au 21 novembre 2003 ;
 h) Participer, par l’intermédiaire du PNUD et des institutions financières internationales, au recensement des besoins afférents au relèvement de l’économie Irakienne et à son développement durable ;
 i) Faire bénéficier les Irakiens et l’Autorité provisoire de la coalition, s’ils le demandent, de l’expérience acquise par l’ONU dans d’autres situations postconflictuelles et des enseignements qu’elle en a tirés ;
 j) Aider l’administration provisoire de l’Irak à réintégrer progressivement la communauté internationale, en particulier à retrouver place dans les instances intergouvernementales par l’intermédiaire desquelles les Nations Unies exercent des compétences spécialisées.

99. Eu égard aux dispositions de la résolution 1483 (2003), mon Représentant spécial engagera des discussions sur l’utilité et l’opportunité de mettre l’ONU à contribution dans divers domaines où elle a acquis une expérience considérable, et sur les modalités de cette éventuelle contribution ; voici une liste partielle de ces domaines :
a) Processus électoraux ;
b) Processus constitutionnels ;
c) Réforme de l’appareil judiciaire et du système juridique ;
d) Formation des forces de police et restructuration et réforme des régimes pénitentiaires ;
e) Démobilisation et réinsertion des anciens soldats ;
f) Administration publique et réforme de la fonction publique ;
g) Élaboration de stratégies à long terme de relèvement économique, de développement durable et de bonne gestion des affaires publiques ;
h) Assistance technique et prestation de services consultatifs aux ministères Irakiens.

C. Structures

100. La mission envisagée (Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Irak) englobera : le Bureau de mon Représentant spécial ; le Bureau du Représentant spécial adjoint et coordonnateur résident pour les affaires humanitaires ; le bureau du Chef de Cabinet, dont relèveront un bureau des politiques et de la planification et un groupe de traduction ; un bureau des affaires politiques ; un bureau des droits de l’homme et de l’état de droit ; un bureau des affaires juridiques ; enfin, un bureau de l’information et du développement des médias. Il est prévu aussi un bureau des affaires humanitaires qui sera rattaché au Bureau de mon Représentant spécial ; cette unité continuera toutefois jusqu’à fin 2003 de relever du Bureau de la coordination des affaires humanitaires. De même, la Banque mondiale et le FMI détacheront des représentants auprès du Bureau de mon Représentant spécial, mais ceux-ci continueront de relever de leurs institutions respectives.

101. La Mission comprendra en outre une division de l’administration qui exercera les fonctions administratives et logistiques essentielles, et qui sera aussi chargée de la sécurité et de l’administration de cinq antennes régionales.

102. Vu l’étendue des responsabilités confiées au Bureau de mon Représentant spécial, il est prévu de le doter d’un personnel civil dont l’effectif, toutes catégories confondues, dépasserait les 300 personnes. Ce chiffre comprend tout le personnel technique et le personnel d’appui, local et non local, tant pour le bureau de Bagdad que pour les antennes régionales. Le renforcement envisagé des effectifs apparaît justifié par la nécessité, d’une part, de doter la Mission de l’autonomie administrative et logistique requise et, d’autre part, de suppléer à la fermeture du Bureau du Coordonnateur pour les affaires humanitaires en Irak. L’effectif du personnel à statut international représentera moins de la moitié de l’effectif total. La Mission aura recours aux services d’Irakiens qualifiés, dont un certain nombre auront le statut d’administrateur recruté sur le plan national. Il est à prévoir aussi que la Mission aura besoin de s’assurer ponctuellement le concours d’experts du Siège de l’ONU ou de collaborateurs extérieurs pour être en mesure de donner des avis ou de fournir des données d’expérience à des responsables Irakiens ou à l’Autorité. On pourrait recourir à ce type d’arrangement pour les travaux exploratoires touchant le processus électoral. Il faudra toutefois créer un groupe des élections si l’ONU se voit confier un rôle plus important en matière électorale.

103. Il est prévu de tirer parti au maximum des moyens et structures dont est doté actuellement le Bureau du Coordonnateur pour les affaires humanitaires en Irak, et de mettre beaucoup à contribution le Coordonnateur lui-même, M. Ramiro Lopes da Silva, que je viens de nommer Coordonnateur résident (pour une équipe de pays regroupant organismes, fonds et programmes des Nations Unies) et Représentant spécial adjoint pour l’Irak. Lui-même et ses collaborateurs immédiats feront partie du personnel de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Irak. Pour le reste, cependant, le Bureau du Coordonnateur pour les affaires humanitaires en Irak conservera sa structure et son mode de financement actuels jusqu’à la clôture du programme " pétrole contre nourriture " et la fin de la période couverte par la version révisée de l’Appel humanitaire en faveur de l’Irak (21 novembre et 31 décembre 2003, respectivement).

104. Si, comme on l’espère, la phase aiguë de la crise humanitaire ne déborde pas sur 2004, les activités de développement et de reconstruction pourront commencer. Mon Représentant spécial est aussi appelé à jouer un rôle de coordination dans ces domaines, et il lui faudra donc conserver les structures d’appui requises.

XI. Observations

105. Au cours des entretiens qu’il a eus, mon Représentant spécial a souligné que l’un des buts primordiaux que devaient viser les Nations Unies était, pour reprendre les termes de la résolution 1483 (2003), de promouvoir le droit du peuple Irakien de déterminer librement son avenir politique et d’avoir le contrôle de ses ressources naturelles. Il a tenu à rappeler à tous les intéressés que le Conseil de sécurité s’était déclaré résolu à ce que le jour où les Irakiens se gouverneraient eux-mêmes vienne rapidement, et a souligné que le Conseil s’était prononcé pour la formation d’un gouvernement représentatif, fondé sur l’état de droit et garantissant la justice et des droits égaux à tous les citoyens Irakiens, sans considération d’appartenance ethnique, de religion ou de sexe. Dans cette optique, mon Représentant spécial a insisté sur l’indépendance de son rôle et rappelé que c’est à l’Autorité provisoire de la coalition, et non à l’Organisation des Nations Unies, qu’incombe la responsabilité d’administrer l’Irak, de veiller au bien-être de sa population et de rétablir la sécurité et la stabilité dans le pays.

106. La communauté internationale peut certes aider l’Irak, mais c’est avant tout au peuple Irakien qu’il incombe de bâtir lui-même son avenir. Aussi est-il urgent que soit constituée une instance Irakienne largement reconnue comme représentative, grâce à laquelle les Irakiens pourront commencer de s’occuper eux-mêmes des problèmes cruciaux que rencontre leur pays. Dans ce souci, mon Représentant spécial a pris nettement position en faveur de la mise en place, à une date rapprochée, de l’administration provisoire de l’Irak prévue par la résolution 1483 (2003), et il s’est entretenu des moyens d’y parvenir avec des représentants de l’Autorité.

107. Je salue la création récente du Conseil de gouvernement. Cet organe constitue un partenaire largement représentatif avec lequel pourront désormais traiter l’ONU et la communauté internationale. Pour dissiper certaines des inquiétudes exprimées à mon Représentant spécial durant les premières semaines de son mandat et apaiser un public de plus en plus impatient, il importe de présenter aux Irakiens un calendrier précis des étapes à franchir jusqu’au plein rétablissement de la souveraineté nationale. Il est urgent que soit définie clairement et précisément la séquence des événements qui déboucheront sur la fin de l’occupation militaire. Mon Représentant spécial se tient prêt à participer, avec le Conseil de gouvernement et l’Autorité, à l’élaboration d’un tel échéancier.

108. La dimension régionale revêt une extrême importance, l’Irak ne pouvant être considéré isolément. Il importe à mon avis de définir pour l’Irak un modus operandi incluant les pays voisins, comme pour l’Afghanistan en 2002. Mon Représentant spécial a l’intention de poursuivre les contacts que j’ai amorcés à Amman du 21 au 23 juin et aura bientôt achevé sa tournée des pays voisins de l’Irak.

109. Eu égard à ce contexte, j’ai voulu, dans le présent rapport, présenter au Conseil de sécurité une évaluation initiale de l’ampleur des tâches à accomplir, et lui indiquer les domaines dans lesquels je considère que l’Organisation possède les compétences et les atouts requis pour jouer un rôle utile. À cet égard, je me suis attaché à prévenir tout chevauchement avec ce que peuvent faire déjà l’Autorité et d’autres entités, et surtout à garder constamment à l’esprit les intérêts du peuple Irakien. Je considère comme primordiale la nécessité d’assurer l’indépendance du rôle des Nations Unies, comme le veut la résolution 1483 (2003). La légitimité et l’impartialité de l’Organisation des Nations Unies sont en effet des avantages considérables à mettre au service du peuple Irakien.

110. En conclusion, je tiens à exprimer ma profonde gratitude à mon Représentant spécial, M. Sergio Vieira de Mello, ainsi qu’à ses collaborateurs, et à rendre hommage aussi au dévouement avec lequel le personnel des Nations Unies présent en Irak s’acquitte de sa tâche, dans des conditions souvent difficiles et éprouvantes.

Source : ONU