Mardi 5 août 2003, un terrible attentat a lieu à Djakarta, la capitale indonésienne. Dès le surlendemain, le quotidien français Libération identifie le coupable : Oussama Ben Laden. Le journal réalise sa Une sur l’événement et publie deux pleines pages avec articles, graphique, interview et éditorial.
Pourtant, pas plus que pour l’attentat survenu à Bali le 12 octobre 2002, nous ne disposons d’informations fiables permettant de l’attribuer à Al-Qaeda.
L’analyse du traitement de cet événement par Libération fait apparaître la position éditoriale du journal. Les titres font croire aux lecteurs que l’auteur de l’attentat est identifié, en contradiction avec les informations contenues dans les articles. Un graphique relie entre-eux seize attentats, qualifiés d’« antioccidentaux », alors que chaque événement fait l’objet d’interprétations opposées. Le manque d’information fiable est comblé par un entretien très catégorique avec un expert, que le quotidien présente comme indépendant alors qu’il travaille en réalité pour l’OTAN. Le clou du spectacle est l’éditorial qui, reprenant l’argumentaire de l’extrême droite militaire états-unienne, présente George W. Bush comme un « déserteur » dans la « guerre au terrorisme ».
Libération (France) | 7 août 2003
La Jamaa Islamiya revendique l’explosion en Indonésie
L’ombre de Ben Laden sur l’attentat de Djakarta
Même affaibli, le réseau Al-Qaeda reste actif et pourrait s’en prendre à nouveau à l’Occident.
La piste de la Jamaa Islamiya, « succursale » du réseau Al-Qaeda en Asie, semble se confirmer. La police
indonésienne qui enquête sur l’attentat perpétré mardi contre l’hôtel Marriott de Djakarta (14 morts, 150 blessés au moins) a relevé
hier nombre de similitudes avec l’attentat de Bali (202 morts le 12 octobre), pour lequel la Jamaa Islamiya (JI) est tenue
responsable. Selon les policiers, les composants de la bombe utilisés étaient identiques : une combinaison d’explosifs de faible
(poudre noire et chlorate de potassium, un composé utilisé pour les engrais) et de forte puissance (TNT). Or, à Bali aussi un
cocktail d’explosifs au TNT et au chlorate de potassium avait été utilisé. Autre élément convergent vers la JI : la police a indiqué
que l’hôtel Marriott se trouvait dans une zone citée comme une cible potentielle dans des notes saisies chez neuf membres présumés
de cette organisation, en juillet. Les suspects avaient été arrêtés à Java, parallèlement à la découverte
d’une cache renfermant 1200 détonateurs, 900 kg de chlorate de potassium et du TNT encore les mêmes explosifs que ceux utilisés à Bali.
Zones d’ombre. Le modus operandi paraît également similaire. « La bombe a été déclenchée par un téléphone portable », a révélé hier
l’un des responsables de l’enquête, Erwin Mappaseng, selon qui « cette façon de procéder est analogue à celle utilisée lors de
l’attentat de Bali et celle contre la résidence de l’ambassadeur des Philippines ». L’attentat de Bali avait quant à lui été perpétré
au moyen de deux bombes. L’une avait tout d’abord été actionnée par un kamikaze, tandis que la seconde, placée dans une voiture
garée à quelques mètres, avait été actionnée au moyen d’un téléphone portable peu après. Dans le cas du Marriott, des zones d’ombre
subsistent pourtant. Un déclenchement à distance semble écarter a priori l’hypothèse d’un attentat-suicide. Or, aux dires mêmes des
enquêteurs, les restes d’un corps ont bel et bien été retrouvés dans les décombres de la voiture piégée...
« Avertissement ». Une revendication, dont la police était toujours hier en train d’examiner l’authenticité, est par ailleurs parvenue
au quotidien de Singapour, The Straits Times. Un interlocuteur cité par le quotidien, et présenté
comme un militant de la JI, aurait
proclamé que l’attentat du Marriott devait servir d’« avertissement sanglant » à la présidente indonésienne
Megawati Sukarnoputri :
« C’est un message pour elle et tous nos ennemis : s’ils exécutent l’un de nos frères musulmans, nous poursuivrons cette campagne de
terreur en Indonésie et dans la région. » Une allusion sans aucun doute au premier verdict, attendu aujourd’hui, dans les procès
contre de présumés militants de la JI, accusés d’être les auteurs de l’attentat de Bali....
Philippe Grangereau
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au quotidien de Singapour, The Straits Times. Un interlocuteur cité par le quotidien, et présenté
comme un militant de la JI, aurait
proclamé que l’attentat du Marriott devait servir d’"avertissement sanglant" ».
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