Mitterrand a présidé une des plus fantastiques entreprises de corruption de tous les temps. De Crédit lyonnais en frégates taiwanaises, on a une idée de la dimension de ces fastes, et on a vu comment les plus proches, de Jean-Christophe Mitterrand à Roland Dumas, n’ont pas été les plus mal servis. On a même le témoignage de la petite amie de Gérard Collé qui nous raconte les déjeuners des marquis, le mercredi midi à l’Élysée, où le président réunissait ses hommes de main, Michel Charasse en tête, pour tirer tout le parti possible des décisions du conseil des ministres du matin. Et Mitterrand expliquant à Collé comment détourner l’argent du Loto... Mitterrand organisant l’affaire de la raffinerie allemande, etc. Ce n’est pas du "cadeautage", mais bien de la corruption caractérisée. Ce qui est étonnant dans le dossier Mitterrand, c’est l’envergure et la détermination de cette entreprise de pillage. Ses prédécesseurs gaullistes n’avaient pas été des enfants à ce jeu, mais de même que Chirac fera monter d’un cran l’entreprise de pillage de la ville de Paris, ces mêmes années, à une autre échelle, Mitterrand intensifiera le ratissage au sommet. À une échelle probablement jamais vue, en tout cas encore jamais identifiée dans l’histoire moderne.
Que les ’réseaux’ aient partagé l’idéologie génocidaire, ne suffit pas pour engager le passage à l’acte. Il faut au contraire beaucoup de détermination dans la direction pour oser une telle entreprise. Si le génocide avait été entrepris sans la volonté de François Mitterrand, celui-ci aurait eu beau jeu de s’en désolidariser, d’exprimer au moins sa distance, et si c’était contre sa volonté, rien ne l’empêchait de mettre un terme à cette politique à tout moment. Chevènement a décrit comment Mitterrand a décidé de l’intervention en 1990. Il n’y avait pas deux chefs des armées. Dans ce système, particulièrement en matière de politique africaine comme en matière de guerre, a fortiori en matière de guerre africaine, la décision appartient au roi, ainsi que le Giscard avait pu en ressentir le frisson en envoyant les paras sur Kolwezi. Le prince est maître de ses nominations, et si un conseiller lui conseille une politique qui ne lui convient pas, il est libre de changer de conseiller. Plus la personnalité du monarque est forte plus il use ou abuse de cette capacité. Reconnaissons que Mitterrand n’en était pas dépourvu.
On ne peut parler d’irresponsabilité s’il y a préméditation. Or les éléments rassemblés imposent l’évidence de la préméditation. Dès qu’on s’éloigne de la description des responsabilités réelles, et d’ailleurs assumées, revendiquées en quelque sorte, bien qu’escamotées (...), il faut recourir à une "main invisible" des réseaux qui seraient à la politique africaine ce que les marchés sont à l’économie libérale. L’explication est peu probante pour un événement de la nature et de la dimension d’un génocide. Cette "main invisible" sans tête et spontanée est peu compatible avec ce qu’on observe du fonctionnement de l’État, avec son domaine réservé, son secret défense, et ses services spéciaux rigoureusement hiérarchisés, comme il se doit. De quelque côté qu’on le prenne, on y revient toujours. La responsabilité de Mitterrand est écrasante, flagrante. L’atténuer, lui retirer sa valeur, c’est retirer sa clef de voûte au système, empêcher sa compréhension.
(M.S.)
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