En France, il n’est toujours pas question de pardon ni de repentance, comme l’avait déclaré Paul Quilès d’entrée de jeu. Cela faisait partie du cahier des charges de la " Mission Quilès ". Mission accomplie.

Les coulisses du génocide des Tutsi sont toujours dans la nuit. L’implication des autorités françaises dans une telle horreur est trop " inimaginable " pour que les Français se fassent la violence de contester un discours lénifiant et rassurant. Ils se sont ralliés à la raison d’État. En novembre 1994, alors que les restes du Rwanda brûlé par ces trois mois de tuerie fumaient encore, François Mitterrand n’invitait pas les nouvelles autorités rwandaises au dix-huitième sommet franco-africain à Biarritz. Un an après, à la conférence annuelle des chefs d’État africains francophones au Bénin, le nouveau président de la République française, Jacques Chirac, n’a pas invité lui non plus son homologue rwandais. Il a ouvert la réunion par une minute de silence à la mémoire de l’ancien président Habyarimana, sans dire un mot des victimes du génocide. La Françafrique n’honore que les dictateurs.

Alors que la France s’enfonce dans le silence et le mépris, le Premier ministre belge, Guy Verhofstadt, au nom de la Belgique, a demandé pardon aux Rwandais :

" Nul au monde n’ignore les horreurs du génocide rwandais. Les victimes de ce génocide hantent l’histoire collective de l’humanité, comme les victimes de la Shoah, des killings fields et des autres barbaries du siècle qui s’achève. On n’oubliera plus les noms de Murambi, de Ntarama, de Kibeho, ou de Kibuye. Ils sont devenus synonymes d’horreur et d’atrocité. Pour toujours, ils auront la couleur brune du sang séché. (...)
Pour que le Rwanda puisse tourner son regard vers l’avenir, vers la réconciliation, nous devons d’abord assumer nos responsabilités et reconnaître nos fautes. Au nom de mon pays, je m’incline devant les victimes du génocide.
Au nom de mon pays, au nom de mon peuple, je vous demande pardon.
(...) Je suis venu vous dire au nom de la Belgique que nous voulons, avec vous, reconstruire un monde meilleur, plus généreux, plus juste. Cette volonté de bâtir des projets communs, de donner à nos enfants plus de chances pour ce nouveau siècle, ne nous dispense pas de ce devoir de mémoire et de justice. Il faut que le monde se souvienne toujours de l’horreur perpétrée ici. Nous devons trouver la force et la volonté de ne plus jamais tolérer de tels massacres, qui font injure à l’intelligence et aux valeurs essentielles de l’humanité.
Puissent les fils et les filles du Rwanda, unis dans le souvenir, retrouver le souffle de l’espérance et de la fraternité. Puissent-ils bâtir un pays nouveau dans la paix, la réconciliation et la concorde nationale. "

Ce discours rend éloquent le silence des responsables français. Ceux-ci ont joué dans ce drame un rôle incomparablement plus grave que ne l’a été celui de la Belgique. Le problème pour la France n’est pas comme pour la Belgique de demander pardon. Il est de dire la vérité et rendre justice. La première étape sur le chemin du pardon est de reconnaître ses responsabilités, de révéler les noms des complices militaires et politiques de cette abomination. La prochaine sortie de La Nuit rwandaise aux éditions Dagorno/L’Esprit Frappeur est une contribution à ce travail de vérité.

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