Dans Liaison-Rwanda nous avons déjà signalé à maintes reprises les dysfonctionnements du TPIR. Le fait que le pays des droits de l’homme soit étroitement impliqué dans ce génocide, puisqu’il a reconnu l’État génocidaire et assuré son soutien sur la scène internationale, n’est certainement pas pour rien dans ce constat. L’autre élément aggravant est le recours à la procédure anglo-saxonne dite de l’interrogatoire croisé et son application caricaturale. Mais les problèmes sont un peu trop nombreux ces derniers temps.
Récemment, le TPIR vient de se distinguer par un nouveau palier dans le harcèlement des victimes venant témoigner à charge. Les témoins sont agressés brutalement, accusés sans preuve de délation et de mensonge par les avocats de la défense. Le 31 octobre 2001, les juges de la deuxième chambre ont même été pris de fou rire lorsque l’avocat de la défense s’est moqué d’une femme violée pendant le génocide. Trop, c’est trop. Les associations de rescapés Ibuka (Souviens-toi) et des veuves du génocide Avega ont décidé, le 25 janvier 2002, de suspendre leur collaboration avec le TPIR. Elles énumèrent les raisons suivantes : l’engagement par le TPIR d’enquêteurs impliqués directement dans le génocide ou ayant des relations familiales directes avec les inculpés ; l’insécurité des témoins à charge ; le harcèlement de ceux-ci en particulier de victimes de viols collectifs ; l’incrimination des associations de rescapés qualifiés de " syndicats de délateurs " par les avocats de la défense en présence des juges du TPIR ; le fait que les rescapés n’aient pas le droit d’exercer d’actions civiles auprès du TPIR, ni d’être assistés et protégés physiquement et psychologiquement en tant que témoins vulnérables. Ainsi, les infirmes et les femmes violées qui ont été inoculées par le VIH n’ont aucune aide, alors que leurs bourreaux bénéficient à Arusha du traitement le plus appropriés. Songeons que la plupart des rescapées sont en train de mourir dans la misère et faute de soins et que cet abandon permet d’éliminer les derniers témoins du génocide. Les associations concluent " qu’aussi longtemps que le corps des enquêteurs et des avocats de la défense ne sera constitué que par des personnes révisionnistes ou déterminées à nier le génocide, les décisions du TPIR seront loin de constituer une justice équitable " (Grands Lacs Hebdo n°281-282 du 28 janvier 2002). On en revient ici au constat des consultants du TPIR, Jean-Pierre Chrétien, Marcel Kabanda et Jean-François Dupaquier : " Tout se passe en effet comme si, au nom de la présomption d’innocence des inculpés, la présomption de non-génocide fondée sur un prétendu "équilibre" interethnique s’était insidieusement diffusée autour du TPIR ". (Droit de réponse des auteurs des Médias du génocide, à l’article de Stéphanie Maupas et Thierry Cruvellier, Diplomatie Judiciaire, 29 novembre 2000). JPG
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