M. JEAN-MARIE GUEHENNO, Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, a rappelé les chiffres consternants de l’évolution de la pandémie du VIH/sida, qui a causé trois millions de décès en 2001 ainsi qu’en 2002, tandis qu’on estime que cinq millions de personnes ont été infectées, ce qui porte à 42 millions le nombre de personnes atteintes du VIH/sida. La résolution 1308 (2000) a reconnu l’impact dévastateur de la pandémie dans tous les secteurs, en insistant sur le personnel de maintien de la paix, qui comprend des militaires comme des civils. Une des réalisations les plus importantes a été l’inclusion au sein du Département des opérations de maintien de la paix (DOMP) de conseillers politiques en matière de VIH/sida dans quatre des principales missions de maintien de la paix, en République démocratique du Congo, au Timor-Leste, en Ethiopie/Erythrée et en Sierra Leone. Des points focaux ont été désignés dans six autres missions. L’importance de la sensibilisation au VIH/sida a été soulignée par la Déclaration d’engagement de la session extraordinaire de l’Assemblée générale de 2001. Les publications en la matière ont été simplifiées  ; le DOMP distribue des cartes de sensibilisation au personnel déployé, qui est disponible en dix10 langues. Il est essentiel de « former les formateurs  », a rappelé M. Guéhenno. A cet égard, les partenariats sont déterminants. En Sierra Leone, la Mission des Nations Unies en Sierra Leone (MINUSIL) s’est associée au Fonds de développement des Nations Unies de la femme (UNIFEM) et au Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) afin de mettre en place des ateliers de formation à la prévention du sida, et à la sensibilisation à l’égalité des sexes et aux droits de l’homme.

A ce jour, 92 pays fournissent un contingent global de près de 42 000 troupes, et il est donc très difficile de mettre en place une formation spécifique au niveau culturel, ce qui exige des efforts de formation au niveau national. Il est aussi déterminant de maintenir un niveau de formation élevé. Tout comportement du personnel ayant pour effet d’accroître le risque de contracter ou de transmettre le VIH/sida, par exemple le contact avec des travailleurs du sexe, est inacceptable et porte atteinte à la mission centrale du maintien de la paix, a souligné M. Guéhenno. Le DOMP a une position très claire de « zéro tolérance zéro  » en matière d’abus sexuel et d’exploitation par le personnel des opérations de maintien de la paix. Qu’il soit civil ou militaire, tout le personnel déployé est tenu de maintenir le niveau d’intégrité le plus élevé. La résolution 1308 du Conseil de sécurité a aussi encouragé les Etats Membres à fournir un programme de dépistage volontaire et de conseils confidentiels. Un certain nombre d’Etats se sont opposés à une proposition tendant à ce que l’ONU rembourse les Etats pour le coût technique du dépistage. Mais des mesures de dépistage sont déjà en place dans les missions, notamment au Timor-Leste et en Ethiopie/Erythrée. Le DOMP a également conclu un Mémorandum d’accord avec le FNUAP visant à fournir des soins de santé génésique ; des préservatifs sont maintenant disponibles dans toutes les missions. Le rôle positif des gardiens de la paix peut s’étendre à en faire des « agents du changement  », en ce qu’ils peuvent partager leur expérience et leur formation avec la population locale. La M INUEE comprend ainsi des programmes de sensibilisation visant les travailleurs du sexe, les hôtels, les écoles et les institutions locales. Le rôle des volontaires de l’ONU est aussi important. Le DOMP agit par ailleurs en coordination avec les pays hôtes en conseillant les forces armées nationales sur la systématisation des programmes de sensibilisation. Tous ces efforts sont difficiles à mesurer, mais le DOMP mène des évaluations plus systématiques des missions, et s’est associé avec ONUSIDA pour mettre en place des systèmes de suivi et d’évaluation. Le renforcement de ces programmes nécessitera la fourniture de tout le personnel nécessaire et le soutien aux bureaux chargés du VIH/sida.

M. PETER PIOT, Directeur exécutif du Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA), a estimé qu’en adoptant en 2000 la résolution 1308, le Conseil de sécurité avait alors profondément modifié les modalités de lutte contre la pandémie du VIH/sida en faisant de ce phénomène une question de sécurité humaine. Il a cependant regretté que le Conseil n’ait pas choisi d’aborder cette question dans les résolutions adoptées récemment, notamment celles établissant ou prorogeant des missions de maintien de la paix dans des régions du monde fortement affectées par la pandémie. Le Directeur exécutif a ensuite expliqué de quelle manière travaille ONUSIDA en précisant que le Programme commun avait formalisé sa collaboration avec le Département des opérations de maintien de la paix en janvier 2001. ONUSIDA soutient également l’établissement de fonds de contributions volontaires au sein des opérations de maintien de la paix pour fournir à la fois des ressources financières et des conseils techniques. Le Directeur exécutif a annoncé qu’une enquête sera prochainement lancée pour évaluer le comportement des Casques bleus et leurs connaissances au sujet de la pandémie. Il a précisé que de nombreux pays accueillant des opérations de maintien de la paix exigeaient de plus en plus fréquemment que les Casques bleus soient soumis à un test de séropositivité. 

M. Piot a précisé que désormais 38 pays disposaient de stratégies de lutte contre le sida pour le personnel en uniforme, ce qui constituait un des objectifs de la résolution 1308 du Conseil de sécurité. Un de nos objectifs est d’institutionnaliser la formation à la lutte contre le sida du personnel en uniforme. ONUSIDA publie également des études de cas sur la prévention de la pandémie au sein des opérations de maintien de la paix en Erythrée, en Ukraine et en Thaïlande. Le Programme commun a également mis l’accent sur les femmes et le sida et insisté sur la nécessité de recruter des conseillers sur les questions sexospécifiques en Sierra Leone, en Angola et en République démocratique du Congo.

M. Piot a dressé le bilan de la pandémie dans le monde qui, dans certaines régions, constitue une vraie crise en termes de capacité humaine. La pandémie exacerbe l’instabilité économique et l’insécurité alimentaire et ne fait que fragiliser l’Etat. La génération d’orphelins du sida exige un niveau d’aide sans précédent afin de ne pas répliquer les conditions actuelles d’insécurité dans laquelle se trouvent les populations affectées par la maladie. Un nouveau consensus a vu le jour sur la nécessité de fournir une aide d’urgence tout en renforçant les facteurs permettant d’ériger une protection face au sida, à savoir sécurité alimentaire, réduction de la pauvreté, accès accru à l’éducation, émancipation des femmes, et accès aux traitements contre la pandémie. Toutefois, il s’agit d’une course contre la montre. ONUSIDA redouble d’efforts afin que toutes les ressources, financières, humaines et techniques, soient mobilisées. Le Directeur exécutif a cependant estimé que la résolution 1308 avait révolutionné la lutte contre la pandémie et que ses effets étaient déjà visibles parmi les 42 000 membres du personnel des opérations de maintien de la paix dont un tiers se trouve en Afrique. A moins de relever le défi de la pandémie du VIH/sida, la durabilité des opérations de maintien de la paix est menacée, a t-il prévenu.

M. EMYR JONES PARRY (Royaume-Uni) a indiqué qu’il était clair que les objectifs visant à contrecarrer la pandémie du VIH/sida étaient inefficaces. Cela est inacceptable, a-t-il déclaré. Certaines voix se sont élevées pour considérer que le Conseil de sécurité n’avait pas à se saisir de la question. Mais en une décennie, une génération entière est en train de disparaître. Comment cela pourrait ne pas constituer une menace à la sécurité collective ? Il faut que tous les organes de l’ONU soient mobilisés. Depuis le départ, la question du VIH/sida a été sensible, pour les gouvernements, pour les familles et pour les institutions. Ignorer le problème ne le fera pas disparaître. Il est maintenant accepté qu’une approche sexospécifique soit menée dans les domaines de la santé, mais en même temps, les missions de la paix tendent à s’adapter aux nécessités régionales. Dans certaines régions, le taux de la population affectée par le VIH/sida atteint 37% ; mais ce taux peut être deux à quatre fois plus élevé parmi le personnel militaire. A mesure que croît le nombre d’orphelins, il n’est pas difficile de prévoir que de nombreux pays auront des difficultés à maintenir leur propre sécurité. Il est essentiel que les travaux du DOMP et d’ONUSIDA se poursuivent avec le soutien du Conseil de sécurité. Pire que n’importe quelle attaque terroriste, ou armes de destruction massive, le VIH/sida peut détruire des sociétés entières car il prive les institutions de leur capacité à réagir. Le Conseil de sécurité doit adopter une approche intégrée, en étroite coopération avec l’Assemblée générale et le Conseil économique et social. Le Royaume-Uni propose qu’en 2004, sur la base d’un rapport du Secrétaire général, le Conseil de sécurité organise une réunion pour examiner les progrès accomplis, avec la participation des organisations de la société civile, et que le Secrétaire général établisse une évaluation définitive de la question.

M. JAMES CUNNINGHAM (Etats-Unis) a estimé nécessaire de renforcer les efforts de la communauté internationale dans la mesure où il a été convenu que la pandémie était une question de nature à menacer la paix et la sécurité internationales. Aucune guerre n’est plus menaçante que la pandémie du VIH/sida, avait dit le Secrétaire général, et il ne fait aucun doute que trois ans après l’adoption de la résolution 1308 du Conseil de sécurité, la pandémie reste une menace majeure à la paix et la sécurité internationales. Le représentant s’est félicité de la coopération entre le Département des opérations de maintien de la paix et ONUSIDA et notamment le déploiement de conseillers en matière de pandémie du VIH/sida au sein des opérations de maintien de la paix. Il est important de réaliser qu’il reste beaucoup à faire, notamment en matière de sensibilisation du personnel des opérations de maintien de la paix et des populations locales. Il faut également évaluer de manière plus systématique les conditions du déploiement des opérations de maintien de la paix. Le représentant a souhaité obtenir davantage de détails au sujet des conseillers déployés dans les missions. Les Etats-Unis sont déterminés à poursuivre la lutte contre le sida. Ils fournissent déjà la moitié de l’aide multilatérale, a précisé le représentant en détaillant les programmes de lutte contre la pandémie mis en place par son pays dans le cadre multilatéral et sur le plan national. M. Cunningham a appuyé les propositions avancées ce matin par le représentant du Royaume-Uni.

M. HERALDO MUNOZ (Chili) a rappelé que la pandémie du VIH/sida avait déjà causé le décès de 24 millions de personnes. Dans certaines régions, le VIH/sida détruit le tissu social et porte atteinte à toutes les institutions de l’Etat. Le rôle des opérations de maintien de la paix a changé ces 10 dernières années, et doit évoluer pour comprendre des missions humanitaires, notamment là où les institutions nationales se sont écroulées, a déclaré le représentant du Chili. Or, les rapports montrent que les situations de conflit favorisent la propagation de la maladie. Les Nations Unies ont mis en place une approche intégrée, mais cela paraît ne pas être le cas lorsqu’une organisation régionale se substitue à l’ONU pour mener une opération de maintien de la paix, comme l’OTAN. Le Chili qui offre par ses propres moyens une formation dans ce domaine et des mesures de dépistage, est prêt à partager son expérience.

M. YURIY N. ISAKOV (Fédération de Russie) a dit accorder une importance considérable à la coordination des efforts de lutte contre la pandémie du VIH/sida par la communauté internationale, et notamment dans le cadre des opérations de maintien de la paix. L’Assemblée générale et l’ECOSOC ont contribué considérablement à la mise en place d’une riposte internationale. Nous nous félicitons des initiatives lancées par toutes les institutions des Nations Unies. L’engagement personnel du Secrétaire général a également joué un rôle important dans la mesure où il est à l’origine de la création du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Le Gouvernement russe envisage de verser une contribution de 20 millions de dollars au Fonds, a indiqué son représentant. La pandémie du VIH/sida épuise les ressources et le potentiel des pays, pèse sur le développement social et économique et a des répercussions sur la stabilité et la paix internationales. Il est donc important que le Conseil soit saisi de cette question.

M. FAYSSAL MEKDAD (République arabe syrienne) a indiqué que les efforts de sensibilisation à la pandémie du VIH/sida, mentionnés par M. Guéhenno, faisaient partie intégrante de la campagne mondiale en la matière. Il est essentiel d’assurer la mise en œuvre des efforts d’ONUSIDA. L’Assemblée générale et le Conseil économique et social, de même que l’Organisation mondiale de la santé, constituent des forums adaptés à l’examen de la question. La Syrie appuie les efforts menés personnellement par le Secrétaire général à cet égard. Il est important d’assurer le financement du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Les progrès en matière scientifique doivent conduire à la mise au point de vaccins et de médicaments plus efficaces. En Syrie, un programme stratégique national a été mis en place en application de la Déclaration commune sur le sida, adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU lors de sa session extraordinaire en 2001. Le taux de propagation de cette maladie dans le pays est très limité. En 2003, le Comité national de lutte contre le sida et les maladies sexuellement transmissibles a visé des mesures de prévention, des mesures de soin, et l’intégration de la sensibilisation dans les écoles, l’établissement d’une base de données et de recherches sur la question. La formation est également intégrée dans le cadre des forces armées. La Syrie est prête à apporter sa contribution aux efforts mondiaux en la matière, a indiqué M. Mekdad.

M. WOLFGANG TRAUTWEIN (Allemagne) a accueilli favorablement l’initiative angolaise de convoquer cette réunion qui s’inscrit dans la suite de l’examen de la question relative au VIH/sida. Il a estimé que des progrès avaient été réalisés. Force est de reconnaître que le nombre de personnes affectées ne cesse d’augmenter et que de nouvelles régions commencent à être touchées elles aussi. La réunion du mois de juin 2001 nous a permis de renforcer la lutte mondiale contre ce fléau, grâce notamment à la Déclaration finale qui a permis de préparer une riposte et d’établir un lien entre la propagation de la pandémie et les conflits armés. Autre initiative importante, la création d’un Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Il faudrait que la lutte contre le VIH/sida puisse être intégrée à toutes les opérations de maintien de la paix, pour que celles-ci puissent mieux s’acquitter de leur mandat. Il a estimé que la prévention du VIH/sida, parmi les membres du personnel des opérations de maintien de la paix devrait constituer la majeure partie de la riposte. Il appartient au personnel de prendre la tête des efforts déployés pour lutter contre le sida, et nous encourageons le Département des opérations de maintien de la paix à mettre l’accent sur la formation avant de procéder à un déploiement, en particulier dans les zones fortement touchées. M. Trautwein a soutenu l’idée du dépistage volontaire des membres du personnel des opérations de maintien de la paix. Le Conseil devra se saisir de cette question en 2004.

M. WANG GUANGYA (Chine) s’est félicité de la présence du Secrétaire général à cette réunion. Le VIH/sida est devenu une des menaces non traditionnelles les plus aiguës de l’époque actuelle. Il est à présent impératif de prendre des mesures à cet égard et le Conseil de sécurité doit jouer un rôle dans ce domaine, a-t-il souligné. La Chine se félicite des mesures prises par le DOMP en vue d’améliorer la sensibilisation et la formation du personnel des missions de la paix. La coopération avec les organismes internationaux pertinents doit aussi être renforcée. La Chine participe activement à ces efforts, a indiqué son représentant, précisant qu’elle a notamment contribué à hauteur de 10 millions de dollars au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

M. RAYKO S. RAYTCHEV (Bulgarie) a d’abord attiré l’attention sur le cercle vicieux du VIH/sida, de la pauvreté et des conflits armés avant de souligner la pertinence de la résolution 1308 (2000) et des discussions en cours sur l’impact des conflits et des situations humanitaires sur la propagation du VIH/sida parmi les réfugiés et les communautés hôtes, le personnel de l’ONU et les ONG. Soulignant aussi la pertinence de la Déclaration d’engagement adoptée à la vingt-sixième session extraordinaire de l’Assemblée générale, le représentant a ensuite estimé qu’il revient d’abord aux gouvernements nationaux de s’assurer que leurs soldats de la paix sont bien formés aux problèmes liés au VIH/ sSida. Après avoir fait part des initiatives prises en ce sens, par son pays, le représentant a salué les efforts d’ONUSISDA et du Département des opérations de maintien de la paix. Il a noté avec satisfaction l’approche globale adoptée par ces deux entités dont l’action concerne à la fois le personnel militaire et civil des opérations de maintien de la paix, les travailleurs humanitaires et les populations vulnérables. Soulignant, une nouvelle fois, la nécessité d’une approche holistique, le représentant a préconisé l’ouverture, la solidarité et la volonté politique pour lutter contre les préjugés, la discrimination et le déni.

M. JEAN-MARC DE LA SABLIERE (France) a appuyé sans réserve l’action du Secrétaire général dans la lutte contre le sida. Depuis l’adoption de la résolution 1308, le sida continue de décimer des générations entières et de meurtrir les sociétés. La situation est devenue tragique dans de nombreuses régions d’Afrique. Mais la prise de conscience des enjeux est devenue universelle et nous commençons à en voir les effets dans les politiques nationales et les enceintes internationales, comme l’a montré la création du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, ou encore les décisions de l’Organisation mondiale du commerce sur l’accès des plus pauvres aux médicaments. Nous devons cependant redoubler d’efforts pour tenir les engagements auxquels la France est attachée et qui doivent viser à « répondre à une urgence sanitaire mondiale », comme l’a souligné le Président Chirac. Dans ce cadre, le Conseil doit jouer tout son rôle. La lutte contre la pandémie du VIH/sida constitue également l’une des priorités des forces armées françaises qui sont présentes sur des territoires fortement touchés par la pandémie. La France dispose de programmes nationaux, dans la logique de la résolution 1308 du Conseil de sécurité, qui insistent sur l’efficacité de la prévention, de l’intervention et du dépistage comme volet important de la préparation des forces armées françaises. Il est important que le Conseil continue à suivre la mise en œuvre de la résolution 1308. Le sida est une des menaces les plus pressantes à la paix et la sécurité et à l’avenir des sociétés. Les institutions des Nations Unies ont déjà intégré cette réalité dans leurs programmes ce dont nous nous félicitons. Nous proposons que le Conseil réfléchisse avec le Conseil économique et social à des actions communes.

M. ALPHA IBRAHIMA SOW (Guinée) a rappelé que son pays, qui a un taux moyen de séropositivité de 2,8%, est un des principaux contributeurs de contingents, et qu’à ce titre, il continue de tirer des leçons de sa participation aux opérations de maintien de la paix. Il a estimé que le Conseil de sécurité devrait mettre à la disposition de ces opérations les outils nécessaires pour trouver des solutions aux répercussions structurelles profondes du VIH/sida. Il a notamment souhaité la constitution de missions d’enquête et de travail sur le VIH/sida dans les missions de paix et au sein des populations hôtes, l’identification de conseillers et de points focaux sur le VIH/sida dans les grandes missions des opérations de maintien de la paix, ou encore le placement de conseillers dans le Département des opérations de maintien de la paix (DOMP). M. Sow s’est félicité des dispositions prises pour une meilleure collaboration entre le DOMP et ONUSIDA, tout en estimant qu’il convient d’examiner la question du VIH/sida dès le début de la planification des missions. Les pays fournisseurs de contingents devraient intégrer ce volet dans leur cursus de formation avec l’assistance de l’ONU, a-t-il poursuivi. La lutte contre le VIH/sida devrait également être intégrée aux programmes de démobilisation, désarmement, réinsertion et relèvement, a-t-il encore indiqué, en tant que facteurs de renforcement de la sécurité et de la stabilité dans les régions en crise ou en situation post-conflictuelle. Enfin, le représentant a souligné que l’implication des ministères de la défense et de la sécurité dans les mécanismes nationaux de lutte contre le sida devrait contribuer à une meilleure coordination des actions nationales.

M. CARLOS PUJALTE (Mexique) a rappelé que le VIH/sida revêtait à présent une urgence au niveau mondial car il menace la sécurité, la paix et le développement économique et social de tous les pays. L’épidémie du sida a causé plus de décès en Afrique que tous les conflits de ce continent réunis. Le Mexique est favorable à l’initiative du DOMP tendant à encourager les Etats Membres, dans le respect des droits fondamentaux, à offrir des services de dépistage et de conseils confidentiels volontaires sur le sida à l’ensemble du personnel de maintien de la paix, avant et après son déploiement, tout en notant qu’il accroît le poids financier des missions pour les pays en développement. Le Mexique recommande la mise en place d’un plan d’action disposant de stratégies concrètes en vue de fournir une coopération technique directe aux Etats affectés, notamment une analyse épidémiologique ; l’élaboration de moyens éducatifs pour la population ; le développement de stratégies de prévention ; la promotion de l’étude épidémiologique du VIH/sida dans les pays affectés et des vaccins ; l’établissement d’une coopération technique entre les missions et les pays affectés ; le renforcement de la vigilance dans les pays les plus vulnérables. Son pays, a rappelé le représentant, a joué un rôle actif dans la lutte contre le sida, notamment par la récente négociation avec les autres pays d’Amérique latine, pour réduire de manière substantielle le prix des médicaments et des examens en laboratoire. Sur la base des récents accords de l’Organisation mondiale du commerce, le Mexique entend commencer la production de médicaments génériques de qualité. Il serait souhaitable que le DOMP et ONUSIDA présentent un rapport sur la mise en œuvre de la résolution 1308 (2000) en juillet 2004.

Mme ANA MARIA MENENDEZ (Espagne) a indiqué que plusieurs délégations avaient souligné l’impact du VIH/sida sur le tissu social et qu’elle partageait ces observations. L’Espagne a mis en place des mesures en vue de la prévention, de la sensibilisation et de la formation à la lutte contre le sida au sein de ses forces armées. Dans le domaine éducatif, des journées d’information ont été organisées. Une campagne d’information a été mise au point dans le domaine épidémiologique. En matière de prévention, des brochures et manuels ont été élaborés en espagnol. L’engagement de l’Espagne s’est manifesté non seulement au niveau interne, mais également au niveau international par une contribution de 50 millions de dollars au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

M. MASOOD KHALID (Pakistan) a déclaré que son pays, en temps que principal fournisseur de troupe, attachait une grande importance à la question examinée. Le lien existant entre les situations de conflits et la propagation du VIH/sida exige la mise en place de mesures spécifiques au niveau des missions de maintien de la paix. Il serait intéressant de noter le nombre de soldats de la paix responsables de la propagation du VIH/sida. Il ne faut pas diaboliser les soldats de la paix, mais il importe de rapporter ces actes au nombre de cas existants par ailleurs. Il est toutefois inacceptable que tout soldat de la paix entache la réputation des missions par des abus sexuels, et les mesures les plus sévères devraient être prises à l’encontre de tels actes. Le personnel de maintien de la paix doit adopter le comportement le plus intègre, et suivre strictement le code de conduite établi, qui décourage fortement tout contact sexuel entre le personnel et les bénéficiaires de l’aide apportée par les Nations Unies. Le personnel des missions et opérations de la paix devrait aussi suivre un dépistage et une formation avant d’être envoyé sur le terrain. Le Pakistan est pleinement conscient de sa responsabilité dans le déploiement de ses troupes, qui reçoit une formation à la discipline, qui est sensibilisé au respect des femmes, des enfants et des personnes âgées et qui se conforme aux mesures de dépistage.

M. IYA TIDJANI(Cameroun) a estimé que la résolution 1308 du Conseil de sécurité a dégagé un train de mesures efficaces pour lutter contre la pandémie du VIH/sida. Cependant, beaucoup reste à faire. La pandémie s’alimente des conflits et des mouvements de populations que ceux-ci engendrent parmi les réfugiés. Les femmes et les filles sont dans ce contexte les plus exposées et les plus vulnérables à la pandémie. La formation aux méthodes de protection est extrêmement importante. Depuis son apparition, il y a deux décennies, le VIH/sida s’est étendu rapidement tout faisant un tiers de ses victimes en Afrique où il menace la survie de populations entières. Le phénomène s’est traduit également par une détérioration de la situation économique et un ralentissement sensible du taux de croissance des pays de ce continent. Les forces de police et militaires sont elles-mêmes infectées par le virus, représentant une source de risques à l’intérieur des pays, d’où la nécessité d’intensifier la formation et la prévention au niveau national ainsi que l’accès aux traitements. La prévention doit être le pilier de la lutte contre ce fléau. La délégation camerounaise souligne la nécessité pour le Département des opérations de maintien de la paix et ONUSIDA de présenter un rapport conjoint en 2004.

M. ISAMEL ABRAAO GASPAR MARTINS (Angola) a souligné que les objectifs visés par la résolution 1308 (2000) concernant les mesures qui s’imposent aux missions de maintien de la paix et l’appel à la coordination avec les autres institutions sont déterminants dans la lutte contre le VIH/sida, de même que les efforts du DOMP. Le VIH/sida, qui touche notamment les jeunes, affecte tous les domaines de la société et de l’économie. Le Sommet sur le sida réuni au Lesotho en 2003 a noté que l’impact négatif de la pandémie s’étendait à la sécurité alimentaire. L’Angola connaît un taux d’environ de 5% de la population adulte séropositive, ce qui est causé par la mobilité de groupes de population en temps de guerre. A présent que la paix est revenue, il est à craindre que la mobilité de la population ne fasse exploser ces chiffres. La lutte contre le VIH/sida reste une priorité pour l’Angola. Un fonds spécial a été établi pour lutter contre le sida et les autres épidémies. Par ailleurs, l’intensification des programmes de prévention et d’information, s’accompagne de la fourniture de thérapies, et de soins. La pandémie est devenue une préoccupation sécuritaire. Les forces armées angolaises sont donc en premier lieu visées par les programmes de dépistage, et par un programme de prévention et d’information, tandis qu’une distribution gratuite de préservatifs est mise en place. Il faut agir plus rapidement que l’épidémie, a souligné le représentant de l’Angola.

Répondant aux questions posées par les délégations, M. GUEHENNO a jugé que les programmes élaborés au niveau national, indépendamment des opérations de maintien de la paix, sont extrêmement utiles. Malheureusement, nous ne disposons pas de statistiques fiables dans les pays frappés par les conflits. Il est donc difficile de juger de la répercussion des opérations de maintien de la paix sur le taux de VIH. Il a expliqué que des conseillers ont été déployés dans le cadre d’opérations de grande taille tandis que les centres de coordination sont constitués de personnel médical qui s’occupent de toute une gamme de problèmes de santé dont le sida. Ce débat montre combien il est important de travailler en étroite coopération avec les pays contributeurs de troupes. Travailler dans l’isolement, c’est nous condamner à l’échec.

Reprenant la parole, M. PIOT a remercié le Conseil de sécurité pour l’organisation de cette réunion, notant que l’atmosphère lors de la première réunion n’était pas si positive. Des progrès ont été accomplis. Il est vrai qu’il n’existe pas encore au niveau régional une bonne coordination pour la prévention. Les mêmes approches peuvent être appliquées. Des discussions sont engagées au niveau politique, a indiqué M. Piot, tout en faisant remarquer que l’évaluation de l’étendue du problème est problématique. Il n’y a pas de preuve tangible d’une participation importante de participation des opérations de maintien de la paix à l’épidémie ; en revanche, il est certain qu’il est important d’intégrer une évaluation de l’impact des opérations de maintien de la paix à la lutte contre le sida. Il serait utile, a estimé M. Piot, d’améliorer la documentation sur la question de l’épidémie et de la sécurité. Le sida est devenu une composante essentielle de tous les travaux car, malheureusement, il ne va disparaître dans les années à venir. En définitive, il est essentiel d’assurer la formation auprès des jeunes et de maintenir une bonne coordination. Un rapport conjoint établi par ONUSIDA et le Département des opérations de maintien de la paix très détaillé sera préparé pour l’année prochaine.

Source
ONU

ONU : CS/2583