La tourmente des monarchies arabes
Les néo-conservateurs décrivent la guerre d’Irak comme l’événement déclencheur d’une nouvelle pax americana pour le Moyen-Orient. Les attentats du 11 septembre ont ébranlé les fondements traditionnels de la politique américaine qui se basait sur des alliances, anciennes et fermes, avec les monarchies arabes. La position militaire des Etats-Unis, plus que jamais dominante dans cette région, lui permet un revirement, une prise de distance mesurée qui intervient à la veille d’une redistribution générale des cartes diplomatiques et militaires, en prélude à un nouveau round, décisif, du conflit moyen-oriental.
Les responsables politiques américains semblent avoir admis que la fragilité interne de certains pays arabes découle, en partie, de leur soutien aux Etats-Unis qui présente la conséquence perverse d’attiser la frustration populaire et d’animer le sentiment islamiste radical. Dans ce contexte, il convient de ménager ces régimes complaisants en amoindrissant, du moins en apparence, leur coopération militaire avec Washington. The Persian Gulf in the coming decade, rapport de la RAND que nous avons déjà cité, entérine cette vision des " relations arabes " qui se focalise sur la fragilité interne des partenaires de l’Amérique. " En dépit du fait qui veut que la menace extérieure visant les intérêts des Etats-Unis soit limitée, le tableau est bien sombre quand on examine la situation intérieure de nos alliés. Ces derniers ne sont pas sur le point de subir une révolution ou un changement radical de régime, mais il est très plausible qu’ils soient confrontés à une intensification des pressions économiques et sociales durant la prochaine décennie. Cela rendra leur coopération bien plus problématique. " Les néo-conservateurs s’attendent donc à voir les régimes arabes soumis à des turbulences qui, aujourd’hui déjà, commencent à angoisser l’Arabie Saoudite.
Les monarchies du Golfe sont donc perçues comme des alliés, non pas de cœur et de choix, mais de nécessité et d’intérêts. Cette politique remonte au Président F. D. Roosevelt qui, presque mourant, s’autorisa le loisir de rencontrer le dénommé Ibn Saoud, Roi-bédouin d’Arabie, pour sceller un pacte d’amitié avec le royaume Wahhabite qui ne s’est jamais démenti par la suite.
Les néo-conservateurs, de l’aile pure et dure, semblent remettre en cause les fondements de cette entente. William Kristol, du PNAC, livre devant une commission de la chambre des représentants, le 22 mai 2002, sa vision sur l’avenir des relations entre l’Arabie Saoudite et les Etats-Unis. " Après le 11 septembre, il est grand temps que l’Amérique redéfinisse sa relation avec Riad. Car nous sommes maintenant en guerre, en guerre contre la terreur et son fondement, l’islamisme radical. Et dans cette guerre, le régime saoudien fait plus partie du problème que de la solution. " Kristol fait, dans son discours, l’inventaire des actions de soutien au terrorisme qu’il impute au Saoudiens, et qui comprennent, notamment, les attentats du 11 septembre 2001 (15 des 19 participants aux attaques seraient Saoudiens), l’incitation aux attentats-suicides en Israël (en établissant une connexion entre le Hamas et le régime) et finalement, le prosélytisme wahhabite, largement lié à la famille royale. Il poursuit son discours en déclarent sans équivoque que " la combinaison entre l’idéologie wahhabite et l’argent saoudien a contribué, plus qu’aucun autre facteur, à la radicalisation et à l’anti-américanisation de larges parties du monde islamique ". Citant l’ancien secrétaire d’Etat George Shultz qui définissait la relation américano-saoudienne comme " une grotesque opération de racket ", Kristol affirme qu’il faudrait exercer des pressions sur le prince héritier Abdallâh, en lui indiquant clairement le refus de tout statu quo.
Danielle Pletka adopte, à travers une tribune de l’AEI, une position moins interventionniste que celle de son acolyte du PNAC. Elle se montre sceptique sur la pérennité du règne des Saoud mais affirme qu’il serait hautement improbable de voir celui-ci s’effondrer au cours des prochaines années. Elle prédit plutôt un immobilisme qui amènera l’Arabie Saoudite à endosser l’habit " du vieil homme sclérosé, désespérément apeuré par les changements et les réformes, destiné à un lent déclin plutôt qu’à une mort subite . "
La démocratie arabe, ou le rempart contre le terrorisme islamiste
Le repositionnement américain est surtout visible au Qatar, qui troque son habit de petite principauté pour celui, plus attrayant, de Quartier Général des forces américaines dans le Golfe. A partir de là, George Bush compterait bien modifier la face du Moyen-Orient.
La complaisance américaine à l’égard des régimes autocratiques n’est plus de mise, Bush étant en guerre, non seulement contre les terroristes, mais aussi contre les systèmes politiques responsables de leur avènement. Condoleezza Rice, conseillère de président pour la Sécurité Nationale, livre une vision (datant du 7 août 2003) bien ambitieuse des visées présidentielles que rapporte Thomas Donnelly dans un article publié par l’AEI (Iraq is the central front). Rice compare la transformation du Moyen-Orient à celle de l’Europe d’après guerre qui, pour être réussie, à nécessité un engagement américain de plusieurs années. Non sans rappeler que le plan Marshall était, au départ, destiné à pallier l’échec des efforts de reconstruction en Allemagne, elle appelle à la patience et réitère sa confiance en une région démocratisée. Cette comparaison entre la démocratisation des pays arabes et les périodes d’occupations qui ont suivi la deuxième guerre mondiale se trouve dans plusieurs écrits évoquant l’après guerre en Irak. Dans Commit for the long run (PNAC, 29 janvier 2002), Robert Kagan affirme que " durant les années quarante, le défi consistait à sauver la démocratie européenne. Aujourd’hui, il consiste à la promouvoir dans le monde arabe, en tant qu’antidote à l’Islam radical . "
L’appel de Bush, du 7 septembre 2003, à l’augmentation des moyens destinés à la reconstruction de l’Irak place ce pays sur le front central d’une guerre globale contre les ennemis de la liberté. Cela laisse peu de doutes quant à la suite des actions qu’il envisage au Moyen-Orient. Dans ce contexte, il est important de noter que les néo-conservateurs restent des partisans avoués d’Israël, et qu’ils considèrent que la politique de l’Etat hébreu est régie par des impératifs de défense vitaux face à un monde arabe hostile. L’Etat d’Israël est peu cité dans les écrits que nous avons parcouru, mais lorsque celui-ci est évoqué c’est généralement pour souligner son appartenance au monde démocratique et libre, par opposition aux pays qui lui sont limitrophes. L’impression qui se dégage des écrits néo-conservateurs ayant trait à la démocratie expose une conception consumériste de celle-ci, qui est décrite comme une valeur voulue et demandée par des populations buttant à une résistance de la part de l’offre, les gouvernements Arabes étant récalcitrants à lâcher du lest sur les libertés populaires. Cette conception occulte le rôle de la culture, de l’histoire et de l’apprentissage dans l’avènement d’une démocratie, qui est avant tout un attribut de sociétés et non d’Etats. What’s Next ? publié le 22 avril 2003 par l’AEI en offre une illustration en affirmant observer l’émergence de mouvements réformistes dans l’ensemble du monde musulman, notamment en Iran. Les musulmans, conclut le document, " ne sont pas moins désireux de libertés individuelles, et ne sont pas moins capables de l’atteindre, que n’importe quel autre peuple . "
Richard Haass, directeur du Policy planning staff au sein du Département d’Etat, explique haut et fort, dans un discours prononcé en décembre 2002, le caractère illusoire de toute stabilité basée sur l’unique autorité. Il affirme, en outre, que les droits de l’Homme transcendent toutes les barrières culturelles et qu’ils seraient aussi bien applicables en terre arabe qu’aux Etats-Unis. Haass se montre peu tolérant envers " l’exception démocratique Arabe " surtout que celle-ci sévit à l’encontre des volontés populaires qui, du Maroc au Bahreïn, revendiquent plus de démocratie. A l’adresse des dictateurs confortés par une complaisance des Etats-Unis qui n’aura que trop duré, Haass déclare : " La politique américaine s’engagera, très activement, dans la consolidation de l’esprit démocratique dans le monde musulman. Ceci est un message clair émanant de la stratégie nationale de sécurité adoptée par le Président. " Reuel Marc Gerecht, chercheur néo-conservateur de l’American Enterprise Institute, réaffirme cette même position dans un discours teinté de messianisme (The long hard slog, 3 novembre 2003), propre aux néo-conservateurs de l’aile droite. Il y affirme que la mission divine des Etats-Unis sera combattue par les forces des ténèbres, hostiles à la propagation du règne du peuple. Les dictateurs arabes ne seraient pas en reste et mettraient tous leurs moyens pour contrer l’Amérique qui ébranle leurs règnes. Le Moyen-Orient se voit érigé par cette vision en terre de tous les enjeux, dont l’avenir sera déterminent pour la lutte zoroastrienne qui oppose le bien au mal.
La guerre d’Irak, en balayant ce qui restait du mythe, hérité de la guerre du Vietnam, de la vulnérabilité conventionnelle américaine, aura consacré le terrorisme en arme unique pour combattre l’empire. A l’instar de la défaite arabe de 1967, qui a intronisé l’OLP par défaut, le terrorisme fait ses entrées en tant qu’arme conventionnelle dans un terrain qui ne l’est pas.
Selon cette perspective, les Etats-Unis identifient la menace musulmane et au cœur de celle-ci, la menace arabe. Gerecht déclare, dans une position qui prête à controverse, que les menaces de l’avenir émaneraient des communautés musulmanes installées en Amérique, et surtout de celles de l’Europe occidentale, qui constituent autant de terrains fertiles à l’implantation d’Al Qaeda, véritable multinationale du Jihad. Gerecht reconnaît que l’immigration est de plus en plus surveillée en Europe mais affirme que cela ne suffira probablement pas à dissoudre la menace islamiste.
La stratégie de réplique massive du Bush semble satisfaire les experts du contre-terrorisme qui soulignent que cette voie constitue l’unique méthode valable pour se débarrasser de certaines menaces terroristes. Ainsi, les répliques ponctuelles, autrefois largement utilisées, ne charment pas les néo-conservateurs. L’essai de la Hoover Institution, Using Power and Diplomacy to Deal with Rogue States, affirme, en citant le cas de la Libye, que " le contre-terrorisme, qu’il implique des assauts punitifs ou préventifs, peut engendrer un cycle de violence auquel le peuple américain doit se préparer . " Ce rapport rappelle les victoires foudroyantes des Etats-Unis à Grenade et au Panama pour inscrire celle de l’Irak dans la même lignée d’actions qui ont réussi à briser durablement un bastion de mal et à le remplacer par un régime vertueux, selon des définitions toutes américaines.
La Syrie d’Assad
S’il est un régime qui nargue les Etats-Unis, c’est bien la Syrie des Assad. La mort du vieux lion, survenue en l’an 2000, n’aura pas modifié la position stratégique de ce pays à rhétorique stalinienne. En effet, à juger du ton de ses communiqués officiels, la Syrie ne s’est pas pliée à la volonté américaine qui se fait d’autant plus pressante, que les soldats US contrôlent désormais le flanc Est de la Syrie, isolant ce pays qui, se sentant déjà à l’étroit entre les deux puissances hostiles que sont la Turquie et Israël, avait débordé sur le Liban. Cependant le ton se fait ferme à Washington à l’encontre du Baas syrien, et les temps ou le Président des Etats-Unis se déplaçait à Genève pour rencontrer le chef d’Etat syrien ne sont plus que de mauvais souvenirs.
Aujourd’hui George Bush agite la menace des sanctions, récemment adoptées par le Congrès, pour obtenir de la Syrie des concessions politiques, à savoir une non-belligérance en Irak, un adoucissement du ton face à Israël, l’arrêt du soutien aux organisations terroristes, et la libération du Liban, sous la botte syrienne depuis 1990. Toutefois, nombreux sont les néo-conservateurs qui demandent le renversement pur et simple du régime d’Assad, celui-ci ayant suffisamment prouvé son caractère anti-démocratique. Ainsi Michael Ledeen, de l’American Enterprise Institute, fustige les officiels du Département d’Etat qui chercheraient, toujours, à négocier avec Damas (Syria and Iran must get their turn, 7 avril 2003). Bashar El Assad, en suivant la voie de son père, s’est constitué en maître de terreur qu’il faudrait abattre, sans aucune complaisance.
Desert shame redux, publié le 30 avril 2003 par le même Ledeen, affirme qu’il n’y aurait aucun gain à dialoguer avec le régime syrien car celui-ci s’est déjà déclaré ennemi des valeurs américaines et ne recherche, par ses tergiversations, qu’à gagner du temps. " George Bush ne peut pas se permettre d’être entraîné dans un processus de paix fantasmagorique avec les Syriens, (…) il doit insister à poursuivre la bataille contre les terroristes, à étendre la liberté dans la région et, par ses faits, à gagner la guerre ". Danielle Pletka se montre incisive à l’encontre d’Assad dont elle révèle la fragilité dans The best case, publié le 17 octobre 2002. " Assad est le leader le plus fragile de la région " révèle-t-elle avant de clamer que son régime aurait survécu grâce à l’argent infusé par les trafics avec l’Irak. Cette ressource s’étant maintenant tarie, Pletka confie croire en un relâchement du contrôle d’Assad sur son pays. Les Etats-Unis doivent, tout en se gardant d’une intervention directe dans les affaires syriennes, préparer un pouvoir de substitution qui serait utile à toutes fins.
Dans un commentaire publié le 30 avril 2003 (Political attack can remove terror masters in Syria and Iran), l’American Enterprise Institute poursuit son attaque contre le régime syrien en déclarant que celui-ci, se sachant vulnérable et visé par les Etats-Unis, utilisera tous les moyens à sa disposition pour que les forces américaines s’enlisent dans un bourbier irakien qui les empêcherait de poursuivre d’autres objectifs. Il est donc impossible de gagner la guerre contre la terreur tant que les régimes syriens et iraniens conservent leurs capacités d’action. Le document insiste sur la libération du Liban, Etat autrefois démocratique, et prône une stratégie agressive à l’encontre de la Syrie qui, toutefois, ne devrait pas mener à l’action militaire. En effet, la Syrie est présentée, selon une opinion communément partagée par les analystes politiques, comme un Etat faible et vulnérable aux attaques politiques. " Notre arme la plus efficace est le peuple syrien, qui est déjà chargé et prêt à tirer " déclare le document.
Ces documents montrent le peu d’estime que témoignent les néo-conservateurs au régime baasiste d’Assad qui demeure une anti-thèse de leurs dogmes et surtout, une preuve de la limite de leurs pouvoirs. Car s’il est vrai que ce régime est des plus critiquables, en matière de liberté et de droits de l’homme, il n’en demeure pas moins que sa chute libérerait une majorité sunnite du joug des alaouites, très minoritaires, et créerait des conditions favorables à une radicalisation de la rue, aux frontières nord de l’Etat d’Israël.
Les mollahs, dans l’œil du cyclone
L’Iran fait partie intégrante de " l’axe du mal ", que ce soit au niveau des consciences collectives américaines ou dans les déclarations officielles du gouvernement Bush. Les programmes d’armement iraniens constituent dans ce contexte une source d’inquiétude largement répandue au sein de la population américaine. Les néo-conservateurs, eux, se situent aux avant postes de la prospective sécuritaire en entretenant un climat alarmiste vis à vis de la capacité nucléaire de l’Iran. La Hoover Institution fait ainsi part de sa grande inquiétude concernant les armes de destruction massive et les missiles de longue portée, notamment le Shihab 3, testé avec succès par la république islamique. Elle préconise une action qui se décline en deux volets : la poursuite de l’embargo visant à empêcher l’Iran à développer ses capacités militaires et l’encouragement des forces réformatrices qui, au bout du compte, finiraient par renverser le régime des mollahs.
Dans The future of Iran, publié le 6 mai 2003 par l’American Enterprise Institute, Sam Brownback clame que l’Irak ne connaîtra jamais de vraie stabilité tant que le régime iranien restera en place. " Le gouvernement iranien tente d’infiltrer l’Irak pour y raviver le concept de révolution islamique, pourtant rejeté par la majorité des iraniens. " Brownback poursuit en liant aussi le sort de l’Afghanistan à celui de l’Iran en expliquant que les mollahs se hasardent à gagner de l’influence à l’étranger pour contrebalancer leur perte de contrôle à l’intérieur de leur pays même. L’inquiétude soulevée par le dossier des armes iraniennes est d’autant plus forte que les Etats-Unis soupçonnent, à juste titre, la Russie d’assister l’Iran dans sa quête de l’arme absolue. Dans un document de l’Heritage Foundation datant du 26 février 2003 (Russia and the axis of evil : money, ambition, and U.S. interests), Ariel M. Cohen reprend une citation de Richard Boucher, porte-parole du Département d’Etat, qui, rappelant l’importance de la production de gaz naturel de l’Iran, affirme que les réacteurs nucléaires que celle-ci construit ne serviraient en aucun cas à rationaliser la production d’électricité. Ces sites, dont celui de Busherhr, seraient donc destinés à un programme nucléaire militaire, selon des officiels de la CIA américaine qui, par ailleurs, confirment publiquement l’implication russe (New York Times , 16 décembre 2002).
La Russie serait ainsi activement impliquée dans le développement des capacités nucléaires iraniennes et cela pour différentes raisons. Le document de l’Heritage rappelle que l’ancien ministre des Affaires Etrangères Evgeny Primakov était partisan " d’une alliance eurasienne, basée sur une coalition entre la Russie, la Chine, l’Inde et l’Iran, capable de contrecarrer l’influence euro-atlantique . " De plus, et en contrepartie de l’assistance russe, l’Iran s’est gardé de tout expansionnisme religieux dans les républiques musulmanes du Caucase et a adopté une ligne de conduite évasive face aux exactions russes en Tchétchénie.
Si la majorité des néo-conservateurs semble réticente à promouvoir une action militaire visant l’Iran et se montre plutôt partisane de la manière " douce ", elle ne place pas, toutefois, de grands espoirs sur les réformateurs institutionnels symbolisés par le président Khatami. L’Heritage déclare ainsi que l’Amérique " doit abandonner toute discussion avec les soit-disant réformateurs qui n’ont pratiquement rien réformé en sept années de pouvoir. " L’American Enterprise Institute affirme, par la voix de Sam Brownback, que " l’écrasante majorité du peuple iranien est aujourd’hui pro-américaine ". Les mollahs perdent donc l’appui de la rue, qui porte l’espoir d’un renversement, mais s’agrippent aux rênes du pouvoir. A contrario, Michael Ledeen de l’AEI, semble être favorable à une politique " musclée " en Iran. Il affirme que la république islamique offre une opportunité de victoire militaire sans pareille pour les Etats-Unis car les Iraniens exècrent ouvertement leur régime et combattraient pour sa destitution si les Etats-Unis leur offrent le support nécessaire. Au détour, Ledeen explique que ces changements (incluant une transformation du régime syrien et saoudien) seraient les meilleures garanties de voir le conflit israélo-palestinien s’achever, les oreilles du Président Bush n’étant ouvertes qu’aux Etats démocratiques.
L’expertise de la Rand (The Persian Gulf in the coming decade : trends, threats, and opportunities) confirme la décrépitude de la puissance militaire iranienne suggérée par Ledeen. " La menace conventionnelle posée par l’Iran est encore plus faible que celle de l’Irak. La république islamique ne s’est pas encore relevée de la première guerre du Golfe (1980-1988) qui a tué des centaines de milliers d’iraniens (…) L’Iran souffre d’un manque de fournisseurs d’équipements militaires, son budget de la défense s’est aminci durant la dernière décade (…) depuis 1995, elle s’est montrée moins active à promouvoir des troubles dans le Golfe ." En somme, l’aura de la révolution iranienne a énormément décliné, réduisant drastiquement le nombre de ses partisans et la rendant vulnérable à une attaque américaine. L’AEI rappelle, par un article publié le 30 mai 2003 (The moment of truth ?), que la doctrine chiite, qui a toujours prôné la séparation de l’Etat et du culte, était pervertie par Khomeyni et ses successeurs. L’Amérique devrait donc utiliser les chiites d’Irak, fidèles à leurs dogmes, pour insuffler un changement en Iran.
Au-delà de cette littérature, plus ou moins engagée en faveur d’un renversement du régime théocratique iranien, l’avenir de l’Iran semble se jouer actuellement en Irak. La complaisance iranienne vis à vis de l’occupation de Bagdad pourrait s’avérer être une tentative payante de sauvegarde du régime.
Le caractère global des actions menées par Washington insère l’Iran dans une perspective bien plus large, qui de l’Irak à la Corée du Nord, cherche à définir une politique rationnelle et cohérente. La " guerre sainte " à laquelle nous assistons actuellement est peut-être l’acte fondateur de l’empire américain, qui pour la première fois semble enclin à agir d’une manière offensive. La doctrine de préemption n’est que la façade défensive de cette stratégie qui prend acte de la puissance américaine et de la nécessité de la protéger contre des menaces futures.
La réalité de l’empire marque, aussi, celle de son environnement périphérique qui, par essence, devient suspect. Les écrits néo-conservateurs ayant trait à l’Europe, à l’Asie et au système monde en général le démontreront, dans la deuxième partie de notre dossier que nous publierons en janvier 2004.
Restez en contact
Suivez-nous sur les réseaux sociaux
Subscribe to weekly newsletter