Dans son interview du 8 février, George W. Bush a utilisé 22 fois le mot « terroriste » alors qu’il n’avait jamais été interrogé sur la question. En effet, ce mot permet de tout justifier et peu de politiciens américains ou d’analystes osent remettre en cause le fait que le « terrorisme » serait la plus grande menace à laquelle font face l’Amérique et le monde.
C’est le mot même de « terrorisme » qui est dangereux car il n’est pas défini précisément et parce qu’il est utilisé pour désigner tout ce qui est détesté. Juridiquement, il n’a pas besoin d’être défini précisément puisque les actes « terroristes » comme les « meurtres de masse » ou le « sabotage » sont déjà définis par la loi. Toutefois, ces termes, dans la rhétorique politique, n’ont pas la même force de diabolisation que le mot « terroriste ». On essayera de comprendre les motivations d’un individu qui aura commis un meurtre de masse à des fins terroristes, mais pas les motivations d’un « terroriste » puisqu’il incarne le mal absolu.
Le pauvre, le faible et l’opprimé ont rarement à se plaindre du « terrorisme » tandis que le riche, le fort et l’oppresseur le font constamment. La plus grande part de l’humanité a surtout à craindre la violence de haute technologie des forts et l’abus du mot « terroriste » est essentiellement le fait de justifier ce présupposé : la violence des faibles est tellement intolérable que l’homme fort est en droit d’utiliser n’importe quel moyen de haute technologie pour y mettre fin. Sans surprise, le terme « terroriste » désigne aujourd’hui tous les mouvements d’insurrection dans les discours du pouvoir auquel ils s’opposent. « Terrorisme », c’est en fait la violence que je ne soutiens pas.
Il faut accepter le fait que « terroriste » est en réalité un épithète subjectif et non une réalité objective. On éradiquera jamais la violence de ceux qui veulent une vie meilleure, on pourra au mieux limiter le nombre d’attaques en s’attaquant à l’injustice.

Source
International Herald Tribune (France)
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« ’Terrorism’ : A world ensnared by a word », par John V. Whitbeck, International Herald Tribune, 18 février 2004.