Cet article du quotidien Libération est remarquable par l’utilisation systématique d’informations de deuxième ou troisième main, obtenues via des sources rarement identifiées. Ainsi, en citant au conditionnel l’Agence France-Presse, qui elle-même reprend les informations d’une radio espagnole, Libération appuie son analyse sur des données dont l’origine est difficilement vérifiable. Plus inquiétant, la plupart des "révélations" comprises dans l’article sont clairement le fait des autorités policières. Ce qui n’est pas précisément un gage de fiabilité dans le cadre d’une enquête aussi sensible. Ici, la frénésie du " scoop " rejoint l’exigence de résultats immédiats à laquelle la police est astreinte dans le contexte politique et aboutit immanquablement à ériger les préjugés en certitudes d’un instant. À défaut d’éléments tangibles, le journal et la police s’accrochent à la théorie du "complot islamique mondial " selon laquelle, de New York à Nadjaf, de Madrid à Casablanca, les attentats qui secouent la planète depuis trois ans sont tous le fait d’une unique organisation tentaculaire et souterraine, dont les "réseaux dormants" se réveillent aujourd’hui en Europe pour ébranler l’Occident. Ce faisant, ils accréditent un peu plus le mythe qu’ils contribuent à fabriquer.
Ces méthodes approximatives d’investigation conduisent à des non-sens comme la conclusion de l’article : Libération écrit ainsi que "selon El Pais", la cassette de revendication attribuée à Al Qaïda est authentique, bien que la personne qui y figure n’ait pas été identifiée. "Authentique" signifie-t-il que la cassette a bien été enregistrée avec une caméra ?
Liberation (France) | 16 mars 2004
Zarqaoui, un nom derrière les attentats de Madrid
Selon les médias espagnols, le Jordanien aurait commandité le carnage, un Algérien l’aurait organisé, et six Marocains seraient identifiés comme poseurs de bombe • Pour les Américains, Zarqaoui est un des principaux responsables du terrorisme islamiste •
Selon la radio privée espagnole Cadena Ser, citée par l’AFP, un Algérien déjà connu par la police, Said Arel, aurait coordonné la préparation des attentats de Madrid sous les ordres du Jordanien Abou Moussab al-Zarqaoui, soupçonné de liens avec le réseau terroriste Al-Qaeda, et dont la tête a été mise à prix par Washington pour 10 millions de dollars.
Pour les Américains, ce Jordanien de 37 ans, de son vrai nom Fadel Nazzal al-Khalayleh, est aujourd’hui le principal maître d’œuvre du terrorisme islamiste en Irak, mais aussi au Maghreb et en Europe (Libération de lundi). Les Etats-Unis l’ont désigné comme le « suspect numéro un » dans les attentats survenus en août 2003 à Najaf (Irak) et contre les bureaux de l’ONU à Bagdad. Grièvement blessé à la jambe pendant l’offensive américaine contre les talibans en Afghanistan, il aurait été exfiltré puis opéré en Irak. C’est là qu’il aurait commandité l’assassinat d’un diplomate américain en poste à Amman en 2002.
Six Marocains - dont cinq sont en fuite, et le sixième a été arrêté samedi - auraient été de leur côté identifiés comme des poseurs de bombes par la police espagnole, écrit mardi le quotidien « El Pais », citant des sources proches des services de sécurité. Mais des activistes de différentes nationalités pourraient avoir fait partie du groupe ayant commis les attentats. Parmi ces six hommes, Jamal Zougam (lire l’article), qui fait partie d’un premier groupe de cinq hommes arrêtés samedi et identifié dès lundi. Zougam aurait été reconnu par deux survivants des attentats dans les trains de banlieue madrilènes. Selon Cadena Ser, un voyageur a ainsi affirmé qu’il se trouvait dans le même wagon que lui, appuyé contre une des cloisons.
Jamal Zougam fait partie d’une famille discrète d’épiciers marocains du quartier populaire de Ascao depuis 15 ans, indique « El Pais ». Leurs activités commerciales s’étaient étendues à d’autres commerces, tenus par les fils de la famille. Cela allait de la droguerie à la vente de téléphones portables et de cartes téléphoniques, dont s’occupait, depuis peu, Jamal. A 33 ans, Jamal n’est pas un inconnu des dossiers de l’antiterrorisme : il a été cité à deux reprises par le juge madrilène Baltasar Garzon dans une enquête sur la préparation des attentats du 11 septembre 2001 à New York - mais pas inculpé. Lié à la filière des intégristes marocains afghans, il serait également impliqué dans les attentats du 16 mai 2003 à Casablanca (45 morts).
Selon le quotidien marocain « Aujourd’hui le Maroc » de lundi, Zougam aurait été hébergé à Madrid par Abdelaziz Benyaïche, frère de Salaheddine Benyaïche, arrêté au Maroc dans le cadre de l’enquête sur ces attentats. Derrière ces attaques, encore l’ombre d’al-Zarqaoui.
Les enquêteurs tentent aussi de remonter la piste des explosifs et des détonateurs utilisés dans les attentats, tous de fabrication espagnole. La manière dont les terroristes se les sont procurés « est encore une des grandes inconnues » de l’investigation, écrit « El Pais ». Les investigateurs pensent qu’un des poseurs de bombe aurait fait ses études à l’Ecole des mines de Nancy (France), indique sans autres précisions le quotidien.
Par ailleurs, la cassette vidéo retrouvée samedi, dans laquelle un inconnu a revendiqué les attentats au nom du réseau terroriste Al-Qaeda, « est authentique », affirme « El Pais ». Mais la police ignorerait cependant toujours l’identité de l’individu qui apparaît dessus. La police chercherait notamment à savoir si cette voix est la même que celle qui avait revendiqué les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis.
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