Le 13 février 2006, le ministre de l’Intérieur français, Nicolas Sarkozy, s’exprimant sur la radio RMC-Info, quelques minutes avant que l’Observatoire national de la délinquance ne délivre son rapport, s’est déclaré favorable à la création d’un fichier national révélant les origines ethniques des délinquants. Par cette déclaration, le ministre légitime implicitement l’explication des comportements asociaux par l’origine ethnique, une des théories à la source de la doctrine de la « Tolérance zéro » (Voir la partie consacrée à Charles Murray dans « Le Manhattan Institute, laboratoire du néo-conservatisme », par Paul Labarique, Voltaire, 15 septembre 2004), appliquée à New York par le maire républicain Rudolph Giuliani, à laquelle M. Sarkozy fait souvent référence.
Comme souvent quand M. Sarkozy fait des annonces spectaculaires, le terrain médiatique avait été savamment préparé à l’avance (Voir « France : La « guerre au terrorisme » entre en campagne par Cédric Housez, Voltaire, 7 octobre 2005] ») afin de donner le maximum d’impact et de retentissement à la déclaration. Ainsi, le ministre de l’Intérieur avait lancé un premier ballon d’essai en évoquant, le 24 janvier 2006, le « phénomène très préoccupant » de « bandes constituées sur des critères ethniques avec une violence endémique » lors d’un discours prononcé à l’occasion des vœux du syndicat policier Alliance. Ensuite, l’émission à laquelle il participait bénéficia de publicités dans la presse les jours précédents, donnant un caractère exceptionnel à ce qui n’était, a priori, qu’une intervention de plus du très médiatique ministre. Enfin, et surtout, la problématique développée par Nicolas Sarkozy sur le besoin de connaître les origines ethniques des délinquants avait été mise à l’honneur par les hebdomadaires français Le Point et L’Express, les semaines précédentes.
Dans son édition du 2 février 2006, Le Point avait réalisé un dossier spécial sur les violences qui avaient secoué certaines banlieues populaires en France en novembre 2005 (« Banlieues - Ce que l’on n’ose pas dire », Le Point, 2-9 février 2006). L’hebdomadaire avait largement relayé la vision d’émeutes ethniques ou de violences liées aux origines, thème récurrent pour ce journal. La semaine suivante, L’Express consacra un dossier spécial à la délinquance (« Ce qu’on n’ose pas dire sur la criminalité », L’Express, 9-16 février 2006) dont une large part était consacrée à l’origine des délinquants (« 1. L’origine des délinquants », par Laurent Chabrun, Eric Pelletier, Romain Rosso, L’Express, 9-16 février 2006). Marginalisant complètement la dimension sociale de la délinquance, l’hebdomadaire préférait se fonder sur les déclarations de policiers anonymes pour classer les délinquances en fonction des origines et créer des associations entre type de crime et origines. Ainsi, on peut lire dans ce dossier que si les Français noirs sont avant tout violents, les Français arabes travaillent davantage en bande et sont liés au trafic de drogue. Alors que L’Express, ne faisait que reprendre les stéréotypes racistes malheureusement courants dans la société française, il estimait que le sujet est un « tabou » qu’il conviendrait de briser, expression martelée aussi bien dans l’article que dans l’éditorial introductif du dossier. Il ne peut donc que se réjouir que ce « tabou » soit brisé par Nicolas Sarkozy au nom de la « transparence ».
Rappelons qu’un des principes fondamentaux de la République laïque est de considérer chaque homme comme libre et égal en droits quelque soit son origine, ce qui implique que l’État s’interdise de connaître les origines ethniques des individus, y compris des délinquants.
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