Prévenant que « l’heure de vérité » approche pour l’ONU, le Secrétaire général a appelé aujourd’hui les Etats Membres à atténuer leur rhétorique face aux réformes proposées et à parvenir à un compromis visant à éviter une crise financière et à ouvrir la voie à de véritables changements dans l’Organisation.
Pour « ceux qui tiennent à la réforme » l’heure est venue de « former une nouvelle coalition, une coalition qui referme le fossé artificiel et néfaste entre le Nord et le Sud et regroupe tous ceux qui veulent collaborer parce qu’ils ont la même ambition pour l’ONU : en faire une organisation qui fonctionne réellement, pour le plus grand bien de tous les peuples du monde », a déclaré aujourd’hui le Secrétaire général dans une tribune au quotidien britannique « Financial Times ».
« La semaine dernière, le Vice-secrétaire général de l’ONU a provoqué une mini-tempête en disant dans un discours que, s’ils veulent parvenir à réformer l’Organisation, les États-Unis devraient faire un effort sérieux pour dialoguer avec les autres États Membres », a rappelé Kofi Annan (dépêche du 7.06.06 sur le discours de Mark Malloch Brown et dépêche du 8.06.06 sur la réaction de Kofi Annan).
« Il avait absolument raison. Mais - il le pense comme moi - cela vaut aussi pour beaucoup d’autres pays », a dit le Secrétaire général.
« Pour l’ONU, l’heure de vérité approche. En décembre, les États Membres ont adopté un budget couvrant les années 2006 et 2007 - l’exercice biennal actuellement en cours - mais limité les engagements de dépenses au minimum nécessaire pour que l’Organisation puisse fonctionner pendant six mois » (dépêche du 24.12.05).
« Avec les Etats-Unis à leur tête, les gros bailleurs de fonds ont insisté pour que le reste des fonds ne soit débloqué que quand des progrès sensibles auraient été accomplis dans la réforme de l’ONU. L’échéance approche à grands pas, et il n’est pas du tout sûr que les États en question jugeront les progrès suffisants. Personne, ni dans un camp ni dans l’autre, n’a trouvé le moyen de susciter un dialogue constructif sur la suite de la réforme », a-t-il déclaré.
« Les États-Unis essaient de tirer sur les cordons de la bourse pour imposer une réforme de la gestion réellement nécessaire et les pays en développement se rebiffent face à ce procédé », a expliqué le Secrétaire général.
« La plupart d’entre eux savent bien que la réforme est indispensable, d’autant plus que c’est chez eux que l’ONU mène une grande partie de ses activités : maintien et consolidation de la paix, secours d’urgence, promotion des droits de l’homme, assistance électorale et lutte contre les maladies infectieuses ».
« En fait, c’est eux qui ont le plus à gagner à ce que l’Organisation soit bien gérée et à ce que les Membres en aient pour leur argent. Ce qu’ils contestent n’est pas tant tel ou tel volet de la réforme que ce qu’ils perçoivent comme l’influence écrasante exercée par quelques pays riches, dans une organisation censée reposer sur ’le principe de l’égalité souveraine de tous ses membres’ », a poursuivi le Secrétaire général.
Kofi Annan a par ailleurs rappelé que, « comme Tony Blair l’a constaté à Washington il y a deux semaines », « c’est toute la mécanique onusienne qui doit être refondue, y compris le Conseil de sécurité ».
Mais, a-t-il souligné, « il n’y a pas que le Conseil de sécurité qui, de par sa composition, est figé au milieu du XXe siècle ».
« La façon dont l’ONU est gérée et l’attitude de bien des gouvernements vis-à-vis de l’Organisation sont aussi complètement dépassées. Ni l’une ni l’autre n’a vraiment évolué, alors que l’ONU, s’il fut un temps où elle se bornait à organiser des conférences et à produire des rapports, conduit aujourd’hui des opérations extrêmement complexes pesant des milliards de dollars pour aider tantôt à maintenir la paix et tantôt à surmonter des crises humanitaires. De ce fait, les institutions dont nous disposons ne sont pas celles dont nous avons besoin pour faire face aux défis mondiaux de ce siècle-ci. Cela ne peut plus durer », a-t-il insisté.
« Par rapport à l’ampleur de notre tâche, ces objectifs ne sont pas excessivement ambitieux. Comment les gouvernements pourraient-ils ne pas s’entendre sur les moyens de concrétiser ces réformes sans que toute l’Organisation soit complètement immobilisée ? », s’est interrogé le Secrétaire général.
Suite aux demandes des Etats membres formulées dans le document final du sommet mondial 2005, le Secrétaire général avait présenté le 7 mars dernier un rapport intitulé « Investir dans l’ONU », qui proposait de refondre complètement le Secrétariat pour qu’il soit mieux adapté aux réalités d’aujourd’hui et pour qu’il gère mieux les Nations Unies sur le terrain (dépêche du 7.03.06 et dépêche du même jour sur le détail du rapport).
A l’issue de longues négociations, les délibérations à la commission budgétaire de l’Assemblée générale sur ces propositions de réforme s’étaient terminées par le vote d’une résolution – contrairement à la pratique du consensus - à la demande du Groupe des 77 représentant les pays en développement à l’ONU, demandant une série de nouvelles études sur la question et retardant de fait le processus de réforme.
Le Secrétaire général avait alors exprimé son « profond regret » face à cet échec.
Dans la perspective du Sommet mondial, le Secrétaire général avait présenté en mars 2005 un vaste projet de réforme des Nations Unies dans leur ensemble, comprenant notamment une refonte du Conseil de sécurité, dans son rapport intitulé « Dans une liberté plus grande ».
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