Monsieur le Secrétaire général,
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les Ministres,

Une fois de plus le Liban et son peuple paient un terrible prix à la guerre. Une fois de plus ses infrastructures sont détruites. Une fois de plus sa stabilité politique est mise à mal avec le risque de recréer les divisions entre communautés qui ont tant fait souffrir ce malheureux pays. Une fois de plus le déchaînement de la violence menace de le ramener 30 ans en arrière, entraînant un drame humanitaire de grande ampleur. Personne ne songe ici à remettre en cause le droit à la sécurité d’Israël et mes pensées vont aux victimes israéliennes. Mais personne ne peut accepter que le Liban soit détruit et humilié comme il l’est actuellement. Ce n’est ni acceptable pour la communauté internationale, ni souhaitable pour l’avenir de la paix dans la région. C’est pourquoi la France souhaite que cessent les violences, le plus rapidement possible, et que la communauté internationale trouve les moyens d’un accord politique juste et durable.

Car c’est bien un drame humanitaire qui se joue en ce moment au Liban.

Je me suis rendu deux fois à Beyrouth la semaine dernière. J’ai pu constater les destructions croissantes des infrastructures civiles, j’ai pu voir l’approfondissement de cette crise. Nous connaissons tous les chiffres : plus de 200 morts et 400 blessés, près de 700.000 personnes déplacées.

Face à ce drame, la France, liée par une histoire vieille de plusieurs siècles et par des liens profonds avec le Liban, a décidé d’agir vite et elle entend poursuivre sa mobilisation. Elle a ainsi décidé, comme priorité absolue, d’acheminer une aide humanitaire qui devrait atteindre 20 millions de dollars.

Le président de la République française a, par ailleurs, exigé l’ouverture de "corridors humanitaires" à l’extérieur et dans le Liban même. Cela a été obtenu avec l’appui d’un certain nombre d’entre vous, que je tiens à remercier, et en accord avec les autorités israéliennes.

Face à cette terrible épreuve, notre première priorité doit être d’obtenir un arrêt immédiat des hostilités, ce que le Premier ministre français, Dominique de Villepin, a qualifié de "trêve humanitaire".

Mais notre responsabilité collective aujourd’hui ici à Rome ne peut se limiter à la compassion et à l’aide humanitaire.

Je le dis clairement : il n’existe pas aujourd’hui et il n’existera pas demain de solution strictement militaire à la crise israélo-libanaise. Il faut en revenir à une solution politique.

Cette solution politique repose à nos yeux sur trois conditions

D’abord, elle doit permettre de restaurer la pleine souveraineté de l’Etat libanais sur l’ensemble de son territoire et garantir la sécurisation durable de la frontière israélo-libanaise. Affaiblir le gouvernement libanais, symbole de la restauration pour laquelle nous avons tant travaillé, ce serait aller à l’encontre de ce que nous avons fait depuis plus d’un an au sein même de ce groupe . Sans cela, il n’y aura pas de paix durable au Liban.

Ensuite, cette solution ne peut être imposée de l’extérieur : elle requiert la participation et l’accord du gouvernement israélien, mais aussi - et je veux dire surtout - du gouvernement libanais. Ce dernier doit être au centre de toute solution.

Enfin, cette solution ne peut voir le jour que dans le cadre des Nations unies, en rassemblant la communauté internationale tout entière sur des objectifs partagés. Le Conseil de Sécurité a déjà défini les principaux éléments d’une stabilisation durable, à travers les résolutions 425, 1559 et 1680. Pour la France, les Nations unies sont le cadre naturel et nécessaire des conditions de sortie de crise. C’est au Secrétaire général de l’ONU qu’il appartiendra d’être l’acteur de cette mission.

Dans ces conditions, la mise en place d’une force internationale de sécurité n’a de sens qu’à une double condition :
 elle doit suivre et non précéder un accord politique, clef de toute solution durable, et qui doit être conclu entre toutes les parties concernées.
 Elle doit s’accompagner d’un mandat clair défini par les Nations unies et des règles d’engagement fortes.

Nous devons cependant être très précis dans la définition de la séquence diplomatique qui doit désormais s’engager. La France éprouve de sérieux doutes sur l’hypothèse, avancée par certains, du déploiement d’une force intérimaire immédiatement après l’arrêt des hostilités et sans un accord politique préalable. Dans un contexte de violences, cette option risque d’ajouter l’insécurité à l’instabilité.

Les conditions politiques d’une sortie de crise

Je le répète, les objectifs de la campagne israélienne en cours ne peuvent être atteints par des voies strictement militaires. De la même manière, la communauté internationale ne saurait agir que dans un cadre politique défini entre les parties.

Je crois que nous nous pourrions tous être d’accord sur plusieurs points :
 la nécessité de parvenir le plus rapidement possible à une cessation des hostilités ;
 le fait qu’une solution durable doit se fonder sur un accord politique, sur la base des résolutions 1559 et 1680 ;
 la conviction qu’un tel accord permettra le déploiement d’une force internationale qui en garantira l’application.

Nous devons cependant être très précis dans la définition de la séquence diplomatique qui doit déboucher sur la conclusion et la mise en œuvre de cet accord politique

C’est pourquoi nous envisageons la séquence suivante :

 tout d’abord l’arrêt des hostilités, pour satisfaire à l’objectif humanitaire essentiel de protection des populations civiles. La Finul pourrait, dans ce contexte, se charger de certaines tâches humanitaires, en bénéficiant d’un mandat renforcé ;

 ensuite la définition par la communauté internationale d’un cadre général de règlement du conflit, sur la base des résolutions 1559 et 1680. Celui-ci proposerait également un règlement de la question des frontières, notamment dans la zone des Fermes de Chebaa. Ce règlement comprendrait, par ailleurs, une série de garanties en matière de sécurité, incluant une neutralisation des arsenaux de missiles et de roquettes du Hezbollah, il devrait aussi apporter une solution à la question des prisonniers.

 Dans ce contexte, on pourrait alors définir le mandat d’une force de sécurité internationale qui aurait pour objectif d’aider l’armée libanaise à se déployer au Liban-sud et à renforcer ses capacités. Dans le même temps, cette force internationale surveillerait la mise en place de la zone-tampon qui devrait constituer la garantie d’un retour à la sécurité dans cette région.

 L’ensemble de ces propositions fait aujourd’hui l’objet du plan que je me propose de vous soumettre. Il y a les éléments de base d’un projet de résolution que la France pourrait présenter, dans les prochains jours au Conseil de sécurité de l’ONU.

Stabilisation et reconstruction

Pour finir s’agissant de la stabilisation et de la reconstruction du Liban, nous éprouvons de sérieux doutes sur l’hypothèse du déploiement d’une force intermédiaire en l’absence d’un accord politique global engageant l’ensemble des parties concernées :
 une force internationale déployée sans accord politique préalable sera par l’une au moins des parties comme hostile ;
 une force sans mandat politique clair est une force sans légitimité.

Les principales taches d’une force internationale, utile et crédible, doivent donc être fondées sur les principes suivants :
 elle doit être acceptable par les parties en présence ;
 elle doit agir sous un mandat précis de l’ONU, c’est à dire sous chapitre VII, et doit être en mesure de faire rapport régulièrement et de manière exhaustive au Conseil de sécurité ;
 elle doit bénéficier de règles d’engagement fortes pour assurer sa crédibilité ;
 elle doit reposer sur la participation aussi large que possible de contributeurs sérieux et expérimentés ;
 l’appui à l’armée libanaise pour faciliter son déploiement au sud du pays et assurer le renforcement de ses capacités ;
 la surveillance et le contrôle de la zone de sécurité qui serait mise en place à la frontière israélo-libanaise ;
 le soutien à la mission d’observation et de surveillance des frontières.

Cette force internationale sera le témoignage concret de l’engagement de la communauté internationale aux côtés du Liban et d’Israël pour ramener la stabilité dans cette région trop souvent meurtrie et trop longtemps vouée à la répétition des violences et des destructions.

Tous ensemble, nous devons réaffirmer notre détermination à participer à la reconstruction du Liban et à aider ce pays à poursuivre, dans la voie du dialogue entre ses différentes communautés. Aux Libanais qui aspirent à la paix, aux Israéliens qui ont droit à la sécurité, notre réunion de ce jour doit offrir un message d’espoir et de confiance dans l’avenir. La France, pour sa part, est disposée à jouer tout son rôle dans l’action urgente qui s’impose désormais pour faire cesser les violences et retrouver le chemin de la négociation, du dialogue et de la tolérance./.

Source
France (ministère des Affaires étrangères)