Je suis très heureux de voir que la vision que la France a proposée au Conseil de sécurité, par l’intermédiaire d’un projet de résolution, il y a quelques jours, est en grande convergence avec ce texte, qui a été adopté par les 25 pays de l’Union européenne.

En effet, nous demandons depuis le début de ce conflit une "cessation immédiate" des hostilités ; c’est ce qui est repris dans ce texte. Nous disons aussi dans le calendrier diplomatique très précis que nous avons présenté, qu’après cette "cessation immédiate" des hostilités, nous demandons les conditions politiques d’un accord - seules conditions pour obtenir un cessez-le-feu durable. Ainsi le principe de la recherche des conditions politiques pour obtenir un cessez-le-feu durable figure également dans ce texte.

Pour nous, il est évident que la présence d’une force multinationale sous mandat de l’ONU est uniquement possible s’il y a un accord politique, autrement dit, le moment venu. Cette idée française est également reprise. Nous avons souhaité que la force multinationale soit sous mandat de l’ONU et c’est le cas également.

Enfin, nous avons pensé qu’il fallait, d’une part, adresser un message aux autorités israéliennes concernant la sécurisation des corridors, qu’ils soient aériens, maritimes ou terrestres - c’est ce qui est repris dans ce texte -, et, d’autre part, la création de corridors pour le Sud-Liban - c’est également repris dans le texte.

Voilà, Mesdames, Messieurs, ce que nous pouvons dire.

Je suis satisfait de voir qu’en termes de politique étrangère, l’Union européenne est capable - à l’occasion de ce conflit - de parler d’une seule voix. En marge de cette déclaration commune, nous avons également abordé le conflit israélo-palestinien, qui ne peut pas être traité séparément, en disant qu’il était important de souligner que la situation devenait de plus en plus préoccupante à Gaza. J’ai pris la parole, pendant la réunion, pour dire que nous devrons dans l’avenir, davantage soutenir les efforts actifs pour sortir de cette crise en aidant, en particulier, la médiation égyptienne afin de trouver les éléments de la solution. Il s’agit, notamment, de la libération, le plus rapidement possible et sans condition, du caporal Shalit qui est de nationalité israélienne, mais également française, ainsi que la libération des ministres et des parlementaires du Hamas, actuellement emprisonnés.

Q - La France et l’Allemagne se sont divisées sur la formule proposée initialement par la Présidence finlandaise qui a appelé à un cessez-le-feu immédiat. Cela n’est pas repris dans la formule qui parle d’une "cessation immédiate" des hostilités pour un cessez-le-feu durable

R - C’est repris et je peux vous donner le texte. Nous demandons cela et, si vous m’écoutez maintenant depuis dix jours, vous pouvez observer que c’est ce que nous faisons, c’est-à-dire que nous avons, comme le Secrétaire général des Nations unies, parfaitement établi le calendrier.

Ce que l’on appelle une "cessation immédiate" des hostilités - c’est ce que j’avais défendu à plusieurs reprises, à Rome, mais qui n’avait pas été repris. Je l’avais même déploré à l’époque, mercredi dernier. Ce qui manquait c’était le mot "immédiat", "cessation immédiate" des hostilités. Vous pouvez l’appeler cessez-le-feu ou "cessation immédiate", c’est comme vous le voulez. En réalité, c’est une "cessation immédiate" des hostilités. Nous pensons qu’il faut un accord politique pour un cessez-le-feu durable ; il s’agit d’autre chose. C’est cet accord politique pour un cessez-le-feu durable qui constitue, à notre avis, la condition pour participer éventuellement à une force multinationale sous mandat de l’ONU, afin que l’armée libanaise se déploie au Sud-Liban.

Q - Au dernier Conseil Affaires générales, vous aviez déjà appelé à une "cessation immédiate" des hostilités. La Présidence aujourd’hui vous a proposé d’avoir un message plus fort avec un cessez-le-feu immédiat.

R - Quelle différence faites-vous entre la cessation immédiate des hostilités et le cessez-le-feu immédiat ?

Q - Il y a une différence juridique.

R - Non, aujourd’hui, c’est ce que nous demandons dans le projet de résolution du Conseil de sécurité. Nous demandons - ce qui n’avait pas été fait ni par le Conseil de sécurité des Nations unies jusqu’à maintenant, ni par la déclaration du Core Group de mercredi - une "cessation immédiate" des hostilités.

Je vous assure que c’est une étape importante. L’Union européenne vient apporter son aide à la résolution française au Conseil de sécurité des Nations unies. Plusieurs participants l’ont dit de manière très forte, en disant : "aidons la résolution française, le projet de résolution français". Parce que c’est celui qui, aujourd’hui, nous permet de dire : "cessation immédiate" des hostilités, puis accord politique avec cessez-le-feu durable, et, ensuite, et uniquement ensuite, force internationale.

Si vous observez aujourd’hui les différences entre les uns et les autres, vous voyez bien que c’est autour de ces deux sujets que porte la discussion, c’est-à-dire le mot "immédiat" d’un côté, et, ensuite, les mots "force internationale", avant ou après un accord politique.

Q - Croyez-vous que ce texte pourra être accepté par les Etats-Unis ?

R - Ce n’est pas un texte qui va être présenté à qui que ce soit, c’est un texte qui a une forte valeur politique, qui est signé par tous les membres de l’Union européenne, et qui appelle à une "cessation immédiate" des hostilités, et, ensuite, à un accord politique pour un cessez-le-feu durable. Nous allons présenter ce texte à nos partenaires.

Le projet de résolution française au Conseil de sécurité des Nations unies a été présenté il y a quelques jours. Nous sommes aujourd’hui en train de le présenter à nos partenaires et j’espère que nous aurons un enrichissement de cette résolution par nos partenaires, y compris par les Etats-Unis.

C’est ce que nous souhaitons. Nous souhaitons travailler avec eux à la construction d’une paix durable entre Israël et le Liban. Je souhaite en effet que dans les jours qui viennent - je pense en effet qu’il faut aller très vite - nous puissions avoir un accord au Conseil de sécurité des Nations unies

Q - Pouvez-nous dire quelque chose de votre conversation avec M. Mottaki. Est-ce que l’Iran soutient l’idée d’une force de stabilisation ?

R - Je n’ai pas évoqué cela particulièrement. Comme vous le savez, hier était une journée importante pour le Conseil de sécurité des Nations unies, puisque nous avons eu l’occasion, sous présidence française, dont c’était le dernier jour, de faire voter une texte à l’unanimité, sauf une voix. Il précise que si l’Iran ne répond pas à la proposition que la communauté internationale lui fait- c’est-à-dire un paquet positif des propositions avantageuses, ambitieuses, positives concernant l’énergie nucléaire civile à des fins pacifiques et non militaires, associées à des propositions politiques et économiques- d’ici la fin août, alors, il existe des possibilités d’avoir des mesures négatives, c’est-à-dire des sanctions, sous chapitre VII de la Charte des Nations unies, article 41. Cela a été proposé, en particulier, par les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, et cela avait été décidé, le 12 juillet, au Quai d’Orsay. C’est dans ce cadre-là que tout cela se passe. Comme l’a rappelé le président de la République dans son entretien au "Monde" le 26 juillet, l’Iran a une part de responsabilité dans le conflit actuel. L’Iran peut donc jouer un rôle dans sa solution et donc contribuer bien sûr à la stabilisation dans la région, mais il lui appartient de se montrer à la hauteur de cette responsabilité. L’Iran a toujours souhaité apparaître comme un pays qui compte dans la région. Nous lui disons simplement qu’il faut alors qu’il assume les responsabilités d’une telle position. Il nous paraît important de tout faire pour assurer la stabilité de la région. Quant aux propos qu’a pu tenir M. Ahmedinejad durant ces derniers mois, non seulement ils me choquent, je les ai condamnés, et ils sont évidemment inacceptables.

Q - Comment peut-on désarmer le Hezbollah ?

R - Notre position est très claire.

Nous ne croyons pas à une solution purement militaire dans ce conflit israélo-libanais, en particulier, en ce qui concerne le Hezbollah. Nous pensons au contraire que seul un accord politique peut conduire à une sortie de crise durable. Nous sommes les co-auteurs de la résolution 1559, aux côtés des Américains. Et si nous sommes d’accord avec tous nos partenaires sur les objectifs, c’est-à-dire le désarmement du Hezbollah, nous pensons que les moyens doivent en être politiques et nous estimons que nous avons co-écrit la résolution 1559 dans cet esprit.

La deuxième remarque que je ferai, puisque je suis rentré de Beyrouth ce matin, c’est que ce qui est important aujourd’hui comme phénomène politique, comme fait politique au Liban, c’est son unité nationale, c’est le fait que toutes les composantes du gouvernement libanais ont signé le plan Siniora en sept points. Cela donne, à mon avis, une crédibilité internationale à ce plan, et permettez-moi de vous dire pour conclure, que je trouve qu’il existe une convergence forte entre le plan libanais de M. Siniora, et le plan français.

Cette convergence entre le plan français et le plan libanais est de nature, me semble-t-il, à pouvoir redonner une dynamique à une sortie de crise durable.

Q - Monsieur le Ministre, quelle influence pourra avoir la position que vous avez arrêtée aujourd’hui sur le déroulement du conflit, tout en connaissant l’influence limitée qu’à l’Union européenne sur Israël ?

Est-ce que vous allez accompagner les efforts diplomatiques à Bruxelles avec des pressions diplomatiques sur les Etats-Unis, en sachant que c’est l’instance qui va influencer le plus Israël ?

R - Je suis persuadé que Mme Condoleezza Rice travaille elle aussi à un accord politique. Je suis persuadé que nous devons être plusieurs, chacun avec nos atouts, pour trouver un accord politique. Ce n’est pas simplement l’Union européenne qui le fera. L’Union européenne doit apporter sa contribution, doit défendre les valeurs universelles qu’elle porte, en particulier en ce qui concerne la cessation immédiate des hostilités. Mais comme je viens de le dire tout à l’heure, en même temps, il faut à la fois être capable de condamner le Hezbollah, ce que nous avons fait - c’est le Hezbollah qui a commencé ce conflit - mais en même temps, de condamner la disproportion de la réaction israélienne. C’est la position de l’Union européenne. Et je crois aussi que l’Union européenne se devait de faire ce qu’elle vient de faire, non pas parce ce que c’est la position française, mais parce c’est la position européenne.

S’engager dans un conflit, envoyer des forces étrangères dans un pays, enfreindre la souveraineté, l’indépendance, l’intégrité territoriale d’un ou de plusieurs pays alors qu’un cessez-le-feu durable n’a pas été obtenu, c’est mettre le doigt dans un engrenage qui nous paraît dangereux. Je suis heureux que l’Union européenne ait pu reprendre cette idée. Nous avons toujours dit que, le moment venu, cette question se poserait pour la France, s’il existe un cessez-le-feu durable. Mais il faut attendre qu’il y ait un cessez-le-feu durable et donc un accord politique.

Q- Monsieur le Ministre, est-ce que la France a réussi à obtenir le consensus sur sa position ferme à propos du Liban ?

R - La France a obtenu aujourd’hui une aide de la part de l’Union européenne dans son projet de résolution qu’elle présente au Conseil de sécurité des Nations unies.

D’abord l’Union européenne est d’accord avec nous sur une "cessation immédiate" des hostilités. Elle est ensuite d’accord sur le fait qu’il faut d’abord un accord politique entre les parties et non pas une solution purement militaire pour obtenir un cessez-le-feu durable, et donc ensuite éventuellement l’envoi d’une force internationale d’interposition, de surveillance, au Sud-Liban.

Q - Est-ce que les 25 pays de l’Union européenne sont d’accord avec la France pour dire que l’Iran peut jouer un rôle dans le conflit ?

R - Nous n’avons pas abordé ce sujet./.

Source
France (ministère des Affaires étrangères)