Mis en cause dans un dossier de Libération qui annonce son prétendu ralliement au Front national, Thierry Meyssan dément ces élucubrations. Il s’interroge sur les méthodes de certains journalistes, leur absence d’analyse politique et leur dérive vers la peopolisation des sujets qu’ils ne maitrisent pas.
Ainsi va la rumeur. Je lis d’abord dans Le Monde d’hier soir que Bruno Gollnisch est venu me saluer lors d’un spectacle de Dieudonné au Zénith, puis dans plusieurs articles de Libération ce matin que j’aurais rallié le Front national.
Aucun des journalistes auteurs de ces articles n’a jugé utile de vérifier cette imputation grotesque avant de la publier.
Une fois de plus, je suis stupéfait de la méthode de certains de mes « confrères ». Pour eux, le fait que j’ai pu dire bonjour à un député européen du Front national en le croisant dans une salle de spectacle serait une preuve de mon appartenance à son parti. Dans la vie, les sportifs saluent leurs adversaires, les voisins se rendent service sans pour autant partager les mêmes convictions, et les membres d’une famille n’ont pas obligatoirement les mêmes conceptions politiques. Par exemple, que le père de Laurent Joffrin ait été le le banquier du Front national ne signifie en aucun cas que le nouveau rédacteur en chef de Libération soit membre de ce parti.
Aujourd’hui, les journalistes spécialisés ont du mal à comprendre l’évolution de l’extrême droite. À défaut de méthode et de connaissance du sujet, ils procèdent par amalgame et tournent la politique en spectacle où les rencontres d’élus, de sportifs ou d’artistes tiennent le devant de la scène. Cette peopolisation du politique est particulièrement grave. Elle a commencé avec Nicolas Sarkozy et se poursuit aujourd’hui avec Jean-Marie Le Pen. Ce faisant, les journalistes qui la pratiquent font la campagne du Front national : en dressant la liste de ralliements réels ou imaginaires, ils donnent à tort l’impression que des foules immenses s’apprêtent à porter Jean-Marie Le Pen à l’Élysée.
Pendant des années, j’ai étudié le Front national. J’ai été coordinateur du Comité national de lutte contre l’extrême droite. Mes travaux ont été allègrement utilisés par nombre de journalistes. Mais contrairement à certains « confrères », je suis suffisamment sûr de mes convictions humanistes pour ne pas avoir besoin de diaboliser mes adversaires et pour ne pas avoir peur de débattre avec eux. Je n’hésite pas à rencontrer des leaders politiques de tous bords, à étudier leur pensée et à la discuter. Je rejette la stratégie du « cordon sanitaire » comme totalitaire et je défends le principe du débat démocratique. Non, je n’ai pas rallié le FN et je n’ai jamais envisagé de le faire. Oui, j’ai bien l’intention de jouer un rôle dans la campagne électorale qui commence et d’y poursuivre ma critique des idées et des pratiques d’extrême droite. Et pas seulement face au FN.
Suite à un accord conclu avec un des rédacteurs en chef du quotidien Libération, un rectificatif a été publié dans l’édition du 21 décembre 2006 et M. Meyssan a aimablement renoncé à imposer la publication d’un droit de réponse ou à engager des poursuites judiciaires contre le journal.
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