La Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) mène campagne contre le président Hugo Chávez qu’elle présente comme un dictateur muselant la presse. En réalité, la CIDH de l’OEA est placée sous la coupe du département d’État des États-Unis pour lequel elle fait œuvre de propagande. Salim Lamrani analyse les incohérences des accusations lancées contre le Venezuela.
En avril 2007, suite aux pressions de Washington, la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) de l’Organisation des États américains (OEA) a décidé d’ouvrir une enquête à l’encontre du Venezuela pour « atteinte à la liberté d’expression ». La CIDH fait référence à des agressions dont auraient été victimes certains journalistes de deux chaînes de télévision putschistes RCTV et Globovisión, durant le coup d’État [1] — qu’elles avaient par ailleurs soutenu — contre le président Hugo Chávez en avril 2002. Cinq ans après les faits, la Commission a subitement jugé que les plaintes étaient recevables [2].
La CIDH avait maintenu un silence étonnant suite au coup de force du 11 avril 2002, où plusieurs personnes avaient été sauvagement assassinées. Au lieu de se prononcer sur les violations massives des droits de l’homme qui ont suivi le coup d’État qui avait renversé Chávez pendant 48 heures, elle a préféré au contraire accorder du crédit aux plaintes déposées par l’opposition, responsable de la rupture de l’ordre constitutionnel. En réalité, le timing de cette procédure, aux motivations politiciennes, est intimement lié à la décision du gouvernement vénézuelien de ne pas renouveler la concession audiovisuelle à RCVT, qui arrive à son terme le 27 mai 2007 [3].
Le président Chávez n’a pas tardé à réagir pour dénoncer l’hypocrisie de la CIDH qui, selon lui, ne dispose d’aucune autorité morale « pour émettre un quelconque jugement en référence aux affaires constitutionnelles du Venezuela […], car elle a largement soutenu par son silence la violation des droits de l’homme durant le coup d’État d’avril 2002 ». Il a également stigmatisé le manque d’indépendance de la Commission dont les instructions « correspondent aux intérêts de l’administration Bush ». « Comment vont-ils venir donner leur avis alors qu’ils ne se sont pas prononcés sur les faits inconstitutionnels et immoraux du coup d’Etat ? », a-t-il questionné [4].
La position partisane de la CIDH montre malheureusement à quel point elle est tributaire de l’influence de la Maison-Blanche. Il est en effet surprenant de voir cette Commission de l’OEA tenir les autorités vénézueliennes responsables de quelques agressions sporadiques dont ont été sujets certains professionnels des médias privés, alors qu’elle a toujours refusé de condamner la fermeture de la chaîne de télévision publique Canal 8 par les putschistes en avril 2002 et les violences qui se sont ensuivies. Par cette action au timing douteux, la CIDH se prête à la campagne hostile contre le gouvernement bolivarien et vient de perdre le peu de crédibilité qui lui restait.
La question de RCTV
La décision du gouvernement vénézuelien de ne pas renouveler la concession à RCTV est une action parfaitement légale puisque le spectre des ondes hertziennes appartient à l’État. De plus, elle a été largement approuvée par la population, qui a encore en mémoire la participation active de cette chaîne aux sanglants évènements d’avril 2002. De nombreux observateurs se sont d’ailleurs étonnés du fait que les quatre principales chaînes d’information privées Univisión, Globovisión, RCVT et Televen, toutes complices du coup d’État dirigé par Washington, n’aient pas été nationalisées.
Lors d’un acte flagrant d’ingérence dans les affaires internes d’un pays voisin, le Sénat chilien a approuvé une résolution exigeant de sa présidente Michelle Bachelet qu’elle proteste contre le non renouvellement de la concession de RCTV devant l’OEA.
L’accord souscrit par 18 voix contre 6 dénonce « la transgression à la liberté de pensée et d’expression », sans pour autant mentionner l’implication de la chaîne dans les évènements de 2002. L’adoption de ce texte par un Sénat dominé par une majorité de droite n’est guère surprenante, selon le président Chávez : « Il s’agit de la même droite qui avait applaudi le coup d’État » de 2002, « cette extrême droite qui nous hait [5] ». Cet échange virulent a engendré quelques tensions entre les deux nations [6].
Jesse Chacón, le ministre du Pouvoir populaire pour les télécommunications et l’informatique, a expliqué que le non renouvellement de la concession à RCTV était un fait naturel et inexorable. En effet, conformément aux articles 1 et 4 du Règlement sur les concessions pour les télévisions et les radios, l’accord qui a été signé le 27 mai 1987 avec RCTV pour une durée de 20 ans arrive à échéance le 27 mai 2007. L’espace radioélectrique actuellement occupé par RCTV sera destiné à une nouvelle chaîne publique conformément à l’article 108 de la Constitution qui stipule que l’État « garantira des services publics de radio et télévision et des réseaux de bibliothèques et d’informatique afin de permettre l’accès universel à l’information [7] ».
Chacón insiste bien sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une décision politique : « S’il s’agissait d’une décision politique, le 14, 15 ou 16 avril [2002] nous aurions ouvert une procédure administrative et on aurait fermé toutes les chaînes de télévision, car nous Vénézueliens savons comment elles ont activement participé au coup d’État du 11 avril ». Le ministre a souligné que les temps avaient changé depuis 1987 et que désormais la priorité était donnée au service public d’information [8].
RCTV, en plus de sa participation avérée au coup de force de 2002, est la chaîne de télévision qui a été la plus sanctionnée dans l’histoire du Venezuela. Depuis sa création en novembre 1953, le média privé a été sanctionné pas moins de six fois par les autorités. En 1976, sous le premier gouvernement de Carlos Andrés Pérez, RCTV avait été fermée pendant trois jours pour avoir violé la loi sur les programmes télévisuels. En 1980, le gouvernement de Luis Herrera Campins avait décrété une fermeture de 36 heures pour les mêmes raisons. En 1981, elle avait également été fermée pendant 24 heures pour avoir divulgué des scènes à caractère pornographique. Sous le second gouvernement de Carlos Andrés Pérez, RCTV fut sanctionnée pendant une journée pour avoir diffusé de la propagande commerciale en faveur de la consommation de tabac. En 1991, la Cour suprême de justice avait interdit un programme non conforme à la législation. Enfin, en 2005, sous le gouvernement de Chávez, RCTV a été condamnée à une forte amende pour entente illicite avec d’autres chaînes de télévision et violation des règles de la concurrence [9].
Le président Chávez a réaffirmé que la décision prise au sujet de RCTV était irrévocable. Désormais, la deuxième chaîne sera utilisée « au bénéfice de la nation et non contre la dignité des Vénézueliens [10] ».
Hostilité croissante de Washington
Le leader vénézuelien a également accusé le gouvernement des États-Unis de stimuler l’opposition interne en vue de déstabiliser le pays. Un récent rapport du Département d’État accusait Chávez, qui a remporté près de 12 victoires électorales démocratiques successives depuis 1998, de représenter une « menace pour la démocratie vénézuelienne ». L’administration Bush, qui a essayé à plusieurs reprises de renverser le président bolivarien, n’apprécie guère les politiques indépendantes du Venezuela et ses succès sociaux qui installent un dangereux précédent sur le continent. Elle a clairement démontré qu’elle comptait se débarrasser de l’homme le plus populaire d’Amérique latine [11].
Échaudés par les déclarations de Washington, les secteurs extrémistes de l’opposition vénézuelienne n’ont pas tardé à réagir. Le 26 avril 2007, une nouvelle bombe explosait près de l’ambassade de Bolivie à Caracas, faisant d’importants dégâts matériels, et portant à près de onze le nombre d’attentats terroristes commis durant les derniers mois. Plusieurs personnes ont été arrêtées dont deux avocats, Luis Alberto Rodríguez et Diana Carolina Mora Herrera, qui avaient placé les explosifs [12].
Les États-Unis n’ont jamais écarté un éventuel assassinat du président Hugo Chávez. Depuis son élection, sa sécurité personnelle a été extrêmement renforcée et plusieurs plans d’attentats ont été déjoués par les services de renseignement. Washington, qui vient de libérer le Ben Laden latino-américain, Luis Posada Carriles [13], un terroriste responsable, entre autres, de 73 assassinats, a donné un signal clair à Caracas. Une élimination physique d’Hugo Chávez est à l’ordre du jour [14].
[1] « Opération manquée au Venezuela », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 18 mai 2002.
[2] Gerardo Reyes, « Comisión de la OEA demanda a Venezuela », El Nuevo Herald, 27 avril 2007
[3] « Hugo Chávez et RCTV : censure ou décision légitime ? », par Salim Lamrani, Réseau Voltaire, 1er février 2007.
[4] Agencia Bolivariana de Noticias, « CIDH está imposibilitada moralmente para emitir juicio sobre Venezuela », 27 avril 2007
[5] El Nuevo Herald, « El Senado chileno protesta por cierre de Radio Caracas », 13 avril 2007
[6] Associated Press, « Gobierno chileno rechaza críticas de Chávez », 13 avril 2007
[7] Agencia Bolivariana de Noticias, « Decisión de no renovar concesión a RCTV es un hecho natural e inexorable », 29 mars 2007
[8] Agencia Bolivariana de Noticias, « Cierre de RCTV no responde a una decisión política », 29 mars 2007
[9] Agencia Bolivariana de Noticias, « RCTV ha sido el canal más sancionado en Venezuela », 29 mars 2007
[10] Agencia Bolivariana de Noticias, « Presidente Chávez : Quedan pocos días al canal de la oligarquía apátrida », 1 mai 2007
[11] Associated Press, « Chávez acusa a EEUU de estimular conspiraciones en Venezuela », 12 avril 2007
[12] Associated Press, « Detienen abogada por atentado a embajada en Caracas », 27 avril 2007
[13] « Les confessions de Luis Posada Carriles », Réseau Voltaire, 14 juin 2005.
[14] Associated Press, « Chávez acusa a EEUU de nuevo complot en su contra », 1 mai 2007 ; Agencia Bolivariana de Noticias, « Presidente Chávez denuncia reactivación de planes de magnicidio », 1 mai 2007
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