Jean Ziegler doit présenter le 25 octobre prochain, devant l’Assemblée générale des Nations Unies, son rapport sur les agrocarburants. Il demandera un moratoire de 5 ans. « Dans ce monde tel qu’il est aujourd’hui, brûler de la nourriture et la transformer en carburant, c’est un crime contre l’humanité. »
Le développement des biocarburants, selon le rapporteur spécial, loin de diminuer la faim dans le monde va l’aggraver, si du moins on poursuit dans cette voie : « Cet empressement à vouloir subitement et de façon irréfléchie transformer des aliments, tels que le maïs, le blé, le sucre et le vin de palme en carburant revient à courir à la catastrophe. Cela risque d’entraîner une concurrence entre nourriture et carburant qui laissera les pauvres et les victimes de la faim des pays en développement à la merci de l’augmentation rapide du prix des aliments, des terres vivrières et de l’eau. » La logique semble, en effet, imparable : plus les surfaces de plantations nourricières sont transformées en cultures réservées au bioéthanol ou carburant pour voitures propres, plus les récoltes en produits nourriciers sont réduites et plus les prix des denrées augmentent, du fait de leur rareté.
Il explique que pour produire un plein de 50 litres de bioéthanol, il faut brûler 230 kg de maïs, alors que 250 kg est ce qui permet de nourrir une personne pendant une année.
Ziegler rappelle les chiffres : 854 millions, un homme sur 6, est gravement sous-alimenté. Un enfant de moins de 10 ans meurt toutes les 5 secondes. Toutes les 4 minutes, un être humain perd la vue par manque de vitamine A. Ce qu’il appelle le massacre quotidien de la faim augmente. La situation s’aggrave de jour en jour.
Le Brésil, qui a fabriqué 12 millions de tonnes d’éthanol l’an passé, veut devenir un important fournisseur du marché mondial d’ici à 2025. Il travaille, également, sur du biodiesel à base de soja. Là, de grands propriétaires, soucieux de développer leurs exploitations de canne à sucre destinée à la fabrication d’éthanol, ont mordu sur les cultures de haricots rouges, l’un des piliers de la nourriture brésilienne.
Ziegler met en garde : « Si on laisse faire les grandes sociétés multinationales, l’hécatombe de la faim va croître encore. Alors qu’on pourrait déjà aujourd’hui, si on avait une politique agricole mondiale convenable, raisonnée, décidée par les peuples et non par les multinationales, nourrir toute la planète. »
Droit d’asile pour les fugitifs de la faim
Dans son rapport Ziegler exige des états un nouveau contrat mondial concernant les réfugiés de la faim. A son avis, on devrait appliquer au moins le principe de l’accueil provisoire. Dans ce but, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU pourrait développer par exemple la convention des réfugiés de 1951. « Il faut terminer la catastrophe humanitaire qui se déroule à la Méditerranée », disait Ziegler. « Les Européens ne répondent que de façon militaire à ce problème. Les réfugiés de la faim ne sont pas des réfugiés économiques. Ils luttent pour leur survie. »
Le retour
Avec l’introduction du droit d’asile pour les réfugiés de la faim, Ziegler veut contraindre les Etats européens à changer leur politique vis-à-vis de l’Afrique de façon radicale.
Dès que les pays industrialisés seraient obligés d’accueillir ces gens, ils s’intéresseraient à la baisse du chiffre des victimes. C’est pourquoi il faut accroître la pression sur les pays riches selon le sociologue genevois.
« Alors la chance augmentera que les subventions à l’exportation soient abolies et que la politique de’dumping’ européenne qui détruit l’agriculture africaine se termine. » On augmentera également les fonds d’aide au développement, a dit le rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l’alimentation. •
Source : Tribune de Genève du 12/10/07
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