Tendances et événements au Liban

L’assassinat de Imad Mughniyé domine l’actualité

Les préparatifs pour le meeting organisé par le 14-mars pour commémorer le troisième anniversaire de la disparition de l’ancien Premier ministre, Rafic Hariri, ont été éclipsés par l’annonce de l’assassinat de l’un des principaux chefs militaires de la Résistance libanaise, Imad Mughniyé, tué à Damas dans l’explosion d’une voiture piégée. Le Liban est partagé, ce jeudi, entre deux tableaux : le meeting du 14-mars et, presque au même moment, les funérailles de Mughniyé, dans la banlieue sud de Beyrouth. Tous ces développements suscitent un grand nombre d’observations et d’interrogations :
 1. Sur le terrain, l’Armée libanaise et les Forces de sécurité intérieure ont procédé à un déploiement massif pour organiser le déplacement des partisans du 14-mars et ceux de l’opposition afin d’éviter les frictions qui pourraient dégénérer en affrontements violents après les discours belliqueux des ténors du 14-mars ces derniers jours. Surtout que l’assassinat de Mughniyé est intervenu après des déclarations incendiaires contre le Hezbollah de la part de Walid Joumblatt et de Saad Hariri.
 2. Les discours que seront prononcés à l’occasion de la commémoration de Hariri feront l’objet d’une grande attention, surtout que des informations sérieuses font état de médiations européennes dans le but de trouver un compromis susceptible de sortir le pays de sa crise. Mais les dernières interventions des loyalistes ne suscitent pas beaucoup d’espoir sur la réussite de ces médiations, ce qui laisse penser que les États-Unis ne sont toujours pas enthousiastes à l’idée d’une entente entre le 14-mars et l’opposition et œuvrent au pourrissement de la situation dans l’espoir qu’íl provoquerait une grande explosion. Certains analystes estiment que l’assassinat de Mughniyé vise à prouver au 14-mars que Washington et Tel-Aviv ont le bras long et peuvent frapper le Hezbollah n’importe où et à n’importe quel moment. De la sorte, la coalition au pouvoir serait encouragée à durcir ses positions.
 3. Les observateurs attendent la position que le secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah, devrait annoncer lors des obsèques de Mughniyé. Cela permettrait de mieux connaitre la nature de la riposte de la Résistance à l’assassinat de l’un de ses principaux chefs militaires. La presse libanaise a annoncé que sayyed Nasrallah a déjà nommé un successeur à Mughniyé et a pris toutes les mesures nécessaires pour combler le vide laissé par sa disparition, en partant du principe que chaque martyr qui tombe, aussi important soit-il, ne fera que renforcer la Résistance.
 4. L’assassinat de Mughniyé a eu un impact très fort sur la scène palestinienne. Les organisations de la résistance palestinienne ont dénoncé le crime et qualifié de grosse perte la mort du haut responsable militaire du Hezbollah, qui a fait ses débuts de militant dans les rangs de la « Force 17 » de Yasser Arafat, dans les années 70 du siècle dernier. Israël a nié toute implication dans l’attentat, ce qui a été interprété par les analystes comme une volonté de ne pas embarrasser le 14-mars libanais dont la stratégie politique s’inscrit clairement dans le cadre des plans israélo-US concoctés pour la région.

Principaux développements et déclarations

• Imad Mughniyé, « Hajj Radwan », un des principaux chefs militaires du Hezbollah, a été tué mardi soir, vraisemblablement dans l’explosion d’une voiture piégée à Damas. La Résistance libanaise a immédiatement accusé Israël et le Mossad d’être derrière ce meurtre. « Un grand jihadiste a rejoint les grands martyrs. Le leader Imad Mughniyé est mort en martyr assassiné par les Israéliens sionistes », indique un communiqué du Hezbollah lu à la télévision Al-Manar.
Avant le 11 septembre 2001, Imad Fayez Mughniyé était l’ennemi public numéro 1 pour la CIA. Il était recherché dans 42 pays depuis plus de 20 ans. Le FBI, en 2001, avait mis sa tête à prix pour 5 millions de dollars.
Homme énigmatique, vivant dans la clandestinité, Imad Mughniyé est né le 7 décembre 1962, dans le village de Tayr Dibba, au Liban-Sud.
Dans les années 70 du siècle dernier, il rejoint le Fatah et devient membre de la Force 17 (la garde personnelle de Yasser Arafat). Lorsque l’OLP quitte le Liban en 1982, Imad Mughniyé rejoint le Hezbollah.
Son rôle au sein du Hezbollah est entouré d’un grand secret. Il est décrit comme l’artisan de la victoire du Hezbollah contre Israël lors de la guerre de l’été 2006.
Pour Robert Baer, un ancien agent de la CIA qui l’a pourchassé pendant des années, Imad Mughniyé est « probablement le plus intelligent et le plus opérationnel. Il entre par une porte, sort par une autre, change de voiture chaque jour, ne fixe jamais de rendez-vous au téléphone, il est totalement imprévisible ».

 SEAN MCCORMACK, PORTE-PAROLE DU DEPARTEMENT DÉTAT
« Le monde est meilleur sans cet homme sur terre. C’était un tueur de sang-froid. D’une certaine manière, il a été traduit en justice. Washington aurait préféré la capture de Mughniyé et sa comparution devant un tribunal. Mughniyé et son organisation sont responsables d’attentats au Liban dans les années 80, dont une attaque de l’ambassade états-unienne à Beyrouth qui avait fait 20 morts, et un attentat à la bombe de barraquements militaires dans lequel 260 marines américains avaient été tués. Il était aussi responsable du détournement d’un avion de la TWA à la même époque dans lequel un plongeur de la US Navy avait été assassiné. »

 PASCALE ANDREANI, PORTE-PAROLE DU QUAI D’ORSAY
« Nous comprenons que M. Mughniyé faisait notamment l’objet d’un mandat d’Interpol. Il est regrettable qu’il n’ait pu répondre de ses actes devant la justice. »

 MOHAMAD ALI HUSSEINI, PORTE-PAROLE DU MINISTERE IRQANIEN DES A-E
« Nous condamnons l’attentat terroriste qui a coûté la vie à Imad Mughniyé, l’un des grands responsables de la résistance islamique au Liban. Cet acte est le résultat clair et un exemple prégnant du terrorisme d’État pratiqué par l’entité sioniste, et de sa politique de crime organisé. La communauté internationale doit œuvrer pour contrer cette entité sioniste et l’empêcher de commettre de tels crimes, des violations patentes des lois et des résolutions internationales. »

 SAMI ABOU ZAHRA, PORTE-PAROLE DU HAMAS
« L’assassinat de Mughniyé offre un nouvel exemple du gangstérisme sioniste. Le monde arabo-musulman doit faire face à cette pieuvre sioniste dont les crimes commencent à dépasser les territoires palestiniens pour atteindre le monde arabe et islamique ».

Audiovisuel libanais

AL MANAR (CHAINE DU HEZBOLLAH)
Émission : Et après
 AMINE HOTEIT, GENERAL LIBANAIS A LA RETRAITE
« Les Israéliens ont nié toute implication dans l’assassinat d’Imad Mughniyé de peur de la riposte du Hezbollah. Cette riposte sera à la mesure de l’importance d’Imad. Avec le retour d’Éhud Barak au ministère de la Défense, Israël a renoué avec la politique des assassinats. »
 ANIS NACCACHE, EXPERT EN QUESTIONS STRATEGIQUES
« Après l’assassinat de ses chefs historiques, le Hamas est devenu plus fort, plus efficace et plus déterminé. L’assassinat d’Imad Mughniyé va provoquer un virage dans les développements au Moyen-Orient et sur la scène internationale. La région est maintenant ouverte à tous les scénarios. »

Agences et presse internationales

• Israël ne considère pas la Turquie comme un tremplin potentiel pour d’éventuelles attaques contre la Syrie ou l’Iran, a déclaré hier un haut responsable de la défense israélienne. La Turquie, pays laïc mais à majorité musulmane, est l’allié le plus important d’Israël dans la région et les deux pays organisent régulièrement des exercices militaires communs. La Turquie s’est néanmoins plainte l’an dernier de la violation de son espace aérien par Israël lors d’un mystérieux raid dans le nord de la Syrie. Israël a présenté des excuses à la Turquie, mais a refusé de donner des précisions sur la cible de cette attaque, donnant à penser qu’il pourrait s’agir d’un réacteur atomique en construction – ce qu’a démenti la Syrie – et que des installations nucléaires iraniennes pourraient être la prochaine cible.

WASHINGTON POST (QUOTIDIEN ÉTATS-UNIEN)
 Condoleezza Rice, secrétaire d’État US et Robert Gates, secrétaire à la Défense
Il est clair que les forces US auront besoin d’opérer en Irak après la fin de cette année (2008) afin de poursuivre les progrès de stabilisation du pays, Le mandat de l’ONU expire à la fin de cette année et l’Irak et on ne souhaite pas le voir prolongé. Le pays préférerait plutôt un arrangement qui soit plus dans la lignée de ce qui régit habituellement les relations entre deux pays souverains. Cette année est celle d’une transition critique en Irak. Pour poursuivre les progrès enregistrés ces derniers mois, le peuple irakien et le gouvernement continueront à avoir besoin de notre aide. Les Irakiens ont demandé une normalisation de leurs relations avec nous, et une telle relation constituera une fondation sur laquelle la future Administration US pourra bâtir. Rien de ce qui sera négocié avec les Irakiens n’autorisera que nous continuions nos missions de combat. Rien ne fixera le niveau des troupes. Et rien n’autorisera de bases permanentes en Irak (ce que ni l’Irak ni nous-mêmes ne voulons). En bref, rien ne sera négocié dans les prochains mois, qui lierait les mains du prochain commandant en chef, quel qu’il – ou qu’elle – puisse être.
• Le Parlement irakien a adopté trois mesures très attendues : la première sur l’organisation des élections législatives, la seconde sur le budget 2008, et la troisième sur une amnistie partielle.
• George W. Bush a signé un nouveau décret présidentiel (Executive Presidential Order) pour étendre les sanctions à l’encontre de la Syrie et de ses dirigeants. Washington reproche à Damas de ne toujours pas avoir stoppé le flux de combattants vers l’Irak et de soutenir le Hezbollah et le Hamas.

LE FIGARO (QUOTIDIEN FRANÇAIS, GROUPE DASSAULT)
En marge du débat des Nations unies sur les enfants dans les conflits armés, le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a déclaré à propos du jeune Omar Kadr à la chaîne saoudienne Al-Arabiya « ne faire aucune différence entre les prisonniers de Guantanamo ». Des propos qui contredisent la position officielle de la France et ont choqué les médias arabes. Omar Khadr avait 11 ans quand il a été enrôlé par al-Qaida et 15 ans lors de son arrestation en 2002. Mineur au moment des faits, il est néanmoins jugé comme un adulte. L’Unicef considère Omar Khadr comme un enfant soldat, donc comme une victime, et condamne la procédure d’exception engagée à son égard.

LIBERATION (QUOTIDIEN FRANÇAIS, GROUPE ROTHSCHILD)
D’Imad Mughnié, on ne connaissait pas même le visage. Il aurait subi une, voire deux opérations de chirurgie esthétique. Même la photo diffusée par le FBI américain sur sa liste des most wanted date des années 80. Avant le 11-Septembre, il était la bête noire des services français, américains et israéliens : le terroriste le plus recherché de la planète. Il dirigea les services de renseignement du Hezbollah, puis la branche militaire. Mardi soir à Damas, sa Mitsubishi Pajero grise métallisée, préalablement piégée, a sauté vers 23 heures locales, dans le quartier résidentiel de Kafar Soussé. Sa mort est aussi un coup dur pour la Syrie et l’Iran. A moins, s’interroge une source occidentale bien informée à Beyrouth, que les Syriens ne l’aient « vendu ». Mais en échange de quoi ?

LE TEMPS (QUOTIDIEN SUISSE)
A l’annonce de la mort d’Imad Mughnié, Al-Manar (la télévision du Hezbollah émettant à partir de Beyrouth) a interrompu ses émissions pour diffuser des sourates du Coran en mémoire du « martyr ». La station a par ailleurs promis de transmettre les obsèques ce jeudi en direct et de diffuser un message enregistré du leader de l’organisation Hassan Nasrallah. Quant aux grands réseaux satellitaires tels Al-Jazira et Al-Arabia, ils ont improvisé des émissions spéciales consacrées aux conséquences pour le Proche-Orient de la disparition du terroriste. Enfin, à Gaza, des sympathisants du Hamas ont manifesté de manière symbolique en promettant de « venger cette liquidation sioniste ».

LA VANGUARDIA (QUOTIDIEN ESPAGNOL DE CATALOGNE)
Le nom d’Imad Mughnié est associé aux carnages des soldats états-uniens et français de la force internationale au Liban et aux nombreux et sinistres enlèvements d’Occidentaux par le Hezbollah. Il était en réalité le numéro deux de l’organisation terroriste, moins connu qu’Hassan Nasrallah, mais beaucoup plus dangereux. Sa tête était mise à prix 25 millions de dollars par le FBI et le département d’État s’est publiquement félicité de sa liquidation. Elle est plus importante pour Israël que celle de Ben Laden notent les experts.

EL MUNDO (QUOTIDIEN ESPAGNOL, OPPOSITION)
Les services secrets occidentaux ne décolèrent pas contre les services espagnols après le démantèlement de la cellule terroriste pakistanaise de Barcelone, le 18 janvier. Ils reprochent à l’Espagne d’avoir « brûlé » un agent infiltré qui aurait pû remonter à la source au Waziristan.

THE INDEPENDENT (QUOTIDIEN BRITANNIQUE)
L’Algérien Lofti Raissi, arrêté 10 jours après les attentats du 11 septembre 2001, avait été accusé d’avoir formé les pilotes de l’air. Il avait été détenu 4 mois et demi avant d’être relâché. Il demande devant la Haute Cour de Londres des dommages et intérêts.

Tendances est un bulletin quotidien de veille politique sur le Proche-Orient, réalisé par l’agence New Orient News à Beyrouth. Retrouvez-le sur Voltairenet.org, en versions allemande, arabe, anglaise, espagnole et française. Consultez également Indicators, le bulletin quotidien de veille économique sur le Proche-Orient, disponible en versions anglaise, espagnole et arabe.