I. Introduction
1. Le présent rapport est le troisième rapport semestriel sur l’application de la résolution 1559 (2004) en date du 2 septembre 2004, que je soumets au Conseil de sécurité, suite à la demande qu’il a faite dans la déclaration de son président en date du 19 octobre 2004 (S/PRST/2004/36), tendant à ce que je continue de lui rendre compte tous les six mois de l’application de ladite résolution.
2. Dans sa résolution 1559 (2004) , le Conseil de sécurité a réaffirmé qu’il appuyait vigoureusement l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance politique du Liban. Il a demandé instamment à toutes les parties concernées de coopérer avec lui pleinement et sans attendre afin que ladite résolution et toutes les résolutions relatives au plein rétablissement de l’intégrité territoriale, de la souveraineté et de l’indépendance politique du Liban soient appliquées intégralement. Il a également énoncé plusieurs obligations concrètes, notamment :
a) Le retrait de toutes les forces étrangères encore présentes au Liban ;
b) La dissolution et le désarmement de toutes les milices libanaises et non libanaises ;
c) L’extension du contrôle exercé par le Gouvernement libanais à l’ensemble du territoire du pays ;
d) Le strict respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale, de l’unité et de l’indépendance politique du Liban, placé sous l’autorité exclusive du Gouvernement libanais s’exerçant sur l’ensemble du territoire libanais.
Le Conseil s’est également déclaré favorable à ce que les élections présidentielles au Liban, alors en préparation, se déroulent selon un processus électoral libre et régulier, conformément à des règles constitutionnelles libanaises élaborées en dehors de toute interférence ou influence étrangère.
3. Dans mon dernier rapport au Conseil, en date du 26 octobre 2006 (S/2005/673), j’ai indiqué que les parties avaient à nouveau fait des progrès considérables dans l’application de la résolution 1559 (2004) . J’ai conclu que plusieurs obligations concrètes issues de cette résolution avaient été remplies, notamment le retrait des forces syriennes du Liban et la tenue d’élections législatives libres et régulières. J’ai également souligné que d’autres obligations n’étaient toujours pas respectées, en particulier la dissolution et le désarmement des milices libanaises et non libanaises, l’extension du contrôle exercé par le Gouvernement libanais à l’ensemble du pays, ainsi que le plein rétablissement et le strict respect de la souveraineté, de l’unité, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique du Liban, grâce notamment à la normalisation des relations diplomatiques entre la République arabe syrienne et le Liban et à la délimitation de leur frontière commune.
4. Le 23 janvier 2006, le Président a fait au nom du Conseil de sécurité une déclaration (S/PRST/2006/3) dans laquelle le Conseil a accueilli avec satisfaction mon rapport et a réaffirmé qu’il appuyait vigoureusement la souveraineté, l’intégrité territoriale, l’unité et l’indépendance politique du Liban. Le Conseil a constaté avec regret que d’autres dispositions de la résolution 1559 (2004) n’étaient toujours pas appliquées, en particulier le démantèlement et le désarmement des milices libanaises et non libanaises, l’extension de l’autorité gouvernementale à l’ensemble du territoire libanais et la tenue d’élections présidentielles libres et régulières organisées conformément aux règles constitutionnelles libanaises, sans ingérence ni influence étrangères. Le Conseil a félicité le Gouvernement libanais d’avoir engagé un dialogue et pris des mesures et lui a demandé de continuer à s’efforcer de progresser sur tous ces points, conformément aux dispositions de la résolution 1559 (2004) , et de poursuivre un dialogue national élargi. Il a, en outre, engagé toutes les autres parties concernées, en particulier le Gouvernement de la République arabe syrienne, à coopérer à cette fin.
II. Historique
5. Au cours du semestre qui a suivi la période considérée dans mon dernier rapport, en date du 26 octobre 2005 (S/2005/673), la situation au Liban est restée tendue.
6. Je note avec soulagement que le nombre d’attaques terroristes et d’actes d’intimidation a notablement baissé par rapport au semestre précédent. Cependant, un climat de peur et d’insécurité continue de prévaloir. Je déplore profondément l’assassinat du député, directeur de rédaction et journaliste Gebrane Tueni, ainsi que de trois autres personnes, dans un attentat à la voiture piégée perpétré dans la banlieue de Beyrouth le 12 décembre 2005. Dans une déclaration de son président (S/PRST/2005/61), en date du 12 décembre 2005, le Conseil de sécurité a condamné dans les termes les plus vigoureux l’attentat, s’est déclaré profondément préoccupé par l’effet de tels assassinats et a averti les commanditaires des attentats terroristes au Liban qu’ils devront tôt ou tard répondre de leurs crimes. Le Conseil a également réaffirmé sa résolution 1559 (2004) et demandé à nouveau que la souveraineté, l’intégrité territoriale, l’unité et l’indépendance politique du Liban soient strictement respectées. Je me suis joint à la condamnation, par le Conseil de sécurité, de l’attentat à la bombe.
7. Dans ce contexte, je note que la Commission d’enquête indépendante internationale des Nations Unies concernant l’assassinat terroriste de l’ancien Premier Ministre, Rafiq Hariri, et de 22 autres personnes dans le centre de Beyrouth, le 14 février 2005, a poursuivi ses travaux au Liban. Je rappelle également qu’en application de la résolution 1644 (2005) du Conseil de sécurité en date du 15 décembre 2005, la Commission a fourni une assistance technique aux autorités libanaises pour mener à bien leurs enquêtes sur les attentats terroristes perpétrés au Liban depuis le 1er octobre 2004.
8. Dans mon dernier rapport, j’ai indiqué que le Liban était en train de vivre une transition de la plus grande importance et qu’il était entré dans une nouvelle phase de son histoire, une phase qui pourrait voir les Libanais se délivrer enfin d’un passé tragique, s’unir et se construire un nouvel avenir fait d’autodétermination, d’indépendance, de coexistence et de paix. Au cours des six derniers mois, le Liban a poursuivi sa transition vers cette nouvelle phase de son histoire, mais a également connu des échecs temporaires qui rappellent brutalement combien cette nouvelle ère demeure fragile.
9. Le 12 décembre 2005, les membres du parti Amal et du Hezbollah ont suspendu leur participation au Cabinet libanais en signe de protestation contre la demande faite à l’ONU par le Gouvernement libanais de créer un tribunal international pour juger les personnes suspectées d’avoir assassiné l’ancien Premier Ministre, Rafiq Hariri. Le processus politique est resté dans l’impasse jusqu’au retour de ces ministres au gouvernement le 2 février 2006.
10. À l’initiative du Président du Parlement libanais, Nabih Berri, 14 dirigeants de factions et de partis libanais se sont réunis pour la première session du dialogue national le 2 mars 2006. L’ordre du jour du dialogue comportait les points ci-après : a) l’enquête sur l’assassinat terroriste de l’ancien Premier Ministre, Rafiq Hariri ; b) la question palestinienne au Liban ; c) les relations syro-libanaises ; d) la situation des fermes de Cheba’a ; e) le sort de la présidence ; et f) les armes du Hezbollah. Des accords ont été conclus en ce qui concerne les quatre premiers points avant l’ajournement du dialogue le 3 avril 20061.
11. Le 10 avril, les forces de sécurité libanaises ont annoncé qu’elles avaient délivré des mandats d’arrêt concernant 14 personnes qui avaient apparemment l’intention de mener des attaques terroristes au Liban. Neuf personnes ont été arrêtées. Le groupe aurait planifié l’assassinat du Secrétaire général du Hezbollah, cheikh Hassan Nasrallah.
12. Au cours de la période considérée, les relations bilatérales entre la République arabe syrienne et le Liban ont été tendues. Des accusations mutuelles ont été formulées publiquement, y compris contre des dirigeants politiques.
III. Application de la résolution 1559 (2004)
13. Grâce notamment aux accords conclus dans le cadre du dialogue national, les Libanais ont à nouveau fait des progrès notables dans l’application intégrale des dispositions de la résolution 1559 (2004) . L’application des accords conclus lors du dialogue national requiert d’urgence la coopération de parties autres que les Libanais eux-mêmes et en dépend, ce aux fins d’appliquer intégralement et sans délai la résolution 1559 (2004) . Les participants au dialogue national ont chargé le Premier Ministre, M. Seniora, de se rendre à Damas le plus tôt possible pour donner suite aux questions pertinentes qui doivent être examinées dans le cadre d’un dialogue bilatéral.
14. À ce jour, les dispositions de la résolution 1559 (2004) , en particulier la dissolution et le désarmement des milices libanaises et non libanaises, l’extension du contrôle exercé par le Gouvernement libanais à l’ensemble du pays, ainsi que le strict respect de la souveraineté, de l’unité, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique du Liban sous l’autorité exclusive du Gouvernement, n’ont pas encore été appliquées intégralement.
A. Retrait des forces étrangères déployées au Liban
15. Dans mon précédent rapport, j’ai indiqué que l’obligation de retrait des troupes et des moyens militaires syriens avait été remplie, à l’exception peut-être de la région de Deir al-Ashayr dont la situation n’était pas claire et où il y avait encore une présence militaire syrienne. À cet égard, j’ai mentionné les complications liées à l’absence de frontière clairement arrêtée et définie entre le Liban et la République arabe syrienne, ce qui montre à quel point il importe que ces deux pays concluent un accord formel sur leur frontière et procèdent à son tracé.
B. Souveraineté, intégrité territoriale, unité et indépendance politique du Liban
16. Dans mon dernier rapport, j’ai précisé que la Conseil de sécurité avait, dans sa résolution 1559 (2004) , mis un accent tout particulier sur la souveraineté, l’intégrité territoriale, l’unité et l’indépendance politique du Liban sous l’autorité exclusive du Gouvernement libanais s’exerçant sur l’ensemble du territoire libanais. J’ai continué d’accorder la priorité absolue à cette question dans l’action que je mène pour contribuer à l’application de la résolution.
17. Dans mes deux derniers rapports, (S/2005/272) daté du 26 avril 2005 et (S/2005/673) daté du 26 octobre 2005, j’ai identifié plusieurs éléments qui revêtaient une importance particulière pour le rétablissement et le strict respect de la souveraineté, de l’unité et de l’indépendance du Liban. Il s’agissait de :
a) La tenue d’élections parlementaires libres et crédibles au Liban ;
b) L’élimination de la présence et de l’influence des services de renseignement syriens au Liban ;
c) L’échange de représentations diplomatiques entre la République arabe syrienne et le Liban ;
d) La conclusion d’un accord concernant la frontière entre le Liban et la République arabe syrienne et sa démarcation sur le terrain ;
e) L’arrêt du survol par des appareils israéliens du territoire libanais en violation de l’intégrité territoriale de ce pays.
Élections parlementaires libres et crédibles
18. Dans mon dernier rapport, j’ai conclu que même si on continuait de faire le nécessaire pour assurer la liberté la plus large et la crédibilité du processus électoral au Liban, les exigences opérationnelles relatives à la tenue d’élections libres et crédibles formulées dans la résolution 1559 (2004) avaient été respectées.
Les services de renseignement syriens au Liban
19. Dans mon dernier rapport, j’ai indiqué que l’équipe de vérification des Nations Unies dépêchée au Liban avait vérifié le retrait complet du Liban des troupes et des moyens militaires syriens, à l’exception peut-être de la région de Deir al-Ashayr. J’ai également noté que la mission n’avait cependant pas pu conclure avec certitude que le dispositif de renseignement avait été retiré dans son ensemble. Le Gouvernement libanais m’a informé qu’il était convaincu que pour l’essentiel les services de renseignement syriens s’étaient retirés, bien que certaines sources fassent état, à l’occasion, de la poursuite d’activités syriennes de renseignement. Le Gouvernement libanais m’a également informé de la poursuite du processus de transition et de réorganisation des services de sécurité libanais, et qu’il n’avait pas encore pleinement établi son autorité sur tous les services. Le Gouvernement de la République arabe syrienne a rejeté toutes les allégations lui attribuant une présence ou des activités de renseignement au Liban.
Échange de représentations diplomatiques
20. Dans mon dernier rapport, j’ai indiqué que le Liban et la République arabe syrienne entendaient toujours officialiser les relations entre les deux pays. J’ai également souligné que je comptais sur les deux gouvernements pour qu’ils prennent des mesures tangibles afin de formaliser les relations entre leurs deux pays, en tant que nations souveraines et indépendantes avant la soumission du présent rapport au Conseil de sécurité.
21. En ce qui concerne l’officialisation des relations bilatérales entre le Liban et la République arabe syrienne, les participants au dialogue national ont décidé d’asseoir ces relations sur « des principes clairs et solides qui remédieront à toutes les insuffisances qui les ont ternis ». Ils sont aussi convenus, en particulier, que chaque partie devrait exercer un contrôle sur ses frontières et que le Gouvernement libanais devait prendre les mesures nécessaires à cette fin. Ils sont également convenus que les relations bilatérales seraient fondées sur le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures de chaque État et que la relation de confiance et de respect mutuels entre les deux pays devrait aboutir le plus rapidement possible à l’établissement de relations diplomatiques au niveau des ambassades. Les participants au dialogue national sont en outre d’accord pour mettre en place un comité conjoint chargé de la question des personnes disparues et des détenus dans les deux pays, afin de classer ce dossier dans les meilleurs délais.
22. Je note avec une attention particulière que les accords conclus lors du dialogue national reflètent et réaffirment les dispositions pertinentes de la Charte d’entente nationale de 1989, également dénommée « Accord de Taëf », qui a été négociée et approuvée à Taëf (Arabie saoudite) par les partis politiques et factions libanais réunis sous les auspices de la Ligue des États arabes. L’Accord de Taëf, qui a mis un terme à la guerre civile au Liban, a été ratifié par le Parlement libanais et approuvé par le Conseil de sécurité. En ce qui concerne les relations entre la Syrie et le Liban, l’Accord de Taëf stipule qu’il « faut éviter à tout prix que le Liban devienne une source de menace à la sécurité de la Syrie, ou la Syrie une source de menace à la sécurité du Liban. En vertu de quoi, le Liban ne permettra pas qu’il soit un passage ou un foyer pour toute formation, État ou organisation qui aurait pour but de remettre en question sa sécurité ou celle de la Syrie. De même que la Syrie, soucieuse de la sécurité du Liban, de son indépendance et de son unité ainsi que de l’entente de ses fils, ne permettra aucune action susceptible de menacer la sécurité du Liban, son indépendance et sa souveraineté ».
23. Les accords conclus lors du dialogue national n’ont pas encore été traduits dans les faits. Il va de soi que pour les appliquer, il faut que s’établisse une coopération entre le Liban et la République arabe syrienne. Le Gouvernement syrien a déclaré qu’il considérait que « les communications et les échanges commerciaux sont suffisamment développés pour rendre inutile l’ouverture d’ambassades, même si Damas n’exclut pas l’établissement de missions diplomatiques à l’avenir »2.
24. Lors du dialogue national, le Premier Ministre M. Seniora, a été chargé de se rendre à Damas dans les meilleurs délais afin de donner suite, dans le cadre d’un dialogue bilatéral, aux questions pertinentes intéressant les deux pays. Cependant, à ce jour, il n’y a pas eu d’autres discussions entre les deux gouvernements sur la question de l’ouverture d’ambassades dans leurs capitales respectives. Les relations bilatérales ont été tendues au cours des six derniers mois3.
Démarcation de la frontière
25. Comme je l’ai indiqué dans mon dernier rapport, dans le cadre de l’établissement de liens officiels entre les deux pays et pour garantir la souveraineté, l’indépendance politique et l’unité territoriale du Liban, il faudra que les deux pays signent un accord de reconnaissance officielle et de démarcation de la frontière physique. Ceci est d’autant plus important que l’incertitude plane en ce qui concerne l’appartenance à la Syrie ou au Liban de la région de Deir al-Ashayr, dans laquelle un bataillon syrien est toujours stationné.
26. Le Gouvernement libanais et les Forces armées libanaises m’ont confirmé que d’autres transferts illégaux de marchandises, y compris des armes, avaient été effectués et qu’il était difficile de les empêcher, compte tenu de l’existence de nombreux villages des deux côtés d’une frontière qui n’est pas clairement démarquée physiquement. Selon le Commandement de l’Armée libanaise, le statut de plusieurs localités n’est pas clair car les cartes officielles libanaises et syriennes présentent des divergences.
27. Dans mon dernier rapport, j’ai indiqué que le Premier Ministre libanais, M. Seniora, m’avait affirmé que les pourparlers entre le Liban et la Syrie sur la démarcation de la frontière, qui avaient commencé en 1964 pour être suspendus en 1975, avaient repris depuis peu.
28. En mai 2005, une commission militaire mixte syro-libanaise, créée pour déterminer si la région de Deir al-Ashayr appartient au Liban ou à la Syrie, a relevé des divergences entre les cartes des deux pays. Elle a proposé de réactiver la commission frontalière, qui avait fonctionné jusqu’à 1975 mais n’avait pas achevé ses travaux, afin d’éliminer ces divergences et de « démarquer les frontières sans aucune ambiguïté et de les respecter ».
29. En septembre 2005, le Premier Ministre libanais, M. Seniora, a adressé une lettre au Secrétaire général du Haut Conseil syro-libanais, l’informant de différends entre agriculteurs libanais et syriens sur la propriété de terres dans la zone frontalière et proposant, conformément à la recommandation de la commission militaire mixte, de réactiver la commission frontalière mixte. En novembre 2005, le Premier Ministre syrien, Muhammad Naji al-Ottri, a informé son homologue libanais, par l’intermédiaire du Secrétaire général du Haut Conseil syro-libanais, que la Syrie acceptait, sous certaines conditions, de réactiver la commission frontalière mixte, mais y posait des conditions. La Syrie a notamment proposé et cela est important, que le processus de démarcation de la frontière se fasse en cinq étapes, en commençant par la frontière maritime et la frontière terrestre au nord, avant de poursuivre vers la région de Deir al-Ashayr. De plus, en ce qui concerne les fermes de Cheba’a, la Syrie a subordonné son accord à la condition que dans les zones occupées les frontières ne seraient démarquées qu’après la conclusion d’un accord de paix juste et global.
30. Dans une lettre adressée en décembre 2005 au Premier Ministre syrien, M. al-Ottri, le Premier Ministre libanais s’est félicité de l’accord exprimé par la République arabe syrienne s’agissant de démarquer la frontière et a indiqué, en ce qui concerne la condition de ne pas définir la frontière dans les zones occupées par Israël, qu’il était « impératif de créer, en coopération avec les Nations Unies, un mécanisme mixte chargé de la démarcation des frontières entre nos deux pays frères, ce qui contribuerait à libérer ces terres agricoles de l’occupation israélienne ». Le Premier Ministre libanais a en outre proposé de procéder « rapidement à une démarcation complète qui inclurait le secteur des fermes de Cheba’a, compte tenu de son importance nationale, ce qui exige une action conjointe rapide pour prendre les mesures concrètes nécessaires pour créer ce mécanisme, afin de mener à bien dans les meilleurs délais cette entreprise d’importance nationale ». Cette lettre est restée sans réponse et n’a pas été suivie d’effet.
31. Dans ce contexte, je note que le statut des fermes de Cheba’a demeure l’objet de discussions entre les Libanais et dans la région. Il importe en particulier de noter que les participants au dialogue national interlibanais ont exprimé, en date du 14 mars 2006, leur appui au Gouvernement libanais pour tous les contacts qu’il a pris afin « d’établir l’identité libanaise des fermes de Cheba’a » et de « fixer les frontières de la région conformément aux procédures et principes approuvés et acceptés par les Nations Unies ».
32. Comme je l’ai expliqué plus en détail dans mes précédents rapports, le Conseil de sécurité a, à plusieurs reprises, réaffirmé qu’en 2000 il confirmait qu’Israël avait retiré toutes ses forces de l’ensemble du territoire libanais en application de la résolution 425 (1978) du Conseil et qu’il considérait que la région des fermes de Cheba’a était territoire syrien occupé par Israël, sur la base des informations relatives à la frontière internationale dont disposait l’Organisation des Nations Unies lorsque la Ligne bleue de retrait a été tracée.
33. La détermination par l’Organisation des Nations Unies du statut des fermes de Cheba’a, comme je l’ai écrit dans mes rapports au Conseil de sécurité du 22 mai 2000 (S/2000/460) et du 16 juin 2000 (S/2000/590 et Corr.1), « ne préjuge d’aucun accord sur les frontières internationalement reconnues que le Liban et la République arabe syrienne pourraient vouloir conclure à l’avenir ». Leur statut actuel de territoire syrien occupé par Israël demeure néanmoins inchangé tant que les Gouvernements du Liban et de la Syrie n’auront pas pris de mesure pour le modifier au regard du droit international.
34. Le Liban s’est à plusieurs reprises engagé, par écrit et dans des déclarations publiques comme celle qu’a faite le Ministre des affaires étrangères, M. Fawzi Salloukh, après un entretien qu’il a eu avec mon Envoyé spécial à Beyrouth le 24 mars 2006 au sujet de l’application de la résolution 1599 (2004) du Conseil de sécurité, de respecter la Ligne bleue. À cet égard, je me souviens en particulier de la lettre que m’a adressée le Président Emile Lahoud le 12 juin 2000 (S/2000/564), dans laquelle les autorités libanaises s’engageaient à accepter et respecter la Ligne bleue jusqu’à ce qu’un accord de tracé de la frontière soit conclu entre le Liban et la Syrie4.
35. Sur la base des faits susmentionnés, de l’échange de lettres entre les Gouvernements libanais et syrien et des accords conclus dans le cadre du dialogue interlibanais, il semble que chacun admette la nécessité générale de tracer la frontière libano-syrienne. Il semble aussi que les Libanais s’accordent pour considérer que la région des fermes de Cheba’a est en territoire libanais5. Des représentants de la République arabe syrienne ont, à plusieurs reprises, fait des déclarations publiques selon lesquelles la Syrie accepte en principe l’idée que les fermes de Cheba’a sont en territoire libanais6.
36. Il appartient en conséquence aux Gouvernements libanais et syrien de se hâter de conclure un accord frontalier reflétant le consensus qui semble exister. Les Libanais ont souligné qu’ils étaient prêts à le faire, tant dans le cadre du récent dialogue national que par l’initiative du Premier Ministre, M. Seniora, et par ses déclarations répétées. Je compte sur la coopération de la République arabe syrienne à cet égard.
37. Comme je l’ai déjà indiqué, la conclusion d’un accord sur le tracé de la frontière représenterait un progrès tangible et important dans la formalisation des relations entre les deux pays et de la réaffirmation de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique du Liban. Si la négociation et la conclusion d’un tel accord frontalier est une prérogative exclusive des deux pays, les discussions devraient particulièrement porter sur les secteurs dont le statut est incertain ou contesté, sans préjudice de leur statut de territoire occupé par une tierce partie et faisant l’objet des résolutions 242 (1967) et 338 (1973) du Conseil de sécurité.
Survols israéliens violant l’intégrité territoriale du Liban
38. Depuis mon dernier rapport au Conseil de sécurité, l’intégrité territoriale du Liban a continué d’être régulièrement violée par des appareils israéliens volant dans l’espace aérien libanais. Le Gouvernement israélien a continué d’affirmer que ces survols sont effectués pour des raisons de sécurité. Comme mes représentants dans la région, j’ai régulièrement réitéré mon appel à Israël pour qu’il mette fin à ces survols, qui sont contraires aux résolutions 425 (1978) et 426 (1978) du Conseil de sécurité et contrarient mon action en faveur de l’application intégrale de la résolution 1559 (2004) . Durant une période particulière, de novembre 2005, comme j’en ai rendu compte ailleurs7, les survols ont été nombreux et particulièrement agressifs et provocateurs, bien que leur nombre ait diminué par la suite.
C. Extension de l’autorité du Gouvernement libanais à l’ensemble du territoire libanais
39. Dans mon précédent rapport au Conseil de sécurité, je déclarais que les incidents survenus au cours des six mois précédents montraient bien que le Gouvernement libanais n’exerçait pas encore pleinement son autorité sur tout le territoire du pays. Cette situation n’a pas changé au cours des six derniers mois.
40. Dans ce contexte, je relève que les principaux facteurs faisant obstacle à l’extension de l’autorité du Gouvernement libanais à l’ensemble du territoire du Liban sont l’existence de groupes armés échappant à l’autorité de l’État et l’incertitude existant au sujet des limites exactes du territoire libanais. La mise en oeuvre en temps voulu de mesures tangibles en vue de désarmer et de dissoudre les milices libanaises et non libanaises et de délimiter la frontière entre la Syrie et le Liban constituera une étape importante dans l’extension de l’autorité du Gouvernement à l’ensemble du territoire libanais.
41. Je me souviens également dans ce contexte de deux dispositions de l’Accord de Taëf de 1989, qui a mis fin à la guerre civile après un dialogue entre Libanais. Premièrement, l’Accord de Taëf disposait que le Liban prendrait « toutes les mesures susceptibles de libérer toutes les terres libanaises de l’occupation israélienne, l’instauration de la souveraineté de l’État sur tout son territoire, et le déploiement de l’Armée libanaise dans la zone frontalière libanaise reconnue internationalement ». Deuxièmement, l’Accord de Taëf prévoyait la dissolution et le désarmement de toutes les milices, libanaises ou non, en relation avec la disposition plus générale selon laquelle « suite à l’accord des parties libanaises afin d’instaurer un État fort et efficace fondé sur l’entente nationale, le Gouvernement d’union nationale élaborera un plan détaillé de sécurité qui durera un an et dont le but est d’étendre progressivement la souveraineté de l’État libanais sur tout le territoire national ».
42. Comme je l’ai indiqué ailleurs plus en détail7, au cours des six derniers mois, l’autorité et le contrôle exercés par le Gouvernement libanais sont demeurés limités dans le sud du pays en général et dans les secteurs de la Ligne bleue en particulier. Il est regrettable que l’Armée libanaise continue d’opérer à une certaine distance de la Ligne bleue. La Ligne bleue et son voisinage semblent demeurer pour l’essentiel sous le contrôle du Hezbollah. Dans ces conditions, le Hezbollah a maintenu une présence visible dans la région et l’a même renforcée, avec six postes d’observation permanents, des postes de contrôle temporaires et des patrouilles ; certaines de ses positions sont très proches de celles de l’ONU. Cette présence est contraire aux dispositions de l’Accord de Taëf ainsi qu’à celles des résolutions 425 (1978), 426 (1978) et 1559 (2004).
43. Mes discussions et celles de mes représentants sur l’extension de l’autorité du Gouvernement libanais dans le Sud se sont poursuivies. À ce jour, il n’y a pas eu de nouveaux progrès sur cette question. Le Commandement de l’Armée libanaise m’a informé qu’il n’y a pas d’obstacles opérationnels à sa présence dans le Sud et le long de la Ligne bleue, mais qu’il n’a pas reçu d’instructions politiques pour établir une telle présence.
44. Des incidents graves ont mis en lumière la nécessité pour le Gouvernement libanais d’étendre son autorité à l’ensemble du territoire libanais, au moyen de ses forces de sécurité régulières et de ses forces armées, afin de maintenir le calme le long de la Ligne bleue. Le Gouvernement libanais, seule autorité légitime investie du monopole de l’usage de la force sur l’ensemble du territoire libanais, doit faire plus pour exercer son autorité.
45. Dans sa résolution 1655 (2006) du 31 janvier 2006, le Conseil de sécurité a une fois encore indiqué qu’il était urgent que le Gouvernement libanais étende pleinement son autorité et exerce pleinement son contrôle sur l’emploi de la force, dont il a le monopole, dans tout le territoire. Le Conseil a de nouveau demandé au Gouvernement libanais d’étendre et d’exercer pleinement son autorité exclusive et effective dans tout le Sud, et l’a prié instamment de faire plus pour asseoir son autorité dans le Sud, pour exercer son contrôle sur l’emploi de la force et en avoir le monopole et pour maintenir l’ordre sur tout son territoire ainsi que pour prévenir toutes attaques en provenance du Liban à travers la Ligne bleue, y compris en déployant des effectifs supplémentaires des Forces armées libanaises et des Forces de sécurité intérieure et en donnant suite aux propositions de la Force d’intervention des Nations Unies au Liban (FINUL) tendant à renforcer la coordination sur le terrain entre elle et ces forces et à établir une cellule de planification conjointe.
46. Dans mon dernier rapport, je faisais observer que les Forces armées libanaises devaient maintenant montrer qu’elles sont capables de maintenir effectivement la sécurité dans l’ensemble du pays. Je déclarais que j’avais pris note du renforcement récent de la présence et de l’activité des Forces armées libanaises dans les régions qui abritaient des groupes armés palestiniens, et qu’il s’agissait là de progrès encourageants dans l’extension à l’ensemble du territoire national du contrôle exercé par le Gouvernement libanais et dans l’exercice par celui-ci de son monopole de l’emploi de la force sur l’ensemble du territoire. Je me déclarais en outre encouragé par l’engagement qu’avait pris le Gouvernement du Premier Ministre, M. Seniora, de monopoliser l’emploi de la force et d’exercer son autorité sur tout le territoire libanais grâce à un dialogue national avec toutes les parties prenantes. J’évoquais également un déploiement accru des Forces armées libanaises le long de la frontière avec la Syrie pour empêcher les mouvements illicites d’armes et de personnes, et le renforcement de la présence des Forces armées libanaises autour des positions des groupes palestiniens armés au sud de Beyrouth et dans la vallée de la Bekaa.
47. Au cours des six derniers mois, il y a eu de nouveaux incidents d’introduction d’armes au Liban par la frontière syro-libanaise, ce que le Gouvernement libanais et les Forces armées libanaises ont confirmé à mon Envoyé spécial, et ce qui est contraire à la résolution 1559 (2004) , qui prescrit le désarmement et la dissolution des milices libanaises et non libanaises.
48. Le 14 février 2006, le Commandement de l’Armée libanaise a déclaré qu’il « prenait des mesures pour fermer tous les points de passage illicites de la frontière ». Il a aussi déclaré que le littoral était également sous surveillance dans le but de mettre fin à la contrebande, et que l’Armée avait établi son contrôle sur la plupart des points d’entrée maritimes et terrestres au Liban. Le Commandement de l’Armée libanaise a aussi déclaré à mon Envoyé spécial qu’il avait renforcé son autorité sur la frontière avec la République arabe syrienne en y déployant des troupes supplémentaires et en créant de nouveaux points de contrôle. Il a de plus déclaré que toutes les routes non officielles franchissant la frontière avaient été fermées. Le Commandement de l’Armée libanaise a reconnu qu’il ne pouvait encore garantir un contrôle total et effectif de la frontière mais il a affirmé que son aptitude à le faire augmentait progressivement et qu’il avait la volonté d’établir son contrôle effectif sur les frontières du Liban. Aussi bien le Gouvernement libanais que le Commandement de l’Armée ont confirmé à mon Envoyé spécial qu’une décision politique d’empêcher toutes nouvelles introductions illicites d’armes au Liban par la frontière syro-libanaise avait été prise et était exécutée dans toute la mesure de leurs moyens par les Forces armées libanaises. Ils ont aussi déclaré à mon Envoyé spécial que, pour pouvoir bien contrôler la frontière syro-libanaise, il fallait que la République arabe syrienne coopère suffisamment. Le Commandement de l’Armée libanaise a de plus déclaré à mon Envoyé spécial qu’à l’avenir tous les cas d’introduction d’armes dans le pays seraient soumis directement au Premier Ministre, M. Seniora, pour décision ; à ce jour, il n’y a pas eu de nouveaux cas de trafic d’armes.
D. Dissolution et désarmement des milices libanaises et non libanaises
49. Comme je l’ai indiqué dans mes rapports précédents, des milices libanaises et non libanaises continuent d’exister et d’opérer au Liban et défient le Gouvernement, qui par définition est investi du monopole de l’emploi de la force sur tout le territoire. La plus importante des milices libanaises est le Hezbollah. Il y a aussi des milices palestiniennes au Liban. Outre que le Conseil de sécurité a demandé expressément dans sa résolution 1559 (2004) que les milices libanaises et non libanaises existant au Liban soient désarmées et dissoutes, j’ai fait observer dans mon dernier rapport que, plus généralement, l’existence de groupes armés défiant l’autorité du Gouvernement légitime est incompatible avec le plein rétablissement et le plein respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale, de l’unité et de l’indépendance du pays. L’existence de milices fait également obstacle à l’extension de l’autorité du Gouvernement libanais à l’ensemble du territoire.
50. J’ai déjà évoqué l’Accord de Taëf de 1989, également connu sous l’appellation de « Document d’entente nationale ». Cet accord, pleinement conforme sur ce point à la résolution 1559 (2004) , prévoyait « la dissolution de toutes les milices et la remise de leurs armes à l’État libanais dans un délai de six mois, délai qui entre en vigueur après la ratification [du présent document] ». Comme mes représentants s’occupant de ces questions, j’ai souligné à maintes reprises que l’Accord de Taëf, qui exprime un consensus entre toutes les factions et parties libanaises, devait être intégralement appliqué, et que la résolution 1559 (2004) devait être considérée comme exprimant l’appui de l’Organisation des Nations Unies à cet accord.
51. Dans ce contexte, je me souviens que les membres du Conseil de sécurité, dans des déclarations du Président du Conseil publiées le 7 novembre 1989 (S/20953), le 22 novembre 1989 (S/20988) et le 27 décembre 1989 (S/21056) et rappelant des déclarations antérieures à l’appui des pourparlers de Taëf, se sont félicités de la ratification de l’Accord de Taëf par le Parlement libanais le 5 novembre 1989, et ont « solennellement réaffirmé leur appui à l’Accord de Taëf », qu’ils considéraient comme « la seule base pour la garantie de la pleine souveraineté, de l’indépendance, de l’intégrité territoriale et de l’unité nationale du Liban ».
Milices palestiniennes
52. Dans mon dernier rapport, je déclarais que j’avais pris note de la position du Gouvernement libanais selon laquelle rien ne justifiait que des armes circulent en dehors des camps de réfugiés palestiniens. La conférence pour le dialogue interlibanais qui a eu lieu récemment au Liban l’a confirmé en décidant à l’unanimité le 14 mars 2006 que les Palestiniens en dehors des camps devaient être désarmés dans un délai de six mois et qu’il fallait s’attaquer au problème des armes à l’intérieur des camps, tout en soulignant qu’il incombait au Liban de protéger les camps palestiniens se trouvant sur son territoire contre toute agression et qu’il était résolu à le faire. La conférence pour le dialogue interlibanais a aussi décidé que le Gouvernement libanais devait poursuivre ses efforts pour améliorer les conditions de vie des Palestiniens tant à l’intérieur qu’en dehors des camps de réfugiés au Liban.
53. Le 24 mars 2006, une délégation ministérielle a été dépêchée pour une visite sans précédent dans un certain nombre de camps de réfugiés palestiniens à Tyr, où elle a rencontré des représentants palestiniens et observé les conditions de vie dans les camps. Une seconde visite, au camp Ein al-Hilweh, a dû être ajournée, apparemment en raison de divisions internes entre les différents groupes palestiniens. Le Gouvernement libanais m’a indiqué que d’autres visites étaient prévues.
54. Avant que le dialogue national interlibanais n’aboutisse à un accord sur cette question, le Gouvernement libanais avait maintenu les mesures prises pour limiter la présence d’armes palestiniennes en dehors des camps de réfugiés, en intensifiant sa présence autour des positions paramilitaires palestiniennes au sud de Beyrouth et dans la vallée de la Bekaa, positions qui sont majoritairement occupées par des membres du Front populaire de libération de la Palestine-Commandement général (FPLP-CG) et du groupe Fatah-Intifada, dont le quartier général est en République arabe syrienne [1]. Je prends note de l’assurance du Commandement de l’Armée libanaise selon laquelle il a les moyens de collecter les armes des milices palestiniennes si une décision politique est prise à cet effet [2].
55. Réagissant aux accords conclus dans le cadre du dialogue national interlibanais, les dirigeants du FPLP-CG, qui par le passé avaient à plusieurs reprises rejeté toute idée de désarmement du groupe, ont récemment commencé à dire qu’ils étaient prêts à mettre leurs armes sous l’autorité de l’État et à élaborer des politiques conjointes en coordination avec le Gouvernement libanais. J’accueille ces déclarations avec satisfaction et je compte qu’elles se traduiront en actes. Dans ce contexte, j’ai pris note de la visite que le dirigeant du FPLP-CG, Ahmad Jibril, a effectué au Liban le 1er avril, et des entretiens qu’il a eus avec des dirigeants politiques mandatés par le dialogue national, le Premier Ministre M. Seniora, le Président de l’Assemblée, M. Berri, M. Hariri, député, et le Secrétaire général du Hezbollah, cheikh Nasrallah.
56. Le Fatah, la faction palestinienne la plus nombreuse au Liban, a annoncé le 19 mars 2006, cinq jours après la présentation à la conférence pour le dialogue national interlibanais de l’accord sur la question des armes palestiniennes au Liban, qu’il avait « décidé de réunir toutes les armes que nous possédons, y compris les armes individuelles, et de les mettre en lieu sûr (à l’intérieur des camps), conformément aux voeux de la conférence pour le dialogue interlibanais ». Je me félicite vivement de ces déclarations et je les salue, je compte que des mesures de suivi les traduiront dans les faits en temps voulu, en tant que premier pas sur la voie d’un désarmement complet et d’une dissolution de toutes les milices au Liban.
57. J’ai continué de maintenir des contacts étroits avec la direction de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et l’Autorité palestinienne, qui par la voix du Président de l’OLP et Président de l’Autorité palestinienne, M. Mahmoud Abbas, m’ont réaffirmé qu’elles appuyaient l’application intégrale de toutes les dispositions de la résolution 1559 (2004) . À cet égard, je note la différence marquée qui existe entre les groupes palestiniens placés sous l’autorité directe de l’OLP, qui déclarent vouloir coopérer avec le Gouvernement libanais à l’application intégrale de la résolution 1559 (2004) et les groupes dont le siège est à Damas, qui n’acceptent pas l’OLP comme seul représentant légitime du peuple palestinien.
58. Le Président Abbas m’a dit que l’OLP était résolue à coopérer avec le Gouvernement libanais pour appliquer la résolution 1559 (2004) , mais que tous les groupes palestiniens présents au Liban n’étaient pas pleinement sous son autorité. Il m’a de plus informé que l’OLP s’efforçait de rouvrir son bureau de représentation à Beyrouth afin de mieux assister le Gouvernement libanais et de mieux coopérer avec lui.
59. À cet égard, je prends note pour m’en féliciter de la décision prise par le Conseil des ministres libanais le 5 janvier 2006 de rouvrir le bureau de représentation de l’OLP à Beyrouth, en réponse à la demande de l’OLP, évoquée dans mon précédent rapport, qui souhaitait disposer d’une mission diplomatique à Beyrouth. Le Président Abbas m’a déclaré que l’OLP était en train de désigner un représentant pour diriger ce bureau. J’espère donc que la représentation diplomatique de l’OLP à Beyrouth ouvrira rapidement.
Le Hezbollah
60. Il n’y a pas encore eu de changement appréciable dans le statut opérationnel et les capacités du Hezbollah. La question des armes que possède cette organisation a été inscrite à l’ordre du jour de la conférence pour le dialogue national interlibanais, qui est suspendue jusqu’au 28 avril 2006. La question n’a pas encore été examinée.
61. Je rappelle l’observation que je faisais dans mon dernier rapport au Conseil de sécurité, à savoir qu’un groupe qui participe à un processus politique démocratique de formation de l’opinion publique et de prise de décisions ne peut pas prétendre posséder en même temps une capacité d’intervention armée autonome échappant au contrôle de l’État. Je rappelle également qu’en application de l’Accord de Taëf de 1989, la majorité des milices libanaises ont été incorporées aux Forces armées libanaises durant les années 90, conformément à la disposition de l’Accord qui prévoit « la dissolution de toutes les milices, libanaises ou non, et la remise de leurs armes à l’État libanais dans un délai de six mois » qui entre en vigueur après la ratification de l’Accord.
62. Dans ce contexte, je prends note de la déclaration du Commandement de l’Armée libanaise selon laquelle l’intégration du Hezbollah dans les forces armées ne pose pas de problème du point de vue opérationnel si une décision est prise en ce sens. À cet égard, je rappelle également que je déclarais dans mon dernier rapport au Conseil que la participation, pour la première fois, du Hezbollah au Gouvernement révélait la portée de sa possible transformation en un parti politique, exclusivement. Je rappelle aussi que j’estime qu’il est impossible de concilier le port d’armes en dehors des forces armées officielles avec la participation au pouvoir et au gouvernement dans une démocratie.
63. De plus, je prends note que les dirigeants de la plupart des factions politiques libanaises m’ont déclaré qu’ils envisageaient favorablement l’intégration éventuelle du Hezbollah dans les Forces armées libanaises. Les dirigeants politiques libanais ont aussi fréquemment réaffirmé leur attachement à l’application intégrale de l’Accord de Taëf de 1989.
64. J’étais préoccupé lorsque l’on m’a, en février 2006, informé d’un incident, à savoir l’introduction au Liban à partir de la République arabe syrienne d’armes destinées au Hezbollah. Douze camions transportant des munitions et des armes de types divers, y compris des roquettes pour katyusha, ont traversé la frontière en provenance de la République arabe syrienne. Découverts quelques jours plus tard à un point de contrôle à l’intérieur du Liban, les camions ont été autorisés à poursuivre leur route jusqu’à leur destination, au sud du Liban. Une déclaration faite par les Forces armées libanaises le 6 février 2006 à la suite de l’incident indiquait que le transport et l’entreposage des munitions appartenant à la « résistance » étaient régis, en territoire libanais, par la déclaration ministérielle de principe de l’actuel Gouvernement libanais, qui considérait la « résistance » comme légitime. Comme l’a confirmé le Gouvernement libanais, les Forces armées libanaises n’ont ainsi pas été autorisées à empêcher ces munitions de poursuivre leur route, et cette pratique est commune depuis plus de 15 ans. Le Hezbollah a publiquement confirmé que les armes lui étaient destinées. Le Gouvernement libanais et le Commandement de l’Armée libanaise ont informé mon Envoyé spécial que les nouveaux cas de transport d’armes seraient portés directement à la connaissance du Premier Ministre, M. Seniora, pour décision, et qu’aucun nouveau transfert d’armes et de munitions n’avait eu lieu depuis cet incident.
65. Le Hezbollah continue de justifier son existence en tant que mouvement de « résistance » par le maintien par Israël de son occupation de la région des fermes de Cheba’a, qui pour l’Organisation des Nations Unies est en territoire syrien occupé par Israël mais dont nombre de Libanais continuent d’affirmer qu’elle est libanaise [3]. Je rappelle également que même si les prétentions libanaises sur les fermes de Cheba’a étaient fondées, il serait de la seule responsabilité du Gouvernement libanais de les défendre, conformément au droit international et aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, et non de celle d’un groupe armé échappant au contrôle du Gouvernement.
66. Il convient toutefois de noter que le Hezbollah, en participant au dialogue national, est convenu d’appuyer tous les contacts pris par le Gouvernement libanais pour « établir l’identité libanaise des fermes de Cheba’a » et « de déterminer les frontières de la région conformément aux procédures et principes approuvés et acceptés par l’Organisation des Nations Unies ». L’accord du Hezbollah implique qu’il reconnaît qu’un processus conduit par le Gouvernement libanais pour parvenir, dans le cadre d’une procédure régulière, à tracer la frontière entre la République arabe syrienne et le Liban est le seul moyen légitime, à l’exclusion de tout autre, de rétablir la souveraineté libanaise sur les fermes de Cheba’a.
67. Il est aussi particulièrement remarquable que le Hezbollah se soit associé au dialogue national et soit prêt, en participant à la table ronde et en acceptant l’ordre du jour, à discuter de la question des armes. Il convient de souligner que le Secrétaire général du Hezbollah, cheikh Nasrallah, était au nombre des dirigeants libanais défendant l’idée d’un dialogue national interlibanais, qui serait fondé sur l’Accord de Taëf. J’ai en outre pris note, les considérant comme positives, des déclarations répétées des dirigeants du Hezbollah qui indiquent qu’ils sont prêts à désarmer dans le cadre d’un large mécanisme stratégique de défense nationale pour la protection du Liban auquel le Hezbollah serait intégré. Il s’agit de développements dont on peut se louer.
68. Dans ce contexte, je note une nouvelle fois qu’un dialogue avec d’autres parties autres que les autorités libanaises est indispensable afin d’exécuter le mandat figurant dans la résolution 1559 (2004) , à savoir désarmer et dissoudre toutes les milices libanaises et non libanaises [4].
E. Élections présidentielles
69. Dans la résolution 1559 (2004) , le Conseil de sécurité s’est déclaré favorable à ce que les prochaines élections présidentielles au Liban se déroulent selon un processus électoral libre et régulier, conformément à des règles constitutionnelles libanaises élaborées en dehors de toute interférence ou influence étrangère.
70. Dans mon rapport au Conseil de sécurité en date du 1er octobre 2004 (S/2004/777), j’ai rappelé comment le mandat du Président Lahoud avait été prorogé de trois ans le 4 septembre 2004. Dans la déclaration de son président en date du 23 janvier 2006 (S/PRST/2006/3), le Conseil de sécurité a constaté avec regret que certaines dispositions de la résolution 1559 (2004) n’étaient pas encore appliquées, en particulier celles concernant la tenue d’élections présidentielles libres et régulières organisées conformément aux règles constitutionnelles libanaises, sans ingérence ni influence étrangères.
71. Le 14 mars 2006, le dialogue national au Liban a décidé qu’il y avait lieu d’examiner la question de la présidence de la République libanaise pour régler la crise que traverse l’actuel gouvernement. L’examen de cette question a été reporté au 28 avril 2006, date à laquelle le Dialogue doit se réunir à nouveau. La question des élections présidentielles a été considérée comme une toute première priorité ces six derniers mois au Liban [5]. Le 14 février 2006, plusieurs centaines de milliers de Libanais ont commémoré l’assassinat de l’ancien Premier Ministre Hariri et de 22 autres personnes dans le centre de Beyrouth. Plusieurs des dirigeants politiques qui ont pris la parole lors de ce rassemblement ont attaqué le Président Lahoud et demandé sa démission. Un certain nombre de séances du Conseil des ministres ont été soit reportées, soit annulées, notamment parce que le quorum nécessaire n’a pu être réuni à cause des controverses relatives au rôle et à la présence du Président Lahoud.
IV. Observations
72. Depuis mon dernier rapport au Conseil, en date du 26 octobre 2005 (S/2005/673), les Libanais ont à nouveau beaucoup progressé dans l’application de la résolution 1559 (2004) , grâce en particulier aux accords conclus dans le cadre du dialogue national, mais les dispositions de la résolution demandant la dissolution et le désarmement de toutes les milices libanaises et non libanaises, l’extension du contrôle exercé par le Gouvernement libanais à l’ensemble du territoire du pays et le strict respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale, de l’unité et de l’indépendance politique du Liban placé sous l’autorité exclusive du Gouvernement libanais n’ont pas été pleinement appliquées. En particulier, il n’y a pas eu d’élections présidentielles, comme le demandait le Conseil de sécurité dans la résolution et dans la déclaration de son président en date du 23 janvier 2006 (S/PRST/2006/3).
73. La nouvelle étape de l’histoire du Liban se poursuit donc mais le nouveau Liban demeure fragile. Il est urgent de prendre des mesures tangibles pour maintenir l’élan qui a été pris et permettre au pays de continuer à progresser pour pouvoir réaffirmer pleinement sa souveraineté, son intégrité territoriale, son unité et son indépendance politique, conformément à l’Accord de Taëf de 1989 et à la résolution 1559 (2004) .
74. Il faut, en particulier, s’assurer d’urgence l’indispensable coopération des parties autres que les Libanais eux-mêmes pour appliquer les accords conclus dans le cadre du dialogue national si l’on veut que la résolution 1559 (2004) puisse être pleinement appliquée. Je souligne, à ce propos, que, dans la résolution, le Conseil de sécurité a demandé instamment à toutes les parties concernées de coopérer avec lui pleinement et sans attendre afin que la résolution et toutes les résolutions relatives au rétablissement de l’intégrité territoriale, de la souveraineté et de l’indépendance politique du Liban soient appliquées intégralement. Je rappelle également que, dans la déclaration de son président en date du 23 janvier 2006 (S/PRST/2006/3), il a engagé toutes les autres parties concernées, en particulier le Gouvernement syrien, à prêter son concours à l’application de la résolution 1559 (2004) .
75. Grâce aux accords conclus à l’unanimité dans le cadre du dialogue national et à l’initiative prise par les participants au Dialogue de collaborer activement et de manière constructive avec la République arabe syrienne, un Liban uni a tendu la main à celle-ci. Je demande à la République arabe syrienne d’accepter cette offre et de prendre des mesures afin, en particulier, d’ouvrir des ambassades et de délimiter la frontière commune aux deux pays. Une représentation diplomatique dans d’autres États et l’existence de frontières nationales clairement délimitées constituent des indicateurs de base et des éléments intrinsèques de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique d’un État. De même, une représentation diplomatique mutuelle constitue le moyen le plus approprié d’atténuer toute tension bilatérale éventuelle et des mesures en ce sens peuvent à elles seules contribuer à améliorer les relations bilatérales entre deux pays voisins historiquement proches. C’est dire que l’ouverture et l’utilisation d’ambassades constituent des moyens essentiels d’atténuer les tensions et de stabiliser les relations entre États. J’engage donc à nouveau instamment la République arabe syrienne à coopérer avec le Liban à l’ouverture d’ambassades, à la délimitation de leur frontière commune et à l’adoption de toute autre mesure qui permette de donner pleinement effet à la résolution 1559 (2004) .
76. J’ai souligné que la délimitation de la frontière entre la République arabe syrienne et le Liban constituait un élément d’une importance cruciale pour l’application de certaines dispositions de la résolution 1559 (2004) , qui met essentiellement l’accent sur la souveraineté, l’intégrité territoriale, l’unité et l’indépendance politique du Liban, placé sous l’autorité exclusive du Gouvernement libanais s’exerçant sur l’ensemble du territoire libanais. En particulier, l’intégrité territoriale et la souveraineté d’un territoire sont impossibles à concrétiser si les frontières de ce territoire ne sont pas définies, ou si elles sont incertaines ou controversées. De plus, le Gouvernement libanais ne peut, comme le Conseil de sécurité l’a demandé explicitement dans la résolution 1559 (2004) , étendre son autorité à l’ensemble du territoire national que si lui-même et toutes les autres parties concernées savent quelle en est l’étendue exacte, ce qui suppose que les frontières du pays soient définies et délimitées avec précision. À cet égard, l’application rapide de mesures concrètes qui permettent de délimiter la frontière commune à la République arabe syrienne et au Liban et la dissolution et le désarmement des milices libanaises et non libanaises constituent des pas importants vers l’extension de l’autorité du Gouvernement libanais à l’ensemble du territoire libanais.
77. Notant que des représentants du Gouvernement syrien ont déclaré à plusieurs reprises que la zone des fermes de Cheba’a était libanaise et ne constituait pas un territoire syrien (occupé par Israël), contrairement à ce que l’ONU a établi sur la base de ce qu’il a été convenu d’appeler la Ligne bleue, je mets à nouveau en garde contre le fait que la détermination du statut des fermes de Cheba’a est sans préjudice de tout accord que la République arabe syrienne et le Liban pourraient conclure pour délimiter leur frontière commune. Vu l’accord apparent qui existe entre toutes les parties concernées, j’invite même à nouveau les Gouvernements syrien et libanais à prendre d’urgence des mesures conformes au droit international pour délimiter cette frontière. La conclusion d’un accord sur la question représenterait, comme je l’ai dit précédemment, un pas concret important vers l’officialisation des relations entre les deux pays, la réaffirmation de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique du Liban et la pleine application de la résolution 1559 (2004) . En attendant, le statut de territoire syrien occupé par Israël qui est actuellement celui des fermes de Cheba’a demeurera valide tant que les Gouvernements libanais et syrien ne prendront pas de mesure conforme au droit international pour le modifier.
78. Je souligne également que si la négociation et la conclusion d’un accord sur la délimitation de la frontière constituent la prérogative exclusive de la République arabe syrienne et du Liban, elles devraient porter d’urgence sur les régions dont le statut est incertain ou controversé, sans préjudice de leur statut de territoire occupé par une tierce partie tel qu’il a été défini dans les résolutions 242 (1967) et 338 (1973) du Conseil de sécurité.
79. J’ai fait valoir précédemment que l’existence de groupes armés défiant l’autorité du Gouvernement libanais légitime qui, par définition, doit être seul à pouvoir recourir à la force sur toute l’étendue du territoire du Liban, est incompatible avec le rétablissement et le plein respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale, de l’unité et de l’indépendance politique de celui-ci. J’ai aussi rappelé précédemment qu’il a été demandé dans l’Accord de Taëf de 1989, comme dans la résolution 1559 (2004) , que toutes les milices libanaises et non libanaises soient dissoutes et que leurs armes soient remises au Gouvernement libanais. En demandant instamment la pleine application de l’Accord de Taëf de 1989, que le Conseil de sécurité a approuvé au travers d’un certain nombre de déclarations de son président publiées au cours de la même année, je demande donc instamment que l’on applique intégralement toutes les dispositions de la résolution 1559 (2004) .
80. Je rappelle en outre que le Conseil de sécurité a fait part de son inquiétude au sujet des mouvements d’armes et de population à destination du territoire libanais et que, dans la déclaration de son président en date du 23 janvier 2006 (S/PRST/2006/3), il a félicité le Gouvernement libanais d’avoir pris des mesures pour les empêcher. Je réitère par ailleurs instamment l’appel que le Conseil de sécurité a adressé dans la même déclaration au Gouvernement syrien pour qu’il prenne des mesures analogues et fais observer à nouveau que la délimitation de la totalité de la frontière commune à la République arabe syrienne et au Liban constituerait un bon moyen de prévenir tout trafic illégal d’un pays à l’autre et d’étendre l’autorité du Gouvernement libanais à l’ensemble du territoire libanais.
81. Le dialogue national au Liban est un événement véritablement historique et sans précédent et son importance en tant que premier véritable dialogue national dans le pays, lors de la présence de toute tierce partie, ne doit pas être sous-estimée. C’est la première fois que les Libanais se réunissent ainsi pour débattre ensemble, en toute franchise, de questions qui, il y a seulement quelques mois, étaient considérées comme tabou. C’est un résultat remarquable en soi et je félicite le Président du Parlement Berri d’avoir instauré ce dialogue. Je note également et souligne que le dialogue national a été convoqué après les appels que le Conseil de sécurité et moi-même avons lancés en faveur de la poursuite d’un dialogue national, comme on peut voir dans mon dernier rapport au Conseil et dans la déclaration du Président du Conseil en date du 23 janvier 2006 (S/PRST/2006/3), et qu’il leur donne pleinement suite.
82. Le dialogue national a déjà débouché sur d’importants accords, qui sont pleinement conformes à l’Accord de Taëf et à la résolution 1559 (2004) . Comme je l’ai dit ci-dessus, il est urgent de poursuivre sur cette lancée et de donner un contenu concret aux accords conclus. Pour cela, la République arabe syrienne et le Liban doivent dialoguer et collaborer, et la coopération de toutes les parties est indispensable.
83. L’accord sur les armes des milices palestiniennes se trouvant à l’extérieur des camps de réfugiés palestiniens qui a été conclu dans le cadre du dialogue national constitue un progrès extrêmement important dans l’application de la résolution 1559 (2004) . Soulignant que cet accord historique est pleinement conforme à l’Accord de Taëf et à la résolution 1559 (2004) , je demande qu’il soit appliqué dans le délai de six mois prévu par le dialogue national. Je félicite les Libanais et, en particulier, le Premier Ministre Seniora, de leur clairvoyante et sage initiative, qui doit permettre non seulement de régler la question des armes des Palestiniens mais aussi d’améliorer les conditions de vie et le statut des réfugiés palestiniens au Liban, sans préjudice d’un éventuel règlement global du problème des réfugiés palestiniens. Je demande à toutes les parties d’appuyer l’application de l’accord et les mesures prises par les Libanais pour améliorer la situation socioéconomique des Palestiniens au Liban.
84. Je formule l’espoir que le dialogue national, qui doit se réunir à nouveau le 28 avril 2006, examinera les questions qui restent inscrites à son ordre du jour avec la clairvoyance et la volonté de réussir dont il a fait preuve jusqu’à présent, en s’inspirant de l’Accord de Taëf, et qu’il pourra ainsi dégager le consensus nécessaire pour appliquer rapidement et intégralement la résolution 1559 (2004) . Je réitère et souligne mon plein appui à cette initiative, que la communauté internationale soutient sans réserve.
85. Je rappelle par ailleurs qu’il est indispensable, pour qu’un pays puisse réaffirmer sa souveraineté, son unité et son indépendance politique et qu’un gouvernement puisse étendre son autorité sur l’ensemble du territoire national, que les groupes armés qui échappent à son autorité y soient soumis. À ce propos, je rappelle que, comme suite à l’Accord de Taëf, la majorité des milices libanaises ont fusionné avec les Forces armées libanaises au cours des années 90.
86. Je demande donc que des mesures analogues soient prises à l’égard des milices libanaises qui n’ont pas encore fusionné avec les Forces armées libanaises, conformément à l’Accord de Taëf et à la résolution 1559 (2004) , et qu’il y soit accordé une attention particulière à la formulation d’un mécanisme global de défense nationale qui garantisse la protection du Liban, de son territoire et de sa population. Je demande aussi instamment à toutes les parties à même d’influencer le Hezbollah et les autres milices d’appuyer la pleine application de la résolution 1559 (2004) .
87. Observant que l’application de cette résolution s’inscrit dans une évolution historique plus large, qui englobe l’enquête sur l’assassinat de l’ancien Premier Ministre Hariri et de 22 autres personnes dans le centre de Beyrouth, les enquêtes sur d’autres assassinats et actes terroristes commis au Liban au cours de la période à l’examen, la large réforme en cours des processus électoraux et les préparatifs et l’application des réformes économiques, je demande à toutes les parties d’appuyer cette évolution, dans l’intérêt des Libanais, des États voisins du Liban et de la stabilité de la région, et de prendre d’urgence toutes les mesures nécessaires à cette fin.
88. Pour conclure, je réitère l’appel urgent que j’ai lancé à toutes les parties de se conformer sans délai à toutes les dispositions de la résolution 1559 (2004) et d’appliquer pleinement toutes les autres résolutions relatives au rétablissement de l’intégrité territoriale, de la pleine souveraineté et de l’indépendance du Liban.
89. Je continue à croire qu’il faudrait appliquer la résolution 1559 (2004) de manière à assurer au mieux la stabilité et l’unité du Liban, de la République arabe syrienne et de la région. Je demeure également attaché à l’application de toutes les résolutions du Conseil de sécurité et à la réalisation de leur objectif ultime, à savoir l’instauration d’une paix juste, durable et globale au Moyen-Orient.
90. Je suis fermement convaincu qu’avec l’appui du Conseil de sécurité et grâce au dialogue national, à l’unité des Libanais, à la politique clairvoyante du Gouvernement libanais et à la coopération, indispensable, de toutes les autres parties concernées, dont la République arabe syrienne et la République islamique d’Iran, les difficultés du passé peuvent être surmontées et que des progrès sensibles peuvent être faits dans la pleine application de la résolution 1559 (2004) . Je demeure à la disposition du Conseil de sécurité et me tiens prêt à continuer à aider les parties à appliquer pleinement la résolution.
Annexe I
Décisions de la Conférence pour le dialogue interlibanais
(14 mars 2006)
[Original : arabe]
République libanaise
Chambre des députés
1. La recherche de la vérité et ses ramifications
Le 2 mars 2006, au début du dialogue, les participants ont adopté le point 1, qui couvre les questions concernant :
• La Commission d’enquête internationale ;
• Le Tribunal international ;
• L’élargissement du mandat de la Commission d’enquête internationale.
Les points suivants ont été adoptés le 14 mars 2006 :
2. La question palestinienne
S’appuyant sur le Document d’entente nationale (Accord de Taëf), notamment la partie intitulée « Souveraineté de l’État libanais sur l’ensemble de son territoire », et soucieux de se conformer à ses dispositions, réaffirmant que les Palestiniens devaient respecter l’autorité de l’État libanais et observer les lois du pays, rejetant le principe de l’implantation et appuyant le droit au retour des Palestiniens, les participants :
• Ont prié le Gouvernement libanais de poursuivre ses efforts pour améliorer les conditions de vie et la situation sociale et humanitaire des Palestiniens résidant dans des camps – ou ailleurs – au Liban et, à cette fin, de prendre les dispositions juridiques voulues, de suivre de près l’examen de cette question par la communauté internationale et d’assumer ses responsabilités en garantissant une vie décente aux Palestiniens jusqu’à ce qu’ils puissent rentrer chez eux ;
• Ont approuvé l’initiative du Conseil des ministres, qui, soucieux de trouver une solution au problème des réfugiés palestiniens au Liban, a décidé qu’il fallait régler la question des armes détenues par des Palestiniens hors des camps dans un délai de six mois, ainsi que celles des armes circulant à l’intérieur des camps, tout en réaffirmant la responsabilité et l’obligation qui incombait à l’État libanais de protéger les camps palestiniens contre toute agression, et se sont engagés à oeuvrer énergiquement en vue de l’application des dispositions ci-dessus et à appuyer les efforts déployés par le Gouvernement pour y parvenir par la voie du dialogue ;
• Ont indiqué que le passage figurant dans le préambule de la Constitution concernant le rejet de toute idée de division, de partition ou d’implantation faisait partie du Pacte de vie commune, et que le dernier paragraphe du préambule de la Constitution disposait qu’aucune légitimité n’était reconnue à un quelconque pouvoir contredisant ce pacte.
3. Les relations libano-syriennes
Eu égard aux dispositions figurant dans le préambule de la Constitution à l’effet que le Liban est une patrie souveraine, libre, indépendante et arabe dans son identité et son appartenance, ainsi qu’aux dispositions du Document d’entente nationale (Accord de Taëf) précisant que le Liban entretient avec la Syrie des relations particulières qui tirent leur force du voisinage, de l’histoire et des intérêts fraternels communs, et réaffirmant que les deux pays devaient coopérer et coordonner leur action dans tous les domaines en vue de promouvoir leurs intérêts dans le respect de la souveraineté et de l’indépendance de chaque pays, les participants sont convenus que la consolidation desdites relations passait par l’établissement de règles solides et claires qui puissent remédier aux troubles qu’ont connus ces relations et que, pour ce faire, il fallait :
• Faire en sorte que le Liban ne soit pas une source de menace pour la sécurité de la Syrie et que la Syrie ne soit pas une source de menace pour la sécurité du Liban et de sa population, quelles que soient les circonstances, ce qui signifiait que les deux pays devaient délimiter la frontière qui les séparait et que le Gouvernement libanais devait prendre les mesures nécessaires à cette fin ;
• Renforcer le principe de non-ingérence de l’un ou l’autre État dans les affaires intérieures de son voisin ;
• Créer entre les deux pays des relations équilibrées qui soient fondées sur la confiance et le respect mutuel et qui aboutissent, le plus rapidement possible, à l’établissement de relations diplomatiques entre la Syrie et le Liban au niveau des ambassades ;
• Mettre en place un comité conjoint chargé de suivre la question des détenus et des personnes portées disparues dans les deux pays et appuyer son action pour qu’il classe ce dossier dans les meilleurs délais.
4. Les fermes de Cheba’a
Tous les participants se sont accordés pour dire que les fermes de Cheba’a appartenaient au Liban et ont apporté leur appui à toutes les initiatives prises par le Gouvernement en vue de faire confirmer la souveraineté du Liban sur les fermes de Cheba’a et les collines de Kafr Chouba dans le cadre des procédures et de la pratique en vigueur à l’ONU.
5. La présidence de la République
Tous les participants ont dit qu’il fallait débattre de cette question pour régler l’actuelle crise du pouvoir.
6. La résistance armée
Cette question doit également être débattue.
Annexe II
Lettre adressée au Président de la Chambre des députés par 14 députés et anciens deputes
(20 février 2006)
[Original : arabe]
Beyrouth, le 20 février 2006
Monsieur le Président,
Nous soussignés, d’actuels députés et un ancien député, avons l’honneur de vous informer de ce qui suit :
Les services de sécurité syrien et libanais nous ayant menacés et soumis à des pressions pour nous forcer à voter en faveur du projet de loi portant prorogation du mandat du président Émile Lahoud, et
Étant donné que notre vote était fondamentalement vicié puisqu’il ne reflétait ni notre acceptation ni notre volonté, ce qui le rend nul et non avenu, et que cela rend du coup tout le processus de vote sur le projet de loi portant amendement de la Constitution et prorogation du mandat présidentiel nul et non avenu,
Nous vous informons officiellement par la présente que nous étions contre le projet de loi portant prorogation du mandat du président Émile Lahoud adopté par la Chambre le 3 septembre 2004 et que nous avons fait l’objet de pressions et de menaces insoutenables qui nous ont amené à approuver ledit projet de loi contre notre gré. Cela rend notre vote nul et non avenu, comme si il ne l’était pas déjà, et invalide la loi numéro 585/2004 du 4 septembre 2004, faute de la majorité des deux tiers requise par la Constitution. Nous vous demandons donc de prendre notre position en considération et d’adopter les mesures constitutionnelles nécessaires pour rectifier les résultats erronés découlant de ce processus.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, les assurances de notre très haute considération.
Les actuels députés
(Signé)a Bahia Hariri
Michel Faraon
Walid Eido
Farid Makari
Ghenwa Jalloul
Jean Ogassapian
Nabil de Freige
Mohammed Kabbani
Nicolas Fattoush
Yeghya Gergian
Serj Tor Sarkissian
Atef Majdalani
Hagob Kassargian
L’ancien député
(Signé) Mohammed Ali Al-Mayss
Annexe III
Compte rendu de la réunion de la Commission militaire mixte syro-libanaise
(9 mai 2005)
[Original : arabe]
Sur instruction du commandement militaire de l’armée arabe syrienne et de l’armée libanaise, un comité a été créé pour enquêter sur la présence d’unités des forces arabes syriennes à l’intérieur des frontières politiques de la République libanaise dans la zone de Deir al-Achaer. Il est apparu au Comité qu’il existait des différences entre les cartes topographiques détenues par les deux pays. À ce sujet, des comités conjoints libano-syriens, composés de représentants des Ministères des affaires étrangères et des Ministères de la justice des deux pays ainsi que de techniciens, avaient été créés par le passé pour examiner ces questions mais n’avaient pas achevé leurs travaux.
Les parties syrienne et libanaise ont proposé de reconstituer ces comités pour mettre un terme aux différences entre les tracés des frontières figurant sur les cartes des deux pays et délimiter les frontières définitives à respecter.
Fait le 9 mai 2005
Pour la partie libanaise
(Signé) le général de brigade Saleh Haj Solayman
(Étant entendu que les frontières politiques sont les frontières internationales)
Pour la partie syrienne
(Signé) le général de brigade Adib Ali Qassem
[1] Le Commandement de l’Armée libanaise a déclaré à mon Envoyé spécial qu’au cours des derniers mois, les Forces armées libanaises avaient établi 17 nouvelles positions non loin des positions palestiniennes au voisinage des camps de réfugiés palestiniens, en déployant 400 soldats au total.
[2] Lors d’un incident qui met en lumière la nécessité de mettre fin à la présence d’armes entre les mains de groupes échappant à l’autorité du Gouvernement, deux policiers libanais ont été blessés par balle par des membres du FPLP-CG alors qu’ils effectuaient une patrouille au voisinage de la base fortifiée du groupe à Naameh, au sud de Beyrouth, le 10 janvier 2006. Le FPLP-CG a ultérieurement remis aux autorités le membre du groupe qui avait ouvert le feu. L’Autorité palestinienne, qui représente les Palestiniens de la Rive occidentale et de la bande de Gaza, a condamné l’incident et réaffirmé que les Palestiniens se trouvant au Liban étaient assujettis à la législation libanaise et devaient respecter celle-ci, déclarant également qu’elle estimait que de tels incidents nuisaient à la cause palestinienne et aux relations libanopalestiniennes.
[3] Aux paragraphes 31 à 37 ci-dessus, j’ai expliqué plus en détail que le Conseil de sécurité avait décidé que le secteur des fermes de Cheba’a, tant qu’un accord sur la frontière n’aurait pas été conclu, selon une procédure régulière, entre le Liban et la République arabe syrienne et déposé à l’Organisation des Nations Unies, ne pouvait être considéré comme se trouvant en territoire libanais, et continue d’être défini comme territoire syrien occupé par Israël.
[4] Le Hezbollah maintient des liens étroits et a des contacts fréquents et des communications régulières avec la République arabe syrienne et la République islamique d’Iran. Dans ce contexte, en particulier, j’ai pris note de déclarations de hauts responsables de la République arabe syrienne prônant la poursuite de la « résistance », par exemple celle du Président de la République arabe syrienne, durant la conférence de presse qu’il a tenue avec le Président de la République islamique d’Iran en visite à Damas le 19 janvier 2006, ou celle du Ministre syrien des affaires étrangères dans une interview, publiée le 28 mars 2006, qu’il a accordée au quotidien libanais As-Safir.
[5] Le 20 février, 13 membres en exercice et un ancien membre ont présenté une motion au Président Berri, dans laquelle ils affirmaient que les services de sécurité syriens et libanais avaient fait pression sur eux et les avaient menacés pour qu’ils ratifient le projet de loi tendant à proroger le mandat du Président Lahoud. Il ont fait valoir que, comme ils n’avaient pas voté librement, l’ensemble du scrutin relatif à l’amendement constitutionnel tendant à proroger le mandat du Président était nul et non avenu, et que, comme ils avaient voté sous la contrainte en faveur de la prorogation et que leur vote était de ce fait nul et non avenu, la loi qui portait amendement de la Constitution libanaise n’était pas valide puisque, techniquement, elle n’avait pas été adoptée à la majorité des deux tiers, comme le veut la Constitution. Ils ont donc demandé au Président Berri de prendre les mesures constitutionnelles nécessaires pour annuler les résultats d’un processus électoral qu’ils considéraient comme non valide. Ils m’ont remis un exemplaire de leur motion (voir annexe II). Lors d’une visite à Beyrouth, mon Envoyé spécial pour l’application de la résolution 1559 (2004) du Conseil de sécurité s’est entretenu en mon nom avec 11 des 14 parlementaires qui ont présenté la motion susmentionnée au Président Berri (trois d’entre eux se trouvaient à l’étranger et n’ont donc pu participer à l’entretien). Les parlementaires lui ont expliqué en détail ce qu’ils savaient personnellement du vote du projet de loi tendant à proroger le mandat du Président Lahoud. La plupart d’entre eux ont affirmé qu’ils avaient reçu directement des ordres des services de renseignements militaires syriens au Liban. Ces ordres auraient été transmis par le chef de ces services, le général Rustom Ghazaleh, et/ou par le chef des services de renseignements syriens à Beyrouth, Muhammad Khalloul, soit lors de réunions tenues au siège des services de renseignements syriens au Liban, à Anjar, soit au siège des services de renseignements militaires syriens à Beyrouth, à Beau Rivage, ou par téléphone. Selon la plupart des parlementaires, on leur avait dit qu’il avait été décidé que le mandat du Président Lahoud serait prorogé et qu’ils devaient agir conformément à cette décision. On leur avait dit également que s’ils ne respectaient pas cette décision, ils risquaient de compromettre la sécurité et la stabilité du Liban et leur sécurité personnelle. Un certain nombre de parlementaires ont en outre relaté les conversations qu’ils ont eues avec l’ancien Premier Ministre Hariri, qui avaient confirmé les ordres qu’on leur avait donnés, en indiquant que sa propre vie serait en danger si le Parlement ne votait pas en faveur de la prorogation du mandat du Président Lahoud. Le Gouvernement syrien a nié catégoriquement toutes ces allégations.
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