Jorge Castañeda, ancien ministre des Affaires étrangères du Mexique, et Miguel Angel Moratinos, actuel ministre des affaires étrangères d’Espagne, ont révélé que l’Espagne, la Colombie et le Salvador étaient impliqués aux côtés des États-Unis dans le coup d’État avorté qui renversa le président élu du Venezuela, Hugo Chavez, en avril 2002. Ce sont le Mexique et la France qui ont fait obstacle à la reconnaissance internationale des golpistes. Ces confirmations officielles ont fait l’effet d’une bombe en Espagne et dans toute l’Amérique latine.
En avril 2002, le Mexique et le Chili ont fait obstruction à la poursuite des initiatives conjointes des États-Unis, de l’Espagne, de la Colombie et du Salvador qui devaient aboutir au coup d’État contre le président vénézuélien Hugo Chavez, a confié l’ancien conseiller présidentiel mexicain Jorge Castañeda au journal Reforma de ayer [1].
« Non seulement nous avons dit « non » (au soutien au président du patronat Pedro Carmona, qui occupa brièvement la présidence à Caracas), mais également, et surtout avec les Chiliens, nous avons fait changer d’avis l’assemblée du Groupe de Rio, et grâce au travail de l’ex-ministre Soledad Alvear ainsi qu’au mien, les présidents du Groupe de Rio ont même décidé de diffuser une déclaration de soutien à l’ordre constitutionnel », a déclaré Castañeda.
L’ancien ministre mexicain a ajouté que les gouvernements à Washington, Madrid, Bogota et San Salvador étaient à l’origine de plusieurs propositions visant à aider Carmona, bien que de telles initiatives n’aient pas été approuvées par d’autres pays américains ou européens.
« En effet, les États-Unis et l’Espagne ont proposé au Mexique, au Brésil, à l’Argentine et à la France de signer une déclaration de reconnaissance du gouvernement de Pedro Carmona », a révélé Castañeda, qui en 2002 était chef de la diplomatie du gouvernement formé par le président Vicente Fox.
Selon cet ancien ministre, peu de temps après l’éphémère coup au Venezuela qui écarta le président Hugo Chavez du pouvoir pendant 47 heures en avril 2002, « il y eut au Congrès (du groupe latino-américain) de Rio une autre tentative similaire du président du Salvador de l’époque, Francisco Flores, et de celui de Colombie, Andrès Pastrana, pour éviter que Chavez ne revienne au pouvoir. »
« Au Congrès de Rio, où ne siégeaient ni les États-Unis, ni l’Espagne, on vit qu’en revanche les représentants d’Amérique centrale, en particulier le président Flores et dans une moindre mesure le président Pastrana, s’efforçaient de faire évoluer la situation en faveur de Carmona », affirme Castañeda, candidat déclaré pour les présidentielles de 2006 au Mexique.
Concernant l’implication de la Colombie dans le coup d’État au Venezuela, le sociologue colombien Alfredo Molano a assuré au magazine vénézuélien Panorama qu’effectivement l’élite de Bogota est toujours motivée pour discréditer le gouvernement du président Hugo Chavez Frias. Suite aux déclarations de l’ancien ministre des Affaires étrangères, M. Molano nous a indiqué par téléphone depuis Bogota : « Il est certain qu’au-delà du gouvernement de Pastrana, ce sont les chefs d’entreprise qui ont appuyé le coup, notamment les grands syndicats patronaux, par exemple la Federacion de Ganaderos y de Comerciantes. »
« Je me souviens clairement que dans cette période la Federacion de Comerciantes a apporté son soutien au coup du Venezuela. À ce moment-là, elle était présidée par celui qui est aujourd’hui ministre de l’Intérieur et de la Justice. »
« Les spéculateurs, propriétaires terriens et commerçants, je suis absolument certain qu’ils ont soutenu le coup », résume-t-il. Selon lui, « Ce qui les motive, c’est la peur de Chavez, en raison de la frontière si étendue, en raison de ses idéaux politiques et de son indépendance vis-à-vis des États-Unis. »
« La haute société et l’élite de Bogota paniquent rien qu’à entendre prononcer le nom de Chavez, aussi ils le discréditent et se le représentent comme un ennemi potentiel et dangereux. D’où les 40 tanks que voulait acheter Uribe et le renforcement de la frontière. Ainsi, je crois que ce n’est pas simplement le problème de la guérilla à la frontière colombienne, dans la Guajira, Catatumbo, Arauca et autres. Ils craignent beaucoup que la guérilla soit appuyée par les Vénézuéliens. »
Dans l’actualité, l’attitude de l’élite économique reste identique, mais aujourd’hui elle est représentée par Uribe, assure Molano. « Il est clair que Uribe ne s’apprête pas à une confrontation violente avec Chavez, mais l’attitude de l’oligarchie, des patrons et de l’aristocratie reste très réfractaire à Chavez, d’autant plus qu’ils sont très liés aux États-Unis. (...) Ici, l’élite économique se fait en permanence la voix des États-Unis », explique le sociologue.
Pour sa part, l’ancien président du Salvador et actuel candidat au poste de secrétaire général de l’Organisation des États américains (OEA), Francisco Flores, a démenti avoir cautionné le coup d’État perpétré au Venezuela en avril 2002 et a déclaré qu’« il attendait » de s’entretenir avec lui à ce sujet.
Dans une revue publiée par le quotidien La Nacion, Flores a été interrogé sur son soutien à l’éphémère gouvernement de Pedro Carmona au Venezuela en avril 2002 ? Il a répondu « Au contraire, nous considérons la renonciation du président Chavez comme le point culminant d’un long processus de polarisation, confrontations et abus des principes démocratiques". Néanmoins, le 16 avril 2002, après le retour au pouvoir de Chavez, le gouvernement salvadorien saluait le retour du président constitutionnel et plaidait pour « la promotion de la démocratie ».
L’ancien ministre des Affaires étrangères mexicain confirme qu’Aznar a soutenu le coup contre Chavez
Avec l’effet d’une bombe de mille mégatonnes, le Parti Populaire (PP) a pris connaissance aujourd’hui de la révélation de l’ancien ministre des Affaires étrangères mexicain Jorge Castañeda selon laquelle José Maria Aznar et George W. Bush s’activaient en faveur du coup d’État contre Hugo Chavez.
Dans des déclarations téléphoniques à Radio Formula reproduites par le quotidien El Pais, Castañeda confirme l’activisme de l’ambassadeur du gouvernement Aznar au Venezuela pendant le coup d’avril 2002, Manuel Viturro. Il indique qu’il a travaillé sans relâche à consolider le coup contre Chavez et la présidence de facto de l’entrepreneur Pedro Carmona. « Je me souviens que l’ambassadeur d’Espagne à Caracas s’activait intensément à consolider ce qui se passait [le coup et les nouvelles autorités] », a déclaré Castañeda à Radio Formula. « Les États-Unis et l’Espagne ont mis le paquet. »
Les révélations de Castañeda, dont les positions politiques conservatrices ne font aucun doute, interviennent à un moment où le PP a lancé une virulente campagne contre le gouvernement socialiste en raison des déclarations de son ministre des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos, selon lesquelles Aznar avait soutenu le coup. La réaction fut si extrême que les principaux leaders populaires ont rompu toute forme de pacte avec le chef du gouvernement, José Luis Rodriguez Zapatero, exigeant de lui qu’il oblige Moratinos à présenter des excuses publiques ou à démissionner.
Le 1er décembre, le ministre des Affaires étrangères devait s’exprimer devant le Congrès où il a avait annoncé qu’il expliquerait sa manière de procéder. Le débat avait eu lieu en présence d’Hugo Chavez à Madrid pour une visite officielle.
Castañeda a révélé une partie de l’activité de l’ambassadeur espagnol au Venezuela pendant le coup et a ajouté que le Mexique, ainsi que d’autres pays latino-américains avaient refusé d’apposer leur sceau au communiqué conjoint de Washington et Madrid publié le 12 avril, un jour après le coup.
Le document exprimait le souhait d’un rapide retour à la normalité démocratique, mais sans réclamer la réinstallation de Chavez
« Il y avait l’intention de chercher une déclaration qui, d’une manière ou d’une autre, soutienne, sanctionne, avalise le coup et reconnaisse le nouveau gouvernement », selon Castañeda. Bush et Aznar avaient l’intention d’impliquer l’Amérique Latine dans leur plan, mais ils n’y sont pas parvenus. Leurs intentions étaient doubles : un communiqué hispano-étasuno-latino-américain et une déclaration régionale. « Ils voulaient le faire, sans aucun doute, mais nous autres ne voulions pas nous prêter à ce jeu », résumait Castañeda.
Le 13 avril, une fois tous les pouvoirs de l’État dissous, Manuel Viturro et Charles Shapiro, respectivement ambassadeur de Madrid et de Washington, accoururent pour se réunir avec Carmona. Aucun autre ambassadeur ne le fit parce que « cela demeurait quelque chose d’esthétiquement laid. C’était comme reconnaître un président golpiste. », conclut le récit d’El Pais.
[1] Sur le coup d’État, voir « Opération manquée au Venezuela » par Thierry Meyssan, Voltaire, 18 mai 2002.
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