Alors que les biocarburants avaient été vendus aux opinions publiques occidentales comme une alternative verte au pétrole, ils sont vite apparus comme un désastre environnemental et une menace de famine. Au Brésil, le gouvernement de Lula Da Silva en a fait une priorité politique, encourageant le déboisement de la forêt tropicale pour ce type de culture. Protestant contre cet aveuglement, la ministre de l’Environnement Marina Silva a démissionné. Un débat qui fait clivage entre deux gauches.
Klaus Schenck, membre de l’organisation Rettet den Regenwald (Sauvez la forêt tropicale) déclare que « la chancelière Merkel se trouve aujourd’hui lors de sa visite d’État au Brésil devant une autre situation désastreuse résultant de la politique allemande relative à l’environnement et à l’énergie. » « Fin avril, le ministre de l’Environnement Sigmar Gabriel et son homologue brésilienne Marina Silva avaient clamé la « durabilité » de la production de du bioéthanol et annoncé un accord bilatéral sur l’énergie axé sur les biocarburants. La démission de la ministre brésilienne de l’Environnement Marina Silva le 13 mai 2008 montre que ces proclamations ne sont rien d’autre que de belles paroles. »
La démission de la ministre brésilienne fait retentir les sonnettes d’alarme [1]. Dans sa lettre de démission, Silva justifie sa décision par la « résistance que sa politique de l’environnement a rencontré dans des milieux importants du Gouvernement et de la société civile. » D’autres fonctionnaires de haut rang, membres du ministère brésilien de l’environnement tout comme le directeur de l’administration de la forêt Ibama ont démissionné avec Marina Silva. Le fait que le Brésil et Silva détenaient la présidence de la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique qui siège ces jours-ci à Bonn et que l’Allemagne en a repris la présidence, est également une source de conflits.
L’ex-ministre, issue d’une famille cultivant le caoutchouc dans l’État de l’Acre, s’est engagée pour la protection de l’environnement et particulièremenet pour la réduction de la destruction de la forêt amazonienne. Sa démission est un signal d’alarme clair quant à la progression du défrichage de la forêt tropicale. L’échec de ses efforts se dessinait déjà à la fin de l’année dernière. Le gouvernement brésilien a dû avouer publiquement une augmentation dramatique du défrichage de la forêt tropicale. La ministre de l’Environnement Silva se trouvait en désaccord avec le ministre de l’Agriculture Stephanes parce qu’il a encouragé la culture de canne à sucre pour la production d’éthanol dans une région de l’Amazone qui – selon ses dires – se trouvait sur des terres déclassifiées. En outre, elle était la seule ministre du gouvernement Lula qui s’est – malheureusement là aussi sans succès – déclarée opposée à la construction de nouvelles centrales nucléaires telle Angra 3 et à l’utilisation de plantes génétiquement modifiées.
Sa démission juste avant l’adoption d’une modification de la loi sur la protection de la forêt (Código Florestal) exigée depuis 2005 par l’industrie agrochimique et qui en réalité autoriserait le déboisement à grande échelle de l’Amazonie, montre clairement que le gouvernement de Lula da Silva n’accorde aucune importance à la politique écologique – la ministre en a donc tiré les conséquences.
Selon Klaus Schenck « la chancelière allemande Angela Merkel et le ministre de l’Environnement Sigmar Gabriel devraient en faire de même. »
« La politique écologique et énergétique allemande et européenne ne sont pas cohérentes et causent de graves dommages à l’homme et à son environnement. Des quotas de mélange de bioéthanol au carburant fossile ont été fixés par les politiques sans qu’on réfléchisse sérieusement au lieu et à la manière de laquelle celui-ci sera produit. Dans la pratique, cela signifie le défrichage de la forêt tropicale pour remplir les réservoirs des voitures allemandes avec du diesel à base de soja et de l’éthanol à base de canne à sucre. »
Dans une lettre ouverte adressée à Merkel et à Gabriel, l’association « Rettet den Regenwald » et d’autres organisations sociales et écologiques ont violemment protesté contre cela. « Nous avons exigé d’Angela Merkel de ne pas signer l’accord sur l’énergie et de stopper les importations de biocarburants d’Outre-mer. » L’association vient de lancer une pétition destinée à Madame Merkel. « Hier, nous avons protesté devant le Ministère allemand de l’Environnement à Bonn avec des paysans brésiliens. Le slogan était ‹les biocarburants donnent faim, pas d’accord sur l’énergie avec le Brésil›. »
La commission pastorale catholique CPT se plaint que l’augmentation massive de la production d’éthanol à base de canne à sucre ait provoqué une « explosion du travail d’esclaves ». Des représentants des Églises ont désigné l’éthanol à base de canne à sucre de « carburant de la mort ».
Les barons du soja et de la canne à sucre fêtent déjà le départ de la ministre de l’Environnement. Ceux-ci la considéraient comme « radicale » parce qu’elle leur avait toujours mis des bâtons dans les roues lorsqu’il s’agissait du défrichage de la forêt tropicale pour installer de nouvelles plantations. La production couplée d’huile de soja pour mixer au carburant diesel et de gruaux de soja pour la production de viande permet aux entreprises industrielles de faire des profits fabuleux. Maintenant elles ont les mains libres pour déboiser la forêt tropicale et planter du soja et de la canne à sucre.
Tout cela montre clairement que l’Allemagne et l’Union européenne doivent défendre l’importation d’éthanol et de diesel agricole en provenance du Brésil et d’autres pays tropicaux. « Rettet den Regenwald » exige : « Madame Merkel, stoppez ce cauchemar dans le domaine des biocarburants ! » Angela Merkel et Sigmar Gabriel doivent changer radicalement leur politique dans le domaine de la forêt tropicale et de l’énergie. Au lieu de soutenir l’importation de biocarburants par un accord gouvernemental, il nous faut un arrêt d’importation immédiat de ces produits.
[1] Sur le même sujet, voir : « Convertir les aliments en carburant, c’est créer la famine », par Fidel Castro Ruz, Réseau Voltaire, 31 mars 2007. Ndlr.
Restez en contact
Suivez-nous sur les réseaux sociaux
Subscribe to weekly newsletter