En Turquie, l’Église et l’État sont strictement séparés, cela figure dans toutes les constitutions depuis 1923 et la création de la Turquie moderne par Atatürk. Il est clair, pour ceux qui me connaissent bien et qui connaissent bien mon parti, que nous ne reviendrons pas sur ce point. Ma fille, ma femme et moi sommes des musulmans croyants. Le Coran conseille à une femme de porter un foulard en public et ma fille qui suit le Coran applique ce précepte. En plus de cette fonction, elle lui trouve un côté chic. Pour cette raison, elle doit suivre ses études à l’étranger mais cela ne signifie en rien que je suis contre la séparation de l’Église et l’État. Il est tout à fait possible d’assumer un mandat électoral et de pratiquer sa religion tout en séparant ces deux spheres. Ce n’est pas particulier à la Turquie, mais commun à tous les États modernes. Je pense que l’interdiction du foulard dans l’enseignement supérieur est une erreur. Un État démocratique doit assurer la liberté de religion à ses citoyens. Je ne pense pas qu’une étudiante portant le foulard mette le contenu de l’enseignement en danger, ni ne fasse un affront aux professeurs, et j’estime nécessaire de revenir sur cette loi. Le Dinayet, la plus haute autorité pour les questions religieuses en Turquie, qui a étudié la question, a estimé que le foulard est une manifestation de foi, mais ne constitue absolument pas un symbole religieux. C’est pour cela qu’il a une place toute autre dans l’Islam que la croix pour la Chrétienté.
D’après ce que je sais, seulement un Parlement régional sur 16 s’est prononcé en Allemagne pour l’interdiction du voile. En France, cette interdiction ne concerne que les établissements publics. Les avis semblent partagés entre ces deux pays. Les interdits sont la méthode française pour aborder un problème, nous les Turcs sommes plus proches de la tradition anglo-saxonne de la laïcité. Nous pensons qu’au XXIième siècle, il est ridicule de vouloir interdire à quelqu’un certains vêtements.
L’Union européenne n’est déjà plus un club chrétien et nous ne sommes pas des missionnaires qui viendraient vous convertir. Il y a déjà beaucoup de Juifs et de Musulmans en Europe, et si l’Union européenne se pense en club chrétien, ces croyances n’y auront plus leur place. L’Union européenne est fondée sur des valeurs communes qui viennent des Lumières, les Droits de l’homme, la liberté de culte ou d’opinion en font partie. Nous partageons ces valeurs de tolérance religieuse, mais nous attendons aussi la même chose vis-à-vis de nous.
« Warum trägt Ihre Tochter ein Kopftuch ? », Recep Tayyip Erdogan, Welt am Sonntag, 6 Février 2005. Ce texte est adapté d’une interview.
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