Les relations entre la Russie et les pays d’Amérique latine et du Bassin carribéen (LACB) jouissent de racines qui s’enfoncent très profondément dans les siècles passés. Au cours des nombreuses années de leur existence, celles-ci ont connu des périodes d’envol et d’autres de stagnation, voire même de compétition idéologique féroce.
Et pourtant, malgré toutes ces vicissitudes nos peuples n’ont jamais cessé de s’intéresser l’un à l’autre. Il est évident que la distance géographique qui nous sépare n’est pas un obstacle au respect mutuel, ni à l’amitié, ni à la coopération dans les domaines les plus variés. C’est que nos pays représentent des civilisations uniques dotées des héritages culturels et historiques des plus riches, sans compter un potentiel économique tout à fait considérable.
Conformément au Concept de politique étrangère de la Fédération de Russie signé par le Président D. A. Medvedev, le développement de la coopération avec les Etats de LACB se range parmi les priorités de l’activité internationale de notre pays. L’effort que mène la Russie en vue de renforcer des partenariats sur des plans multiples présente un caractère stratégique et s’inscrit dans le long terme ; il est basé sur le pragmatisme et la volonté de mettre en pratique sur le principe du bénéfice mutuel des projets communs et d’autres affaires concrètes qui seront bénéfiques à nos peuples et à nos pays.
Ce qui nous rassemble, c’est la proximité de nos vues sur les problèmes de l’actualité politique et économique mondiale. Ceci revêt une importance toute particulière dans la mesure où le LACB prend une place et un poids de plus en plus significatif dans les affaires internationales, pour devenir l’un des centres où se forme le nouvel ordre mondial multipolaire, qui est appelé à être plus démocratique et plus stable, parce qu’il s’appuiera sur des actions collectives et concertées prenant en compte les normes universellement reconnues du droit international, ainsi que les traditions culturelles et historiques. Les principaux Etats de la région participent de plus en plus activement à la formation de l’ordre du jour mondial. Trois d’entre eux, le Brésil, le Mexique et l’Argentine, participent au G20 qui rassemble les principales économies de la planète. La Russie coopère déjà avec le Brésil, ainsi qu’avec la Chine, l’Inde et l’Afrique du Sud, dans le format plein d’avenir que constitue le BRICS.
Avec nos partenaires d’Amérique latine, nous nous engageons en tant qu’alliés naturels sur des questions telles que la nécessité de garantir la primauté du droit international, le renforcement du rôle des organismes multilatéraux dans la résolution des problèmes internationaux, et la restitution d’un rôle central à l’ONU, la recherche de réponses collectives aux défis de notre époque, ainsi qu’aux problèmes environnementaux de portée globale. Nos visions sont pratiquement identiques en ce qui concerne la réforme de l’architecture mondiale et des normes du commerce international, l’importance du respect de la diversité culturelle et civilisationnelle du monde et la nécessité de prévenir les conflits entre civilisations.
Ces derniers temps le développement des liens entre les pays de la région a acquis un puissant élan positif. Nos pays démontrent une énergie indomptable dans la construction d’une coopération sur des bases égalitaires et de profit mutuel dans les domaines et sur les questions les plus variés. Ces trois dernières années seulement, ce sont 22 sommets et plus de 60 rencontres au sommet qui se sont tenus, plus de 70 accords ont été signés au niveau bilatéral, pratiquement la moitié des quelque 150 documents qui ont été signés ces vingt dernières années.
Les rencontres au niveau des structures gouvernementales ont acquis un caractère régulier et le dialogue inter-parlementaire, les consultations entre administrations des Affaires étrangères font de même. Mes visites qui viennent de s’achever au Salvador, au Pérou et au Vénézuela sont appelées à donner une nouvelle impulsion à notre coopération.
Aujourd’hui la priorité d’entre les priorités est de renforcer le dialogue politique par le développement du système des relations économiques et commerciales. Cela d’autant plus que toutes les conditions pour cela sont réunies : le rythme du développement économique de la région est tout à fait satisfaisant. Le chiffre des échanges, qui avait baissé de près d’un tiers pendant la période de crise, se monte à 12,4 milliards de dollars à la fin de l’année écoulée, et atteint déjà 7,4 milliards sur les cinq premiers mois de l’année en cours, ce qui nous permet d’envisager l’avenir avec optimisme.
Il ne s’agit pas seulement de développer le volume des échanges, mais aussi d’élargir leur spectre, en premier lieu par l’échange de produits et de services à forte valeur scientifique. Il est bien connu que de nombreux pays d’Amérique latine développent des projets de haute technologie, notamment dans le domaine du nucléaire. Des efforts communs permettront de faire avancer d’autres projets notamment dans le domaine de l’espace.
L’intérêt pour cette région augmente au sein du millieu des affaires russe, notamment dans le domaine de l’énergie et des ressources minières. Les plus importantes compagnies russes, au nombre desquelles Lukoil, Gazprom, RAO UES, Rusal et bien d’autres, développent déjà leurs activités au Mexique, au Vénézuela, en Bolivie, en Colombie, en Guyanne, à Cuba. Des négociations sont en cours pour renforcer leur coopération avec l’Argentine, le Brésil, le Pérou, le Chili. Des schémas permettant d’intégrer à ce mouvement les entreprises moyennes et petites sont actuellement en cours d’élaboration.
L’un des facteurs favorisant ce renforcement de la coopération sera la mise en place de relations interbancaires solides. Une banque russo-vénézuélienne est déjà fondée. Des accords ont été signés pour organiser la coopération entre la banque russe Vneshekonombank et la Corporation de développement andine et avec l’Association latino-américaine des institutions financières de développement. Nous examinons en outre la prise de participation de la Russie à la Banque panaméricaine de développement.
C’est avec satisfaction que nous avons constaté le développement d’une expérience positive dans le domaine des opérations communes de sauvetage et d’aide aux pays victimes de catastrophes naturelles. Un travail considérable est en cours pour créer un centre régional du Ministère des situations d’urgence de Russie au Vénézuela, ainsi qu’un système de prévention des situations d’urgence et de liquidation de leurs conséquences au Nicaragua.
Les meilleures traditions d’échanges culturels et humanitaires entre la Russie et les pays d’Amérique latine vivent une renaissance. Les pays de la région accueillent actuellement environ 300 000 de nos concitoyens, ce qui constitue une base plus que solide pour le lancement d’actions communes. Les travaux se poursuivent également dans le domaine de l’éducation, puisque la Confédération latino-américaine des diplômés d’institutions russes (ou soviétiques) est déjà créée et fonctionne.
L’espace sans visa s’élargit progressivement, ce qui permet de faciliter les relations d’affaires, les contacts entre personnes. Des accords allant dans ce sens sont entrés en vigueur avec l’Argentine, le Brésil, le Vénézuela, la Colombie, Cuba, le Nicaragua, le Pérou, le Chili, un autre vient d’être signé avec l’Equateur, d’autres encore sont en cours de préparation, avec le Guatemala, Panama et l’Uruguay.
Nous nous attachons avec constance à développer la coopération avec toutes les formations politiques de la région, notamment avec l’Organisation des Etats d’Amérique. Nous conduisons un dialogue politique avec le Groupe de Rio, nous poursuivons des contacts avec le Marché commun d’Amérique du Sud, avec l’Alliance bolivarienne pour les peuples d’Amérique, avec le Système d’intégration d’Amérique centrale, avec la Communauté Caraïbe. C’est avec intérêt que nous suivons les activités de l’Union des Etats d’Amérique du Sud et l’établissement de la Communauté des Etats d’Amérique du Sud et du Bassin carribéen, laquelle est appelée à consolider les processus d’intégration de la région et de devenir le « plus petit dénominateur commun ». Nous constatons l’importance de l’intégration, sur une base égalitaire, de Cuba à la communauté latino-américaine.
De nouvelles perspectives s’ouvrent pour notre coopération multilatérale dans le cadre de l’APEC. Dans le contexte de la présidence russe en 2012 nous avons l’intention d’activer les initiatives communes de caractère pratique, notamment le développement des infrastructures économiques et commerciales, la coopération visant à moderniser nos économies et la garantie de la sécurité énergétique.
Nous sommes convaincus que le développement de la coopération que nous prévoyons de construire sur une base pragmatique, libre de toute idéologie, d’égalité des droits et visant au profit mutuel, répond à nos intérêts respectifs. Nous escomptons que cette politique trouve et trouvera un écho positif parmi nos partenaires dans la région, et que sa réalisation progressive démontrera la réalité de cette nouvelle étape dans nos relations.
Article publié dans La Gazette de Russie et dans les périodiques d’Amérique latine Clarin (Argentine), Folha de Sao Paulo (Brésil), Observador (Uruguay)
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