La tendance générale
Bruit de bottes en Turquie et subversion des pro-US au Liban
Après avoir observé un silence d’un mois au sujet de la Syrie, la Turquie commence de nouveau à hausser le ton contre Damas, preuve d’un projet occidental dont les grandes lignes commencent à se préciser. Selon des informations dignes de foi, la Turquie a commencé à fournir une assistance financière, militaire et logistique à l’opposition syrienne, à la demande des États-Unis et avec le concours de certains pays du Golfe, qui jouent le rôle de bailleurs de fonds. Par ailleurs, la Turquie aurait établi sur son sol des camps d’entraînement pour l’opposition syrienne, à proximité des frontières sud du pays, en prélude à l’établissement d’une zone tampon sur le sol syrien. Le projet prévoit une incursion des forces turques de l’autre côté des frontières afin d’entraîner une décision syrienne d’envoyer sur place des unités de l’armée pour contrer cette agression contre le territoire national. La Turquie pourra alors, conformément à la convention de l’Otan, appeler l’Alliance atlantique à la rescousse. Parallèlement, l’opposition syrienne s’en prendra à des postes de l’armée et des services de renseignement, et les manifestants réclameront l’intervention de l’Otan.
Les États-Unis espèrent aussi mettre le Liban à contribution dans ce complot. Si le gouvernement et la majorité de la classe politique et de la population refusent catégoriquement de se laisser entrainer dans ce sale jeu, une partie des Libanais n’y voient pas d’inconvénients. Il s’agit notamment du Courant du Futur de Saad Hariri, allié pour la circonstance aux mouvements salafistes et extrémistes. Tout ce beau monde a transformé les zones frontalières allant de l’Akkar, au Nord du Liban, à Kaa, à l’Est, en passant par Wadi Khaled, en une base-arrière pour les opposants syriens. Ceux-ci reçoivent armes et argent, mais aussi assistance logistique. Les extrémistes blessés lors des attaques contre l’armée syrienne sont transportés dans des hôpitaux du Liban-Nord pour y être soignés. Toutes ces opérations coûteuses sont financées par de l’argent provenant des pétromonarchies.
Mais il existe au Liban un fort mouvement politique et populaire qui s’oppose à ce que le Liban serve de rampe et de plateforme pour déstabiliser la Syrie.
Aussi bien le projet d’une intervention turque que celui d’une subversion menée à partir du Liban seront voués à l’échec. Car ceux qui ont imaginé ces plans n’ont pas pris en compte la réaction de l’armée syrienne et des alliés de Damas qui ont la capacité de se défendre —et même d’attaquer— sur un front long de plusieurs milliers de kilomètres.
La tendance en Syrie
Washington et ses amis torpillent le plan de paix de la Ligue arabe
La crise en Syrie a permis de faire tomber la dernière feuille de vigne qui cachait encore le peu de virilité dont peut se vanter la Ligue arabe, qui était naguère incontournable dans le paysage politique international. Cette institution, ou ce qu’il en reste, n’est plus qu’un instrument que les États-Unis manipulent pour servir leurs propres intérêts.
C’est ainsi que l’initiative arabe a été concoctée par le Qatar dans l’espoir qu’elle soit rejetée par le leadership syrien. De la sorte, le dossier de la crise syrienne serait renvoyé au Conseil de sécurité avec une couverture arabe, selon le même processus observé dans le dossier libyen. Consciente de la nature du complot dont elle est victime, la Syrie n’est pas tombée dans le piège et a accepté le plan arabe, son principal souci étant de trouver une issue pacifique à la crise et de ne pas embarrasser ses amis des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud).
Lorsque le Qatar a senti que Damas allait accepter l’initiative, son ministre des Affaires étrangères, Hamad Ben Jassem, a tenu des propos peu diplomatiques, frôlant l’insolence, à l’adresse de la direction syrienne, dans le but de la provoquer et de la pousser à rejeter le plan. Mais c’était mal connaitre les dirigeants syriens qui savent garder leur sang froid en période de crise. Aussi, ont-ils accepté le plan et annoncé qu’ils en appliqueraient toutes les clauses. Ils ont libéré quelque 700 détenus et annoncé le retrait imminent de l’armée des villes. La réaction de Washington, des pays européens et de la Turquie, illustre parfaitement leurs intentions. Au lieu d’encourager toutes les parties à faire preuve de bonne volonté et de sagesse, ils ont mis en doute les intentions de Damas, comme pour encourager l’opposition syrienne à ce pas coopérer. Les États-Unis sont allés beaucoup plus loin en conseillant aux groupes armés en Syrie de ne pas remettre les armes et de ne pas accepter l’offre d’amnistie immédiate présentée par les autorités syriennes. Ensuite, le président du Conseil national syrien (CNS), Burhane Ghalioun, a annoncé du Caire le refus de tout dialogue avec le régime de Bachar el-Assad. Cela signifie, en clair, que l’opposition, appuyée par Washington, torpillait l’initiative arabe.
Au lieu de faire pression sur le CNS, le secrétaire général de la Ligue arabe, Nabil Al-Arabi, a multiplié les critiques à l’adresse de Damas. Et avant même que le délai de deux semaines accordée à la Syrie pour mettre en œuvre les clauses du plan ne soit écoulé, la Ligue a accusé la Syrie de ne pas honorer ses engagements et à décidé de convoquer une réunion ministérielle urgente pour débattre de la situation dans le pays.
La collusion entre certains pays membres de la Ligue et les groupes armés en Syrie ne fait plus aucun doute. La convocation de la réunion est intervenue après la défaite cuisante des extrémistes armés qui ont perdu leur bastion de Baba Amr, à Homs, d’où ils terrorisaient la population et harcelaient les troupes régulières.
Selon des sources bien informées, l’Armée syrienne a découvert dans ce quartier un hôpital de campagne souterrain, des dépôts d’armes de tous calibres et une infrastructure insurrectionnelle sophistiquée. Une centaine d’extrémistes armés se sont rendus ou ont été capturés dans les opérations militaires qui ont duré une semaine.
Situé à l’ouest de Homs, Baba Amr avait une profondeur géographique qui le reliait directement au Liban, loin de 22 kilomètres seulement. Armes, argent, matériels et renforts en hommes étaient acheminés via le Liban aux insurgés à travers le village syrien de Kousseir. Sa chute constitue un coup dur aux extrémistes et à leurs soutiens occidentaux. C’est ce qui explique la réaction hystérique de la Ligue arabe.
Déclarations et prises de positions
Michel Sleiman, président de la République libanaise
« Je salue l’accord auquel est parvenu la Ligue arabe sur la Syrie. Cette initiative permet à la Ligue de récupérer son rôle dans le règlement des causes arabes sans ingérence étrangère. »
Alain Juppé, ministre français des Affaires étrangères
Extraits d’une interview accordée au quotidien saoudien Ach Sharq Al Awsat
« Ce qui se passe en Syrie est dangereux d’abord par rapport au peuple syrien, au vu du nombre croissant de morts, mais c’est également une menace qui risque de porter atteinte à la stabilité de l’ensemble de la région. Il y a évidemment les conséquences sur le Liban, mais aussi l’augmentation des tensions dans les relations avec la Turquie et les conséquences potentielles sur les relations avec Israël. Cette crise nous préoccupe donc pour son impact sur la stabilité de l’ensemble de la région, c’est pourquoi le Conseil de sécurité doit se prononcer sur le sujet. Nous ne devons pas intervenir dans les affaires internes des États, mais en 2005 l’Onu a reconnu le principe de la responsabilité de protéger les civils. Ce principe permet à la communauté internationale de se substituer à un gouvernement si ce dernier s’avère incapable de protéger ses citoyens. Ce cas se présente en Syrie aujourd’hui. Il y a ensuite les risques de déstabilisation régionale, qui relèvent de la responsabilité du Conseil de sécurité qui doit avertir et prendre des mesures pour empêcher les atteintes à la stabilité dans la région et au Liban en particulier (…) Le Liban souffre d’autres problèmes à part les répercussions de la situation en Syrie. Il y a notamment le dossier du TSL, et en particulier l’engagement du Liban à l’égard du financement du Tribunal d’une part, et de la reconduction de son mandat au printemps prochain d’autre part. »
Najib Mikati, Premier ministre du Liban
« Si le Liban dans son ensemble soutenait le régime syrien ou bien s’y opposait, nous ne pouvons rien faire. Nous avons adopté la neutralité, comment peut-on dire que cela n’est pas positif ? Je veux éviter à mon pays de boire quelque coupe amère que ce soit et nous devons nous protéger de tout ce qui peut porter atteinte à l’intérêt du Liban, à sa paix civile. Les rapts d’opposants syriens au Liban se sont produits il y a plusieurs mois, avant la formation de mon gouvernement (…) Il existe, certes, des cas individuels, mais nous ne pouvons pas généraliser et dire que toute la situation est instable. Il y a eu des incidents, mais isolés. La justice fait son devoir et nous la soutenons. L’opposition a le droit de dire ce que bon lui semble, mais moi, je ne veux pas comparer la réalité du cabinet que je préside avec les gouvernements précédents, leur nature ou comment leurs membres allaient en Syrie, même si je suis convaincu que cela n’a rien de honteux. Mon souci est de préserver l’unité nationale. Ceux qui nous demandent d’adopter une autre position et ceux qui oublient que notre société est divisée, que les Libanais sont divisés sont irresponsables. Je ne m’attends pas que le Hezbollah soutienne le TSL après avoir été pointé du doigt par son acte d’accusation. Ce dont je suis certain, en revanche, c’est que l’intérêt du Liban est important pour le Hezbollah et son chef. Ma position est ferme. Je m’engage totalement à l’application des résolutions onusiennes, dont la 1757 sur le Tribunal international et son financement. J’aspire à la préservation de la stabilité du Liban et je n’envisage pas de démissionner pour le moment. »
Michel Aoun, principal leader chrétien libanais
« Les armes de la Résistance n’ont pas besoin de permis dans tous les pays. Nous soutenons le dialogue à condition de déterminer les sujets de discussion. Que les personnes concernées se penchent sur la vision que j’avais présentée pour élaborer une stratégie de défense. La décision de guerre et de paix n’est pas entre les mains du Hezbollah mais entre celles d’Israël et des États-Unis (…) J’ai surmonté toutes les tentatives d’isolement visant à m’écarter de la vie politique. Un milliard de dollars ont été versés durant les élections en 2009 pour me faire sortir du champ politique. Nos détracteurs sont prêts à verser de nouveau 3 milliards de dollars cette fois-ci pour financer les législatives en 2013. »
Mohammad Raad, chef du bloc parlementaire du Hezbollah
« L’ennemi israélien traverse actuellement la pire période de son existence. Par conséquent, il est incapable de mener une guerre contre le Liban. Les évènements régionaux visent les mouvements résistants qui ont pu mettre un terme à l’hégémonie de l’Occident. La Résistance au Liban a porté un coup à l’ennemi qui est désormais incapable de garantir le succès de ses objectifs politiques à travers une guerre. L’ennemi se débat dans ses propres problèmes, incapable d’affronter toute crise et se suffit de lancer des menaces. »
Jeffrey Feltman, secrétaire d’État adjoint états-unien pour le Proche-Orient
« Nous nous attendons à ce que le Liban honore la totalité de ses engagements internationaux car le tribunal a été créé sur demande du gouvernement libanais et des Libanais surtout que le Liban est membre du Conseil de sécurité. Le cas échéant, nous prendrons les mesures punitives contre lui liées à ses relations avec les États-Unis et d’autres pays. »
Revue de presse
As Safir (Quotidien libanais proche de la majorité, 05 novembre 2011)
Nabil Haitham
La visite à Moscou d’une délégation du Hezbollah a donné lieu à une campagne menée par les parties lésées afin d’en minimiser l’importance et de déformer les prises de position russes exprimées à cette occasion. Cette campagne a même fait état d’une prétendue menace russe relative à des sanctions contre le Liban s’il n’honore pas ses engagements vis-à-vis du TSL, arrivant même au point d’appeler le président du Conseil des ministres Najib Mikati à démissionner dans un tel cas de figure. La Russie, surprise par ces rumeurs, a décrété une mobilisation diplomatique pour faire parvenir une riposte sévère aux parties concernées, sous forme d’un démenti qui remet les pendules à l’heure. Elle a donné des instructions à son ambassadeur au Liban pour établir des contacts directs avec le Hezbollah et couper l’herbe sous les pieds de ceux qui sont visiblement agacés par l’ouverture de Moscou envers la Résistance. Une rencontre élargie a donc eu lieu il y a quelques jours entre une délégation du Hezbollah et des responsables de l’ambassade de Russie, dans le prolongement des discussions déjà entamées à Moscou. Les tentatives de semer la zizanie entre les deux parties auront donc eu l’effet inverse : elles ont renforcé le rapprochement et la confiance réciproque.
As Safir (05 novembre 2011)
Sateh Noureddine
L’opposition syrienne a cédé à la précipitation en annonçant l’échec de l’initiative arabe et en appelant à passer à la phase suivante, celle de l’internationalisation. Cet empressement était dû à la surprise de l’opposition, qui s’attendait à voir le régime rejeter l’initiative arabe, pour qu’elle lance la seconde vague du mouvement de contestation. L’auteur estime que le régime syrien semble avoir plus confiance en lui-même que l’opposition : ce régime est convaincu que la bataille s’est engagée dans la dernière ligne droite, et que ce qu’il en reste ne peut pas être pire que ces huit derniers mois. Plus important encore, il sait pertinemment que l’internationalisation n’est pas une menace sérieuse que les Arabes peuvent facilement agiter lorsqu’ils se heurtent à une impasse. Elle doit être précédée d’une décision arabe claire et explicite, mais il est impossible qu’une telle décision remporte aujourd’hui l’unanimité, ou ne serait-ce que la majorité écrasante. Elle doit également être suivie de signaux internationaux annonçant sérieusement une volonté d’intervenir en Syrie, mais de tels signaux n’ont toujours pas été donnés par Washington, Paris et Londres, et ne le seront pas de sitôt.
As Safir (04 novembre 2011)
Un sit-in silencieux a été organisé par le comité des amis de Georges Ibrahim Abdallah devant le stand de la Mission Culturelle Française au 18ème Salon du Livre Francophone, de Beyrouth. Les participants ont distribué un communiqué dénonçant l’injustice subie par le prisonnier politique Georges Abdallah et appelant les intellectuels francophones au Liban à « honorer leurs valeurs culturelles et humaines en se solidarisant avec un prisonnier libanais victime de détention arbitraire dans les prisons françaises ». Le communiqué précise que « la poursuite de sa détention est une vengeance américaine à laquelle est soumise la justice française ». Le communiqué ajoute : « Le Salon du Livre Francophone de Beyrouth se penche sur les thèmes de la liberté et du printemps arabe. Des intellectuels français et libanais évoquent les ‘bourgeons de la liberté qui fleurissent’. Qu’en-est-il des bourgeons de la liberté en France ? La France ne ferait-elle pas mieux de se libérer de sa soumission totale à l’hégémonie américaine, au lieu d’envoyer ses soldats libérer les pays du Sud ? Ne ferait-elle pas mieux de sauvegarder sa souveraineté judicaire et de libérer Georges Abdallah ? »
As Safir (1er novembre 2011)
Le président de la Chambre Nabih Berry a affirmé qu’il n’y a pas de raison de traiter la question du financement du Tribunal spécial pour le Liban (TSL) avec précipitation. L’une des issues possibles est justement de prendre le temps nécessaire pour bien traiter le dossier loin de la pression des délais. Il n’y a pas de délai fixe et définitif à respecter, même le gouvernement Hariri ne s’est pas tenu à un délai précis pour le financement. Berry a estimé que le gouvernement a jusqu’à mars prochain pour se prononcer, et pas jusqu’à la fin du mois comme certains l’affirment. Il rappelle que tout ce que le Liban a reçu de la part de l’Onu à ce sujet, c’est une lettre demandant au Liban de formuler ses remarques sur l’augmentation du montant de la contribution libanaise au financement du TSL, en raison du changement du cours de l’euro. Nabih Berry et Najib Mikati laissent entendre qu’il y a encore un espoir et semblent miser sur le facteur temps pour trouver la solution miracle.
An Nahar (Quotidien libanais proche du 14-Mars. édition du 05 novembre 2011)
Sarkis Naoum
Le régime syrien a transmis à l’administration française à travers un intermédiaire officiel libanais un message oral qui explique sa position sur le mouvement de contestation. Selon des sources européennes et libanaises dignes de foi, le message provient du commandement syrien et peut-être du président Bachar al-Assad en personne. Le message indique que le président Assad ne quittera pas le pouvoir, quelles que soient les pressions internes ou externes qu’il subit. Cela ne veut pas dire qu’il n’est pas ouvert aux réformes, et au dialogue comme moyen pour y parvenir.
Le départ du président Assad signifie la fin d’un régime qui a assuré la stabilité en Syrie pendant plus de quatre décennies. Ce départ ouvrirait la voie au chaos, à la violence et peut-être à la division du pays.
Le régime syrien évite encore d’entrer en confrontation avec la Turquie, en espérant qu’elle retrouverait un semblant de « rationalité et de sagesse ». Si la Turquie décide cependant d’intervenir militairement en Syrie ou d’engager des activités militaires hostiles à la Syrie, directes ou indirectes, la réponse syrienne sera la guerre. La Turquie refuse jusqu’à présent de mener une action militaire contre le régime syrien, peut-être en raison de l’absence de couverture arabe ou d’une décision internationale allant dans ce sens.
Si le régime syrien est la cible d’une agression extérieure arabe, turque, islamique ou internationale, la Finul au Liban ne sera pas à l’abri des réactions potentielles, ni les grands pays qui couvriraient l’agression et qui participent à la force internationale, notamment la France, et peut-être l’Italie et d’autres pays.
Interrogées sur l’écho de ce message syrien dans les cercles français, les sources diplomatiques européennes ne donnent pas de réponse décisive, mais se contentent d’expliquer que l’administration française est tiraillée entre deux points de vue presque contradictoires sur la crise en Syrie. Le premier préfère qu’il n’y ait pas de changement en Syrie, parce qu’il vaut mieux avoir au pouvoir une équipe connue que des parties inconnues qui pourraient être pire. Cette ligne politique est incarnée par Claude Guéant qui avait été chargé par Nicolas Sarkozy de la relation avec la Syrie, avant sa détérioration. Le deuxième point de vue, défendu par le chef de la diplomatie Alain Juppé, prône le départ d’Assad et de ses semblables et la chute de leurs régimes. Il ne voit pas d’inconvénient à l’intégration des islamistes dans le processus politique dans leurs pays où ils coopéreraient avec les libéraux, les laïcs et l’armée, ce qui établirait un équilibre raisonnable favorisant l’instauration de régimes modernes.
An Nahar (04 novembre 2011)
Paris, Samir Tuéni
Des sources occidentales se demandent pourquoi les organisations palestiniennes pro-syriennes sont réapparues dans les camps de réfugiés palestiniens au Liban. L’influence de l’organisation palestinienne la Saïka avait baissé après le retrait de l’armée syrienne du Liban en 2005. Des éléments de la Saïka sont cependant retournés au Liban à travers les frontières communes avec la Syrie. Ils se sont déployés dans différents camps de réfugiés, notamment Beddaoui au Nord, Bourj Al-Barajneh au Sud de Beyrouth et Aïn el-Heloué près de Saïda. La Saïka s’est restructurée au niveau du commandement : une nouvelle génération de jeunes a pris les rênes de l’organisation, considérée comme une formation palestinienne à la solde du régime syrien.
Des sources sécuritaires craignent d’éventuelles frictions entre ces éléments et les combattants d’autres organisations palestiniennes présentes dans les camps, comme le Fatah, ou les groupes qui soutiennent la révolte syrienne. On craint en outre un retour des assassinats politiques au Liban si la situation sécuritaire en Syrie se dégrade.
La situation au Liban-Sud demeure incertaine. Des sources européennes de pays participant à la Finul affirment détenir depuis quelques mois des informations sur la préparation d’une offensive israélienne contre le Liban visant à détruire les capacités militaires du Hezbollah. Ces données coïncident avec des informations médiatiques évoquant une polémique au sein du gouvernement israélien autour d’une potentielle offensive israélienne contre les installations nucléaires iraniennes
An Nahar (31 octobre 2011)
Selon des sources de sécurité, le radar du contingent français de la Finul à Deir Kifa a repéré un objet étrange dans la région entre Froun-Kossaybé, Kfarsir et Srifa. Alertée, l’Armée libanaise a ratissé la région. Des rumeurs ont circulé sur le crash d’un drone israélien aux alentours de la localité de Froun. Les services de sécurité, l’armée et des unités de la Finul se sont mobilisés et une vaste campagne de ratissage a été organisée, mais rien n’a été découvert. Le lendemain, le contingent français a réaffirmé que ses radars ont capté les mêmes ondes dans le même secteur. Des sources de sécurité à Nabatiyé estiment possible que l’objet suspect soit un robot-espion israélien, télécommandé par satellite. Les Israéliens sont capables de le faire exploser à la fin de sa mission.
Al Akhbar (Quotidien libanais proche de la majorité, 04 novembre 2011)
Nicolas Nassif
La diplomatie russe insiste sur le soutien et la coopération avec le Tribunal spécial pour le Liban (TSL), y compris au niveau du financement. Moscou établit cependant une distinction claire entre le soutien au TSL et l’imposition de sanctions sur le Liban s’il ne verse pas sa contribution.
La résolution 1757 ne prévoit pas de sanctions si le Liban n’honore pas ses engagements. Il en va de même pour la résolution 1559 : les clauses qui concernent le désarmement du Hezbollah n’ont toujours pas été appliquées, mais personne n’a brandi des sanctions internationales contre le Liban.
Des ambassadeurs accrédités à Beyrouth doutent que le Conseil de sécurité impose des sanctions contre le Liban, mais n’écartent pas la possibilité que des mesures indépendantes soient prises par des gouvernements européens ou par Washington et Paris qui tiennent le discours le plus intransigeant sur le financement du TSL.
Al Akhbar (03 novembre 2011)
Jean Aziz
Le Liban, confronté à la crise syrienne, s’est scindé en deux camps, qui ont toutefois un point commun : l’attentisme. Le premier camp est celui de Saad Hariri, dont le pari est clairement affiché. C’est un camp qui a décidé depuis des mois de démissionner de la vie politique intérieure et d’opter pour la politique de l’attentisme, qui prend pour point de départ les événements en Syrie. Ce faisant, il a renoncé au rôle fondamental d’opposition constructive, et s’est contenté de suivre de près l’évolution de l’actualité en Syrie, étant résolument convaincu que le dénouement de cette crise servira de levier pour son retour au pouvoir.
Le second camp suit la même approche attentiste. Il attend que la Syrie triomphe de sa crise et en sorte plus puissante qu’auparavant, pour se livrer à un règlement de comptes avec le camp adverse.
Que se passera-t-il s’il s’avère impossible que la Syrie redevienne ce qu’elle était avant le 17 mars dernier, et impossible, aussi, que le régime s’effondre comme ce fut le cas en Tunisie, en Égypte ou en Libye ? Qu’adviendra-t-il si le statu quo actuel perdure indéfiniment ? Que fera alors le Liban ?
Al Moustaqbal (Quotidien appartenant à la famille Hariri, 03 novembre 2011)
Rouba Kabbara
Le gouvernement de Najib Mikati appuie ouvertement ou implicitement, depuis les plus hautes tribunes arabes et internationales, le régime du président syrien Bachar el-Assad . Plus encore, les prises de position de ce gouvernement vis-à-vis de la crise syrienne ramènent le Liban à l’ère de la tutelle de Damas, même s’il n’y a plus aucun soldat syrien sur le sol libanais. Il est nécessaire d’intensifier l’appui au printemps arabe, notamment en Syrie, et d’organiser un congrès à l’échelle nationale pour traduire en actes les discours de soutien aux révoltes populaires arabes.
Conflict Forum (Centre de recherche états-unien anti-impérialiste)
Amal Saad-Ghorayyeb
Il faut comprendre la défense acharnée, par le Hezbollah, du régime d’Assad comme faisant partie du bras de fer régional entre le « projet nationaliste de résistance » que mène l’Iran, la Syrie, le Hezbollah et le Hamas et le « projet US » que mène les alliés arabes des Etats-Unis. Pour le Hezbollah, la Syrie n’est pas qu’une plate-forme de trafic d’armes, mais comme le dirait Hassan Nasrallah, « le seul régime de résistance dans la région ». Dans la balance, il faut également inclure le fait que le régime de Damas est un soutien indéfectible de la cause palestinienne.
C’est dans cette perspective globale que les « résistants » craignent la collusion d’acteurs étrangers en Syrie qui rêveraient de remplacer le régime d’Assad par un pouvoir qui ressemblerait aux États modérés de la région, « prêts à signer la paix avec Israël ». Et puis, il faut voir dans ce soutien une considération philosophique. Le Hezbollah a une compréhension particulière de la liberté, concept que l’Occident lie intimement à l’auto-détermination des peuples. Pour les parangons de la Résistance, celui qui est libre doit lutter pour la justice, contre les inégalités que créent les États-Unis. La méfiance du Hezbollah à l’égard du soulèvement syrien est inhérente à son mode de pensée.
The Independent (Quotidien britannique, 28 octobre 2011)
Robert Fisk
Le sergent Jassem Abdul-Raheem Shehadi et le soldat Ahmed Khalaf Adalli de l’armée syrienne ont transférés vers le lieu où ils doivent être enterrés, avec le cérémonial voulu par leur famille : des cercueils drapés du drapeau syrien, des trompettes et tambours, des couronnes portées par leurs camarades et la présence de leur commandant.
Et pour finir, la marche funèbre de Chopin —mélangée avec des youyous du personnel de l’Hôpital Techrine où leurs restes avaient été transférés— puis ensuite le voyage de neuf heures en ambulance jusqu’à leur ville natale, Rakka. Shehadi avait 19 ans et Adalli 20. Et leurs oncles ont juré qu’ils étaient morts pour le président Bachar al-Assad.
Ils ont été abattus dans Deraa —par des snipers, selon leur commandant, le major Walid Hatim—. « Des terroristes », a-t-il déclaré à plusieurs reprises. Les adversaires Assad peuvent n’éprouvrer aucune sympathie pour ces soldats tués, mais ces deux cercueils suggèrent qu’il y a pas qu’un seul récit de la Révolution syrienne.
Des officiers syriens m’ont dit hier que 1150 soldats ont été tués en Syrie au cours des sept derniers mois, un nombre de morts tout à fait extraordinaires pour les troupes régulières syriennes, si ces données sont exactes. Dans la montagne Zawiya près de Idlib, le major Hatim m’a affirmé que 30 soldats syriens avaient été tués dans une embuscade. Mazjera était le mot qu’il a utilisé : un massacre.
L’oncle de Shehadi, Salim Abdullah, vêtu d’une abaya marron et tirant fortement sur une cigarette, était au bord des larmes. « Mon neveu avait trois frères et deux sœurs, et ils sont très pauvres », a-t-il dit. « Sa mère, Arash devra désormais être prise en charge par nous. Ces meurtriers ont tué l’espoir de notre famille. Il était le plus jeune garçon. »
Derrière Salim Shehadi, les troupes syriennes se tenaient en tenue de combat tandis que les cercueils étaient amenés de la morgue de l’hôpital. Tous les militaires syriens tués ont quitté par le sombre portail l’hôpital de Techrine.
Le major Hatim m’a expliqué que les deux soldats ont été tués dans une embuscade bien organisée ; le sniper tirait depuis une position entre deux maisons. Il y avait une convergence étrange dans cette description. Les adversaires de M. Assad prétendent souvent que ce sont eux qui sont abattus par des tireurs d’élite qui utilise la couverture des bâtiments.
Mais peu de gens en Syrie doute que désormais -aussi pacifiques et pourtant sanglantes que puissent être les manifestations anti-gouvernementales à Homs et à Hama- que l’armée syrienne est devenue une cible majeure. Inutile de dire que le major Hatim, un vétéran de l’armée de 25 ans, était aussi un partisan du président.
Hatim m’a parlé de la « résistance » de la Syrie aux côtés des Palestiniens, que les soldats avaient parfois à mourir pour leur pays et que leur ennemi est Israël. On parle beaucoup à Damas d’une « main étrangère » derrière les massacres en Syrie, bien que le major ait admis que, dans ce cas « malheureusement, les tueurs sont syriens ».
Mais Salim Abdallah Shehadi voulait en dire plus. « J’espère que vous serez honnête et direz la vérité », m’a-t-il dit. « Dites la vérité sur l’assassinat du peuple syrien. Les mains des terroristes m’ont pris mon neveu. Nous sommes tous prêts à être des martyrs pour la Syrie et pour notre président Assad. » Cela semblait trop formaté, ce petit discours d’un homme en deuil, et un journaliste doit toujours se demander si cela était préparé. Pourtant, les militaires avaient eu seulement quatre minutes avant mon arrivée pour l’enterrement, et je doute qu’ils aient pu conditionner ce pauvre homme pour qu’il me dise ces mots.
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