La tendance

Des mensonges, qui ne changeront pas la dure réalité pour l’Occident
Par Ghaleb Kandil

La Syrie n’est jamais apparue le centre du monde autant qu’elle l’est aujourd’hui. Tous les jours, des centaines de reportages, de rapports, de nouvelles, d’images truquées et de fausses rumeurs, sont répandus par des médias internationaux, véhiculant des prises de positions et des déclarations contradictoires de dirigeants occidentaux. Devant ce flux de mensonges, les responsables russes sont contraints de publier des démentis, alors que sur le terrain, les développements apportent des réalités opposées à celles qui sont rapportées.

L’empire américain tente d’éloigner autant que possible le calice de la défaite, car s’il reconnait l’échec de son projet en Syrie, cela provoquera des effondrements en série au sein de son dispositif régional, avec les conséquences désastreuses que cela aura sur ses Etats-auxiliaires qui se sont impliqués jusqu’aux oreilles dans le complot ourdi contre l’État national syrien.

Les États-Unis n’ont pas saisi l’offre d’une reconnaissance indirecte de leur échec, faite par les Russes, procédant à une fuite en avant, en prolongeant davantage les violences qui font des centaines de morts et de blessés et provoquent des destructions énormes dans les infrastructures civils et les bâtiments publics, sans gains politiques significatifs en contrepartie. Cette violence est l’œuvre d’alliés de l’Amérique, comme les pays du Golfe et la Turquie, ou d’outils, comme Al-Qaïda ou des groupes du Courant du futur, au Liban.

Le plus gros de ces mensonges véhiculés ces derniers jours a été la tentative de faire croire que des marchandages sont en cours entre Moscou et Washington, portant sur le sort du président Bachar al-Assad. La mission de répandre ce mensonge a été confiée au ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, qui a déclaré que des négociations sont en cours avec la Russie pour parler de l’après-Assad. « Les Russes eux-mêmes ne sont pas aujourd’hui attachés à la personne de Bachar al-Assad, ils voient bien que c’est un tyran et qu’eux-mêmes en s’enchaînant à ce dictateur vont s’affaiblir. Mais ils sont sensibles, si Bachar est chassé du pouvoir, à qui va prendre la place. La discussion porte là-dessus », a dit le chef de la diplomatie française. La riposte du ministre russe des Affaires étrangères a été quasi immédiate : « La Russie ne discute pas avec l’Occident sur des changements politiques en Syrie qui impliqueraient le départ du président Bachar al-Assad. De telles discussions n’ont pas eu lieu et ne peuvent avoir lieu. Cela est en totale contradiction avec notre position », a déclaré Serguei Lavrov.

Un autre mensonge véhiculé ces derniers jours par l’Occident, aidé en cela par les Nations unies, porte sur l’état de « guerre civile » qui prévaudrait en Syrie. Une lecture détaillée de ce qui se passe dans ce pays montre qu’il s’agit d’une lutte entre un État central, jouissant d’une légitimité historique, politique et populaire, contre des groupes extrémistes et terroristes créés, financés, entrainés et armés par l’étranger.

À ceux qui ne se contentent pas des déclarations publiques des dirigeants saoudiens et qataris favorables à l’armement des insurgés syriens, les grandes enquêtes et reportages des médias occidentaux confirmant cette réalité ne se comptent plus. Le dernier en date est signé par l’agence britannique Reuters, qui n’est pas particulièrement connue pour sa sympathie envers le pouvoir syrien. Le reportage de l’agence indiquent que des « combattants et des personnalités opposantes au président Bachar al-Assad ont indiqué que des milliers d’obus et des centaines de fusils à haute précision, ainsi que des roquettes antichars, ont été introduits ces dernières semaines en Syrie via les frontières turque, libanaise et irakienne. Ces sources affirment que la plupart de ces armes ont été fournies par des intermédiaires en Arabie saoudite et au Qatar ». « Les opposants armés s’apprêtent à intensifier leur lutte contre les troupes syriennes après avoir récemment reçu ce nouvel armement transporté dans des camions et à dos de mules, ajoute le texte de Reuters. Les combattants de l’opposition affirment avoir mis à profit le fragile cessez-le-feu pour se réorganiser face à l’armée syrienne, même s’ils reconnaissent que ces armes ne suffisent pas à renverser le régime. Des rebelles d’Idleb affirment que cet armement ne couvre pas tous leurs besoins, car des milliers de soldats attendent en Turquie l’arrivée de nouvelles armes. Un autre insurgé, qui a requis l’anonymat, indique que le QG de l’Armée syrienne libre se trouve désormais à Idlib, qui est pratiquement une “zone tampon” ».

Autre mensonge, les informations amplifiant les « succès » des extrémistes et « les dissidences » au sein de l’armée syrienne. Parmi les mensonges : « 2000 opposants se seraient infiltrés à Damas », que l’État "ne contrôle plus de larges parties du territoire" etc...

La réalité est que le président Bachar al-Assad a informé l’émissaire international, Kofi Annan, qu’il donnait aux hommes armés partout en Syrie un cours délai pour qu’ils rendent les armes, dans les régions où ils se trouvent.

Citant des sources bien informées, de nombreux médias libanais et arabes ont indiqué que « des mesures strictes et sévères seront prises et les ordres seront donnés à des divisions militaires entières pour bouger et détruire les bases des terroristes par la force ».

Sur le terrain, les insurgés perdent un à un leurs bastions, ou se trouvent acculés et en très mauvaise posture. C’est d’ailleurs ce qui a poussé les Occidentaux à exprimer leurs craintes d’une offensive sur Homs. Or les rebelles ne se trouvent plus que dans quelques rues dans cette ville et sont encerclés. Leur combat et perdu.

Pourtant, ce sont eux qui avaient encore une fois ouvert les hostilités, en intensifiant leurs attaques, notamment à Hiffé (27 Kms de Lattaquié), qu’ils ont brièvement occupée après y avoir pénétré par surprise et massacré les partisans du régime. Hiffé a été récupérée en 48h.

Une source politique haut placée à Damas révèle que Moscou a récemment conseillé au commandement syrien d’améliorer ces acquis militaires, en se concentrant sur les flancs mous qui semblent sous le contrôle de l’opposition à Homs, la campagne de Lattaquié et certaines régions d’Idleb.

Sur le plan politique, la Russie a réaffirmé son appui total à Damas, et a assuré que la prochaine étape verra l’organisation d’une conférence sur la Syrie... avec la participation de l’Iran. Entre-temps, l’armée syrienne poursuivra ses opérations de nettoyage qui seront, cette fois, différentes que par le passé.

Déclarations et prises de positions

 Michel Sleiman, président de la République libanaise

« Autour de la table de dialogue, nous avons publiquement appelé à tenir le Liban à l’écart des conflits régionaux et internationaux. Depuis, le gouvernement peut, sans aucun embarras, prendre position au sujet de la crise syrienne, après notre décision prise en faveur de la neutralité, non seulement en Syrie mais également vis-à-vis de toute affaire similaire, régionale soit-elle ou internationale. Lorsque nous avons été conviés à la conférence des amis de la Syrie en Turquie et en France, nous n’y sommes pas allés. Nous avons fait valoir que nous étions les amis de tous les Syriens et que nous n’appuyions pas une partie déterminée aux dépens d’une autre comme le voulait cette conférence. C’est la raison pour laquelle nous n’y avons pas participé. Et lorsque l’Iran a appelé à une conférence quadripartite en appui à la Syrie, nous avons également dit que nous n’entendions pas y prendre part. Notre position en faveur de la neutralité s’applique donc à tous les axes. Autour de la table de dialogue, nous avons dit non à la zone sécurisée ou la zone tampon. Le Hezbollah a réexpliqué son projet : il n’appelle pas à une assemblée constituante mais à assurer les moyens d’un retour de l’Etat. Sa position a été mal interprétée. D’autres avaient affiché des positions semblables en appelant, comme les Kataëb à un congrès national, ou en évoquant comme le patriarche Béchara Raï un nouveau contrat social. Autant de qualificatifs qui visent à renforcer l’État et à mettre en œuvre la Constitution. C’est la raison pour laquelle j’ai toujours appelé au respect de l’accord de Taëf et souligné qu’il ne fallait absolument pas s’écarter de l’esprit de cet accord et qu’il était nécessaire de remédier aux problèmes qui accompagnent certaines prérogatives constitutionnelles. Ce qui n’est pas synonyme de l’amendement de l’accord de Taëf, mais de le renforcement de cet accord et de l’aplanissement des obstacles qui entravent sa mise en œuvre. »

 Nabih Berry, président du Parlement libanais

« La Résistance fait notre fierté, et nous n’avons rien contre des discussions sur la stratégie de défense pour immuniser le Liban contre les dangers israéliens. Il y a même urgence lorsqu’on sait qu’Israël a procédé dernièrement à des manœuvres dans les fermes de Chébaa et en Palestine occupée, pour se préparer à une éventuelle guerre contre le Liban. Il est étrange que certaines parties insistent entre-temps à soulever la question des armes de la Résistance. »

 Samir Geagea, chef des Forces libanaises (14-Mars)

« Le dialogue national n’aboutira à rien vu les positions prises par les parties concernées. Les Forces libanaises reviendront sur leur décision de boycott au cas où un minimum de garanties est assuré pour la réussite de ce dialogue. Le Hezbollah décide actuellement du sort du pays, et le jeu politique au Liban n’est ni sain ni équitable car il possède une force militaire suffisante lui permettant d’exercer des pressions sur le reste des parties. »

 Moshé Yaalon, vice-Premier ministre israélien

« En aucune circonstance, Israël n’acceptera d’avoir le couteau sous la gorge (...) si le choix doit se faire entre la bombe iranienne ou le bombardement israélien, de mon point de vue mieux vaut le bombardement. Si l’Iran n’est pas stoppé, ce pays disposera d’ici un an de suffisamment d’uranium enrichi pour produire sept à huit bombes atomiques et sera en mesure de produire une bombe sale, une arme plus primitive, en moins de six mois. Si les pressions diplomatiques ou économiques sur l’Iran ne sont pas durcies et s’il n’y a pas d’autres développements positifs, le moment de vérité va bientôt arriver. »

Revue de presse

  As Safir (Quotidien libanais proche de la majorité, 15 juin 2012)
Kassem Kassir

Des dirigeants islamistes libanais constatent que la situation au nord du Liban s’envenime et que la crise pourrait dégénérer en conflit sectaire d’envergure, dépassant les frontières libanaises. Ils s’appuient dans ce constat sur le fait que les antagonistes à Bab el-Tebbané et à Jabal Mohsen ne sont plus limités aux groupes armés locaux : des combattants étrangers hors-la-loi seraient montés au créneau. L’objectif de ces derniers est de créer une nouvelle réalité, en procédant à une opération d’épuration sectaire, contre les alaouites en l’occurrence, ajoutent-ils. Et de préciser que ce plan devrait être mis en exécution, en prélude à une bataille visant à changer le statut géopolitique du nord du Liban, en vue de pouvoir contenir des dizaines de milliers de réfugiés syriens. Face à cette situation, les dirigeants islamistes appellent le Hezbollah, les courants salafistes, la Jamaa Islamiya et les forces du Front de l’Action Islamique, à entamer un dialogue inter-musulman en vue de débattre des développements au Nord et de circonscrire le danger. Les mêmes sources ajoutent que les clivages entre les forces islamiques s’accentuent de jour en jour, suite au trébuchement des réunions de la « rencontre islamique consultative », en raison des divergences entre les formations islamiques libanaises et palestiniennes. En revanche, le « Rassemblements des Ulémas du Liban » a vu le jour. Il comprend des ulémas sunnites de différentes appartenances. Il s’est fixé la responsabilité de diriger la rue sunnite au Liban et de se présenter en interlocuteur auprès du Hezbollah.

Par ailleurs, des sources islamiques informées ont rapporté que des dirigeants salafistes influents se préparent à une rencontre avec le commandement du Hezbollah, en vue de passer en revue la situation au Liban, mettant à l’écart leur désaccord relatif aux évènements en Syrie. Ils affirment que la rencontre est motivée par leur détermination à coopérer avec le Hezbollah afin de parer le Liban contre les retombées de la crise syrienne. Pour sa part, le mouvement Hamas tente d’arrondir les angles et de rouvrir des canaux de communications avec les formations islamiques libanaises et arabes. Le Hezbollah ressent la gravité des conséquences de la crise syrienne, notamment à la lumière de la récurrence des incidents sécuritaires et des massacres. Il faut, par conséquent, redoubler d’effort en vue de parvenir à une solution politique pacifique et globale. Parallèlement, le Hezbollah œuvre pour enrayer l’extension de la crise syrienne au Liban. La rencontre bilatérale tenue la semaine dernière avec la Jamaa Islamiya s’inscrit dans ce cadre. Elle devra paver la voie à une rencontre au niveau des commandements des deux formations. Des sources du Hezbollah affirment que les efforts visant à renforcer les liens islamo-islamiques au niveau du Liban et des pays arabes, se poursuivent, exprimant leur satisfaction quant aux relations du parti avec les Frères musulmans en Egypte et dans d’autres pays arabes.

  As Safir (15 juin 2012)
Denise Atallah Haddad

Les fuites médiatiques des derniers jours sur une possible annulation de la visite du pape Benoit XVI au Liban, entre le 14 et le 16 septembre, ont poussé l’Église maronite à vérifier ces informations, surtout que certains ont voulu y voir des signes premiers de la part du Vatican. Les concertations entre Beyrouth et Rome ont abouti à la publication d’un communiqué officiel du Saint-Siège confirmant que la visite « est toujours prévue et se prépare activement malgré la crise syrienne ».

Les sources de l’Église et les milieux officiels libanais sont en contact quotidien avec le Vatican et assurent que les préparatifs du voyage vont de l’avant. « Le Vatican est, bien entendu, concerné par la sécurité du pape et des participants à son accueil, qu’ils soient Libanais ou des croyants venus d’États voisins, précisent ces sources. Aussi, en cas d’événements importants et de dangers graves, la visite pourrait-elle être reportée. Mais les données disponibles à ce jour indiquent qu’il n’y a pas de changement dans la date ou le programme de la visite ».

La visite du pape ouvre le débat sur la relation entre le Saint-Siège et le siège patriarcal de Bkerké. Ces deux derniers mois, des informations ont filtré sur le fait que le Vatican était « gêné » par certaines prises de positions du patriarche Béchara Raï, qui est allé loin dans sa critique du printemps arabe.

Des sources ecclésiastiques bien informées affirment qu’« il n’est plus un secret pour personne que Mgr Raï a été élu avec le soutien du Vatican et qu’il a été appuyé par le chef du synode des Eglise orientales, le cardinal Leonardo Sandri, qui a facilité son élection ». Ces sources ajoutent que le Vatican réagit avec « enthousiasme » à l’élection de Mgr Raï, « qui est dynamique, ouvert et proche des fils de son Eglise et des autres Eglises, ainsi que des croyants des autres communautés religieuses. Il ambitionne de transformer l’Eglise en institution organisée et a passé de longues années à Rome, dont il connait les mécanismes, les méthodes de travail et la manière de penser. »

Les mêmes sources ajoutent que les positions du patriarche et du Saint-Siège « ne peuvent qu’être en harmonie mais chaque partie a ses propres particularités dans les moyens d’expression ». « La spontanéité de Mgr Raï a parfois montré des différences, mais le patriarche autant que le Vatican sont attachés à la liberté, à l’indépendance des peuples, à la dignité des gens et aux droits de l’homme. Ils sont contre les régimes dictatoriaux qui oppriment leurs peuples. Mais sur la scène arabe, ils se réservent le droit de mettre en garde contre l’arrivée de régimes extrémistes qui supprimeraient l’identité de la région et son patrimoine pluraliste qui fait sa richesse. »

  As Safir (14 juin 2012)
Ammar Nahmé

Les pions de l’Amérique dans la région sont devenus le fer de lance contre ce qu’ils appellent la « menace iranienne », considérée comme plus dangereuse que la « menace israélienne ». La « menace iranienne » ne se limite pas à Téhéran mais comprend Nouri al-Maliki en Irak, sayyed Hassan Nasrallah au Liban, Khaled Machaal en Palestine et Bachar al-Assad en Syrie. Ainsi, les efforts des Arabes dits « modérés », visant à saper tout une alliance politique, militaire et économiques, qui constitue un réel danger pour Israël, deviennent plus pernicieux que ceux déployés par les Etats-Unis.

Ces pays sont incapables d’engager un affrontement militaire direct avec cette alliance. Ils n’ont d’autres moyens, pour contrer l’Iran, que d’exacerber les tensions sectaires et de l’accuser d’être un Etat « perse » et « chiite ». Nous sommes devant une copie conforme des accusations lancées contre Jamal Abdel Nasser, taxé, au début des années soixante, d’être « le fer de lance du communisme athée dans la région arabe ».

Ce discours contribue à renforcer la présence et l’influence des courants takfiristes dans certains pays, dont le Liban et la Syrie. Ce qui amplifie les craintes d’une réédition du scénario irakien, jusqu’à la destruction de l’État syrien, mettant en danger la sécurité de la région entière. De tels propos créent un terreau favorable à la résurgence d’Al-Qaïda après les coups sévères qui lui ont été assénés ces dernières années. Les États-Unis ne semblent pas enthousiastes à l’idée d’aller jusqu’au bout dans la bataille visant à renverser le régime syrien, tandis que la priorité de certains de leurs alliés du Golfe et la Turquie est de s’engager sérieusement dans un projet destiné à exacerber les dissensions sectaires, en commençant par la scène syrienne.

C’est dans ce contexte que des efforts sérieux sont déployés pour un rapprochement sunnite-chiite, notamment sur l’axe Téhéran-Le Caire. Ce n’est pas la première fois que des émissaires iraniens se rendent à Al-Azhar, haute autorités de référence dans le monde musulman. De plus, l’islam égyptien, ouvert et modéré, est différent de l’« islam wahhabite ». Aussi, le dialogue entre les communautés musulmanes est plus facile entre Téhéran et Le Caire qu’entre l’Iran et d’autres courants qui alimentent l’extrémisme et sèment la division. Le peuple égyptien est par nature favorable à un tel rapprochement et voue à la famille du prophète (Ahl al-Beit) un grand respect.

Les efforts visant à éviter la fitna ont enregistré ces derniers temps des avancées sérieuses. Un congrès pour le dialogue inter-musulman sera organisé prochainement à Alexandrie, en présence de personnalités sunnites et chiites, officielles et partisanes, du monde arabo-musulman.

  An Nahar (Quotidien libanais proche du 14-Mars, 15 jun 2012)
Rosanna Bou Mouncef

Le soutien arabe et international au dialogue national libanais demeurera au moins jusqu’à la deuxième séance de ce dialogue prévue le 25 juin. Les pays arabes et occidentaux attendent en effet de savoir si l’ordre du jour sera véritablement mis sur la table. Si le thème principal de cet agenda, à savoir la question des armes, n’est pas sérieusement examiné lors de la prochaine séance, ces pays pourraient être amenés à considérer qu’il s’agit, ni plus ni moins, d’une tentative de jouer la montre en attendant que l’image se précise en Syrie. Il ne faudra pas placer très haut la barre des attentes, à moins que les participants au dialogue ne créent la surprise. Une surprise qui reste somme toute peu probable, selon des analystes qui ne cachent pas leur scepticisme.

  An Nahar (14 juin 2012)
Sabine Oueiss

La première séance du dialogue national a dépassé les attentes. Elle ne s’est pas limitée à une simple photo-souvenir, mais elle ne s’est pas non plus hissée au niveau d’un accord en bonne et due forme. Le plus important reste en effet l’entente sur la date d’une deuxième séance, preuve d’une volonté de poursuivre le dialogue sur les sujets figurant à l’ordre du jour. L’article relève ensuite que les participants au dialogue avaient en commun l’inquiétude due à la situation sécuritaire au Liban, qui pâtit des retombées de la crise syrienne. Tel fut donc le dénominateur commun à tous, hantés par les risques de déstabilisation du pays s’il s’enlise dans le bourbier syrien. La sécurité représente la priorité absolue à l’heure actuelle.

La période qui nous sépare de la deuxième séance, fixée au 25 juin, peut être perçue comme un délai de grâce accordé au gouvernement, qui a su résister aux pressions de l’opposition visant à le faire chuter avant le lancement du dialogue au Palais de Baabda. Le chef du gouvernement, conscient de cet état des choses, multiplie les réunions de son Cabinet pour finaliser notamment le projet de budget. Toutefois, l’état de santé du ministre des Finances Mohammad Safadi retarde le débat à sujet, et le gouvernement pourrait ne pas clore ce dossier avant le 25 juin.

  An Nahar (13 juin 2012)
Ibrahim Bayram

Le 14 mars a donné l’impression aux observateurs qu’il était un des principaux perdants du dialogue national. Les ténors de cette coalition, à l’exception des Kataëb, n’ont cessé de montrer qu’ils allaient au dialogue sans conviction et sans y attacher d’importance. Ils ont émis des signaux indiquant qu’ils se rendaient à la table du dialogue sous la contrainte, pour répondre à la volonté de leurs alliés de l’extérieur, qui ont béni cette initiative laquelle, pensent-ils, atténuera les tensions au Liban et préservera la stabilité, qui leur parait essentiel pour deux raisons. D’abord, dans la période actuelle, les regards et les efforts doivent aller vers la Syrie. Ensuite, la stabilité du Liban ferait échec, selon eux, aux tentatives de Damas visant à exporter ses problèmes.

De plus, le 14-mars était en situation défensive et ses rangs étaient divisés, car une de ses principales composantes, les Forces libanaises, a décidé de boycotter pour des raisons diverses et ambigües. En revanche, une autre composante, le parti Kataëb, a pris ses distances avec ses alliés et a adopté un discours différent.

Le chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, avait l’air en phase avec son nouveau discours. Il est devenu un des plus ardents défenseurs du gouvernement, s’étonnant même que l’on puisse le critiquer. Il a rompu avec ses attaques virulentes contre le régime syrien, se réfugiant derrière l’expression : « Ce qui se passe en Syrie est plus grand que nous tous. »

Le représentant du Courant du futur, Fouad Siniora, a paru bien isolé à la table du dialogue. Il a affronté, tout seul, un large éventail d’adversaires, tandis que le 14-Mars semblait sans poids politique, comparé aux rounds précédents du dialogue. Les pertes de ce mouvement sont bien apparues dans le communiqué final, qui rejette la création d’une zone tampon au Nord, refuse le trafic d’armes et d’hommes et soutient l’armée libanaise.

En face, les composantes de la majorité n’étaient pas toutes aussi enthousiastes que le président du Parlement, Nabih Berry. Mais elles ont estimé que le dialogue leur apporterait les avantages suivants : le 14-Mars apparaitrait aux yeux de l’opinion publique comme venant au dialogue sous la contrainte ; la question des armes de la Résistance serait retirée du devant de la scène médiatique ; les derniers doutes autour de la légitimité du gouvernement disparaitraient.

En fin de compte, le président Sleiman apparait comme le plus grand gagnant : son rôle et sa position sont revalorisés et il se pose en homme d’initiative.

  Al-Hayat (Quotidien panarabe à capitaux saoudiens, 15 juin 21012)
Nassif Hitti

Le noyau dur des « Amis de la Syrie », qui s’est réuni à Istanbul, a décidé d’accroitre les pressions politiques et économiques contre la Syrie via le Conseil de sécurité, dont les portes restent fermées par le duo sino-russe qui en détient les clés. Les pressions se poursuivront lors de la prochaine réunion des Amis de la Syrie. Mais tout le monde sait que ces cartes ne feront pas fléchir les positions du pouvoir syrien. Kofi Annan a lancé son initiative de groupe de contact sur la Syrie, qui comprendrait les membres permanents du Conseil de sécurité ainsi que des puissances régionales.

Ce mécanisme, qui aurait dû être lancé depuis longtemps, constitue une reconnaissance que la Russie, et la Chine dans une moindre mesure, détiennent de nombreuses cartes en Syrie et qu’il est impossible de les ignorer et de ne pas les accepter comme partenaires dans le dossier syrien, quels que soient les différends que l’on peut avoir avec eux. La Russie a également lancé l’idée d’une conférence international sur la Syrie comprenant à peut près les mêmes acteurs que ceux proposés par Kofi Annan. Les deux initiatives prévoient d’inclure l’Iran.

Si l’alliance arabo-occidentale accepte, cela constituerait une reconnaissance de sa part que Téhéran est une partie de la solution et non pas du problème, comme elle l’affirme. Nous sommes donc entrés dans la logique de l’œuf et de la poule. Qui de la Syrie ou du dossier nucléaire sera la porte d’entrée au grand deal avec l’Iran. A cause des points de frictions avec Téhéran, qui s’étendent du Golfe au Machrek, il sera difficile pour l’alliance arabo-occidentale d’accepter l’Iran comme partenaire dans le règlement de la crise syrienne, dans la période actuelle. Il faut rappeler que la lutte des forces extérieures contre la Syrie est due, en grande partie, à la politique iranienne de Damas, qui se tient totalement aux côtés de Téhéran.

Le conflit entre la Russie et la Chine d’un côté, l’Occident de l’autre, porte également sur la position de chacun dans le nouvel ordre mondial en gestation. Sera-t-il bâti sur le partenariat et l’égalité dans la gestion des affaires du monde ? ou sur la logique, combattue par Moscou et pékin, selon laquelle ce sont les puissances occidentales qui fixent les agendas internationaux et tous les autres doivent suivre ? Il y a aussi des considérations d’ordre stratégique, portant sur la présence de l’Otan aux portes de la Russie, le bouclier anti-missile, l’entrée de Washington dans le Caucase et sa lutte contre Pékin en Mer de Chine. Dans ce schéma, l’affaire syrienne illustre et consacre la logique de la guerre froide qui revient au galop.

  Al-Moustaqbal (Quotidien libanais appartenant à la famille Hariri, 15 juin 2012)
Souraya Chahuine

Des sources diplomatiques occidentales indiquent que les États-Unis soutiennent tout effort visant à préserver la stabilité et la paix au Liban, tout en sachant que le dialogue national n’est pas en mesure de réaliser des progrès qualitatifs au niveau du dossier de la stratégie défensive et des armes du Hezbollah.

Pour la France le dialogue est positif. Des sources françaises ajoutent que la situation au Liban était au cœur des entretiens entre l’ambassadeur de France à Beyrouth, Patrice Paoli, et les conseillers diplomatiques du président français, François Hollande, du Premier ministre, du ministre des Affaires étrangères (dont l’ancien ambassadeur Denis Pietton), et du ministre de la Défense. M. Paoli a pris part à une réunion élargie au Quai d’Orsay la semaine dernière, portant sur la politique française au Liban. Les sources précitées assurent que cette politique reste constante, étant donné que la France encourage tout ce qui est de nature à consolider la stabilité, soutient la souveraineté et l’indépendance du Liban, et appuie la participation continue à la Finul. Selon des informations provenant de Paris, les agressions syriennes contre les territoires libanais seraient au centre du prochain rapport du Secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon, sur l’application de la résolution 1701.

En outre, des sources diplomatiques à Beyrouth rapportent que pour la première fois, un manifeste émane de la conférence de dialogue national, et est envoyée à la Ligue arabe et au palais de Verre à New York. Ceci traduit l’engagement des protagonistes à respecter les points figurant dans ce manifeste.

Le manifeste de Baabda est le résultat des efforts arabes et internationaux visant à réunir les protagonistes autour de la table du dialogue afin de désamorcer la tension dans la rue. Les séances du dialogue se poursuivront jusqu’à l’échéance électorale en 2013 afin d’apaiser les tensions et de prémunir le pays contre tout risque de déstabilisation, croient savoir des sources politiques libanaises.

  L’Orient-Le Jour (Quotidien francophone libanais proche du 14-Mars, 15 jun 2012)
Scarlett Haddad

À la veille du départ du Premier ministre pour Rio de Janeiro où se tient le sommet de la Terre, le sérail gouvernemental ressemble a une ruche. Une commission se réunit par là, des ministres sillonnent les couloirs pour une consultation avec le Premier ministre avant la réunion du Conseil dans l’après-midi, et les conseillers et autres visiteurs se déplacent d’un salon a l’autre, d’un bureau a l’autre.

On se croirait encore à la période de grâce d’un gouvernement fraichement forme...

C’est d’ailleurs sans doute la première fois depuis de longs mois que les ministres, que l’on a plus souvent vus en train de se lancer des critiques, se réunissent et dialoguent en dehors des Conseils de ministres, tout en affichant une volonté réelle de produire. Quelle mouche les a donc piques pour qu’au bout d’un an, ils décident de s’entendre sur les grands dossiers ?

Le Premier ministre Najib Mikati préfère ne pas relever la pointe et se contente de dire que tous les membres du gouvernement sont conscients de la gravité de la situation et de l’importance de songer en priorité aux intérêts nationaux. C’est la raison pour laquelle le gouvernement est parvenu à trouver un accord pour les dépenses publiques et s’apprête à envoyer au Parlement le projet de loi sur le budget dans les plus brefs délais. Le Premier ministre est convaincu que le gouvernement va changer désormais de rythme dans son travail et les citoyens vont rapidement voir la différence. Les différentes composantes du gouvernement se sont ainsi réunies entre elles et elles ont décide de collaborer avec le Premier ministre pour dynamiser l’action du gouvernement et répondre aux aspirations des citoyens.

Selon les sources proches de Mikati, ce sursaut serait du a la gravite de la situation qui a connu des développements dramatiques au cours des dernières semaines et qui a pousse les différentes composantes du gouvernement a prendre la mesure de l’ampleur de la responsabilité qui pesé sur leurs épaules.

En dépit des derniers développements au Nord, le Premier ministre paraît donc plus serein, rassuré dirait-on sur le maintien en place de son gouvernement qui, en dépit de nombreux obstacles locaux, régionaux et internationaux qui se dressent sur sa route, semble avoir trouve un nouvel élan et une nouvelle raison d’agir. Est-ce la réunion de la conférence de dialogue qui a contraint le 14 Mars a reconnaitre implicitement, mais ouvertement, le gouvernement de Mikati, ou l’appui américain qui s’est traduit hier par la conversation téléphonique entre la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton et Najib Mikati ? Selon les informations diffusées par le service de presse du Sérail, Mme Clinton a exprimé son appui aux décisions prises par le gouvernement et rendu hommage aux missions accomplies par l’armée libanaise. Elle a aussi salué la coopération entre la Banque centrale du Liban et le Trésor américain. En tout cas, ce coup de fil tombe a point pour renforcer l’impression générale que le maintien du gouvernement actuel est une nécessité pour l’Occident. Certes, les milieux proches du Premier ministre préfèrent dire qu’il s’agit d’une nécessité libanaise pour protéger le pays face a la tourmente qui règne régionalement autour de lui, mais il semble aussi que la communauté internationale est aussi convaincue qu’une extension de la crise syrienne au Liban est un risque sérieux qui exige une réaction ferme de la part des autorités libanaises. Ce n’est donc pas par hasard si, soudain, la conférence de dialogue s’est réunie après des mois d’absence et a adopte a l’unanimité "la déclaration de Baabda" en 17 points préparés à l’avance, et si le gouvernement a décidé de surmonter toutes ses divergences et ses conflits pour choisir de régler les dossiers en suspens, comme celui des dépensés publiques et des nominations. Tout en préférant se concentrer sur la préparation de la réunion du gouvernement avant son départ pour Rio, le Premier ministre ne peut toutefois s’empêcher de protester contre les accusations portées contre lui par certains médias sur le fait qu’il serait en train de distribuer des armes à Tripoli.

Il déclare à L’Orient-Le Jour : « Une personne sage pourrait-elle me dire quel serait mon intérêt en distribuant des armes dans ma ville natale ? Pourquoi souhaiterais-je la déstabilisation de cette ville, alors que nul n’ignore que tout trouble à Tripoli est dirigé contre les habitants mais aussi contre moi ? De toute façon, ma culture, ma tradition et mon éducation ne sont pas celles des armes. L’association de bienfaisance al-Azm et al-Saadé que nous avons fondée n’a jamais cessé de fournir à ceux qui en ont besoin une aide sociale et des bourses scolaires ou autres. Mais jamais elle n’a porté, ni poussé quiconque à le faire, les armes. Tout ce qui se dit et qui est contraire à ces données est dénué de tout fondement et vise consciemment ou non à me nuire."

Revenant sur ce qu’il aurait déclaré dans une entrevue à la nouvelle chaîne al-Mayadin et dans laquelle il aurait qualifié les armes de la Résistance "de sacrées", suscitant ainsi un flot de critiques, Najib Mikati précisé avoir dit que les armes tournées contre Israël sont sacrées, ajoutant que les principales parties le disent aussi. Il rappelle ainsi que c’est quand même Rafic Hariri qui, le premier, a légitimé les armes destinées contre Israël par le biais « des arrangements d’avril". Il se demande donc pourquoi certains font de la surenchère politique, alors que toutes les parties libanaises, a travers les déclarations ministérielles des gouvernements qui se sont succédé, ont reconnu la légitimité de la Résistance contre Israël. Concernant l’arsenal du Hezbollah, le Premier ministre répète que le sujet sera évoqué à la prochaine réunion de dialogue, dans le cadre de l’examen d’une stratégie de défense. Et a tous ceux qui mettent en doute l’aboutissement de ce dialogue, il répète qu’il n’y a pas de solution de rechange, ajoutant que l’Etat doit pouvoir imposer son autorité sur l’ensemble du territoire tout en préservant les armes destinées à combattre Israël... Mais Mikati ne veut pas anticiper la réunion du 25 et préfère maintenant se consacrer à l’action gouvernementale.

  Haaretz (Quotidien israélien, 11 juin 2012)

La réplique d’un village arabe a été construite sur la base Elyakim dans le nord d’Israël. Pour cet exercice, ce village est un bastion du Hezbollah. Aux jeunes soldats, on explique que « l’ennemi » est embusqué, qu’il a des missiles anti-char, des tireurs d’élite, des bunkers souterrains et surtout des caches de roquettes prêtes à être tirées sur Israël.

Si l’armée israélienne devait à nouveau rentrer aujourd’hui sur le territoire libanais, il ferait face à 60 000 missiles, dont des milliers qui pourraient menacer la région de Tel-Aviv. Nos sources militaires stationnées au nord d’Israël expliquent que le Hezbollah a constitué des forces sans précédent. Entre guérilla et arsenal sophistiqué, le Hezbollah pourrait engager le combat dans des villages, au milieu de civils.

Au sein de l’Armée, on parle de la prochaine campagne au Liban comme étant plus courte, même si elle devait inclure de larges déploiements sur le terrain. Un général de division nous confie qu’il ne serait pas réaliste de compter uniquement sur la puissance aérienne dans un futur conflit avec le Liban. « Quand vous n’engagez de combat au sol, moins de soldats sont blessés, c’est sûr. Mais que personne ne berce d’illusions, lorsque les soldats ne sont pas blessés, ceux qui sont blessés sont les familles qui souffriront de l’ennemi », explique le général.

Source
New Orient News