Recep Tayyip Erdoğan

La tendance en Syrie
Les plans américano-turcs : des mirages et des illusions

Par Ghaleb Kandil

Les États-Unis et la Turquie ont intensifié leurs ingérences directes en Syrie à travers le renforcement du nombre, du matériel et des prérogatives des chambres d’opérations militaires. Les déclarations des derniers jours laissent penser qu’une nouvelle étape de l’agression contre la Syrie est en voie de préparation.
Les concertations intensives, menées par Washington et Ankara, interviennent après les cuisantes défaites infligées par l’Armée arabe syrienne aux groupes terroristes à Alep et dans d’autres régions troubles du pays, où s’activent les escadrons de la mort, les agents de l’Otan et les mercenaires financés par les pétromonarchies obscurantistes du Golfe. Les discussions entre les parties turques et états-uniennes à Ankara ont porté sur le renforcement des opérations de contrebande d’armes et d’argent, et sur les moyens d’améliorer les liaisons et les communications cryptées entre les chambres d’opérations militaires installées en Turquie et les groupes terroristes en Syrie. L’objectif est de mieux structurer, guider et déplacer les groupes armes, sur la base des informations recueillies par les images des satellites ou collectées par les espions sur le terrain, sur les mouvements des troupes syriennes, de leur organigramme et de leurs méthodes de combat, qui restent un mystère impénétrable pour les Occidentaux et leurs auxiliaires turcs et du Golfe, surtout après les résultats des batailles de Damas et d’Alep.
Le ton élevé des responsables US et turcs concernant les événements en Syrie est en totale contradiction avec les propos échangés dans les coulisses et les salons diplomatiques. Citant de hauts responsables sécuritaires à Washington et Ankara, des visiteurs arabes rapportent que le projet de renverser le président Bachar el-Assad et de négocier les conditions politiques pour une transition, ainsi que les tentatives de prolonger la guerre des escadrons de la mort, se heurtent à des murs solides aussi bien à l’intérieur de la Syrie que sur le plan des positions de la Russie et de la Chine.
Les réalités montrent que la force de l’Armée arabe syrienne, sa solidité et le soutien populaire dont elle bénéficie, augmentent de jour en jour, tandis que les exactions, les actes de barbarie et les échecs successifs essuyés par les bandes armées ne passent plus inaperçus, même dans les medias occidentaux. La population éprouve un rejet de plus en plus marqué pour les terroristes, dont une grande partie sont des jihadistes extrémistes étrangers, qui sèment la terreur dans les villes et les villages syriens, et qui sont venus détruire l’État syrien dans toutes ses dimensions, pour ramener la Syrie cent ans en arrière. Le sentiment d’appartenance nationale s’est exacerbé et un vaste élan pour la défense de la patrie est visible, pour des observateurs et des journalistes qui ne peuvent pas être accusés de sympathie pour le pouvoir syrien. La bataille médiatique est pratiquement perdue pour les bandes extrémistes à l’intérieur de la Syrie, et un début de changement est palpable auprès de l’opinion publique internationale.
Face à ces réalités, les pays impliqués dans la guerre contre la Syrie ont procédé à une vaste opération mediatico-psychologique pour tenter de remonter le moral des groupes armés, décimés par les pertes énormes subies face à l’armée syrienne. La mediasphère a été inondée par des nouvelles sur une offensive par-ci et une offensive par-la, par l’occupation de 80 % d’Alep etc… Les autorités syriennes ne prennent même plus la peine de répondre à ces mensonges, d’autant que les journalistes qui connaissent bien le terrain, comme le Britannique Robert Fisk (connu pour ses critiques impitoyables contre le régime syrien), qui était récemment à Alep, connaissent la vérité. Ils écrivent dans leurs reportages et leurs comptes-rendus que sur tous les fronts, l’armée syrienne est passée à l’offensive et que les miliciens extrémistes ne parviennent pas a résister à l’avancée irrésistible des troupes régulières, qui frappent d’une main de fer les QG, les lignes de ravitaillement et les zones de regroupements des mercenaires et des jihadistes. Le soutien apporté par la population à l’armée —et que ces journalistes ne parviennent plus à cacher— apparaît dans la coopération entre les militaires et les civils, qui ont surmonté le mur de la peur et informent la troupe des repères et des caches des terroristes. Sans parler que de nombreux civils ont carrément rejoint les rangs de l’armée pour combattre ce qu’ils considèrent désormais comme une invasion étrangère de leur pays.
Dans le même temps, les conséquences de l’implication en Syrie du gouvernement de « l’illusion ottomane » commencent à apparaître à l’intérieur même de la Turquie ces deux dernières semaines :
 Les propos confessionnels de Recep Tayyeb Erdogan, qui multiplie les déclarations sur la « guerre civile » en Syrie, menacent la stabilité en Turquie même, où des voix s’élèvent pour dénoncer les dérives sectaires du Premier ministre.
 Par ses maladresses, Erdogan a ouvert la boite à Pandore des Kurdes. La guérilla kurde, qui s’était presque éteinte, reprend vigoureusement dans le Sud-est de la Turquie.
 La Turquie, qui tirait profit des accords économiques avec la Syrie, voit sa porte vers l’hinterland arabe fermée hermétiquement. Les pertes essuyées par les commerçants et les industriels turcs se chiffrent en milliards de dollars.
Dans un tel contexte, les projets de zone tampon ou de passages sécurisés en Syrie se transforment en mirage, surtout que la Syrie a clairement annoncé, par la bouche de la conseillère présidentielle en visite à Pékin, qu’elle considérerait de tels arrangements comme des actes de guerre et qu’elle défendrait sa souveraineté nationale avec toute la force dont elle dispose. Les stratèges états-uniens craignent que de la mise en œuvre de tels projets ne provoquent une grande guerre régionale qui mettrait en danger l’existence même d’Israël.
Le quotidien britannique The Guardian a rapporte l’échec des concertations américano-turques, qui ne sont pas parvenues à une vision commune autour de la zone tampon. Selon le journal, les États-uniens auraient transmis une mise en garde aux Turcs et auraient clairement exprimé leur refus d’imposer par la force, et en dehors du cadre des Nations unies, des régions sécurisées en Syrie.
Impliqués jusqu’au cou dans la guerre contre la Syrie, les États-Unis, la Turquie et les pétromonarchies du Golfe, voient leurs marges de manœuvres de plus en plus réduites, surtout qu’ils ont épuisé presque tout ce que leur imagination est capable de produire pour nuire à la Syrie.
Les dernières gesticulations de cette coalition ne sont que les ultimes tentatives pour sauver de l’effondrement un complot qui a nécessité des efforts colossaux et des investissements considérables. Mais les indices du fiasco inéluctables ne trompent pas, même s’il faudra encore quelques mois avant que les comploteurs n’admettent ouvertement leur défaite.

Déclarations et prises de positions

Nabih Berry, président du Parlement libanais
« Qui est la partie qui veut au Liban tout ce mal ? Qui couvre ce qui se passe ? L’absence de toute responsabilité politique et de tout rôle des autorités, partis et forces politiques face aux événements, est inacceptable. Est-ce un partage des rôles, des rues et des régions, dans un pays trop petit pour être divisé ? La patrie se serait-elle transformée en parcelle livrée aux communautés et aux catégories qui s’entrecroisent ? Ne savons-nous pas que ceux qui ont enlevé nos fils sur le chemin de retour, ou à Damas, veulent en réalité kidnapper le Liban ? Si chacun veut s’approprier le Liban, où se trouve alors notre espace, notre place en tant que Libanais ? Ou alors sommes-nous en train de composer à notre mesure une nouvelle Loya Jirga. L’État reste, en dépit de ses défaillances, la seule entité capable de chapeauter toutes les parties. À quoi cela servirait-il, dans un instant de folie, de transformer le pays en asile, offrant un spectacle de coexistence par le feu des armes ? C’est là un appel à la raison... non à la Loya Jirga. »

Michel Aoun, leader du Courant patriotique libre (Allié du Hezbollah)
« Les incidents qui se produisent dans certaines régions libanaises resteront confinés à ces régions. Cela est dû au fait que le camp politique auquel appartient le CPL s’est montré capable de circonscrire ces incidents et d’y mettre un terme lorsque le besoin s’en ressent. Toutefois, le Liban est en danger. Mais ce danger vient davantage de l’extérieur que de l’intérieur, car les protagonistes qui veulent la guerre à l’intérieur ne sont pas capables de l’allumer, alors que les parties qui en sont capables ne la veulent pas. Le Liban est influencé par les événements qui se déroulent dans les pays qui l’entourent, et en particulier la Syrie, du fait de leurs intérêts communs et des liens qui les unissent. C’est pour cela que le CPL a décidé d’établir les meilleures relations possibles avec la Syrie, mais de façon équilibrée. Néanmoins, nous avons laissé les questions politiques prendre leur cours normal, c’est-à-dire par le biais de l’État libanais, parce que le CPL n’entend pas entretenir des relations secrètes ou parallèle avec une quelconque partie extérieure. »

Samir Geagea, chef des Forces libanaises (Proaméricain)
« La crise syrienne ne se transportera pas au Liban et il n’y a pas de crainte qu’une nouvelle guerre civile y éclate en dépit du fait que certains alliés du régime syrien, et à leur tête le Hezbollah, tentent de susciter des problèmes à l’intérieur du pays pour alléger la pression que subit ce régime. L’affaire de l’arrestation de l’ancien ministre Michel Samaha a prouvé que le régime de Bachar al-Assad s’efforçait dernièrement de semer la zizanie au Liban entre alaouites et sunnites, d’un côté, et entre chrétiens et sunnites, de l’autre. Le président de la République, Michel Sleiman, fait tout ce qu’il est possible de faire pour éviter au Liban de retomber dans la guerre civile et pour préserver ce qui subsiste de l’État libanais. En Syrie, la chute du régime n’est plus qu’une question de temps. L’affaire pourrait prendre quelques mois. Après la chute du régime, le Liban sera débarrassé de l’un de ses plus grands problèmes. Nous aurions alors une occasion plus propice pour édifier un État capable, dans la mesure où le régime syrien empêchait d’atteindre cet objectif, aux côtés bien sûr du Hezbollah. L’Occident doit soutenir l’ASL pour qu’elle gagne sa bataille. Il faudrait que l’Otan intervienne incessamment, comme elle l’avait fait en Libye. Le problème, c’est que lorsqu’il n’existe pas d’intérêt politique ou stratégique bien défini, personne ne se préoccupe de ce qui se passe. »

Général Abbas Ibrahim, directeur de la Sûreté générale libanaise
« Ce qui se passe dans la région, et en particulier en Syrie, a des répercussions sur nous. L’apparition de groupes armés est l’une des conséquences de la crise syrienne. Mais le Liban ne se laissera pas entraîner vers la guerre civile. Je ne suis pas inquiet à ce sujet. La guerre civile ne peut éclater lorsqu’un problème reste limité à une région. De plus, une guerre civile a besoin d’interventions internes et étrangères. Or je ne crois pas qu’il existe au Liban une volonté politique et populaire d’orienter le pays dans cette direction. L’extrémisme est la principale cause de ce qui se passe à Tripoli et ce phénomène n’est pas innocent. Mais nous faisons tout pour que la boule de feu tripolitaine ne s’étende pas à d’autres régions. Nous localisons les régions sensibles et nous multiplions les contacts pour éviter l’éclatement d’incidents. Nous entreprenons des contacts avec toutes les parties, et les différentes institutions militaires et sécuritaires coordonnent entre elles. La route de l’aéroport ne sera plus fermée, ainsi que les autres routes d’ailleurs. »

Ali Abdel Karim Ali, ambassadeur de Syrie au Liban
« Le Liban devrait renforcer le contrôle de ses frontières avec la Syrie et empêcher le trafic d’armes vers le territoire syrien. Il doit éviter de répondre aux appels de la communauté internationale visant à accroître la pression sur la Syrie. La stabilité du Liban est étroitement liée à la stabilité en Syrie. Il y a des liens fraternels entre les deux pays, des accords ont été signés entre Beyrouth et Damas afin de coordonner les relations bilatérales et nous tenons à respecter ces relations et à les renforcer. Le président et le Premier ministre libanais ont affirmé, à plusieurs reprises, que le Liban cherche à se distancer de la crise syrienne. Nous espérons que ces décisions se concrétiseront sur le terrain car il y a toujours des violations à la frontière entre les deux pays. Les appels à rompre les relations diplomatiques entre le Liban et la Syrie sont irresponsables. »

Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères
« Il faut tout faire pour éviter un embrasement au Liban. La France soutient la politique du gouvernement libanais de rester à l’écart du conflit en Syrie. Il y a au Liban des groupes contagieux qui veulent entraîner le pays dans la tourmente. J’ai évoqué ce sujet avec les présidents de la République, Michel Sleiman, du Parlement, Nabih Berry, et du Conseil, Nagib Mikati, lors de ma récente visite à Beyrouth et, tout récemment au téléphone, avec le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï. Il est plus facile de le dire que de le faire. Les contacts se poursuivent tant pour trouver une amorce de sortie de crise que pour éviter que le Liban ne vienne élargir une zone où des conflits intercommunautaires risquent d’éclater au grand jour et de durer des années. »

Revue de presse

As Safir (Quotidien libanais proche de la majorité, 23 août 2012)
Le coordinateur du Courant du futur à Tripoli, l’ancien député Moustapha Allouche, a accusé plusieurs parties régionales de provoquer des incidents à Tripoli, dont la Syrie, Qatar et l’Arabie saoudite.
Intervenant dans le cadre de l’émission « Le jeu des nations », diffusée mercredi par la télévision al-Mayadine, M. Allouche a déclaré : « En tant que courant politique, nous pensons que le régime syrien allume le front de Tripoli habituellement, mais pas toujours, afin de servir ses propres intérêts. Les victimes sont les fils de Tripoli et le Liban. Les combattants sont aussi les victimes de ce jeu ».
Et M. Allouche de poursuivre : « L’acteur proclamé est le régime syrien, allié des parties de Jabal Mohsen, comme elles-mêmes le reconnaissent. A Bab el-Tebbané, il existe des forces bizarroïdes. Certaines sont alliées à la Syrie et au Hezbollah, d’autres à l’Arabie saoudite, au Qatar ou à des composantes du 14-Mars. Par conséquent, on ne peut pas établir une carte politique ni même militaire pour expliquer ce qui se passe actuellement à Tripoli ».
Moustapha Allouche a estimé que les États-Unis veulent démembrer la région, notamment la Syrie, l’Irak et le Liban. Commentant la politique de Washington au Liban, l’ancien député a affirmé : « Je ne fais confiance à la politique d’aucun État. Il n’y a pas d’associations caritatives mais des pays qui ont des intérêts ».

As Safir (23 août 2012)
Mohammad Ballout, correspondant a Paris
Le président du Conseil national syrien (CNS), Abdel Basset Sayda, a déclaré que Manaf Tlass et Riad Hijab n’auront pas leur place dans le gouvernement temporaire, parce qu’ils n’étaient pas aux côtés de la révolution dès ses débuts.
Le CNS fait de nouveau la une des médias français : le président François Hollande avait subi une campagne politico-médiatique menée par l’opposition, qui l’accusait de négliger le dossier syrien. De retour au Palais de l’Élysée, il a reçu certains dirigeants du CNS devant les objectifs des caméras pour alléger les pressions politiques dans un dossier qu’il ne saurait ignorer, d’autant que la révolte syrienne suscite une vaste sympathie populaire. Mais le président Hollande ne s’activera pas dans ce dossier avant les présidentielles américaines, et que la France n’est pas enthousiaste à l’idée d’aller au-delà de l’appui logistique à l’opposition syrienne, divisée politiquement.
Les Occidentaux s’emploient à présent à unifier l’opposition militaire, après avoir désespéré de pouvoir unifier l’opposition politique.

As Safir (21 août 2012)
Imad Marmal
La Résistance a prouvé une fois de plus être capable de se mettre a l’écart des conflits internes au Liban. En effet, le secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah, a pris de court le public en annonçant, dans son discours prononcé à l’occasion de la Journée mondiale d’al-Qods, une nouvelle équation relative au conflit avec Israël. Nasrallah a voulu tout simplement dire que le « travail va bon train », en dépit de l’intimidation exercée contre la Résistance, et que cette dernière continue à renforcer ses capacités en vue de faire face aux menaces israéliennes.
Des ténors du 14-Mars ne trouvent pas ce « surplus de force » rassurant. Ils considèrent que le parti met au point une stratégie de défense en dehors des institutions de l’État, ce qui risque de projeter le Liban dans l’inconnu. Même le député Walid Joumblatt s’est montré consterné vis-à-vis du dernier discours de Nasrallah, auquel il compte réagir, sachant que la relation entre le chef du PSP et le Hezbollah est sur la corde raide.
De leur côté, les cadres du Hezbollah se disent étonnés par les sentiments de crainte et d’inquiétude suscités par le discours de Nasrallah. Ils soulignent que toutes les équations établies par le Hezbollah sont défensives et visent à dissuader Israël d’envisager une agression contre le Liban. Ils ajoutent que Hassan Nasrallah, dans son dernier discours, a voulu jouer sur la fibre sensible israélienne, à savoir l’élément humain qui constitue le maillon faible de la composition de l’entité sioniste, en affirmant que les colons israéliens seront pris pour cible dans l’éventualité d’une guerre.

An Nahar (Quotidien libanais proche du 14-Mars)
Samir Tueni, correspondant à Paris (23 aout 2012)
Des sources diplomatiques françaises estiment que le Liban se trouve sur un volcan depuis le début de la révolte en Syrie, et que les enlèvements de ressortissants syriens et turcs dans des zones sous le contrôle du Hezbollah confirment les craintes des pays occidentaux au sujet de la volatilité de la situation sécuritaire au Liban.
Ces sources suivent de près la politique de dissociation adoptée par le gouvernement libanais vis-à-vis de la crise syrienne–un gouvernement dont la majorité des membres représente des alliés du régime en Syrie, alors que la majorité du peuple libanais soutient les revendications légitimes du peuple syrien. Les mêmes sources qualifient de dangereuses les tentatives des autorités syriennes de déstabiliser le Liban, la dernière en date étant les faits reprochés à l’ancien ministre et député Michel Samaha, au cas où les informations à ce propos se confirmeraient.
De même, ces sources suivent l’attitude politique du Hezbollah, qui cherche à préserver ses acquis quels que soient les rebondissements en Syrie, et qui ne cessera pas de soutenir le régime syrien. Elles font remarquer que son secrétaire général sayyed Hassan Nasrallah a rendu hommage, dans son avant-dernier discours, aux quatre officiers des services de sécurité syriens qui avaient péri dans l’attentat de Damas, et les a qualifiés de martyrs et de compagnons d’armes dans son conflit avec Israël. Et dans son dernier discours, il s’est abstenu d’évoquer les accusations selon lesquelles le régime syrien aurait projeté d’assassiner des responsables libanais.
À l’heure actuelle, le Hezbollah se retrouve à un dangereux tournant : il n’est pas sans savoir que la fin du régime de Bachar el-Assad coupera la route par laquelle il communique avec l’Iran. Ce sera en effet la fin de l’arc chiite qui s’étend de l’Iran au Liban sud en passant par la Syrie et l’Irak. Il se prépare donc à l’après-Assad ainsi qu’à une guerre intérieure au Liban, à l’heure où ses ennemis le pressent de déposer les armes.
En cas de revirement anti-iranien inopiné en Syrie, le Hezbollah se retrouvera face à plusieurs éventualités : protéger ses acquis politiques à travers une opération militaire ou la menace d’une telle opération, ou appeler à un dialogue dans le but de livrer son arsenal militaire à l’État libanais mais en contrepartie, il préservera ses privilèges politiques et en obtiendra d’autres au sein du pouvoir.
L’actualité régionale, au premier rang de laquelle le dossier nucléaire iranien, entrera sans doute en ligne de compte, tout comme la possible entrée en scène d’Israël pour infliger au Liban une destruction à l’instar de la destruction actuelle de la Syrie.

An Nahar (24 aout 2012)
Le ministre de la Justice Chakib Cortbaoui a remis jeudi au Parlement une demande pour une levée de l’immunité du député islamiste du Courant du Futur Mouïn Merhebi. La demande a été adressée au secrétariat général du Parlement à la demande du commandement de l’armée qui accuse M. Merhebi d’incitation à la haine contre la troupe. Commentant cette mesure, le député a indiqué qu’il était prêt à se soumettre à une procédure judiciaire. Cependant, le Courant du futur avait annoncé qu’il ne voterait pas en faveur de la levée de l’immunité de son député.
Le commandement de l’armée avait annoncé le 31 juillet avoir lancé des « poursuites contre M. Merhebi qui persiste à attaquer l’institution militaire et à insulter ses responsables ». Le député avait accusé notamment le commandant en chef de l’armée, le général Jean Kahwaji, de « présenter quotidiennement ses lettres de créance à la Syrie et à l’Iran ». Le député ne se prive pas d’attaquer l’institution militaire depuis la mort du cheikh Ahmed Abdel Wahed par balles à un barrage de l’armée au Akkar, dans le nord du Liban.
L’armée avait annoncé qu’elle ne répondra plus aux attaques lancées contre elle par le député Merhebi, ajoutant que le parlementaire sera poursuivi « devant les instances compétentes ». M. Merhebi avait affirmé, dans un entretien accordé au quotidien koweïtien al-Jarida, publié hier, que « le Hezbollah et Michel Aoun contrôlent totalement l’armée, au point que celle-ci exécute leur sale boulot ».

Al Akhbar (Quotidien libanais proche de la majorité, 23 août 2012)
Nasser Charara
Les derniers combats de Tripoli ont été précédés d’une série de visites entreprises par le cheikh Houssam Sabbagh, recherché par la justice libanaise, et le cheikh Nabil Rahim, récemment de la prison de Roumié, à un groupe de dignitaires religieux sunnites du Liban-Nord, considérés comme des alliés du Hezbollah et du régime syrien. Les deux cheikhs ont informé leurs interlocuteurs que le moment est venu de renier leurs alliances actuelles et de rejoindre le projet d’unification des forces sunnites de Tripoli pour faire face au Hezbollah, au régime syrien et à l’Iran.
Dans le même temps, des rumeurs courent sur le fait que cheikh Sabbagh serait en fait l’émir d’Al-Qaïda au Liban-Nord, en remplacement de l’ancien numéro 1, dont l’identité aurait été découverte par les services de sécurité libanais il y a quatre mois après l’interception d’un sms lors de la remise d’une somme d’argent à un Koweitien membre de l’organisation. Le plus dangereux dans l’affaire du cheikh Sabbagh, c’est qu’Al-Qaïda semble désormais impliquée dans un projet destiné à attirer ou terroriser les cheikhs sunnites proches du Hezbollah. De même que l’organisation est devenue un acteur dans les événements qui secouent Tripoli, à un moment où les informations se multiplient sur une volonté de proclamer un émirat islamique au Liban-Nord.
Les deux cheikhs ont notamment rendu visite aux cheikhs Abdel Karim Nachar et Hachem Minkara, ainsi qu’à des jeunes responsables de quartiers proches du 8-Mars.
À chaque fois, les cheikhs Sabbagh et Rahim demandaient à leurs interlocuteurs de publier un communiqué, à l’issue de la visite, attaquant le Hezbollah, la Syrie et l’Iran. Lors d’une visite, un de leurs interlocuteurs les a interrogés sur les raisons qui les poussaient à s’attaquer à un parti qui lutte depuis des années contre Israël. Ils ont répondu qu’ils rêvaient de combattre les Israéliens mais que le Hezbollah les en empêchait. Leur interlocuteur leur a alors demandé s’ils avaient vraiment besoin de l’autorisation du Hezbollah pour pratiquer le Jihad et si le Hezbollah leur imposait aussi de s’allier à Samir Geagea, qui est accusé d’avoir assassiné un Premier ministre sunnite.

Al Akhbar
Ibrahim Al-Amine
La division politique au Liban vis-à-vis de la crise syrienne prend des proportions sectaires et confessionnelles exécrables. Dans le contexte actuel, il est quasi impossible de tenir un débat rationnel sur ce sujet : On est soit contre le régime soit avec le régime. C’est la formule simpliste à laquelle ont recours les nouveaux takfiris, en d’autres termes les fondamentalistes islamistes, libéraux, ou de la gauche.
Le problème ne réside pas dans la partialité aveugle qui prévaut à l’égard de la crise syrienne. Mais il se manifeste dans l’absence des vérités tangibles. Pour ceux-là, la Syrie n’a jamais été aux côtés de la Résistance. Son objectif était d’instrumentaliser les résistants pour ses propres intérêts. Ils disent aussi que la Syrie n’a jamais été un État et qu’elle était toujours une jungle gouvernée par le parti Baas et la famille Assad. De telles informations relayées par les chaînes satellitaires contredisent toutes les vérités.
Dans le même contexte de ce jeu takfiri, engagé par les adversaires du régime, toutes appartenances confondues, tout débat portant sur la situation de l’opposition syrienne constitue une mise en question de la moralité, de l’identité et des objectifs de la révolution syrienne. Pour les opposants au régime, tout ce qui se passe sur le terrain doit être accepté comme étant une vérité inamovible, même les pertes essuyées dans le cadre de la crise syrienne doivent être considérées comme étant le tribut de la grande révolution.
Si les adversaires du régime syrien trouvent qu’il est normal que le Liban devienne la plaque tournante des opérations des opposants syriens armés, les partisans de Bachar al-Assad auront toute la légitimité de mener des activités visant à soutenir le régime à partir des territoires libanais.

Al Akhbar (21 août 2012)
Amal Khalil
La France a présenté un projet de résolution au Conseil de sécurité réclamant la reconduction d’un an du mandat de la Finul, à compter de début septembre : si la France en a le droit, tout comme les autres pays contributeurs et le gouvernement libanais, la requête française, particulièrement zélée, semble receler d’autres intentions, selon des sources informées. Le gouvernement français a inclus dans ce projet une recommandation qui souligne la coopération nécessaire entre les pays contributeurs à la mission (de la Finul) et l’Armée libanaise. Mais quelle est la Finul dont le mandat sera reconduit ? Cette question se justifie par les changements structurels et théoriques au sein de la force internationale.
La semaine dernière, certaines composantes du 14-Mars ont de nouveau appelé à un déploiement des forces internationales aux frontières nord du Liban avec la Syrie. Les voix qui s’élèvent pour brandir une telle revendication ne sont pas sans savoir que l’amendement de la résolution 1701 et le déploiement de telles forces au nord nécessitent une résolution du Conseil de sécurité. De même, un amendement sous Chapitre VII reviendrait à attribuer à la Finul un rôle rappelant celui de l’Otan, ce qui inclut également le droit de recourir à la force pour imposer la paix. Abstraction faite de la faisabilité d’un tel scénario, des sources officielles libanaises ne manquent pas de relever que des Libanais en agitent le spectre de temps à autre, et indiquent que ce projet se recoupe avec la volonté occidentale et israélienne, car il s’agit, à l’origine, d’un rêve que caresse
Israël dans le but de faire tarir le transfert d’armes à destination du Hezbollah.Le plan israélien consiste, selon les sources précitées, à convaincre les alliés d’Israël qu’il est temps de mettre en place une Finul-3 après la force créée en vertu de la résolution 425 et la Finul renforcée qui a vu le jour avec la résolution 1701.
La France n’a pas attendu que quelqu’un révèle son rôle-clé dans les derniers changements au sein de la Finul, menant en fin de compte à une concrétisation du rêve israélien. Elle a en effet ouvertement proposé, il y a quelques mois, au Conseil de sécurité, en coordination avec les États-Unis, d’accélérer la délimitation des frontières libano-syriennes, et de marquer l’importance de leur sécurisation, étant donnée l’inquiétude due à l’armement du Hezbollah.
Le contingent français de la Finul, dérogeant au mandat de la force internationale et aux dispositions de la 1701, a dépêché certains de ses officiers au Liban-Nord, aux côtés d’une délégation américaine, pour sonder le terrain au sujet d’un éventuel déploiement d’une force internationale, en invoquant une participation de la Finul à l’aménagement de corridors humanitaires sécurisés pour venir en aide aux Syriens, et une remise en service de l’aéroport de Kleyate à cette fin. La France, convient-il de rappeler, est l’un des pays qui avaient appelé avec insistance à une revue stratégique du mandat de la Finul, aboutissant à des changements dans la structure de son commandement… le tout à l’heure où se poursuivent les tentatives de modifier les règles d’engagement, pour parvenir à une fusion entre les résolutions 1701 et 1559.
Mais les projets relatifs au déploiement de la Finul aux frontières nord, qui sera l’une des façons de mettre en œuvre la résolution 1559, ne sont pas pour plaire aux habitants du Liban sud, « qui, seuls, préservent et protègent la présence de cette force au sud, et non les chars français Leclerc », selon des notables de cette région. Ces derniers mettent en garde contre une « convergence entre les efforts israéliens, occidentaux et libanais pour réaliser le rêve israélien.

Al Akhbar (21 août 2012)
Hassan Olleik
Pour la première fois depuis 2008, le président Michel Sleiman n’a pas contacté son homologue syrien Bachar al-Assad pour lui présenter les vœux à l’occasion de l’Aïd el-Fitr. La dernière prise de contact entre les deux hommes remonte au lendemain de l’attentat à l’explosif contre le bâtiment de la sécurité nationale à Damas.
Plusieurs ambassadeurs ont reproché au président Sleiman cet appel téléphonique, en tête desquels celle des États-Unis Maura Connelly. D’ailleurs, depuis l’arrestation de l’ancien ministre Michel Samaha, Connelly a fait savoir, plus ou moins sans détour, à ses interlocuteurs libanais, qu’il était temps de hausser le ton contre le régime syrien et même d’expulser l’ambassadeur Ali Abdel Karim Ali de Beyrouth. Les ambassades de Grande-Bretagne et de France ont joint leur voix à la sienne, ainsi que plusieurs responsables arabes. Le président Sleiman s’est retrouvé dans l’embarras. Il n’a pas regretté son coup de fil à Bachar al-Assad, mais l’offensive qu’il a essuyée était particulièrement virulente. Une délégation médiatique qu’il a reçue la semaine dernière lui a demandé s’il a appelé Assad dans l’affaire Samaha, et il a répondu qu’il attendait que le président syrien le contacte pour des éclaircissements au sujet de cette affaire. L’information a été divulguée. Le chef de l’État, prisonnier de sa prise de position —selon des responsables du 8-Mars—, a dû la réitérer à maintes reprises. La réponse syrienne n’a pas tardé : annonce de la parution imminente de commissions rogatoires syriennes à l’encontre d’hommes politiques libanais, accusés de soutenir le terrorisme en Syrie. C’est comme si
Damas disait à Sleiman : « C’est vous qui avez commencé ».
L’attitude du président Sleiman surprend le 8-Mars. Ce camp estime en effet qu’une ligne rouge a été franchie, et que le président syrien a été délibérément visé pour que toute relation avec lui soit rompue, « car le président Sleiman aurait pu se contenter de sa prise de position en recevant le général Achraf Rifi et Wissam al-Hassan ». Des responsables de la majorité ministérielle tiennent d’ailleurs ce discours : s’il veut se conformer aux règles qu’il a lui-même définies, il devra passer des dizaines de coups de fil au président syrien, pour des éclaircissements et des mises au point, maintenant que le Liban est devenu une place forte de l’opposition syrienne armée. Sleiman a-t-il d’ailleurs contacté
Assad dans l’affaire du navire Lutfallah-2 ? se demandent-ils. Les propos de Sleiman sont la preuve d’une escalade sans précédent dans les relations entre les deux chefs d’État. Quant aux forces du 14-Mars, elles ont jubilé en écoutant les propos de Sleiman : elles n’osaient même pas rêver de le voir se tenir à leurs côtés face au régime syrien.

L’Orient-Le Jour (23 août 2012)
Elie Masbounji, correspondant en France
Chargé par le gouvernement d’une mission en France pour s’informer des systèmes de communication des datas informatiques privées aux autorités officielles, le président du Conseil d’État, Chucri Sader, accompagné d’une délégation de représentants de divers services de sécurité et du ministère des Télécommunications, a rencontré des organismes français compétents pour un échange d’informations sur un sujet devenu depuis quelque temps une pomme de discorde entre les deux principales fractions politiques libanaises.
Six réunions qui ont permis au président Sader et aux membres de la délégation de s’enquérir des fonctionnements en matière de surveillance, de traçage et de remise aux autorités policières ou judiciaires d’informations vitales.
La mission libanaise a rencontré successivement des responsables de la DCRI (ancienne DST) dont l’activité est axée, comme on le sait, sur la sécurité intérieure, de la police judiciaire qui surveille surtout les liaisons et communications en relation avec des actes criminels tels que la pédophilie et les trafics divers, des cinq principaux opérateur de télécoms (il y en a plus de 1400 en France), la CNIL (Commission nationale informatique et libertés) qui est en quelque sorte l’ange gardien en matière d’atteintes aux libertés individuelles, des magistrats (dont des juges antiterroristes) qui demandent des autorisations d’obtention de données et d’informations diverses et la Commission nationale des interceptions de sécurité qui pourrait être l’équivalente de l’organisme libanais créé en 1999 en vertu de la loi 140 (sous le gouvernement Rafic Hariri) pour mettre fin aux abus en matière d’écoutes téléphoniques illégales à l’époque.
Interrogé par L’Orient-Le Jour sur la teneur du rapport qu’il doit remettre aux dirigeants libanais, M. Sader a répondu que le document appartient d’ores et déjà aux plus hautes instances libanaises et qu’il ne pouvait rien révéler sur le contenu.
Mais nous avons appris de source française bien informée que le rapport comprendra non seulement un compte rendu factuel, mais aussi deux éléments principaux. À savoir un document comparatif des modus operandi en France et au Liban dans tous les domaines discutés lors des six réunions avec de strictes directives européennes suivies dans les pays de l’UE et des recommandations du président Sader allant dans le sens d’une responsabilisation des opérateurs de télécommunications qui devraient eux-mêmes signaler toute anomalie constatée au niveau des usagers comme cela se passe dans le secteur bancaire, par exemple.

Source
New Orient News