Monsieur le Premier ministre,
Monsieur le Président du Sénat,
Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Monsieur le Commissaire européen,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
Je m’exprime devant vous pour la première fois depuis mon élection à l’occasion de cette Conférence des ambassadeurs, qui est devenue plus qu’un rite, une tradition, un rendez-vous. C’est parce que je sais le rôle qui est le vôtre dans la définition et dans la mise en oeuvre de notre diplomatie, que j’entends vous exposer les principes qui guident la politique étrangère de la France dont j’ai confié la charge à Laurent Fabius et les réponses que j’apporte aux grandes questions de la période.
Ce qui caractérise, à mes yeux, le monde tel qu’il est aujourd’hui, c’est son instabilité, un ordre ancien a disparu, mais aucun autre n’a encore émergé. Des puissances nouvelles se sont affirmées, fortes de leur population, de leur économie, mais encore réticentes à prendre toute leur place et toutes leurs responsabilités. Les blocs ont depuis longtemps disparu, mais de nouveaux ensembles se cherchent, fondés sur la géographie, les intérêts, les proximités culturelles, mais sans cohérence entre eux.
De nouvelles menaces se sont accumulées, le terrorisme qui n’a pas disparu et qui a même gagné d’autres terrains comme en Afrique, la drogue qui devient le fléau majeur de la décennie à venir, les grandes pandémies qui se propagent en ignorant les frontières, le détournement des nouvelles technologies de l’information qui peuvent donner le meilleur, mais aussi le pire par rapport aux libertés individuelles.
Mais l’instabilité, elle est également économique et financière. La crise touche désormais tous les pays, y compris les émergents, qui paraissaient invulnérables, et fragilise encore davantage les plus pauvres. La régulation internationale, tant proclamée depuis tant d’années, révèle ses insuffisances face aux excès de la finance. La croissance du commerce mondial se ralentit et nous voyons ressurgir des pratiques protectionnistes dangereuses.
Les cours des matières premières connaissent une volatilité qui n’obéit plus simplement à des causes naturelles, il en existe, mais à des mouvements spéculatifs, les marchés agricoles sont devenus des marchés financiers. Les considérations géopolitiques sont plus importantes que jamais dans la détermination du prix des carburants. Nous le constatons aujourd’hui, aux dépens même de la croissance mondiale et du pouvoir d’achat des ménages.
À l’instabilité s’ajoute l’incertitude, celle qui pèse sur l’environnement, sur le climat, sur la biodiversité. Convenons, là encore, avec lucidité, qu’après l’échec de Copenhague, le dernier Sommet de Rio sur le développement durable a montré que la mobilisation des États restait bien en-deçà des attentes.
Mais la plus grave des incertitudes tient au risque de la prolifération nucléaire et à ses conséquences, et aussi aux peurs légitimes qu’une telle prolifération peut inspirer et aux réactions préventives qu’elle peut provoquer, menaçant directement la paix. L’incertitude, c’est aussi la permanence des conflits, dont le règlement est chaque jour différé comme au Proche-Orient.
Certes, le monde est aussi porteur d’espoir, il y a la vitalité des peuples, leur aspiration démocratique, les exigences d’une bonne gouvernance et la capacité d’innovation que trouvent toujours les êtres humains. Il y a des lignes qui bougent et des dictateurs qui tombent. En cela, le monde évolue dans un sens qui est celui du progrès.
C’est tout l’enjeu des Printemps arabes, dès lors que les formations politiques qui se réclament de l’islam s’engagent à garantir les libertés, notamment celles des femmes, à respecter l’alternance, à protéger les minorités, qu’elles soient culturelles ou religieuses. Il leur appartient, à ces pays qui font oeuvre de transition, d’en faire la démonstration et à nous d’encourager le mouvement, sans défiance, mais avec vigilance.
Dans ce monde instable, incertain, mais aussi nouveau, il me revient de déterminer la place de la France, ce qu’elle doit faire et surtout ce qu’elle peut faire.
Je partirai de ce qui fait notre identité historique, géographique, politique, celle qui nous permet d’être écoutés, attendus, espérés et surtout utiles.
Je partirai donc de nos valeurs universelles, dont la France a éclairé le monde et qui doivent continuer à déterminer son action internationale. Ces valeurs sont celles des droits de l’Homme, de la démocratie, de la justice internationale, de la laïcité, de l’égalité entre les femmes et les hommes.
En défendant ces valeurs partout dans le monde, la France porte une conception des relations avec les États et affiche une confiance dans les sociétés. C’est quand la France est frileuse ou silencieuse qu’elle recule. Voilà pourquoi nous servons nos propres intérêts quand nous affirmons notre attachement à la démocratie, à la lutte contre la corruption et au respect du droit.
La France est un pont entre les nations, y compris les émergentes, entre le Nord et le Sud, entre l’Orient et l’Occident. Notre pays est un acteur et un médiateur du dialogue entre les civilisations.
C’est son indépendance qui la rend précieuse au monde.
La France est une puissance mondiale, nous sommes un des rares pays qui dispose encore d’un très large éventail d’actions, doté d’une capacité nucléaire, un pays constamment impliqué dans la vie internationale par sa responsabilité de membre permanent du Conseil de sécurité.
Nous fondons notre démarche sur le droit, en s’inscrivant dans le long mouvement de l’organisation de la société internationale. Je veux continuer, au nom de la France, à faire de l’organisation des Nations unies l’instance centrale de la gouvernance mondiale pour préserver la paix, mais aussi pour protéger les populations. Une organisation capable de prononcer des sanctions et de les faire appliquer en saisissant la justice internationale contre les dictateurs et les crimes les plus graves.
Nous nous inscrivons dans la légalité internationale et je confirme ici que notre pays ne participe à des opérations de maintien de la paix ou de protection des populations qu’en vertu d’un mandat et donc d’une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies.
Faut-il encore - c’est la question qui est posée encore aujourd’hui - que les membres du Conseil de sécurité prennent leurs responsabilités pour lui permettre de prendre des décisions. Car, le blocage du système conduit, soit à son contournement, soit à son impuissance. C’est pourquoi je dis à la Russie et à la Chine que dans la crise syrienne, leur attitude affaiblit notre capacité à accomplir le mandat que la Charte des Nations unies nous a confié.
Je souhaite faire avancer la réforme du Conseil de sécurité pour permettre à de nouveaux membres permanents comme non permanents d’y siéger.
De la même manière, le système des Nations unies doit s’élargir à de nouveaux enjeux comme celui du défi écologique, c’est pourquoi j’ai plaidé à Rio pour la création d’une organisation des Nations unies pour l’environnement basée en Afrique et ce sera la position de la France.
Sous ma présidence, j’entends donc que notre pays porte l’exigence d’une meilleure gouvernance mondiale. La crise financière, économique a montré les limites des institutions actuelles. Le G20, qui avait permis de répondre dans l’urgence à la crise bancaire, doit de nouveau réfléchir sur son rôle, car nous sommes bien loin de la régulation financière indispensable.
Bien des pays d’ailleurs n’ont même pas mis en oeuvre les décisions sur les règles prudentielles, pourtant décidées en 2008, alors même que la France et l’Europe ont adopté ces principes, au risque de réduire la distribution du crédit. De même, la lutte contre les paradis fiscaux a été engagée, mais encore trop timidement et les pays qui les abritent devront être plus sévèrement sanctionnés.
Quant à l’ambition, mille fois rappelée, d’adopter une taxation sur les transactions financières, elle se heurte à de fortes résistances. C’est pourquoi j’ai choisi d’aller de l’avant dans le cadre européen d’une coopération renforcée notamment avec l’Allemagne. C’est un acquis du Conseil européen du 28 juin, cette taxe sera définie et mise en oeuvre dès le début de 2013. La France continuera de plaider pour son adoption au niveau international, avec l’affectation d’une partie de ses recettes pour le développement et pour la lutte contre le Sida.
La régulation vaut d’ailleurs sur tous les marchés et la volatilité du marché des céréales en ce moment, suite à la sécheresse qui sévit notamment en Amérique, justifie que le G20 puisse rapidement être saisi de cette question et soit doté d’un pouvoir de décision. J’ai demandé au ministre de l’Agriculture de se mobiliser rapidement en ce sens.
Enfin, lorsque j’évoque notre identité, lorsque je parle de nos valeurs, de notre place dans le monde, de notre attachement au droit, je n’oublie pas aussi l’atout de notre langue et de notre culture. La langue, c’est une manière de penser et aussi d’agir. C’est une bataille pour la pluralité et la diversité. C’est la raison qui explique la présence d’une ministre, Mme Yamina Benguigui, pour défendre la place du français à travers le monde. Je vous demande, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, dans votre action quotidienne, de ne jamais oublier que la promotion de la langue, de la création française, c’est l’affirmation d’une vision du monde qui fait place à toutes les cultures.
Tels sont les fondements de la politique étrangère à partir desquels la France doit agir.
Elle le fera avec ses propres forces, avec sa singularité, avec ses atouts, avec son rayonnement. Mais elle n’y parviendra pas seule. Elle le fera avec ses partenaires européens et aussi avec ses alliés et notamment les États-Unis.
C’est le sens de mon engagement à la tête de notre pays, un pays pleinement européen.
L’Europe est une force qui souvent s’ignore. Elle est, je le rappelle, la première puissance économique du monde. Je veillerai à ce qu’elle soit plus active et surtout vigilante quant au respect des règles commerciales, à la réciprocité des échanges, à l’ouverture des marchés publics partout.
Nous, les Européens, devons aussi renforcer nos positions sur les sujets internationaux majeurs et éviter la dispersion ou la recherche d’intérêts purement nationaux. En matière de défense, nous devons aussi prendre nos responsabilités. J’ai décidé d’approfondir encore les coopérations en matière de défense avec le Royaume-Uni et nous les inscrivons dans le renforcement des capacités européennes. D’autres grands partenaires, notamment allemands, partagent les mêmes besoins. Le nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, qui est confié à M. Jean-Marie Guehenno, ses conclusions s’inscriront dans la perspective de l’Europe de la défense dans le cadre de nos alliances.
Alliance, oui, nous en avons une avec les États-Unis d’Amérique et cette relation aujourd’hui est marquée par la confiance. J’ai pu constater, avec le président Obama, l’importance de nos convergences sur les grandes questions internationales, sur la crise économique, sur l’impératif de croissance. Je souhaite que la qualité de la relation entre la France et les États-Unis se prolonge encore ces prochaines années.
Lors du Sommet de Chicago, j’ai rappelé l’engagement de la France dans l’Alliance Atlantique. Ce qui ne m’a pas empêché, avec les ministres des Affaires étrangères et de la Défense, d’exprimer mes réserves ou de poser des conditions, notamment sur la défense antimissiles. J’ai, par ailleurs, demandé à Hubert Védrine de dresser un bilan de ce que la réintégration dans le Commandement militaire intégré a réellement apporté à nos objectifs et à l’Europe de la défense.
Mais la France a des objectifs propres, qui correspondent à sa situation, à son rôle et même à ses intérêts.
D’abord, la France porte depuis longtemps une ambition pour la Méditerranée, pour qu’elle soit un espace de coopération et non pas de tension. Les échanges économiques qui doivent se multiplier doivent être enrichis par les échanges humains. Les préoccupations de sécurité doivent toujours aller de pair avec une exigence de dignité. Les idées aussi doivent circuler, c’est nécessaire dans le contexte où les pays arabes de la Méditerranée s’ouvrent et s’engagent dans un changement politique. Je veux que nous prenions en compte ces réalités, il y a des retards qui coûtent. Mais la France ne manquera jamais de rappeler que le respect de l’opposition, la liberté de la presse, les droits des minorités, la capacité pour chacun de participer à la vie publique, quelles que soient ses opinions politiques ou religieuses, sont pour la France autant de principes essentiels.
Ma priorité, c’est de développer ce que j’appelle une « Méditerranée de projets », c’est à cette fin que j’ai demandé au gouvernement de nommer un délégué interministériel à la Méditerranée. Je veux que les compétences du secrétariat de l’Union pour la Méditerranée soient mieux utilisées, avec l’engagement de l’Union européenne et particulièrement de la Commission, nous devons le faire avec l’Europe. Le Partenariat de Deauville, qui est une bonne initiative, peut nous permettre d’accompagner au mieux le développement des pays en transition politique. J’accorde enfin une attention toute particulière à la coopération avec les pays du Maghreb, y compris dans ce qu’on appelle le Groupe 5+5 et qui devra permettre de relancer le dialogue.
Il y a, entre les deux rives de la Méditerranée, de nombreuses complémentarités. De cette manière pragmatique, nous pouvons ainsi envisager une maîtrise efficace de l’immigration, améliorer les échanges professionnels et universitaires, aider l’administration publique de ces pays à se moderniser et puis aussi encourager les échanges entre les milieux d’affaires.
Avec l’Afrique, je veux établir une nouvelle donne. La France maintiendra ses engagements vis-à-vis de ce continent plein de promesses. Toutes les puissances du monde y sont, essayent de développer leur influence et les Africains eux-mêmes ne souhaitent pas que la France se désengage. Mais notre politique doit être différente du passé. Elle doit être fondée sur la transparence dans nos relations commerciales et économiques. Elle doit être fondée sur la vigilance dans l’application des règles démocratiques et le respect aussi des choix souverains. Notre vision de l’Afrique doit refléter ce qu’elle est aujourd’hui, c’est-à-dire un continent en forte croissance et qui le sait et qui ne supporte plus le discours larmoyant à son endroit. Un continent où la démocratie progresse, où l’environnement et l’énergie sont autant de sujets majeurs. Un continent avec lequel nous avons une proximité historique, culturelle, linguistique exceptionnelle. En 2050, 80% des francophones seront Africains, 700 millions de femmes et d’hommes, chacun comprend ici l’enjeu.
Je me rendrai dans quelques semaines au Sommet de la Francophonie à Kinshasa. J’y réaffirmerai que la Francophonie, ce n’est pas simplement une langue en partage, c’est aussi une communauté de principes et d’idéaux, dont le rappel à chaque occasion est nécessaire, notamment en République démocratique du Congo. Mais pas seulement là. J’y rencontrerai l’opposition politique, les militants associatifs, la société civile, c’est le sens de la nouvelle politique africaine de la France. Tout dire partout et faire en sorte que ce qui soit dit soit fait. Cette politique sera clairement exposée.
La France doit prendre davantage en compte l’émergence d’un monde multipolaire qu’elle a d’ailleurs tellement de fois réclamé. Les cinq pays composant ce que l’on appelle les BRIC, représentent 40 % de la population du monde, plus de 30 % du PIB. Raison de plus pour avoir les idées claires sur les rapports que nous comptons avoir avec ces nouvelles puissances.
Avec la Chine, dont l’importance est majeure et pas simplement sur le plan économique. Je veux établir une relation franche sur tous les sujets y compris politiques, y compris les plus sensibles mais aussi sur les questions commerciales et monétaires. À cet égard, le déséquilibre de nos relations économiques est un défi à relever et donc une occasion d’opportunités. Il y a un immense potentiel et l’État, c’est l’enjeu aussi de cette Conférence des ambassadeurs, devra prendre toute sa part pour aider les entreprises à agir mais également dire aux Chinois que nous voulons agir toujours sur la base de la réciprocité et notamment par rapport aux marchés publics.
Avec l’Inde, le partenariat stratégique qui nous unit, connaîtra des avancées majeures, en tout cas je l’espère. Il reflète la qualité de nos liens et l’engagement que nous devons avoir avec le deuxième pays le plus peuplé du monde.
Avec la Russie, la France garde un lien historique, singulier, économique aussi, culturel et nous devons nous appuyer sur cette relation pour aussi clarifier ce que nous avons à dire à la Russie, d’autant qu’elle présidera le G20 dès la fin de cette année. Nous devons rechercher ensemble des solutions aux crises internationales sans masquer non plus les désaccords, notamment sur les droits de l’Homme. Mieux vaut les dire que de les regarder de loin.
Avec le Brésil qui s’affirme chaque jour un peu plus comme une puissance active, je souhaite que nous renforcions là encore les échanges et j’accueillerai la présidente du Brésil en France d’ici la fin de l’année.
Enfin je considère que le Japon, troisième puissance économique du monde, grand partenaire de la France, n’a pas reçu toute l’attention qu’il méritait ces dernières années et je m’emploierai personnellement à corriger cette situation.
Mais plus généralement, ma conviction est claire : la France pèsera sur l’avenir du monde en renforçant ses liens avec les pays émergents, d’Amérique latine, d’Asie, d’Océanie, d’Afrique, du Golfe arabo-persique.
Et plus près de nous avec la Turquie qui connaît une réussite économique indéniable, qui veut s’arrimer à l’Europe et donc la France aura une relation stable et confiante avec ce pays sans ignorer et sans occulter les sujets difficiles.
C’est en travaillant à l’intégration de tous les pays dans le jeu mondial - c’est la responsabilité de la France - que nous éviterons la marginalisation de certaines populations qui ne parviennent pas à sortir de la pauvreté. C’est une des missions assignées à notre politique de développement et que conduit le ministre Pascal Canfin. Le nombre de pays les moins avancés n’a pas diminué depuis ces dernières années. Je souhaite que notre politique de développement puisse être largement débattue et que nos engagements puissent être inscrits dans le temps. Ce n’est pas simplement un enjeu de solidarité, c’est un enjeu de sécurité par rapport à un certain nombre de menaces.
Et parmi ces menaces, la progression de la production et du trafic de drogue est devenue, je l’ai dit, un fléau considérable, déstabilisant certains États, voire des régions entières, fragilisant des sociétés y compris la nôtre et entretenant, le trafic d’armes et parfois le terrorisme. Voilà pourquoi je proposerai à nos partenaires du G8 et des Nations unies d’engager une stratégie mondiale pour lutter plus efficacement qu’aujourd’hui contre le fléau de la drogue.
Mais au-delà de ces orientations, je veux traiter sans délai les questions les plus brûlantes.
Le premier défi, c’est la crise qui frappe l’Europe ; trop d’années d’imprévoyance ont multiplié les dettes, affaibli notre industrie, ébranlé la cohésion sociale. L’Europe a sa part de responsabilité elle aussi, elle ne nous a pas protégés autant que nous l’espérions. La défiance se répand au bénéfice des populismes et le risque, c’est que l’austérité ajoute encore à la mise en cause des politiques européennes.
C’est pourquoi j’ai décidé au lendemain de mon élection, de réorienter l’Europe. J’ai contribué avec d’autres à l’adoption d’un pacte de croissance dont toutes les mesures doivent être mises en oeuvre rapidement. La France, par la voix de Bernard Cazeneuve, fera rapidement des propositions pour amplifier ces politiques, pour donner la priorité à l’innovation et aux investissements, pour défendre la production en Europe et je fais confiance à la Commission européenne ici représentée pour faire en sorte que nous ne perdions pas de temps pour mettre en oeuvre ces décisions et dépenser les fonds qui ont été ainsi identifiés, 120 milliards d’euros. Mon objectif, je ne suis pas le seul à le poursuivre, est également de mettre un terme aux doutes qui entretiennent la spéculation. C’est le sens du Conseil européen et des décisions qui ont été prises le 29 juin dernier. Un accord existe pour que le mécanisme européen de stabilité, en coopération avec la Banque centrale européenne, puisse intervenir pour réduire les taux d’intérêt des dettes souveraines lorsqu’ils deviennent prohibitifs. Faut-il encore attendre que le mécanisme européen de stabilité soit enfin en capacité d’agir. Le tribunal de Karlsruhe fournira la réponse. Et pendant ce temps-là, il existe encore le fonds européen, FESF. Donc les mécanismes existent, ils doivent être mis en oeuvre et s’ils doivent être encore perfectionnés, la Banque centrale y contribue, je considère que le moment est venu pour que les dispositifs à la disposition des États puissent être utilisés si ces dispositifs sont demandés. À la fin du mois de septembre, tout doit être mis en place et le Conseil européen du 18 octobre devra entériner les décisions pour qu’avant la fin de l’année, un compromis soit également trouvé sur l’union bancaire et la supervision au niveau européen, que je souhaite, par la Banque centrale européenne.
C’est dans ce cadre rééquilibré que s’inscrit le traité budgétaire qui sera soumis au Parlement dès le début du mois d’octobre.
Je veux le souligner avec force : la France est totalement déterminée à agir pour l’Europe et pour préserver l’euro. L’euro est irréversible car il s’agit d’un engagement fondamental. Sa défense ne se résume pas, ne se réduit pas à un simple calcul financier, non, elle est la condition de la gouvernance économique.
Elle est aussi ce qui justifie l’union politique. Dès lors la Grèce fait partie de cette communauté politique et la volonté de la France est qu’elle reste dans la zone euro. Elle doit bien sûr prendre des mesures - je l’ai rappelé au Premier ministre grec lorsqu’il est venu samedi dernier - elle doit faire la démonstration de sa crédibilité. Mais l’Europe doit également comprendre que les Grecs ont aussi consenti depuis des années des efforts et donc chacun doit faire son devoir, les disciplines doivent être respectées, la crédibilité doit être montrée. Mais nous devons aussi soutenir la croissance dans ce pays.
D’une manière générale, j’ai proposé que l’Union avance autour de l’idée d’une intégration solidaire qui permette qu’à chaque étape, des mécanismes nouveaux soient accompagnés par des avancées démocratiques. C’est l’union politique. Je suis prêt à répondre aux propositions qui ont déjà été faites. Nous pouvons ouvrir cette discussion immédiatement avec les Européens et en premier lieu avec l’Allemagne. La feuille de route pour l’approfondissement de l’union économique et monétaire dont nous allons discuter d’ici la fin de l’année, c’est déjà un premier pas dans cette démarche.
Mais je veux aussi faire des propositions. Le rôle de l’EUROGROUPE et de son président - et j’en ai saisi le ministre de l’Économie et des Finances - doit être renforcé. Je propose également que les chefs d’État et de gouvernement se réunissent beaucoup plus régulièrement lorsqu’il s’agit de la zone euro ; donc les chefs d’État et de gouvernement de la zone euro et pas simplement deux fois dans l’année dont on nous avait dit que c’était la preuve de la gouvernance économique. Non. Si nous pensons qu’il y a une monnaie à défendre, une économie à organiser, des politiques de croissance à mener, des disciplines à faire respecter, alors le conseil de la zone euro doit se réunir plus régulièrement.
Cet approfondissement doit aussi nous permettre de mettre en place des instruments de solidarité. À terme, je pense que l’union budgétaire devra évoluer vers une mutualisation des dettes, dans les meilleures conditions pour chacun, de façon à régler les stocks de dettes existantes mais aussi d’emprunter pour l’avenir. Ce sera un élément de discussion. Enfin, l’intégration doit permettre d’avancer vers l’harmonisation fiscale et la convergence sociale et environnementale.
À chaque étape, la France veillera à garantir le contrôle démocratique de ces décisions et de ces mécanismes. À cet égard, la Conférence qui permet de réunir Parlements nationaux et Parlement européen est une très bonne initiative.
Je suis conscient que cette démarche ne pourra réunir d’emblée les 27, bientôt les 28 États ; alors changeons de méthode. Ceux qui souhaitent s’engager plus vite, doivent pouvoir le faire sans que cela signifie l’exclusion des autres. Certains envisagent de rejoindre l’euro, ils sont les bienvenus, d’autres non, nous devons les considérer comme tels, dans cette position d’être à côté. Je suis favorable à la mise en oeuvre de coopérations renforcées qui permettent d’avancer plus vite avec ceux qui décident ensemble de s’engager.
Dans cette réorientation de l’Europe, la relation franco-allemande est bien sûr fondamentale. Le 50e anniversaire du traité de l’Élysée offre l’occasion de donner une nouvelle impulsion. Cette amitié, elle est réelle ; elle n’a pas besoin d’être démontrée. Cette amitié, elle doit être prolongée. Elle n’est pas exclusive. C’est la vocation de la France de discuter avec chacun de ses partenaires, tous nécessaires à la vitalité de l’Europe et avec les institutions européennes, qui peuvent être amenées plus qu’aujourd’hui à jouer leur rôle. Voilà ce que je voulais dire sur l’Europe. Montrer que pour nous, elle est à la fois un sujet de préoccupation parce que la croissance y est faible quand elle n’est pas nulle et en même temps un sujet d’espoir et de mobilisation.
Le second défi, c’est la crise syrienne.
Le principe est simple : Bachar Al-Assad doit partir. Il n’y a pas de solution politique avec lui. Il constitue une menace, il continue avec une violence inouïe à massacrer la population, à détruire les villes et à provoquer la mort de femmes et d’enfants, nous en avons encore la preuve ces derniers jours. C’est insupportable pour la conscience humaine, inacceptable pour la sécurité et la stabilité de la région. La Cour pénale internationale devrait être saisie pour que les responsables de ces ignominies puissent être un jour jugés.
Je veux être clair : la France assume toutes ses responsabilités et elle ne ménage aucun effort pour que le peuple syrien obtienne sa liberté et sa sécurité.
Pour y parvenir, nous devons surmonter des obstacles au Conseil de sécurité ; le ministre des Affaires étrangères y travaille. Nous y retournerons le moment venu car la crise syrienne est dangereuse pour tout le monde, en premier lieu pour les voisins de la Syrie. Nous continuerons autant que nécessaire le travail de pression et de conviction au Conseil de sécurité pour parvenir à un consensus de la communauté internationale. Mais dans l’immédiat, il faut agir.
D’abord intensifier les efforts pour que la transition politique ait lieu le plus vite possible. Dans cette perspective, la France demande à l’opposition syrienne de constituer un gouvernement provisoire, inclusif et représentatif, qui puisse devenir le représentant légitime de la nouvelle Syrie. Nous engageons nos partenaires arabes à accélérer cette démarche et la France reconnaîtra le gouvernement provisoire de la nouvelle Syrie dès lors qu’il aura été formé.
Ensuite et sans attendre, nous apportons un soutien appuyé à ceux qui oeuvrent sur le terrain pour une Syrie libre, démocratique et garantissant la sécurité de toutes ses communautés. Nous aidons notamment ceux qui organisent les zones libérées sur les territoires syriens. C’est l’initiative des zones tampons proposées par la Turquie sur lesquelles nous travaillons. Nous le faisons en concertation avec nos plus proches partenaires. Enfin, et je le dis avec la solennité qui convient, nous restons très vigilants avec nos alliés pour prévenir l’emploi d’armes chimiques par le régime, qui serait pour la communauté internationale une cause légitime d’intervention directe.
Je sais la difficulté de la tâche, je mesure les risques mais l’enjeu dépasse la Syrie ; il concerne toute la sécurité du Moyen-Orient et en particulier l’indépendance et la stabilité du Liban.
La même exigence de sécurité collective inspire mon attitude face à la crise iranienne.
Le programme nucléaire iranien, sans finalité civile crédible, constitue une menace pour tous les pays de la région. C’est d’autant plus inacceptable qu’il est le fait d’un régime qui tient régulièrement des déclarations, encore renouvelées ces derniers jours, appelant directement à la destruction de l’État d’Israël.
La position de la France est claire : il serait inacceptable que l’Iran se dote de l’arme nucléaire. Et ce pays doit se conformer à ses obligations internationales au titre du TNP mais aussi des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité et l’AIEA. La voix du dialogue reste ouverte car notre objectif est un règlement diplomatique de la crise mais tant que l’Iran ne répondra pas à toutes les questions en suspens et ne se conformera pas à la légalité internationale, c’est la responsabilité de la France d’accentuer encore les sanctions contre le régime de Téhéran.
C’est dans ce contexte que nous devons aussi agir pour la paix au Proche-Orient.
La France considère - et ce n’est pas une position nouvelle - que la résolution du conflit israélo-palestinien reste la clef de la stabilité au Proche-Orient et ne peut s’accomplir qu’en reconnaissant aux Palestiniens le droit à l’autodétermination et en garantissant à Israël sa sécurité. Une solution durable du conflit israélo-palestinien passe par une paix négociée sur toutes les questions. Dans l’immédiat, je recommande aux autorités israéliennes de reprendre le chemin de la négociation dès lors que les Palestiniens ont levé bon nombre de leurs préalables.
Je sais aussi la situation dangereuse dans le Sinaï. Je fais confiance à l’Égypte et à son nouveau président, issu d’un choix démocratique, pour jouer tout le rôle qui doit être le sien dans la région, au service de la paix, mais dans le respect de ses engagements internationaux.
Il est une autre question qui me préoccupe hautement, c’est le Sahel.
Au nord du Mali s’est constituée une entité terroriste assumée et revendiquée comme telle, qui lance un défi à nos intérêts, à nos valeurs, à notre population. Ce défi, nous y répondons. La crise malienne est le reflet ou le résultat de l’affaiblissement de l’État depuis plusieurs années mais aussi des erreurs commises lors de la fin de la crise libyenne, avec des armes qui sont devenues sans contrôle. Aujourd’hui, les groupes terroristes et fondamentalistes occupent le nord Mali mais veulent étendre leur action à l’échelle de l’Afrique de l’ouest.
La France est directement concernée, non pas dans les formes que nous avons pu connaître, mais en tout cas, nous aurons à agir, non pas par les interventions d’hier - ce temps-là est révolu - notre rôle consiste à appuyer nos partenaires africains ; ce sont eux qui doivent prendre l’initiative, la décision, la responsabilité, et les organisations régionales, dans les actions qu’ils souhaitent mener. Mais notre mission sera à ce moment-là d’appuyer leur action dans le cadre des Nations unies et de ce que décidera le Conseil de sécurité.
Nous avons oeuvré avec Laurent Fabius pour que les Maliens retrouvent un gouvernement stable, engagent un travail de réconciliation ; des appels ont été lancés pour envisager une intervention dans le cadre de la CEDAO, de l’Union Africaine ; la France et tous les pays qui souhaitent mettre fin à cette crise devront appuyer logistiquement cette intervention si elle est organisée et si elle est mise en oeuvre dans le cadre de la légalité internationale.
Enfin, le dernier sujet que je voulais évoquer devant vous, c’est le retrait des forces françaises d’Afghanistan. C’était un engagement que j’avais pris, il s’applique conformément à la décision que j’ai adoptée au lendemain de mon élection.
D’ici la fin de l’année, l’armée afghane va prendre possession des zones encore protégées par notre armée. 650 de nos soldats sont déjà rentrés. 2.000 le seront d’ici la fin 2012. Et tout cela se fait en bonne intelligence avec nos alliés eux-mêmes engagés dans un processus de retrait similaire. Je remercie les ministres, ministre de la Défense et ministre des Affaires étrangères, d’appliquer comme il était convenu, ces décisions, sans faire prendre de risques quelconques à nos soldats.
La France continuera à être présente en Afghanistan mais sous des formes différentes. Nous garderons des formateurs pour accompagner les cadres de l’armée, de la police ; nous conserverons surtout une présence civile pour poursuivre nos coopérations, notamment dans les domaines de l’éducation, de la santé, de l’émancipation des femmes. C’est le sens du traité d’amitié qui a été signé entre nos deux gouvernements et qui a été ratifié par le Parlement. C’est ainsi que nous accompagnerons le peuple afghan. C’est ainsi que nous donnerons une suite logique à cet engagement. Et c’est ainsi que nous honorerons la mémoire de nos 88 soldats morts en Afghanistan.
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, pour mener la politique étrangère de la France que je viens de présenter, nous avons besoin de disposer d’un outil diplomatique de qualité, j’allais dire de grande qualité. C’est le cas : 163 ambassades, 15.000 personnels, ça n’empêchera pas des évolutions, des modernisations, des adaptations mais j’ai pu constater ces derniers mois votre professionnalisme, votre dévouement et la conviction que vous mettez à défendre en toutes circonstances et dans toutes les enceintes les intérêts de la France. Je tiens ici particulièrement à saluer les agents du ministère qui, dans les pays les plus exposés, font vivre les idées de notre pays, la présence de la France parfois au péril de leur vie. Qu’ils en soient tous ici remerciés.
La France dispose aussi d’un grand réseau culturel ; il nous faut le faire l à encore évoluer, élargir le public touché mais en même temps, je suis particulièrement attentif à ce que ce réseau demeure. De la même façon, pour les établissements scolaires à l’étranger, j’ai souhaité revenir sur la prise en charge telle qu’elle était jusque-là prévue des frais de scolarité, qui créait des injustices et des difficultés d’accès. Mais nous devons trouver la meilleure formule pour que ce soit pour les Français à l’étranger une sécurité que de pouvoir disposer d’établissements de qualité.
Nous devons également régler vite la question de notre audiovisuel public extérieur, ce sera fait.
Enfin je veux insister sur un point : la diplomatie, c’est bien sûr l’État, le président de la République, le gouvernement avec sa propre responsabilité, le ministre des Affaires étrangères, les ministres ; c’est aussi les collectivités locales qui, à travers une coopération décentralisée, font partie aussi de la présence de la France. Et également les régions d’Outre-mer qui demandent à prendre leur part et à qui il faut faire confiance pour être présentes dans les coopérations qui peuvent exister à l’échelle de certains continents. Je souhaite donc que le ministère des Affaires étrangères appuie ces mouvements, ces initiatives et ces efforts.
Le réseau diplomatique est au service des communautés françaises à l’étranger ; c’est la mission de la ministre Hélène Conway d’accompagner les Français de l’étranger, de les promouvoir, de les protéger, en liaison avec les parlementaires, sénateurs, députés qui les représentent. Je m’efforcerai pour ma part à chacun de mes déplacements, et je l’ai déjà fait, d’aller à la rencontre de nos compatriotes, pour les écouter, les encourager ; ils participent eux aussi à la diplomatie économique, à la défense de nos entreprises, à la promotion de nos produits et aussi à notre langue.
Laurent Fabius vous présentera un plan d’action pour ce que nous avons appelé la diplomatie économique. Elle mobilise tout le gouvernement, elle vous mobilisera aussi. L’enjeu, c’est le redressement, c’est-à-dire la capacité d’être plus compétitif, de conquérir des marchés et nous devons chacun y prendre notre part : les entreprises - ce sont bien sûr, elles, qui sont en cause - mais nous avons à promouvoir les atouts traditionnels de l’industrie française, le ministre du Redressement productif y est attentif. Et également les nouvelles énergies, l’eau, également le nucléaire civil lorsqu’il est demandé par des pays et lorsque nous disposons de la capacité technique, ou le démantèlement car le démantèlement va être aussi un enjeu industriel pour les prochaines années. Donc ce que vous êtes appelés à faire, c’est bien sûr le travail que vous avez déjà engagé mais que nous devons rendre plus cohérent. Le redressement, c’est partout, pas simplement en France : c’est produire en France, c’est parfois produire à l’étranger pour que nous ayons des retombées dans notre pays en termes d’emplois ou en termes de balance de paiement. Chacun l’a compris - la ministre du Commerce extérieur est intervenue là-dessus - nous avons 70 milliards de déficit de notre balance commerciale ; si nous enlevons le pétrole, il reste 35 milliards. Voilà ce que nous avons à faire : conquérir, participer à la recherche de nouveaux produits, développer nos innovations partout à l’étranger, être fiers de nous-mêmes.
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, notre devoir est d’oeuvrer au redressement de notre pays. Ce redressement passe par l’action que nous menons partout.
Nous le ferons en renforçant notre influence. Nous le ferons en étant fidèles aux principes, aux valeurs qui fondent notre République. Nous le ferons avec notre indépendance mais aussi avec nos alliances. Nous le ferons avec l’Europe, nous le ferons avec les Français qui veulent participer à cet effort.
Nous le ferons en sachant qu’une action lucide, déterminée et cohérente peut changer le cours de l’avenir, en tout cas c’est notre espoir.
Vive la République et vive la France !.
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