(version originale anglaise, sous-titrée en français)
Sophie Shevarnadze : Mr. le Président Bachar el-Assad, merci de nous accorder cette interview.
Bachar el-Assad : Vous êtes les bienvenus à Damas.
Sophie Shevarnadze : Une année en arrière, beaucoup étaient convaincus que vous n’arriveriez pas jusqu’ici. Pour autant, nous enregistrons cette interview dans le palais présidentiel récemment rénové. Qui exactement est votre ennemi à ce jour ?
Bachar el-Assad : Mon ennemi est le terrorisme, et l’instabilité en Syrie. C’est le vrai ennemi en Syrie. Pas les gens, pas les personnes. Le vrai problème n’est pas est-ce que je vais rester ou partir, c’est est-ce que le pays sera sûr ou non. C’est l’ennemi que vous avons combattu en tant que Syriens.
Sophie Shevarnadze : Vous savez, j’ai été ici ces deux dernier jours, et j’ai eu la chance de parler avec quelques personne de Damas. Certains disent que le fait que vous partiez ou non n’importe plus vraiment maintenant. Qu’est-ce que vous en dites ?
Bachar el-Assad : Je pense que le départ ou non du Président est une décision populaire, pas personnelle. Et le seul moyen de la connaître, c’est par les urnes. Donc cela n’a pas avoir avec ce que l’on entend, cela à avoir avec ce que dirons les urnes. Et les votes vont dire à n’importe quel président de rester ou partir très simplement.
Sophie Shevarnadze : Je pense que ce qu’il voulaient dirent, c’est que dorénavant vous n’êtes plus la cible, la Syrie l’est.
Bachar el-Assad : Je n’étais pas la cible, je n’étais pas le problème, de toute manière. Vous savez, l’Occident crée ses ennemis. Avant, c’était le communisme, puis c’est devenu l’islam, puis ensuite Saddam Hussein pour différentes raisons. Maintenant, ils veulent créer le nouvel ennemi, ils disent que Bachar el-Assad est le problème et qu’il doit partir. C’est pourquoi nous devons nous concentrer sur le réel problème, et ne pas perdre notre temps à écouter ce qu’ils disent.
Sophie Shevarnadze : Mais est-ce que vous, personnellement, pensez toujours que vous êtes le seul homme qui peut rassembler la Syrie, et mettre un terme à ce que le monde appelle une guerre civile ?
Bachar el-Assad : On peut voir cela depuis deux angles différents. Le premier est la Constitution, de laquelle je tire mon autorité. Selon cette autorité et la constitution, je dois être capable de résoudre le problème. Mais si vous pensez qu’aucun autre Syrien ne peut être Président : non,
n’importe quel Syrien pourrait être président, beaucoup de Syrien sont éligibles pour cette place. Vous ne pouvez pas lier a jamais tout le pays a une seule personne.
Sophie Shevarnadze : Mais vous vous battez pour votre pays, pensez-vous que vous êtes l’homme qui peut mettre fin au conflit et restaurer la paix ?
Bachar el-Assad : Je dois être l’homme qui peut le faire faire, et je l’espère. Mais ça n’as pas de rapport avec le pouvoir du président, ça concerne toute la société. Nous devons être précis a ce propos. Le Président ne peut rien faire dans les institutions et le soutien du peuple. Ce n’est pas le combat du Président, mais le combat des Syriens. Actuellement, chaque Syrien est en train de défendre son pays.
Sophie Shevarnadze : Effectivement, et beaucoup de civils sont en train de mourir aussi dans le combat, si vous gagniez la guerre, comment vous réconcilieriez-vous avec votre peuple, après tout ce qui s’est passé ?
Bachar el-Assad : Soyons précis, une fois encore. Le problème n’est pas entre moi et le peuple, je n’ai pas de problème avec le peuple, car les États-Unis sont contre moi, l’Occident est contre moi, beaucoup de pays arabes et la Turquie sont contre moi. Si le peuple Syrien est contre moi également, pourquoi suis-je toujours là ?
Sophie Shevarnadze : Il n’est pas contre vous ?
Bachar el-Assad : Si le monde entier, ou disons la majeure partie du monde, y compris votre peuple, est contre vous, êtes-vous un super héros ?! Vous êtes justes un être vivant. Ce n’est pas logique. Il ne s’agit pas de réconciliation avec le peuple, ni de réconciliation entre Syriens et Syriens, il n’y a pas de guerre civile. Le problème est le terrorisme, et leur financement venant de l’extérieur pour déstabiliser la Syrie. Voilà notre guerre.
Sophie Shevarnadze : Vous ne croyez pas à la guerre civile car je sais qu’il y a beaucoup de - a part pour le terrorisme, que tout le monde reconnaît - il y a également beaucoup de conflits de religions. Par exemple, nous avons tous entendu parler de la mère qui a deux fils, un se battant pour les forces du gouvernement, l’autre pour les forces rebelles. N’est-ce pas une guerre civile ?
Bachar el-Assad : Il y a des divisions, mais division ne veut pas dire guerre civile, c’est complètement différent. Une guerre civile est basée sur des problèmes ethniques ou sectaires. Vous pouvez parfois avoir des tensions ethniques ou sectaires, mais tension ne veut pas dire problème. Donc s’il y a des tensions dans la même famille, une grande tribu, ou dans la même ville Ce n’est pas forcément une guerre civile, c’est complètement différent et c’est normal. Nous devons nous y attendre.
Sophie Shevarnadze : Quand je vous ai questionné à propos de la réconciliation avec votre peuple, c’est ce que je voulais dire. Je vous ai entendu répéter a plusieurs occasions que la seule chose qui vous importe, c’est ce que les Syriens pensent de vous et ressentent envers vous, et si oui ou non vous devriez être Président. N’avez-vous pas peur que pour finir, au vu des dommages dont le pays a souffert, ils ne vont plus rechercher la vérité et simplement vous blâmer pour ce qu’ils ont souffert.
Bachar el-Assad : C’est une question hypothétique, puisque ce que le peuple pense est juste. Nous devons donc leur demander ce qu’il pense, mais je n’ai pas cette information pour le moment. Mais encore une fois, je n’ai pas peur de ce qu’il pense de moi, j’ai peur pour mon pays. Nous devons nous concentrer là-dessus.
Sophie Shevarnadze : Pendant des années, il y a eu beaucoup d’histoires à propos de la puissante armée syrienne, des services secrets importants, mais maintenant nous voyons que les forces du gouvernement ne sont pas capables de battre l’ennemi comme c’était attendu. Nous voyons des attaques terroristes au centre de Damas presque tous le jours. Est-ce que c’était des mythes à propos de la puissance de l’armée et des importants services secrets ?
Bachar el-Assad : Habituellement, dans des circonstances normales, nous nous concentrons sur l’ennemi externe, même s’il existe un ennemi intérieur comme le terrorisme, la société vous aide a au moins ne pas fournir un incubateur à terroristes. Mais dans ce cas, c’est un nouveau type de guerre : le terrorisme par procuration. Soit des Syriens vivant en Syrie, soit des étrangers venant de l’extérieur. Vous devez vous adapter à ce nouveau type de guerre, ça prend du temps, ce n’est pas facile. On ne peut pas dire que c’est autant simple qu’une guerre traditionnelle. Non. C’est bien plus difficile.
Deuxièmement, le soutien offert aux terroristes, dans tous les domaines,
armes, argent, et soutien politique, est sans précédent. Vous devez donc vous attendre à une guerre dure et difficile. On ne peut pas attendre d’un petit pays comme la Syrie qu’il batte tous ces pays nous combattant par proxys en quelques jours ou quelques semaines. Oui car vous avez d’un côté un leader avec une armée, qui lui ordonne d’aller tout droit, à gauche, à droite, et elle obéit. De l’autre, des fractions de terroristes non unifiés et sans stratégie pour vous combattre.
Sophie Shevarnadze : Donc comment se passe le combat concrètement ?
Bachar el-Assad : Ce n’est pas le problème. Le problème est que ces terroristes se battent à l’intérieur des villes, où se trouvent des civils. Quand vous combattez ce genre de terroristes, vous devez faire un minimum de dommages aux infrastructures et aux civils. Mais vous devez combattre, vous ne pouvez pas juste laisser les terroristes tuer et tout détruire. C’est la difficulté de ce genre de guerre.
Sophie Shevarnadze : Vous savez, l’infrastructure militaire et l’économie souffrent, C’est presque comme si la Syrie allait tomber dans le décadence tout bientôt, et le temps est contre vous. A votre avis, combien de temps vous faut-il pour vaincre l’ennemi ?
Bachar el-Assad : On ne peut pas répondre à cette question, car personne ne dit savoir quand la guerre s’arrêtera, à moins que nous sachions quand ils vont arrêter d’envoyer des combattant étrangers du monde entier, surtout du Moyen-Orient et du monde islamique, et quand il vont arrêter d’envoyer des armes à ces terroristes. S’ils arrêtent, alors je pourrai vous répondre. Je peux vous dire qu’en quelques semaines, tout peut être fini, ce n’est pas un problème. Mais dès le moment où vous avez un apport continu en hommes, en armement, en logistique et tout le reste, ça va être une guerre sur le long terme.
Sophie Shevarnadze : En même temps quand on y pense, il y a 4 000km de frontières peu contrôlées, votre ennemi peut donc à tout moment, traverser le frontière vers la Jordanie ou la Turquie, se réarmer, se faire soigner et revenir se battre contre vous.
Bachar el-Assad : Exactement, aucun pays au monde ne peut sceller ses frontières. Parfois ils utilisent ce mot et c’est incorrect. Même les États-Unis ne peuvent pas sceller leur frontière avec le Mexique par exemple. Certainement la même chose avec la Russie qui est un grand pays. Donc aucun pays ne peut sceller ses frontières. Vous ne pouvez avoir une bonne situation aux frontières qu’en ayant des bonnes relations avec vos voisins. Quelque chose que nous n’avons pas actuellement, du moins pas avec la Turquie. La Turquie soutient la contrebande d’armement et de terroristes plus qu’aucun autre pays.
Sophie Shevarnadze : Puis-je vous poser une question ? J’étais en Turquie en récemment, et les gens là-bas ont peur d’une guerre entre la Syrie et la Turquie. Pensez-vous qu’une guerre contre la Turquie est un scénario réaliste ?
Bachar el-Assad : Rationnellement, non, je ne pense pas, pour deux raisons. Une guerre demande un soutien public, et la majorité des Turcs n’ont pas besoin de cette guerre. Je pense donc qu’aucun officiel rationnel n’ira contre le volonté de son peuple, même chose pour la Syrie. Le conflit n’est donc pas entre le peuple syrien et turc, il est entre notre gouvernement et le leur, à cause de leur politique. Je ne vois donc aucune guerre à l’horizon entre la Syrie et la Turquie.
Sophie Shevarnadze : Quand avez-vous parlé pour la dernière fois à Erdogan ?
Bachar el-Assad : En mai 2011, après qu’il ait remporté les élections.
Sophie Shevarnadze : Donc vous l’avez juste félicité ?
Bachar el-Assad : Oui, c’était la dernière fois.
Sophie Shevarnadze : Qui bombarde la Turquie ? Le gouvernement ou les rebelles ?
Bachar el-Assad : Pour avoir une réponse, il faut un comité commun entre les deux armées, pour savoir qui a bombardé qui, car aux frontières beaucoup de terroristes ont des mortiers, ils peuvent le faire aussi. Il faudrait enquêter sur la bombe, sur place, mais ça n’a pas eu lieu. On a proposé au gouvernement turc de former ce comité, mais ils ont refusé. On ne peut donc pas avoir de réponse. Mais quand vous avez ces terroristes à vos frontières, vous n’excluez pas la possibilité qu’ils l’aient fait, car l’armée syrienne n’a jamais reçu l’ordre de bombarder le sol turc, ça n’a aucun intérêt pour nous, il n’y a aucune hostilité envers le peuple turc. Nous les considérons comme des frères, donc pourquoi le faire ? A moins que cela ce soit produit par erreur, c’est pour cela qu’il faut une enquête.
Sophie Shevarnadze : Admettez-vous que cela ait peut-être été fait par erreur par les forces du gouvernement ?
Bachar el-Assad : Cela pourrait arriver. C’est une possibilité, il y a des erreurs dans toutes les guerres. Par exemple, en Afghanistan, il parlent toujours de "tir ami", si vous tuez un soldat ami. Cela veut dire que ça peut arriver dans toutes les guerres, pour autant on ne peut pas dire que ça ait été le cas.
Sophie Shevarnadze : Pourquoi est-ce que la Turquie, que vous dites être une nation amie, est devenue un bastion de l’opposition ?
Bachar el-Assad : Pas la Turquie. Seulement le gouvernement d’Erdogan pour être précis. Le peuple turc veut une bonne relation avec le peuple syrien. Erdogan pense que si les frères musulmans prennent le pouvoir dans la région, surtout en Syrie, il pourra garantir son futur politique, c’est une des raisons. L’autre raison : personnellement, il pense qu’il est le nouveau sultan ottoman, et qu’il peut contrôler la région, comme c’était le cas durant l’Empire ottoman, sous un nouveau "parapluie", qui est islamique, et pas l’Empire ottoman, pas pour devenir le calife. Mais dans son cœur, il pense qu’il est le calife. Ce sont les deux principales raisons pour qu’il change sa politique de zéro problèmes à zéro amis.
Sophie Shevarnadze : Mais il n’y a pas que l’Occident qui s’oppose à vous, vous avez également beaucoup d’ennemis dans le monde arabe. Deux ans auparavant, si quelqu’un dans le monde arabe entendait votre nom, il resserrait sa cravate, et maintenant à la première occasion ils vous trahiraient. Pourquoi avez-vous tant d’ennemis dans le monde arabe ?
Bachar el-Assad : Ce ne sont pas des ennemis. La majorité des gouvernements arabes soutient la Syrie dans leur cœur, mais n’ose pas le dire explicitement.
Sophie Shevarnadze : Pourquoi ?
Bachar el-Assad : Sous la pression de l’Occident, parfois des pétrodollars du monde arabe.
Sophie Shevarnadze : Qui vous supporte dans le monde arabe ?
Bachar el-Assad : Beaucoup de pays supportent la Syrie mais ne le disent pas explicitement. Mais en premier, l’Irak. L’Irak a joué un rôle très actif dans le soutient de la Syrie durant la crise, car c’est un pays voisin, et il savent que s’il y a la guerre en Syrie, vous aurez de la guerre dans les pays voisins, y compris l’Irak. D’autres pays ont une bonne position envers la Syrie, comme l’Algérie et Oman principalement. Mais d’autres pays ont des positions positives, mais sans être actifs dans le conflit.
Sophie Shevarnadze : L’Arabie Saoudite et la Qatar, pourquoi sont-ils si catégoriques quant à votre démission, et comment un Moyen-Orient instable pourrait entrer dans leur agenda ?
Bachar el-Assad : Très franchement, je ne peux pas répondre en leur nom, ils doivent répondre à cette question. Mais ce que je peux dire, c’est que le problème entre la Syrie et d’autres pays, soit dans le monde arabe, dans la région ou en Occident, c’est que nous continuons à dire "non" quand nous pensons que nous avons à dire "non". C’est ça le problème. Et certain pays pensent qu’ils peuvent contrôler la Syrie par des ordres, de l’argent ou des pétrodollars, et c’est impossible en Syrie. C’est le problème. Il veulent peut-être jouer un rôle, il n’y a pas de problème. qu’ils le méritent ou non, il peuvent jouer un rôle. Mais pas jouer un rôle au dépens de nos intérêts.
Sophie Shevarnadze : Mais le but est-il de contrôler la Syrie, ou d’exporter leur vision de l’Islam à la Syrie ?
Bachar el-Assad : On ne peut pas dire que c’est la politique d’un gouvernement parfois. Parfois il y a des institutions, des personnes qui promeuvent ça, mais ne l’annoncent pas comme une politique officielle. Ils ne nous ont pas demandé pour promouvoir leur, disons, attitude extrémiste des institutions. Mais dans la réalité, ça se produit, Soit par un soutien indirect de leur gouvernement, soit par le fondation des institutions et du personnel. C’est une partie du problème. Quand je veux parler en tant que gouvernement, je dois parler de la politique annoncée. La politique annoncée, est comme n’importe quelle autre politique, il s’agit d’intérêts, de jouer un rôle. Mais on ne peut pas ignorer ce que vous avez mentionné.
Sophie Shevarnadze : L’Iran, qui est un allié très proche, est également exposé à des sanctions économiques, et fait également face à une menace d’invasion militaire. Si vous étiez confronté à la possibilité de couper les liens avec l’Iran en échange de la paix dans votre pays, le feriez-vous ?
Bachar el-Assad : Il n’y a pas deux options contradictoires, car nous avons de bonne relations avec l’Iran depuis 1979 jusqu’à maintenant, et elles s’améliorent tous les jours. Mais en même temps, nous allons vers la paix, nous avions un processus de paix et des négociations pour la paix. L’Iran n’était pas un facteur contre la paix. C’est de la désinformation, ils essaient de promouvoir en Occident que si nous avons besoin de la paix, on n’a pas besoin d’avoir de bonnes relation avec l’Iran. Il n’y a aucune relation, c’est deux sujets totalement différents. L’Iran a soutenu notre cause, la cause des territoires occupés, et nous devons soutenir leur cause. C’est très simple. L’Iran est un pays très important dans la région. Si nous recherchons la stabilité, on a besoin de bonnes relations avec l’Iran. On ne peut pas parler de stabilité si on n’a pas de bonnes relations avec l’Iran, avec la Turquie, avec nos voisins etc ... C’est tout.
Sophie Shevarnadze : Avez-vous des informations sur le fait que les services secrets occidentaux financent des combattants rebelles ici en Syrie ?
Bachar el-Assad : Non, ce que nous savons jusqu’ici est qu’ils offrent un soutien en connaissances aux terroristes via la Turquie et parfois via le Liban, principalement. Mais il y a d’autres services secrets, non occidentaux, mais régionaux qui sont très actifs, plus que les occidentaux, sous la supervision des services de renseignement occidentaux.
Sophie Shevarnadze : Quel est le rôle d’Al-Qaïda en Syrie jusqu’ici, contrôlent-ils certaines forces de coalition rebelles ?
Bachar el-Assad : Non, je ne pense pas qu’ils cherchent à contrôler, ils veulent avoir leurs propres royaumes ou émirats dans leur propre langue. Mais actuellement ils essaient principalement d’effrayer les gens par des explosions, assassinats, attentats suicides, et des choses comme ça pour pousser les gens vers le désespoir, et les accepter comme une réalité. Ils vont donc étapes par étapes, mais le but final est d’avoir ce, disons, Émirat islamique en Syrie, d’où il peuvent promouvoir leur propre idéologie au reste du monde.
Sophie Shevarnadze : De ceux qui se battent contre vous et sont contre vous, à qui parleriez-vous ?
Bachar el-Assad : Nous parlons à n’importe qui ayant une véritable envie d’aider la Syrie, mais nous ne perdons pas notre temps avec quiconque voulant utiliser la crise syrienne pour ses propres intérêts
Sophie Shevarnadze : Il y souvent eu des accusations, pas contre vous mais envers le forces gouvernementales, de crime de guerre contre leurs propres civils. Acceptez-vous que les forces du gouvernement ont commis des crimes de guerres contre leurs propres civils ?
Bachar el-Assad : Nous nous battons contre le terrorisme, nous mettons en œuvre notre constitution en protégeant le peuple syrien. Revenons sur ce qui est arrivé en Russie il y a plus de 10 ans, on se battait contre le terrorisme en Tchétchénie et ailleurs, ils attaquaient des gens dans des théâtres, des écoles etc... Et l’armée russe à protégé le peuple, diriez-vous que c’était un crime de guerre ? Non ...
Il y a deux jours, Amnesty International a reconnu les crimes commis quelques jours avant par les rebelles armés, quand ils ont capturés des soldats et les ont exécutés. Human Rights Watch a plusieurs fois les crimes de ces groupes terroristes, et ça a été décrit il y a quelques jours comme des crimes de guerre. C’est la premier point.
Deuxièmement, avoir une armée commettant des crimes contre son propre peuple est dépourvu de logique, l’armée syrienne étant composée du peuple syrien. Si vous ordonniez de commettre des crimes contre votre peuple,
l’armée se diviserait, se désintégrerait. Vous ne pouvez pas avoir une armée forte et en même temps tuer votre peuple.
Troisièmement, l’armée ne peut pas résister durant vingt mois dans ces conditions difficiles sans avoir le soutien du public en Syrie. Comment peut-il y avoir ce soutien si vous tuez votre propre peuple ? C’est contradictoire. Voilà me réponse.
Sophie Shevarnadze : Quand avez-vous pour la dernière fois parlé à des dirigeants occidentaux ?
Bachar el-Assad : C’était avant la crise.
Sophie Shevarnadze : Ont-ils, à un certain moment, essayé de vous dire que si vous quittiez votre poste, alors il y aurait la paix en Syrie ou pas ?
Bachar el-Assad : Non, pas directement, mais qu’ils le proposent directement ou indirectement, c’est une affaire de souveraineté, seul le peuple syrien peut parler de ça. Quiconque en parle dans les médias, dans une déclaration directement ou indirectement, ça n’a aucun sens et aucun poids en Syrie.
Sophie Shevarnadze : Mais avez-vous seulement, le choix ? Car on dirais de l’extérieur que même si vous décidiez de partir, vous n’auriez nul part où aller. Où iriez-vous ?
Bachar el-Assad : En Syrie. J’irai de la Syrie à la Syrie. C’est le seul endroit où je peux vivre. Je ne suis pas une marionnette. Je n’ai pas été créé par l’Occident pour partir en Occident ou dans n’importe quel autre pays. Je suis Syrien, j’ai été fait en Syrie, je dois vivre et mourir en Syrie.
Sophie Shevarnadze : Pensez-vous qu’à ce point il pourrait y a une chance pour une discussion, pour la diplomatie, ou que maintenant seul l’armée peut le faire ?
Bachar el-Assad : J’ai toujours cru en la diplomatie et au dialogue, même avec des gens qui n’y croient pas. Il faut continuer d’essayer. Que vous réussissiez ou non, il faut toujours chercher un succès partiel. Il faut chercher un succès partiel avant d’atteindre un succès complet Mais il faut être réaliste. On ne peut pas penser que le dialogue seul vous permet de réaliser quelque chose, car les gens qui ont commis ces actes sont de deux types.
Un d’eux ne croit pas au dialogue, surtout les extrémistes, et les hors la loi, incriminés des années avant la crise, le gouvernement est leur ennemi naturel, car il seront emprisonnés lors d’une situation normale en Syrie.
La deuxième partie sont des gens soutenus par l’étranger. Ils ne sont engagés qu’envers les gens qui les paient et leurs donnent des armes. Ils ne possèdent pas leur propre décision. Il faut donc rester réaliste.
Mais il y a aussi la troisième partie, qui sont soit militants ou des politiques,
qui acceptent le dialogue. C’est pourquoi nous avons continué le dialogue pendant des mois, même avec les militants, et beaucoup d’entre eux ont abandonné les armes, et sont revenus à leur vie normale.
Sophie Shevarnadze : Pensez-vous qu’une invasion étrangère est imminente ?
Bachar el-Assad : Je pense que le prix de cette invasion, si elle se passe, sera plus que ce que le monde peut se permettre car s’il y a des problèmes en Syrie - et nous sommes le dernier bastion de la laïcité et de la stabilité dans la région - il y aura un effet domino de l’Atlantique au Pacifique et vous connaissez les implications sur le reste du monde. Je ne pense pas que l’Occident va dans cette direction, mais si c’est le cas, personne ne peut dire ce qui va arriver.
Sophie Shevarnadze : Mr. le Président, vous blâmez-vous pour quoi que ce soit ? Normalement, vous devez trouver des erreurs que vous avez faites dans chaque décision, sinon vous n’êtes pas humain. Quelle a été votre plus grande erreur ?
Bachar el-Assad : Je ne me sais pas sur le moment, pour être franc. Mais je considère toujours, même avant de prendre une décision, qu’un partie sera fausse. Mais vous ne pouvez pas parler de vos erreurs immédiatement. Parfois, surtout durant les crises, vous ne voyez pas ce qui est juste ou faux avant que vous ne surmontiez la situation dans laquelle vous étiez. Je ne serai donc pas objectif en parlant d’erreurs maintenant car nous sommes toujours au milieu de la crise.
Sophie Shevarnadze : Donc vous n’avez pas de regrets pour l’instant ?
Bachar el-Assad : Pas pour l’instant. Quand tout est clair, vous pouvez parler de vos erreurs. Mais vous faites forcément des erreurs, c’est normal.
Sophie Shevarnadze : Si on était aujourd’hui le 15 mars 2011, quand les protestations ont commencé, que feriez-vous différemment ?
Bachar el-Assad : Je ferai ce que j’ai fait le 15 mars, exactement la même chose. Demander aux différentes parties d’avoir un dialogue, et s’opposer aux terroristes, car c’est comme ça que ça à commencé. Ça n’a pas commencé avec les protestations. Les manifestations étaient le parapluie, la couverture. Mais à l’intérieur de ces manifestations, des militants ont commencé à tirer sur des civils et sur l’armée en même temps. Peut-être qu’au niveau tactique, on aurais pu faire certaines choses différemment. Mais en tant que président vous ne faites pas de tactique, vous prenez toujours la décision au niveau stratégique, c’est différent.
Sophie Shevarnadze : Président el-Assad, comment vous voyez-vous dans 10 ans ?
Bachar el-Assad : Je me vois à travers mon pays, je ne me vois pas moi-même, je vois mon pays dans 10 ans C’est où je peux me voir.
Sophie Shevarnadze : Vous vous voyez en Syrie ?
Bachar el-Assad : Définitivement, je dois être en Syrie. Ma position n’est pas importante. Je ne me vois pas en tant que président ou non Ce n’est pas ce qui m’importe. Je peux me voir dans ce pays, un pays sûr, un pays stable et un pays plus prospère.
Sophie Shevarnadze : Mr. le Président syrien Bachar el-Assad, merci de nous avoir accordé cette interview.
Bachar el-Assad : Merci encore d’être venu en Syrie.
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