Une victoire militaire nette pour la Résistance à Gaza
Par Ghaleb Kandil
La guerre israélienne contre Gaza a confirmé une série de données qui renforcent la conviction dans les pays arabes que le choix de la résistance est le seul susceptible de fournir le potentiel nécessaire pour faire face à Israël, lui infliger une défaite et vaincre sa machine de guerre, qui est étroitement liée sur les plans politique, financier et militaire à l’empire états-unien.
Cette confrontation a en effet prouvé sans l’ombre d’un doute qu’Israël est complètement aligné sur Washington et que tout conflit entre l’État hébreu et les Arabes est en fait une guerre conduite par les États-Unis. Car Israël dépend entièrement, dans son armement, ses munitions, sa technologie, ses finances, des USA pour sortir de l’impasse dans laquelle il se fourre. Il dépend des garanties que les États-Unis peuvent lui arracher des États arabes et régionaux alliés de l’Occident. Cela est clairement apparu dans la venue dans la région de la secrétaire d’État Hillary Clinton, exactement comme l’avait fait Condoleezza Rice lors des guerre du Liban, en 2006. Cette fois aussi la cheffe de la diplomatie US s’est employée à négocier la participation de l’Égypte, de la Turquie et du Qatar au blocus contre Gaza et aux efforts visant à neutraliser le Hamas à travers des incitations financières et politiques, offertes par le front pro-occidental. Il fallait tout d’abord éloigner le Hamas du front de la Résistance en jouant sur ses affinités pro-frères musulmans.
La Résistance a enregistré une victoire militaire nette qui est allée au-delà du fait d’empêcher Israël d’atteindre ses objectifs. Dès les premières heures qui ont suivi l’assassinat du chef militaire du Hamas Ahmad Jaabari, l’État hébreu avait annoncé ses objectifs : détruire les stocks de missiles, anéantir la chaine de commandement de la Résistance et récupérer la dissuasion.
L’analyse des résultats de la guerre montre clairement que le corps combattants et les cadres supérieurs de la Résistance palestinienne n’ont pas été sérieusement affectés par les attaques israéliennes. De plus, les stocks de missiles restent très importants et jusqu’à la dernière minute, les roquettes ont continué à s’abattre sur Israël. La Résistance a fait preuve d’une grande maitrise de la chaine de commandement et d’un fort soutien populaire. À l’annonce de la trêve, Israël n’avait atteint aucun de ses objectifs, il a vu sa force de dissuasion reculer et sa théorie sur la possibilité de gagner des guerres avec l’aviation, définitivement enterrée.
Au contraire, c’est la Résistance qui a renforcé sa dissuasion, avec les tirs de missiles qui ont atteint des villes éloignées des lignes de front habituelles. Certains missiles sont tombés à 80 kilomètres de la bande de Gaza, alors qu’Israël avait bâti toute sa stratégie sur le fait que les roquettes de la Résistance ont une portée maximale de 40 kilomètres. Ce facteur inattendu dans la confrontation a montré un nouvel échec israélien au niveau de la collecte des renseignements et une grande confusion, qui a frôlé parfois le désordre, dans l’organisation du front intérieur.
La Résistance a montré une accumulation de l’expérience et un renforcement des capacités militaires, avec l’apparition sur le champ de bataille de la roquette antichar Kornett. Toutes ces données ont provoqués une forte hésitation chez les Israéliens quant à l’opération terrestre pour laquelle il ont annoncé avoir mobilisé 75 000 réservistes.
Les États-Unis ont craint qu’une éventuelle attaque terrestre ne provoque des troubles et des remous dans les pays instables du printemps arabe, et ne pousse l’Égypte à suspendre unilatéralement l’accord de paix de Camp David. Washington a également mis en garde Israël contre le déclenchement d’une nouvelle Intifada à Jérusalem et en Cisjordanie, ce qui mélangerait les cartes dans toute la région.
C’est donc une victoire militaire incontestable pour la Résistance, mais celle-ci a fait preuve de carences au niveau de la gestion politique de la bataille, car les conditions qu’elle a posées pour la trêve étaient en deçà des réalisations sur le terrain. La question qui se pose est celle de savoir s’il était vraiment impossible d’obtenir la levée du blocus, pour que la Résistance se contente de réclamer l’ouverture des points de passage ?
Déclarations et prises de positions
Michel Sleiman, président de la République libanaise
« Dans ces circonstances délicates qui marquent notre histoire, l’indépendance ne saurait être consolidée que si nous nous fixons une série de priorités que nous devons nous engager à respecter. Nous devons ainsi, en priorité, éviter tout acte ou tout propos susceptible d’entraîner le Liban sur la voie de la discorde interne ou des conflits régionaux. Parallèlement, nous devons poursuivre nos efforts afin de renforcer l’ensemble de nos capacités nationales résistantes et dissuasives, et d’aboutir à une entente sur une stratégie nationale de défense susceptible de protéger le Liban face à tout danger, toute agression ou toute occupation. Cette stratégie de défense devrait préserver le rôle central de l’État et sa responsabilité dans la gestion des affaires engageant le sort du pays. Dans le même temps, nous poursuivons nos démarches afin de contraindre Israël à appliquer toutes les clauses de la résolution 1701, avec l’appui des forces de la Finul. Il faut éviter au pays les retombées négatives des crises régionales et de la violence qui nous entourent. La Déclaration de Baabda pourrait aider le Liban à arriver à bon port, loin du jeu des nations, dans lequel nous nous sommes laissés entraîner en payant un lourd prix. Nous avons aujourd’hui intérêt à être plus grands que ce jeu destructeur, si nous voulons sauvegarder notre indépendance. Certaines parties, motivées par un sentiment de sympathie ou par l’aliénation, se sont laissées entraîner, par divers moyens, dans la logique de la violence régionale et des intérêts régionaux, ce qui laissait planer le spectre de la discorde sur le Liban, alors que le pays était le théâtre de graves secousses sécuritaires, à commencer par les événements du Nord, en passant par les enlèvements et la tentative d’introduire d’importantes quantités d’explosifs, jusqu’à l’assassinat du martyr Wissam el-Hassan. Le redressement commence par l’engagement ferme à respecter les clauses et l’esprit de la Déclaration de Baabda, de manière à tenir le Liban à l’écart des conflits régionaux et à éviter d’en faire un terrain propice au trafic des armes et au passage de personnes armées, sans pour autant renier nos engagements envers les résolutions de la légalité internationale et du consensus arabe, notamment pour ce qui a trait à la cause palestinienne et au droit de retour des réfugiés palestiniens, et sans renier notre devoir visant à apporter une aide humanitaire aux réfugiés syriens, avec l’appui de la communauté internationale. Il est aussi du devoir de toutes les parties de s’engager dans le dialogue avec un esprit ouvert et sincère au lieu de rechercher des prétextes qui entravent le dialogue et lui imposent des limites du fait des conditions préalables et du doute concernant le patriotisme des participants au dialogue. Il est nécessaire de respecter les délais constitutionnels et d’organiser le scrutin à la date prévue, d’autant, que les pays arabes se sont engagés sur la voie des élections et de la démocratie. Il est inadmissible que les législatives soient une raison pour déstabiliser le pays. »
Jean Kahwaji, commandant en chef de l’Armée libanaise
« L’armée va préserver la nation et la démocratie et s’opposera aux parties qui mettent en danger la coexistence au Liban. L’institution militaire empêchera toute tentative de diviser le pays ou de naturaliser les réfugiés palestiniens. L’armée apportera son soutien aux partis qui s’opposent sur la scène politique en respectant la Constitution. L’armée fera de son mieux afin de préserver la souveraineté, l’indépendance et la liberté de ce pays. »
Michel Aoun, leader du Courant patriotique libre
« La question des réfugiés syriens au Liban constitue un danger, surtout s’il s’agit d’hommes qui combattaient, avant de gagner le Liban, sur le territoire syrien. Le CPL reste à leurs côtés sur le plan humanitaire. Mais eux, respectent-ils leur part du contrat ? Tout cela est dangereux d’autant que les réfugiés sont désormais déployés sur l’ensemble du territoire. Le gouvernement doit révéler leur nombre réel. Le 14-Mars nous a volé le slogan de la souveraineté et de l’indépendance et se livre à des surenchères. Il ne sait dialoguer que par des insultes. Je me tue dans tous les pays du monde pour que Samir Geagea reçoive un jour le prix Nobel de la paix et lui me traite de criminel. C’est honteux. »
Amine Gemayel, ancien président de la République
« Nous allons rester sur le chemin tracé par nos martyrs. Je promet à la génération et aux amis de Pierre (Gemayel) que le parti Kataëb va toujours être le parti des jeunes au service du Liban. Nous n’allons pas accepter un pays à moitié souverain, à moitié digne et avec une armée à moitié déployée sur son territoire. Nous saluons le président de la République Michel Sleiman pour ses positions en faveur de la liberté et la dignité du Liban. Malgré nos différends en politique avec le Premier ministre Najib Mikati, nous nous attendons à une réconciliation entre tous les partis. »
Événements
• Des groupes islamistes armés, notamment les deux plus importants, Liwaa al-Tawhid et Front al-Nosra, qui combattent à Alep, ont annoncé leur rejet de la Coalition nationale syrienne et se sont prononcés pour un État islamique, selon une vidéo diffusée sur internet. « Nous, factions combattantes sur le terrain de la ville d’Alep et de sa province, annonçons notre rejet du complot que représente ce qu’on appelle la Coalition nationale et nous sommes mis d’accord à l’unanimité sur l’instauration d’un État islamique juste », affirment-ils dans un texte lu par un homme et enregistré par vidéo. Parmi les 14 organisations signataires de cet appel figurent notamment Liwa al Tawhid, Front al-Nosra et Kataëb Ahrar Cham. Liwa al-Tawhid, au départ proche des Frères musulmans, s’est radicalisé au fil du temps, Front al-Nosra appartient à la mouvance jihadiste et a revendiqué de nombreux attentats contre le régime en Syrie et Kataëb Ahrar Cham est salafiste.
• L’Armée libanaise a annoncé avoir arrêté vendredi cinq ressortissants syriens qui transportaient une bombe à Nabatiyé, au Liban-Sud. Selon des sources citées par le site Elnashra.com, les suspects projetaient de commettre un attentat contre la procession religieuse commémorant Achoura dans la ville.
• Par ailleurs, le quotidien Al-Joumhouria a rapporté, mercredi, que les services de renseignement de l’Armée ont récemment arrêté deux membres du groupe islamiste Fateh el-Islam, Khalil Ahmad el-Boubou (un ancien détenu qui avait été arrêté en 2006 pour avoir participé à une attaque contre une caserne) et le dénommé « Abou Jaafar », qui accusé de faciliter le passage d’islamistes vers la Syrie.
Revue de presse
As Safir (Quotidien libanais proche de la majorité, 22 novembre 2012)
Mohammad Ballout, Paris
Le combattant arabe, Georges Ibrahim Abdallah, ne présentera pas des excuses pour avoir assassiné deux agents de renseignement israélien et états-unien à Paris en 1982, en contrepartie de sa libération. Il avance d’un pas de plus vers la liberté après avoir obtenu une décision de remise en liberté, en dépit du fait que le Parquet a aussitôt fait appel.
Pour Georges Ibrahim Abdallah, la décision de tribunal français constitue « un pas positif ». Même si, à cause de l’appel du Parquet, l’optimisme reste tributaire des scénarios envisageables, qui finalement pourraient ne pas êtres positifs.
La présidente du comité de la libération de Georges Ibrahim Abdallah, Suzanne Le Manceau, a clarifié que le prisonnier politique libanais détenu dans la prison de Lannemezan, lui a affirmé lors d’un appel téléphonique vouloir se garder de tout espoir et de tout optimisme aussi longtemps qu’il est incarcéré, considérant que l’appel du Parquet n’était point surprenant. Le détenu aurait également appelé le gouvernement libanais à poursuivre ses démarches en vue de sa libération.
L’appel du Parquet est politique par excellence, d’autant plus que ce dernier est soumis au pouvoir hiérarchique du ministère de la Justice. L’avocat de Georges Ibrahim Abdallah, Jacques Vergès, a affirmé qu’il œuvrera en vue de fixer une date d’audience le plus tôt possible, sachant que le tribunal dispose d’un délai allant de deux à trois mois en vue d’examiner l’appel du Parquet. Les choses peuvent être précipitées, a-t-il dit, afin de tenir l’audience avant le 14 janvier 2013, la date prévue pour son expulsion du territoire français. Il semble que l’optimisme est de mise, malgré l’intransigeance du Parquet. Preuve en est que le tribunal d’application de peines à Paris a pris sa décision en dépit de l’évaluation négative du comité chargé d’étudier la libération du prisonnier. Ce comité a rencontré Georges Ibrahim Abdallah il y a deux mois, avant de conclure que le prisonnier campe toujours sur ses positions politiques à l’égard des personnes qu’il a été accusé d’avoir assassiné il y a 30 ans.
As Safir (22 novembre 2012)
Ghassan Rifi
Le seul point qui figurait à l’ordre du jour de la « Rencontre salafiste » périodique qui a eu lieu vendredi dernier à Tripoli, en présence des cheikhs, des imams et des prédicateurs partisans du salafisme scientifique, était celui de l’évaluation du parcours du Courant du futur depuis l’assassinat de Rafic Hariri jusqu’au martyr de Wissam el-Hassan. La « Rencontre salafiste » a passé en revue les différentes étapes politiques et sécuritaires qui ont ponctuées le parcours du Moustaqbal tout au long des sept dernières années. Un communiqué émanant de la rencontre, déclare que le Courant du futur a échoué à mener à bon port « le bateau de la communauté sunnite », livrant les commandes à « l’assassin de l’ancien Premier ministre du Liban, le martyr Rachid Karamé ». Selon le communiqué, le Courant du futur n’est qu’un rassemblement qui œuvre en faveur des intérêts personnels de certaines personnalités politiques avides de pouvoir, qui étaient autrefois à couteaux tirés, mais qui se sont rencontrées, à la suite des évènements survenus sur la scène libanaise dans l’objectif de concrétiser leurs ambitions politiques et financières. Les participants ajoutent que le Moustaqbal a essuyé des défaites, tant sur le plan politique que militaire, causant l’affaiblissement et la marginalisation de la communauté sunnite au Liban en échouant à réaliser les slogans qu’il a brandis. La « Rencontre salafiste » constate aussi que le parti de Saad Hariri n’a pas réussi à empêcher le Hezbollah d’accaparer la décision de l’État libanais, d’avoir mis en place des groupes armés sous des appellations salafiste, fondamentaliste ou terroriste, et de vouloir lier le sort du Liban à la chute du régime syrien. La rencontre conclut qu’il est inacceptable que le CdF multiplie les échecs sans être comptable de ses actes devant la communauté sunnite, concluant que ses députés doivent démissionner et se retirer de la vie politique.
As Safir (22 novembre 2012)
Ali Dorboj
Le président du Réseau « Aman » pour les études stratégiques, Anis Naccache, affirme que la guerre de Gaza a prouvé l’inefficacité du bouclier anti-missiles israélien « Dôme d’acier », ce qui a abouti à l’échec de la théorie de la dissuasion antibalistique israélienne. Ainsi, toute la Palestine est désormais à portée des missiles palestiniens. De plus, l’incapacité d’Israël à lancer une opération terrestre lui interdit toute réalisation stratégique en raison des pertes élevées qu’il subirait lors d’une attaque au sol. Selon lui, la décision de la Résistance libanaise est d’empêcher coûte que coûte que l’Axe de la Résistance ne soit brisé. Et tant que Gaza résiste, le rôle de la Résistance libanaise se limitera à un soutien politique et moral. Mais si la Résistance à Gaza est menacée, toutes les options restent ouvertes. M. Naccache ajoute que la guerre de Gaza a fortement embarrassé les pays arabes qui arment l’opposition syrienne et n’osent pas introduire une seule cartouche en Palestine. Il pense que le Qatar va proposer de prendre en charge la reconstruction de Gaza, partant du principe que la prospérité affaiblit la Résistance. Il donne en exemple la transformation de la l’Autorité palestinienne en armée de fonctionnaires qui attendent leurs salaires des pays européens.
Hilal Khachan, professeur de science politique à l’Université américaine de Beyrouth, estime, pour sa part, que le Hezbollah ne peut pas ouvrir le front libanais à cause des équilibres internes, et de toute façon, il ne le souhaite pas car cela provoquerait de nombreuses complication et n’apporterait pas de changements sur le terrain. À l’instar de M. Naccache, Hilal Khachan exclut toute opération terrestre israélienne en raison des lourdes pertes humaines mais aussi à cause du véto US.
Le professeur Khachan pense que la guerre de Gaza est une sorte de « guet-apens » tendu par le président Barack Obama au Premier ministre israélien. Le fait que la guerre terrestre n’ait pas lieu constitue un grand revers politique pour Benyamin Netanyahu. Selon lui, l’entrée des délégations arabes à Gaza a eu lieu avec une garantie états-unienne sinon les Israéliens les auraient bombardé. « Cela prouve qu’Obama veut affaiblir Netanyahu, ce qui était inconcevable lors de la guerre de 2008 contre Gaza », dit-il. M. Khachan qualifie l’Iran d’« acteur principal dans la bataille de Gaza, car le missile Fajr-5 de fabrication iranienne, vedette de la guerre, a changé les équations ». Il assure qu’Israël ne peut pas frapper l’Iran car les capacités iraniennes sont inconnues, n’ont pas été testées et ne le seront pas, parce que l’État hébreu ne dispose pas d’assez d’informations. En effet, Israël n’a pas pu renouveler ses réseaux d’espionnage en Iran. Sur la possibilité d’une guerre contre le Liban, M. Khachan répond : « Israël n’a pas pu gagner la guerre de Gaza, comment le pourrait-il au Liban ? »
As Safir (21 novembre 2012)
Imad Marmal
Le président du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, a indiqué que son initiative vise à accompagner les efforts du président Michel Sleiman pour réactiver le dialogue. « Sans dialogue, la situation sur le terrain va se compliquer et se dégrader, a-t-il dit. Ce qui s’est passé après l’assassinat du général Wissam al-Hassan et les incidents de Saïda sont un message clair que les événements peuvent nous échapper et qu’il faut les contenir avant qu’il ne soit trop tard ». Le député du Chouf ajouté que le dialogue est le seul moyen pour un règlement calme et à long terme des problèmes. Selon lui, les grandes questions, comme l’utilisation des armes de la résistance pour protéger le Liban face à Israël, ne peuvent pas être réglée par un coup de baguette magique. Quelle alternative au dialogue peut-il y avoir dans ces circonstances délicates ? s’interroge-t-il.
Le chef du PSP n’hésite pas à dire qu’il fait parti, avec les présidents Michel Sleiman, Nabih Berry et Najib Mikati, d’une alliance quadripartite, surtout que « beaucoup de Libanais sont fatigués de la polarisation entre le 8 et le 14-Mars ».
M. Joumblatt insiste sur le fait qu’il ne peut y avoir de changement de gouvernement sur un mot d’ordre interne ou externe ou sur une demande formulée par tel ou tel ambassadeur. Il précise à ce sujet : « Sur le principe, je ne suis pas opposé à la formation d’un nouveau gouvernement, mais à condition d’une entente nationale, pour ne pas tomber dans l’interdit du vide. Il n’est pas question que je prenne la décision d’une démission unilatérale de mes ministres du gouvernement. Une éventuelle démission n’interviendra que dans le cadre d’une entente avec les partenaires de la coalition gouvernementale qui regroupe Sleiman, Berry, Mikati, le PSP, le Hezbollah, Michel Aoun et Sleiman Frangié. »
Et M. Joumblatt de poursuivre : « Pourquoi démissionnerais-je et pour qui ? Je ne reçois d’ordre de personne. Je ne fais parti ni du 8 ni du 14-Mars. Je suis indépendant. Et puis si je démissionne sans accord sur le scénario ultérieur, rien ne changera, car lors des consultations pour la désignation d’un nouveau Premier ministre, je renommerai Najib Mikati. C’est-à-dire que nous reviendrons à la case départ. »
M. Joumblatt critique le boycott total décidé par le 14-Mars ainsi que sa décision de na pas assister à la séance parlementaire convoquée par Nabih Berry en solidarité avec Gaza. Selon lui, « le 14-Mars agit comme l’avaient fait ses adversaires quand ils avaient boycotté le gouvernement de Fouad Siniora, qualifié par Nabih Berry, probablement à raison, d’illégitime ».
Le chef du PSP pense que les élections auront lieu à la date prévue et qu’il n’y a pas de raison qu’elles soient reportées, estimant qu’à ce stade, le scrutin sera organisé selon la loi de 1960.
As Safir (19 novembre 2012)
Daoud Rammal
Dans le sillage des développements politiques et sécuritaires qui ont suivi l’attentat qui a coûté la vie au général Wissam el-Hassan, les commandements du Mouvement Amal et du Hezbollah ont tenu une série de réunions d’évaluation. Une source bien informée a rapporté que les concertations entre le président du Parlement, Nabih Berry, et le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, ont abouti aux conclusions suivantes :
– 1. L’exacerbation des tensions sectaires au Liban depuis la formation du gouvernement de Najib Mikati s’inscrit dans le cadre d’un projet global, appuyé par des parties régionales bien connues, qui alimentent la haine. Aussi, tout incident n’est pas un acte isolé du désordre organisé qui frappe la région, et doit être analysé à travers ce prisme ;
– 2. La riposte à ces dangereux agissements passe par un plus grand attachement aux constantes nationales ;
– 3. Ces événements doivent pousser, sans hésitation, à davantage d’ouverture, au dialogue et au renforcement de la politique de la main tendue, non pas à partir d’une position de faiblesse mais de celui qui a à cœur l’intérêt du Liban ;
– 4. Les développements des derniers mois ont montré que les mesures officielles pour régler certains problèmes, notamment le « phénomène de cheikh Ahmad Al-Assir », étaient improvisées et souffraient d’une manque de sérieux de la part de l’autorité officielle directement chargée de préserver la paix civile ;
– 5. Ces faits exigent une approche ferme et décisive qui mettrait chaque responsable devant ses responsabilités, en partant du principe de l’application de la loi à tous. Ce qui s’est passé dans la banlieue sud est une preuve vivante que personne n’est au-dessus des lois et qu’aucune couverture ne protège ceux qui portent atteinte à la sécurité ou au prestige de l’État.
La même source précise que l’attaque d’Al-Assir contre Al-Taamir et les tentatives antérieures de fermer la route reliant Beyrouth au Liban-Sud, à Naamé d’abord et à Saïda ensuite, sont dorénavant inacceptables. Les commandements d’Amal et du Hezbollah ont adressé des messages en ce sens aux parties concernées, affirmant que les choses ont dépassé les limites et que certains tentent de briser les lignes rouges nationales. Aussi, faut-il intervenir rapidement pour y mettre un terme.
La source précitée indique que cette question était au centre de la rencontre entre MM. Nabih Berry et Najib Mikati à Aïn el-Tiné. Le Premier ministre a entendu des reproches clairs de la part de M. Berry sur la façon avec laquelle les autorités ont réagi au projet de discorde à Saïda. Le « tandem chiite » a fait parvenir aux responsables concernés un message court, clair et direct : « Toute nouvelle tentative de porter atteinte à la sécurité de la route du Liban-Sud ou de Saïda doit être réglée rapidement par l’État. Sinon, les forces concernées par la protection des routes de ravitaillement de la Résistance et de ses partisans bougeront instantanément pour mettre un terme définitif à ces agissements. » Le sérieux de cette position a poussé les responsables à intensifier les contacts avec ceux qui soutiennent en secret Al-Assir. En conséquence, les projets de création de « branches militaires » pour d’élargir à d’autres régions le modèle de Bab-Tebbané-Jabal Mohsen ont été reportés.
An Nahar (Quotidien libanais proche du 14-Mars)
Sabine Oueiss (22 novembre 2012)
Dès que le chef du gouvernement Najib Mikati aura clôturé sa visite à Paris, les portes de la capitale française s’ouvriront aux dirigeants du 14-Mars, la France souhaitant s’ouvrir à toutes les parties libanaises pour se faire une idée plus exhaustive de la donne libanaise à l’heure actuelle.
Après la visite au Liban du président François Hollande et son entretien, exclusivement, avec son homologue libanais, et maintenant que le chef du gouvernement vient d’achever une visite à Paris, la France a eu l’air de prendre parti pour un camp aux dépens de l’autre, d’autant que des réserves françaises ont dernièrement été formulées au sujet de la voie d’action de l’opposition au Liban. Mais la réalité est toute autre, les constantes de la politique française envers le Liban étant toujours les mêmes.
Cette ouverture devrait se traduire par des visites des figures du 14-Mars à Paris, selon un haut responsable de l’opposition. Il s’agira pour ces forces d’exposer leur point de vue concernant le gouvernement et la stabilité politico-sécuritaire et économique dans le pays. L’idée-clé est la suivante : il ne convient pas de faire dépendre cette stabilité du maintien au pouvoir de l’actuelle équipe ministérielle.
Ces visites s’inscriront dans le cadre des démarches politiques et diplomatiques engagées par le 14-Mars à deux niveaux. D’abord, au niveau extérieur, il s’agit de présenter à la communauté internationale la véritable politique de l’opposition, et expliquer les raisons qui sous-tendent son appel à un changement de gouvernement. Ensuite, au niveau intérieur, il faut engager des démarches auprès du président de la République Michel Sleiman, qui est le mieux placé pour conduire les efforts en vue d’une sortie de crise. L’opposition, à en croire la source précitée, fera donc pleinement confiance à toute initiative pouvant être lancée par le chef de l’État suite à ses concertations avec tous les protagonistes libanais.
An Nahar (19 novembre 2012)
Le président du Parlement Nabih Berry s’est dit étonné de la réaction du 14-Mars au fait qu’il ait envisagé de convoquer une séance parlementaire en signe de solidarité avec Gaza, d’autant qu’il avait demandé aux présidents des Parlements et des Unions parlementaires d’organiser des manifestations de soutien aux Palestiniens. « Quel est le crime perpétré par Nabih Berry et où est le piège qu’il a tendu aux forces de l’opposition » ? s’est interrogé le président de la Chambre devant ses visiteurs.
« Est-ce un crime de convoquer l’Assemblée générale, qui représente tout le Liban, pour exprimer sa solidarité avec le peuple palestinien ? », a ajouté le chef du Législatif. « Où est le problème si je demande aux hommes politiques de participer à l’accueil du président arménien qui sera en visite au Liban ? La vie politique de ce pays est devenue ridicule, a-t-il poursuivi. Pour rappel, ce n’est pas moi mais le président de la République Michel Sleiman qui a invité le président arménien à venir au Liban ».
M. Berry s’est demandé comment le 14-Mars peut concilier son appel au boycott du gouvernement et l’appel téléphonique qu’a effectué l’ancien Premier ministre Fouad Siniora avec le président du Conseil des ministres, Najib Mikati, pour discuter des incidents de Saïda. « Pourquoi parlent-ils à Walid Joumblatt ? Ne fait-il pas partie du gouvernement », a encore dit M. Berry.
Le président de la Chambre a invité les responsables du 14-Mars à suivre l’exemple de l’ancien président Amine Gemayel, estimant que ce dernier a transformé la sixième commémoration de l’assassinat de son fils, l’ancien ministre Pierre Gemayel, en une cérémonie nationale qui a réuni tous les partis libanais.
Al Akhbar (Quotidien libanais proche de la majorité, 22 novembre 2012)
Ibrahim al-Amine
Pourquoi Khaled Machaal n’a-t-il pas remercié la Syrie, l’Iran et le Hezbollah de leur appui à Gaza et de leur soutien militaire direct aux forces de la résistance dans le territoire palestinien ? Juste après la fin de la longue conférence de presse du chef du Hamas au Caire, les commentaires et les questions ont fusé à ce sujet. Les pages des réseaux sociaux ont débordé de reproches adressés au leader du plus grand mouvement de résistance palestinien, qui a remercié à plusieurs reprises l’Égypte, la Turquie et Qatar pour s’être tenus aux côtés des habitants de Gaza, sans mentionner les autres. En réponse à une question, il s’est vu contraint de remercier l’Iran pour l’aide qu’elle a fournie ces dernières années, après avoir souligné l’existence de divergences concernant la position sur les événements en Syrie.
Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a semblé désappointé du fait que le chef du Hamas n’ait pas remercié ne serait-ce que l’Iran et la Syrie, surtout que de tous les pays du monde, ces deux États ont déployé d’immenses efforts, dépensé des dizaines de millions de dollars et consenti d’importants sacrifices pour développer les capacités combattantes, notamment balistiques, des mouvements de la résistance à Gaza. Une question se pose : est-ce le moment d’ouvrir ce débat ? Il est important de souligner que le cessez-le-feu à Gaza, qui est inévitable, ne doit pas être le prélude à des choses qui ne sont pas au cœur de la résistance, de son action et de sa cause. Aujourd’hui, il y a une quasi-unanimité sur l’échec de l’agression israélienne après que la Résistance eut réussi à frapper des cibles sensibles au cœur de l’ennemi. Ces capacités dont disposent la Résistance rendent inutile la poursuite de la guerre pour Israël et pour l’Occident. Cela signifie que l’arme des missiles a joué un rôle essentiel, aux côtés de la volonté politique et des ressources humaines, pour faire échouer les objectifs ennemis. Cela nous pousse à une déduction, exprimée sous forme de question : quelle sera la prochaine étape pour la Résistance après le cessez-le-feu ? Exploitera-t-elle le climat palestinien, arabe et international, pour engranger des gains liés au jeu du pouvoir, en contrepartie d’une longue trêve ? Profitera-t-elle de cette expérience pour reconstruire ses capacités militaires et ses stocks de roquettes dans le but d’empêcher l’ennemi de recommencer une telle agression ? Ou bien se contentera-t-elle de la trêve pour reconstruire les infrastructures et adhérer à la logique en vogue actuellement dans la région et selon laquelle il faut que les peuples opprimés attendent que les « forces du printemps arabes » consolident leur pouvoir ici et là, avant qu’elles ne passent à un autre agenda où la Palestine occupera une place centrale ?
Al Akhbar (21 novembre 2012)
Mayssam Rizk
Depuis le début de la crise syrienne, la France se montre particulièrement prudente dans le dossier libanais. Elle n’est plus la « tendre mère » telle que l’avaient connue ses fils du 14-Mars. Bien qu’elle soit toujours proche de leurs prises de position, elle n’a pas hésité à soutenir l’État libanais et à toutes ses institutions. La France a visiblement opté pour une voie d’action que ses diplomates se plaisent à présenter comme suit : « Se tenir à égale distance de toutes les parties libanaises, y compris le Hezbollah ». Telle est la conviction de l’Élysée, à en croire une source diplomatique qui ajoute : « En ouvrant des canaux de dialogue avec toutes les composantes libanaises, la France a pour objectif de les exhorter à privilégier le dialogue pour résoudre la crise intérieure ». Pour la France, d’ailleurs, il revient en premier lieu au président de la République Michel Sleiman de réunir tous les protagonistes autour d’une même table afin de préserver le Liban de l’incendie syrien.
Les Français s’inquiètent, on le sait, d’un possible embrasement du Liban. La source précitée, interrogée sur l’escalade à laquelle s’est livrée l’opposition libanaise, estime que « le 14-Mars a commis une erreur sur le plan politique, notamment après l’assassinat du général Wissam el-Hassan ». La France surveillait prudemment la rue libanaise qui bougeait rapidement, et mettait en garde contre tout incident pouvant mettre le feu aux poudres. Pour justifier sa prise de position en appui au gouvernement de Najib Mikati, elle a invoqué le prétexte du maintien de la stabilité au Liban, après avoir constaté que l’opposition pourrait, par son escalade, saper les efforts déployés par les pays occidentaux pour sanctuariser le Liban.
Le Liban est toujours une priorité pour la politique étrangère de la France au Moyen-Orient, bien que l’Élysée soit impliqué à fond dans le pilotage de la « révolution » syrienne, prenant ainsi une grande longueur d’avance sur les autres pays européens. Toutefois, les démarches diplomatiques et politiques de la France au Liban peuvent être le mieux décrites par le concept de « neutralité positive ». Tout d’abord, la France met l’accent sur la nécessité d’éviter tout débordement sécuritaire, et un lien est établi, selon la même source, avec l’importance d’un « maintien en place du gouvernement actuel jusqu’à ce qu’un accord soit possible sur la formation d’un autre gouvernement. Mais Paris refuse de rentrer dans les détails de la forme et de la nature de ce nouveau cabinet ». Les Français ne prennent pas position au sujet du changement de gouvernement ou de son maintien en place. Leur premier souci est plutôt de préserver la stabilité politico-sécuritaire du Liban. C’est la raison pour laquelle ils ont appelé à la retenue lors de leurs rencontres avec les personnalités libanaises, de l’opposition notamment, tout en soulignant que la France comprenait très bien la crainte de nouveaux assassinats, exprimée par les dirigeants de ce camp, qui reçoivent d’ailleurs des menaces à ce propos.
Ces craintes n’ont cependant pas dissuadé la France d’essayer de « calmer l’ire de ses enfants ». Des diplomates assurent qu’aucune des figures du 14-Mars qui sont en contact permanent avec la France n’a demandé à Paris de réagir négativement à la visite du président Mikati. Pour la France, la situation au Liban est bien complexe. Les diplomates français au Liban, prudents, n’affichent pas les positions qui sont véritablement les leurs, mais ne peuvent pas non plus cacher qu’ils ont les yeux rivés sur les dangers qui menacent le Liban et sa sécurité. Une inquiétude qui ne peut être dissociée de la crise syrienne, laquelle « va de mal en pis à toute vitesse ». En abordant le dossier sécuritaire, les Français évoquent immanquablement la force internationale au Liban sud, et le contingent français déployé sous sa bannière. À chaque fois que la France pressent un danger pour le Liban, son angoisse monte en flèche, d’autant qu’elle craint les tentatives de transformer de nouveau ce pays en un champ de guerre… Ceci veut dire qu’il « n’est pas exclu que la Finul soit prise pour cible comme par le passé ».
Ad Diyar (Quotidien libanais proche de la Syrie, 21 novembre 2012)
La Syrie est victime d’une guerre internationale contre son régime. Une guerre politique, diplomatique et militaire, voire d’un grand complot. Le président syrien Bachar al-Assad n’a pas encore vidé son sac. S’il se décide à prendre la parole, il dira certainement aux pays arabes : « Ce que vous faites est un coup dur porté à l’arabité. C’est l’appui de la Syrie à la résistance en Palestine et au Liban qui vous a permis de ne pas tomber sous le joug israélien. La Syrie a d’ailleurs toujours coopéré avec tous les pays arabes. Pourquoi fait-elle donc aujourd’hui l’objet d’une telle offensive arabe ? Est-ce parce qu’elle est l’alliée de l’Iran ? Que dira-t-il aux pays européens ? » Non sans amertume, le président syrien s’étonnera du fait que ces pays accusent la Syrie de terrorisme alors qu’elle avait, tout au long de son histoire, combattu ce fléau. Elle coopérait même avec les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France pour un échange d’informations dans ce dossier. Et la Turquie ? Le président Bachar al-Assad se demandera « pourquoi la Turquie soutient-elle aujourd’hui les éléments armés et leur fournit-elle des armes ? » Il accusera les Arabes et les pays occidentaux de commettre un crime à l’encontre de son pays. La Syrie est en train de payer le prix de sa résistance contre Israël.
Al Joumhouria (Quotidien libanais proche du 14-Mars)
Georges Sassine, Paris (22 novembre 2012)
Sept mois auront suffi à l’équipe politique du Premier ministre Najib Mikati pour gagner la France à sa cause et obtenir qu’elle approuve ouvertement la politique de dissociation, à l’heure où les développements se succèdent à toute vitesse en Syrie et dans la région et ne manquent pas de se répercuter sur la stabilité du pays du Cèdre. M. Mikati a réussi à desserrer l’étau que ses adversaires à Beyrouth ont tenté de lui imposer. Sept mois séparent les deux visites à Paris du Premier ministre, pendant lesquels la France a refait ses calculs concernant la politique de dissociation mise en œuvre par le gouvernement libanais. L’expérience du directeur de cabinet du ministre français des Affaires étrangères, l’ambassadeur Denis Pietton, et l’expérience sur le terrain de l’ambassadeur de France au Liban Patrice Paoli, ont probablement accéléré ce revirement. Qu’est-ce qui a contribué au succès du Premier ministre libanais ? Il cherche toujours à se rapprocher de ceux qui défendent des opinions différentes des siennes et refuse de couper les ponts avec qui que ce soit. Il s’est fait entourer d’une équipe de conseillers et d’experts ayant de solides relations internationales. Il forme une sorte de tandem centriste avec le président de la République Michel Sleiman. Il est un partisan de la politique de dissociation car il est convaincu que le Liban ne peut pas faire partie d’un quelconque axe régional.
L’Orient-Le Jour (Quotidien libanais francophone proche du 14-Mars)
Scarlett Haddad (22 novembre 2012)
Depuis le début de la nouvelle guerre de Gaza, les diplomates occidentaux en poste au Liban n’ont qu’une question sur les lèvres : que fera le Hezbollah si le Hamas est coincé ? Chaque fois qu’ils rencontrent un responsable, c’est la même question qui revient comme un leitmotiv, suivie immédiatement d’un conseil amical sur la nécessité de pousser le Hezbollah à éviter d’intervenir dans la guerre de Gaza, ou dans tout autre conflit dans la région. Les diplomates vont même jusqu’à préciser que la politique de distanciation adoptée par le gouvernement à l’égard de la crise syrienne devrait s’étendre aux événements de Gaza, car c’est la seule attitude sage, selon eux. Le président de la République, le Premier ministre, le président de la Chambre, le ministre des Affaires étrangères et même Walid Joumblatt, tous ont dû répondre à cette question et écouter le conseil qui la suit. À leur tour, les responsables demandent à leurs contacts au sein du Hezbollah quelle sera sa position si la guerre de Gaza se développe et si le Hamas et le Jihad islamique sont affaiblis. Mais au Hezbollah, un seul mot d’ordre : pas question de donner la moindre indication sur ce sujet. En pleine période de Achoura, le secrétaire général du parti multiplie les apparitions télévisées et les discours. À chaque fois, les spécialistes s’évertuent à les décrypter pour tenter de comprendre ce que pourrait faire le Hezbollah si la situation se compliquait à Gaza. En vain. Hassan Nasrallah lui aussi ne donne aucune indication sur les intentions de son parti. Cette attitude ambiguë est d’ailleurs devenue sa « marque de fabrique ».
Tout comme il a toujours refusé de confirmer ou de démentir la possession par le Hezbollah de certains types de missiles, préférant parler de « surprises », il continue aujourd’hui à maintenir le suspense et le flou, précisant à ceux qui le relancent sur la question qu’il n’est pas obligé de rassurer qui que ce soit.
Des sources proches de la formation islamiste affirment toutefois que la situation à Gaza est loin d’être suffisamment critique pour exiger une intervention externe. Le Hamas et le Jihad islamique sont en train de mener une résistance féroce et courageuse, et c’est, à leurs yeux, l’ennemi israélien qui est en difficulté. Ces mêmes sources précisent qu’avant de lancer sa médiation pour la conclusion d’un cessez-le-feu, le président égyptien Mohammad Morsi a demandé aux délégations palestiniennes présentes au Caire si elles pouvaient tenir face aux agressions et combien de temps. La réponse aurait été identique chez les deux formations : deux mois. C’est à partir de là que le président égyptien a entamé ses contacts gardant en tête cette réponse. C’est d’ailleurs là un des grands changements par rapport à la première guerre de Gaza en 2008 et 2009. Les sources proches du Hezbollah laissent ainsi entendre que la résistance palestinienne disposerait au total de près de 5 000 missiles dont plus d’un millier a déjà été lancé. Ce qui laisse supposer qu’elle dispose encore de moyens de défense, sans parler des « surprises » dont elle ne cesse de menacer Israël.
En tout cas, face aux événements de Gaza, le Hezbollah continue d’afficher une grande sérénité, estimant que ce qui se passe est en train de renforcer sa position et celle de l’axe dit de la résistance. La première conséquence de la nouvelle guerre de Gaza, selon les sources proches de ce parti, est le fait que l’option d’une attaque israélienne contre l’Iran est devenue improbable. Si Gaza donne autant de fil à retordre à Israël, comment celui-ci pourrait-il attaquer l’Iran qui reste une grande puissance, dotée d’un arsenal militaire redoutable ? De plus, les événements de Gaza constituent un test pour les pays dits du printemps arabe. L’Égypte oscille entre l’appui à la résistance et la volonté de ne pas couper les ponts avec les États-Unis. La Libye et la Tunisie se retrouvent un peu hors du coup, alors que les pays du Golfe ont donné la preuve de leur alignement sur la politique américaine en donnant massivement des armes aux rebelles syriens alors qu’ils refusent de donner le moindre fusil à Gaza et à la résistance palestinienne. Aux yeux du Hezbollah, les événements de Gaza constituent aussi un test pour l’unité palestinienne, surtout après la conclusion d’une trêve. Car en pleins combats, les Palestiniens se sont spontanément ressoudés, mais en période d’accalmie, les problèmes vont ressurgir.
S’il est encore trop tôt pour analyser la portée véritable et les conséquences de cette guerre, à ce stade-là, on peut d’ores et déjà dire que les Palestiniens ont marqué des points. Il s’agit pour eux de ne pas les perdre en revenant aux luttes intestines.
L’Orient-Le Jour (22 novembre 2012)
Elie Masbounji, Paris
Durant ses trois jours d’entretiens avec les hauts responsables français, le Premier ministre Nagib Mikati aura plaidé avec succès la cause du Liban et la politique de « distanciation » par rapport aux événements en Syrie. Il aura également expliqué la position de son gouvernement face à la crise interne, à savoir qu’il n’est pas opposé à un changement ministériel, mais non sans une entente préalable sur un nouveau cabinet à discuter dans le cadre du dialogue national parrainé par le président de la République, Michel Sleiman. L’argument principal étant que le pays ne peut se permettre un vide au niveau de l’exécutif dans les circonstances dramatiques que traversent le pays et la région.
Les interlocuteurs français, le président François Hollande en tête, ont posé des questions et réaffirmé leur soutien aux institutions libanaises, indépendamment de leur appui à des personnes, sinon au président Sleiman qui est actuellement seul juge et arbitre, discutant avec toutes les parties libanaises en même temps qu’il fait l’objet de la plus haute considération tant en France qu’auprès de tous les pays amis du Liban dans le monde.
Le chef du gouvernement avait entamé sa dernière journée à Paris par une réunion dans sa suite du Westin avec les ambassadeurs arabes en France, en présence de 18 ambassadeurs sur les 21 chefs de mission, dont l’ambassadeur saoudien, premier arrivé sur place.
Après un exposé sur la situation au Liban et dans la région – sur fond d’explications de la politique libanaise à l’égard des événements en Syrie –, M. Mikati a répondu aux questions de ses hôtes et échangé des vues avec eux sur le drame syrien, la guerre à Gaza et le problème des réfugiés syriens au Liban et dans les autres pays limitrophes de la Syrie.
En milieu de journée, ce sont les correspondants de la presse libanaise et arabe qui ont été reçus par le Premier ministre qui s’est ensuite rendu à l’Élysée où il a été reçu par le président Hollande.
Les thèmes développés par M. Mikati tant au cours de sa réunion avec les journalistes qu’à la sortie du palais de l’Élysée portaient sur la situation interne au Liban et le blocage actuel qui, selon lui, ne peuvent être réglés que par un dialogue national sous l’égide du président de la République avec deux questions à discuter d’une manière concomitante, à savoir : un gouvernement d’exception pour veiller au bon déroulement des prochaines élections législatives et une loi électorale consensuelle qui assurerait une représentation réelle des diverses composantes du Liban.
Sur la situation à Tripoli, le chef du gouvernement a constaté que la tension actuelle date de l’époque où la Syrie était au Liban, « ne se faisant dans la capitale du Nord que des ennemis » et favorisant une communauté alaouite parfaitement intégrée au tissu social de la ville et qui subit aujourd’hui les contrecoups de ce comportement.
Dans la cour de l’Élysée où l’attendait une foule de journalistes, le Premier ministre a tenu à remercier le président Hollande pour son hospitalité et sa grande compréhension des problèmes actuels, exprimée lors de sa récente visite au Liban, ajoutant que son hôte lui avait réitéré le soutien de la France au Liban et aux efforts déployés par ses dirigeants, sous l’égide du président Sleiman, pour faire face à la crise actuelle par la politique de « distanciation » à l’égard de la guerre syrienne. Il a ajouté que le chef de l’État français lui avait également affirmé sa volonté de poursuivre l’aide économique de la France au pays du Cèdre. « Nous avons également parlé de la Finul », a encore dit M. Mikati qui a ajouté qu’il a été également question de l’armée libanaise et de l’aide française en matériel sophistiqué et en formation pour lui permettre de s’acquitter au mieux de ses missions de maintien de l’ordre et de la défense des frontières. « En quittant le palais de l’Élysée je ressens pleinement le soutien de la France au Liban », a conclu M. Mikati.
Ach Chark Al-Awsat (Quotidien saoudien, 22 novembre 2012)
Michel Abou Najem, Paris
Des sources proches de l’Élysée affirment que la France souhaite préserver la stabilité, l’unité et l’intégrité territoriale du Liban dans une conjoncture régionale particulièrement tendue en Syrie et à Gaza. La situation au Liban est volatile, et ceux qui souhaiteraient importer la crise syrienne au Liban doivent être conscients des résultats catastrophiques d’une telle action, déclarent des sources françaises. Il faut défendre le Liban car la France craint les répercussions sur le Liban de la crise syrienne.
Le président français François Hollande et le Premier ministre Najib Mikati ont mis l’accent sur la nécessité de préserver la cohésion gouvernementale et la poursuite de l’action des institutions. Cela reflète la position de la France au sujet des appels de l’opposition à une démission du gouvernement. Paris met l’accent sur la nécessité d’éviter un vide institutionnel et politique. Rien n’empêche un changement de gouvernement pourvu qu’il fasse l’objet d’un consensus.
Selon les mêmes sources, Paris a encouragé M. Mikati à s’ouvrir à l’opposition et à nouer un dialogue avec elle. L’entretien a aussi évoqué le dialogue national initié par le président Michel Sleiman et appuyé par la France.
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