La démission du Premier ministre libanais et le plan d’escalade états-unien
Par Ghaleb Kandil
La démission du gouvernement de Najib Mikati est la copie libanaise du plan d’escalade états-unien à l’échelle régionale, et dont le coup d’envoi a été donné par le président Barack Obama lors de sa visite en Israël. Au Liban, la démission avait été précédée par de nombreux indices politiques. Elle ouvre la porte à une nouvelle étape de la confrontation politico-sécuritaire, qui s’inscrit dans le cadre de la guerre mondiale menée contre l’État national syrien. Les agresseurs veulent transformer le Liban en plateforme pour attaquer ce pays voisin et porter atteinte à la Résistance, qui constitue une force de dissuasion contre Israël et ses soutiens.
Les premiers indices de cette escalade sont apparus avec les déclarations, il y a quelques semaines, de l’ambassadeur des États-Unis à Beyrouth, qui a exigé l’organisation des élections au Liban selon la loi de 1960. Maura Connelly a ainsi torpillé toutes les tentatives interlibanaises d’aboutir à une loi électorale consensuelle, car Washington et ses alliés du Golfe sont parvenus à la conclusion que toute loi rectifiant la représentation chrétienne permettrait de dégager une majorité claire qui ferait échec à la mission qu’ils ont confié au bloc centriste, qui consistait à neutraliser les initiatives nationales, une tâche que le 14-Mars, le Courant du futur en particulier, n’ont pas réussi à mener à bien. Le mot d’ordre de Connelly donne le coup d’envoi à une période de confrontations et de troubles.
Les propos agressifs et provocateurs à l’égard du Hezbollah, prononcés par Obama, constituent un autre indice émanant, celui-ci, de la plus haute autorité états-unienne. Le président US est la source des instructions de Washington aux pétromonarchies, à la Turquie, à ses auxiliaires libanais et aux pays européens. C’est lui qui ordonne et tous les autres s’exécutent. Certaines personnalités et forces politiques libanaises se plient à ses ordres, en pensant que l’Occident gagne toujours, alors que les expériences du passé prouvent qu’au Liban, il a essuyé de lourdes défaites. Ou bien alors, elles affirment qu’elles sont incapables de supporter les pressions exercées sur elles. L’ordre US est clair : le moment est venu de mettre un terme au partenariat avec le Hezbollah au sein du gouvernement.
Les deux points litigieux qui sont, en apparence, à l’origine de la démission de Najib Mikati, sont au centre de l’intérêt états-unien : l’insistance à former la commission de supervision des élections s’inscrit dans le cadre de la volonté d’organiser les élections sur la base de la loi de 1960 ; l’insistance à maintenir le général Achraf Rifi à la tête des Forces de sécurité intérieure (FSI) est tout à fait naturelle, vu que depuis 2005, cette institution est au cœur du dispositif qui fournit services et renseignements aux USA et à leurs auxiliaires régionaux, notamment ceux qui sont impliqués dans la guerre contre la Syrie.
Les responsables libanais qui ont milité pour le maintien de Rifi à la tête des FSI savent pertinemment que cet homme et l’institution qu’il dirige ont apporté soutien et protection aux mouvements takfiristes proches d’Al-Qaïda, et autres groupes terroristes multinationaux au Liban, dans les camps palestiniens et à l’intérieur de la prison centrale de Roumié.
La démission illustre l’enchevêtrement des enjeux politiques et sécuritaires avec la loi électorale. Toute solution politique devra attendre l’effondrement des illusions états-unienne en Syrie et la défaite de Washington dans ce pays.
La tournée d’Obama
Le président états-unien a donc donné le coup d’envoi de cette escalade lors de sa tournée régionale dont le but était de resserrer les rangs de ses alliés, d’aplanir les divergences qui existent entre certains d’entre eux, afin d’essayer de modifier les rapports de forces en Syrie et dans la région. Il a d’abord donné le signal de la guerre ouverte contre le Hezbollah, il a convaincu la Jordanie de jouer pleinement le rôle qui lui est imparti dans l’agression contre la Syrie (afflux de terroristes, entrainement sur le territoire du royaume etc...) et, enfin, il a réglé le pseudo-différend entre la Turquie et Israël.
Son secrétaire d’État a été chargé de faire le suivi, en essayant d’isoler la Syrie de ses alliés. John Kerry a prévenu dimanche à Bagdad le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki que des avions chargés d’armes qui relient l’Iran et la Syrie en traversant l’espace aérien irakien contribuaient à maintenir Bachar al-Assad au pouvoir. « J’ai très clairement dit au Premier ministre que les survols d’appareils partis d’Iran contribuaient à soutenir le président Assad et son régime », a déclaré M. Kerry à des journalistes après sa rencontre avec M. Maliki dans la capitale irakienne. « Tout ce qui aide le président Assad pose problème », a ajouté M. Kerry, qui s’exprimait pendant une conférence de presse organisée lors d’une visite surprise dans la capitale irakienne.
Le décor est planté, la bataille décisive va bientôt commencer.
Déclarations et prises de positions
Nabih Berry, président du Parlement libanais
« L’agression contre les deux cheikhs par quelques parias suspects est inacceptable [1]. Il faut sanctionner le plus sévèrement possible les coupables. Les voyous qui sont responsables de cette agression lâche et odieuse ne bénéficieront d’aucune protection. Nous rendons hommage au rôle de l’armée, des forces de sécurité et de la justice, ainsi qu’aux prises de positions sages et responsables de tous, ce qui a barré la route à la discorde confessionnelle ourdie contre le Liban et les Libanais. Il est nécessaire d’immuniser la scène locale et de consolider l’entente nationale pour faire face aux défis périlleux qui guettent le Liban à la lumière des graves développements qui secouent la région. Il faut donner la priorité à la situation sécuritaire. Il faut soutenir l’armée et les force de sécurité. »
Michel Aoun, leader du Courant patriotique libre
« Mikati a démissionné pour des raisons stupides. Nous devons nous rendre dans une des ambassades pour comprendre exactement les raisons de cette démission. Nommer un nouveau Premier ministre est une affaire compliquée, le Liban vit dans le chaos et le gouvernement ne peut même pas mettre à la retraite un officier. Les prédécesseurs de Achraf Rifi étaient plus loyaux que lui envers leur pays. Le président Sleiman viole les droits des chrétiens et ceux de certains musulmans qui ont rejeté la loi de 1960. »
Béchara Raï, patriarche de l’Église maronite
« Le peuple libanais et les responsables doivent prendre conscience de la gravité de la situation au Liban et revenir à la table du dialogue. Après la démission du Premier ministre Najib Mikati, et vu la situation sécuritaire interne et régionale, nous devons assumer nos responsabilités et former un gouvernement capable de travailler sérieusement pour le peuple et pour l’adoption d’une nouvelle loi électorale. Nous espérons que les élections législatives auront lieu à temps pour préserver la Constitution et la démocratie au Liban. Nous avons besoin d’un gouvernement capable de gérer la sécurité interne et surtout nos frontières avec la Syrie. Un Cabinet qui renforce l’économie du pays et le pacte national. Nous prions pour les citoyens innocents et pour une solution basée sur des négociations. »
Marwan Charbel, ministre libanais de l’Intérieur
« Les dangereux développements de Tripoli ont des liens régionaux, si ce n’est internationaux. Certains combattants ne sont pas originaires de Tripoli et les députés de la ville n’ont aucune influence sur eux. Le président Nabih Berry devrait convoquer la Chambre pour que les députés signent un engagement pour la sécurité au Liban. »
Martin Nesirky, porte-parole de Ban Ki-moon
« En cette période remplie de défis pour la région, le secrétaire général [de l’ONU] appelle toutes les parties au Liban à rester unies derrière le leadership du président Michel Sleiman. Il les appelle à travailler ensemble avec les institutions de l’État pour maintenir le calme et la stabilité, et respecter la politique de dissociation du Liban par rapport au conflit syrien. Les parties devaient soutenir le rôle des forces armées libanaises en appuyant l’unité nationale, la souveraineté et la sécurité. »
Philippe Lalliot, porte-parole du Quai d’Orsay
« La France prend acte de la démission de M. Mikati, qui survient dans un contexte de blocage politique préoccupant. Dans le contexte difficile que traverse le Liban, il est essentiel que la continuité des institutions soit assurée afin d’éviter un vide gouvernemental et législatif. Il est dans l’intérêt du Liban que les délais constitutionnels pour l’organisation des législatives et l’entrée en fonction du nouveau Parlement soient respectés. »
Alexander Zasypkin, ambassadeur de Russie à Beyrouth
« Il est nécessaire d’apporter les éclaircissements à l’utilisation d’armes chimiques à Alep et de déterminer l’origine de ces armes pour éviter une réédition de cet incident. C’est un dangereux développement qui devrait inciter toutes les parties à œuvrer avec plus de sérieux pour pousser les protagonistes à dialoguer. La reddition du régime devant l’opposition est inacceptable et la Russie est prête à exercer des pressions pour éviter cela. »
Événements
• Le président syrien Bachar el-Assad a condamné l’attentat suicide qui a tué un célèbre dignitaire religieux sunnite et 48 autres personnes à Damas, s’engageant à « nettoyer » le pays des extrémistes, dans un message publié dans la nuit de jeudi à vendredi. « Je présente mes condoléances au peuple syrien pour le martyr de cheikh Mohammad Saïd al-Bouti, ce grand personnage de la Syrie et du monde islamique », a dit M. Assad. « Ils t’ont tué croyant faire taire la voix de l’islam et la foi dans le pays (...), ils t’ont tué pour avoir élevé la voix face à leurs idées obscurantistes visant à détruire les principes de notre religion clémente », poursuit le message. « Je jure au peuple syrien que ton sang, celui de ton petits-fils et de tous les martyrs de la patrie n’aura pas coulé gratuitement, car nous serons fidèles à tes idées en anéantissant leur obscurantisme et leur incroyance jusqu’à ce que nous en nettoyons le pays », a poursuivi M. Assad. Jeudi soir, un kamikaze a détoné ses explosifs à la mosquée Al-Imane dans le quartier de Mazraa (nord), tuant 49 fidèles sunnites dont cheikh Mohammad Saïd al-Bouti et son petit-fils, a indiqué le ministère de la Santé. Les autorités syriennes ont décrété le deuil dans le pays vendredi et samedi a indiqué l’agence officielle Sana.
• Mgr Antoine Audo, évêque syrien d’Alep, qui se trouve à Rome en tant que responsable de Caritas-Syrie pour une réunion des organismes régionaux de secours catholiques, a fait état de sa situation « douloureuse » de ne plus pouvoir être avec ses fidèles. « Il y a un mois et dix jours à Alep, deux jeunes prêtres ont été enlevés. Des rançons de 150 000 dollars ont été demandées », a-t-il également confié. Le prélat a également parlé d’une « inquiétude sous-jacente » ayant conduit au départ de 20 000 à 30 000 chrétiens sur les 160 000 que comptait Alep au début du conflit. L’évêque a évoqué les trois types de déplacés : il y a d’abord ceux à l’intérieur de la Syrie, par exemple ceux qui vont de la périphérie de Damas vers le centre-ville. La deuxième catégorie compte ceux qui, majoritaires, partent au Liban, « pays chrétien » avec lequel les liens sont « historiques ». Une troisième catégorie part vers le Canada ou les États-Unis.
• Les autorités syriennes ont libéré le jeune salafiste libanais Hassan Srour, capturé il y a quatre mois en Syrie en allant combattre aux côtés des rebelles. La télévision syrienne avait diffusé un entretien avec Srour dans lequel il déclarait que le prédicateur extrémiste libanais Daï al-Islam al-Chahhal avait financé le groupe de volontaire parti en Syrie et dont il est le seul survivant. Les autorités de Damas avait remis les corps de ses onze camarades tués dans une embuscade de l’armée syrienne près de Tall Kalakh. La libération de Srour a été obtenue grâce à l’intervention du directeur général de la Sûreté général, Abbas Ibrahim.
• Cinq roquettes tirées par les rebelles syriens de la région de Qoussair se sont abattues près du village d’el-Qasr, au Hermel (Békaa). L’Armée syrienne libre (ASL) avait menacé de « bombarder les positions du Hezbollah à l’intérieur du Liban » s’il ne mettait pas une terme « à son soutien au régime syrien ». Des obus, probablement tirés par l’armée régulière se sont par ailleurs abattus près de villages frontaliers du Akkar, sans faire de victime.
Revue de presse
As Safir (Quotidien libanais proche de la majorité, 22 mars 2013)
Marleine Khalifé
Des sources états-uniennes indépendantes à Washington qualifient de « véritable tragédie » les événements de Syrie et pensent que les États-Unis doivent rester éloignés des problèmes du Proche-Orient car leur soutien illimité à Israël contribue à créer davantage de troubles dans cette région. Ces mêmes sources ne voient aucun message « porteur d’espoir » dans la tournée du président Barack Obama dans la région, ni pour la Syrie, ni pour la cause palestinienne, ni pour le dossier du nucléaire iranien. Sa tournée s’inscrit dans le cadre d’un « engagement moral » auprès d’Israël et des alliés régionaux de l’Amérique.
Ces sources estiment que « le président Bachar al-Assad dirige un régime dictatorial mais qui a en même temps accordé aux femmes leur liberté et aux communautés religieuses une liberté de culte sans précédent ». Ces milieux doutent que les choses restent telle quelle avec les jihadistes qui vont hériter du régime actuel.
L’administration Obama ne défend pas ouvertement ce point de vue bien qu’elle en soit convaincue, ajoutent ces sources. « Ce qui l’intéresse, c’est d’appuyer les rebelles pour renverser le régime de Bachar al-Assad conformément à une règle israélienne qui n’a pas changé, selon laquelle la destruction de la Syrie conduit à l’affaiblissement de l’Iran », poursuivent les sources US. Les Européens partagent cette règle d’« or » et leur souci commun est de détruire la Syrie pour affaiblir l’Iran et son bras libanais, le Hezbollah.
Dans les coulisses du pouvoir européen, on critique les « hésitations » états-uniennes. Aussi, Paris et Londres ont-ils décidé d’armer l’opposition, bien que les deux capitales soutiennent et couvrent les opérations d’armement des insurgés depuis longtemps. Mais dorénavant, elles souhaitent tisser de fortes relations avec tout régime qui succèderait à Bachar al-Assad, tout en sachant que son renversement n’est pas une chose aisée. Les États-Unis, pour leur part, essaieront d’éloigner le calice d’une nouvelle guerre, sauf en cas d’utilisation des armes chimiques en Syrie.
Commentant la nomination du Kurde Ghassan Hito à la tête du gouvernement intérimaire de l’opposition, les milieux US affirment que toute cette affaire a été « cuisinée » par la CIA, et constitue un des facettes du soutien de Washington aux rebelles.
An-Nahar (Quotidien libanais proche du 14-Mars)
Rosanna Bou Mouncef (19 mars 2013)
Des sources politiques bien informées révèlent que les négociations qui se déroulent dans les coulisses autour de la loi électorale portent en réalité sur l’opportunité de proroger le mandat du Parlement. Il n’est pas question d’un report technique de trois ou quatre mois, comme l’affirment certains, mais d’une prorogation en bonne et due forme, car les considérations qui auront empêché la tenue des élections seront encore présentes passé ce délai. Le 8-Mars plaide en faveur d’une prorogation de trois ans du mandat de la Chambre, car il souhaite conserver la majorité dont il s’est emparé lors du « coup de force » contre la majorité issue du dernier scrutin, en 2009. Le 14-Mars, lui, préfère une prorogation d’un an, qui pourrait être éventuellement reconduite.
Ces mêmes sources ajoutent que les divergences affichées publiquement au sujet de la loi électorale cachent une volonté de ne pas organiser les élections (…) Et les incidents qui se déplacent d’une région à l’autre, frôlant la discorde sans qu’elle n’éclate réellement, sont autant d’arguments pour préserver le statu quo au Liban et ne bouger aucun pièce du puzzle libanais de crainte de provoquer une guerre dont tous les ingrédients locaux, régionaux, communautaires et financiers sont prêts. Seul un équilibre de la terreur politique et sécuritaire empêche l’éclatement de la guerre.
Les sources précitées indiquent que les pays qui appellent à la tenue du scrutin ou qui exercent des pressions pour que les élections aient lieu à la date prévue ont réalisé que le fait d’œuvrer dans ce sens, sous prétexte de renforcer la démocratie au Liban, comporte des dangers qu’ils ne sont pas disposés à affronter, surtout si le 14-Mars remportait les élections. Aussi, ces États- préfèrent-ils que les élections libanaises soient placées dans le congélateur, à l’instar du gouvernement et des autres échéances… jusqu’à nouvel ordre.
Al-Akhbar (Quotidien libanais proche de la majorité, 21 Mars 2013)
Kassem Kassem
Les agressions contre les quatre cheikhs sunnites à Beyrouth et à Chiyah ont permis au mufti de la République, Mohammad Rachid Kabbani, de retrouver son image de leader de l’institution religieuse de la communauté. Du jour au lendemain, la situation s’est retournée en faveur du mufti, devenu celui qui empêche la discorde sunnite-chiite d’éclater. Le dignitaire n’a pas fait de déclarations incendiaires après ces agressions et n’a pas accusé le Hezbollah ni le Mouvement Amal de s’en être pris à des sunnites. Cheikh Kabbani est, aujourd’hui, différent de ce qu’il était en 2006 et 2007, quand il tenait des discours sévères contre les deux formations chiites.
Ce qui s’est passé ces deux derniers jours a rendu au mufti la position qui est naturellement la sienne et que l’ancien Premier ministre Fouad Siniora et certains membres du club des ex-chefs de gouvernement avaient essayé de prendre pour cible. Les appels téléphoniques qu’il a reçus de tous bords, en signe de solidarité ou pour condamner les agressions, mettent en lumière le rôle de Dar el-Fatwa en ce moment précis. Tout le monde a pris contact avec le cheikh Kabbani, y compris l’ambassadeur de Turquie, qui lui a rendu visite.
Le retour du mufti à sa position centriste a ramené dans le giron de Dar el-Fatwa quelque 150 cheikhs qui en avaient été exclus en 2007. Certains de ces dignitaires ont pris part à une conférence à l’invitation du Rassemblement des ulémas musulmans, qui a groupé une centaine de dignitaire religieux, sur le thème : Protéger Dar el-Fatwa des manipulations politiques. Dans le communiqué final, les participants à la réunion ont invité les ulémas au Liban à unifier leurs positions afin de renforcer Dar el-Fatwa et permettre à cette institution de prendre une décision ferme à l’égard de l’extrémisme politique et religieux. Le communiqué dénonce en la campagne systématique menée par des parties politiques et partisanes contre Dar el-Fatwa et le mufti. Les cheikhs ont critiqué le Courant du futur sans le nommer, exprimant leur « rejet de toutes les tentatives d’un courant politique bien connu de mettre la main sur Dar el-Fatwa et d’imposer ses conditions aux ulémas ».
Al-Akhbar (20 mars 2013)
Radwan Mortada
Le résumé d’un cours d’enseignement religieux sur le sens du Jihad, dispensé lundi dernier par le cheikh salafiste Raféï, à Tripoli, a fait le tour de la ville sur whatsApp. On peut y entendre le cheikh appeler ses partisans à se préparer « à la grande bataille qui est très proche. C’est la bataille du Bien contre le Mal pour brandir haut l’étendard de l’Islam ». Cheikh Raféï dit aussi : « Nous avons des ennemis plus dangereux que le Hezbollah et Amal. Ce sont les fils de notre propre peau, que sont parmi nous, qui mangent de nos mains. Ce sont des sunnites qui complotent contre nous et contre le pays. Pensez-vous qu’un vrai sunnite qui s’assoit aux côtés de Rifaat Eid, de Sleiman Frangié et des membres du Parti syrien national social, puisse se présenter comme un cheikh sunnite et prétendre faire le bien de notre communauté ? Ceux-là sont nos ennemis, ils aident Amal et le Hezbollah à être présents dans les régions sunnites. Si la bataille éclate, nous ne la commenceront pas à Jabal Mohsen ni contre Amal et le Hezbollah, mais contre ceux qui trahissent Dieu et prétendent être des cheikhs sunnites ».
Interrogé par Al-Akhbar, cheikh Raféï a confirmé une grande partie des propos qui lui sont attribué. « Mon but à travers ces propos est d’adresser un avertissement après les informations selon lesquelles les alliés de la Syrie se réunissent pour comploter contre nous, a-t-il dit. Cela s’est accompagné d’une apparition armé de partisans de Ahbach (Association islamique des projets de bienfaisance) à Tripoli. » Cheikh Raféï a dit qu’il avait publiquement déclaré que « l’Armée syrienne libre nous protège et se tient à nos côtés après les informations selon lesquelles 20 000 combattants proches du régime syrien s’apprêtent à nous tomber dessus ».
Interrogé par Al-Akhbar, les Ahbach n’ont pas fait de commentaire. Le Mouvement de l’unification islamique (MUI) de cheikh Bilal Chaabane a pour sa part démenti toute rencontre avec le député Sleiman Frangié. La dernière réunion entre les deux hommes remonte à 2009, précise le MUI.
Ad-Diyar (Quotidien libanais proche du 8-Mars)
(22 mars 2013)
Des sources proches du cheikh Ahmad al-Assir ont rapporté que le dignitaire religieux a reçu une invitation de la part de l’émir du Qatar, Hamad Ben Khalifa Al Thani, pour visiter Doha en sa qualité de représentant d’une faction du peuple libanais. Il s’agira de la première visite de cheikh al-Assir à un pays musulman. Il devrait passer trois jours au Qatar avant de revenir à Beyrouth.
À Doha, cheikh al-Assir rencontrera notamment des responsables sécuritaires qataris pour discuter avec eux de la situation sur le terrain à Beyrouth, à Tripoli et à Saïda, et de la situation des sunnites et de leurs capacités à faire face aux crises auxquelles ils sont confrontés. Selon certaines sources, cheikh al-Assir recevra un soutien financier pour fonder un parti politique dont il devra prochainement annoncer la naissance sous le nom de « Parti des sunnites ».
Ad-Diyar (19 Mars 2013)
Simon Abou Fadel
Une série d’indices émanant de cercles officiels laissent croire que l’heure d’en finir avec le phénomène Ahmad al-Assir approche. Une source ministérielle déclare que le cheikh constitue désormais une menace pour le pays, et ses agissements risquent de provoquer une discorde entre les sunnites et les chiites qui ne pourraient pas être circonscrite. Le gouvernement, ajoute ce ministre, a essayé par tous les moyens de le contenir, notamment à travers les démarches du ministre de l’Intérieur, Marwam Charbel, qui ont eu lieu aux dépens de la crédibilité et du moral des services de sécurité. Mais au lieu de limiter ses actions, Ahmad al-Assir les a étendues à d’autres régions. De plus, il n’hésite plus à s’en prendre au commandant en chef de l’armée, le général Jean Kahwaji, et commence à exacerber les tensions confessionnelles au sein même de l’institution militaire.
Le climat populaire à Saïda est opposé aux agissements d’al-Assir. Les habitants de la ville sont mécontents de ses comportements qui risquent de provoquer une discorde sunnite-chiite et occasionnent des pertes économiques. De plus, le Courant du futur ne soutient pas le dignitaire. Le Hezbollah, lui, appelle discrètement et publiquement l’État à contenir ce phénomène qui commence à le gêner, surtout que sa présence militaire se fait de plus en plus sentir dans la région de Saïda, point de passage entre le Liban-Sud et la banlieue de Beyrouth. Enfin, le Premier ministre Najib Mikati est gêné de ce phénomène contagieux et en a discuté récemment avec le général Kahwaji. M. Mikati se serait engagé à fournir une couverture politique sunnite pour mettre un terme à al-Assir, qui a franchi les lignes rouges.
L’Orient-Le Jour (Quotidien francophone libanais proche du 14-Mars)
Scarlett Haddad (21 mars 2013)
Le chef de l’Armée, le général Jean Kahwagi, fait remarquer que l’armée a rapidement réagi et a réussi à arrêter les principaux coupables de l’agression contre les cheikhs en un temps record. N’est-ce pas aussi grâce au Hezbollah et à Amal qui ont aussitôt levé la couverture sur les « voyous » ? « Certes, répond-il, Amal et le Hezbollah ont coopéré, mais l’armée a agi sans attendre. » Selon lui, jusqu’à présent, l’enquête montre que les coupables ont agi de leur propre chef en raison des tensions confessionnelles existantes. « Mais, ajoute-t-il, je crois qu’en définitive, nul ne veut plonger le Liban dans la guerre civile. Les différentes parties évoluent au bord du gouffre, mais se ressaisissent chaque fois que l’une d’elle est sur le point d’y tomber. Mais ça ne suffit pas. Il faut que tout le monde comprenne que la discorde confessionnelle, si elle éclate, brûlera tout le monde. » Pour l’instant, le chef de l’armée a le sentiment que toutes les parties ont peur de franchir le pas pour se lancer dans une aventure aux résultats non garantis. Le général Kahwagi affirme que lors de tous ses entretiens avec les représentants des pays occidentaux, ceux-ci assurent qu’ils veulent la stabilité au Liban. D’ailleurs, ils concrétisent cette volonté en donnant des armes à la troupe. Les ambassadeurs arabes qu’il rencontre (notamment le saoudien) tiennent le même langage. Et le régime syrien ? « Je ne crois pas qu’une partie extérieure veuille l’explosion au Liban, répond le général. Le grand problème est la tension confessionnelle extrême, aiguisée par l’implication dans les développements en Syrie et par la présence d’un grand nombre de Syriens au Liban, ainsi que par le fait que tout le monde possède des armes. »
Justement à cet égard, le général Kahwagi insiste sur la nécessité de calmer la scène locale pour permettre à l’armée de contrôler les frontières. « À quoi me sert-il de contrôler les frontières, si l’intérieur tombe ? » lance-t-il avant de préciser qu’il y a deux jours, des hélicoptères syriens ont lancé deux roquettes, l’une à 5 km à l’intérieur du Liban et la seconde à 3,8 km, dans des régions éloignées du Jurd. Mais la localisation est faite sur la base des cartes libanaises, les Syriens ont peut-être des cartes différentes, ces zones de Jurd étant revendiquées par les deux pays et les cartes ne sont pas précises. Le chef de l’armée explique que la frontière du Nord est relativement calme, il y a certes des incidents mais ils restent limités. Par contre, dans la Békaa, du Nord jusqu’à l’Ouest, il y a des kilomètres de Jurd, difficiles d’accès et quasiment incontrôlables.
Le général Kahwagi déclare qu’« il y a peut-être au Liban près de 5 000 combattants syriens qui pourraient recevoir des entraînements dans des endroits clos. Mais 15 000, c’est impossible ». De toute façon, il précise que le transfert d’armes et de combattants à partir des frontières libanaises n’est pas à comparer avec ce qui se passe à la frontière entre la Syrie et la Turquie, l’Irak ou la Jordanie. Il reconnaît que l’armée ne contrôle pas la frontière à cent pour cent et ajoute : « Si vous voulez qu’elle le fasse, cessez de l’épuiser à l’intérieur. » Au sujet de l’existence du Front al-Nosra au Liban, Kahwagi précise qu’il y a plusieurs groupes proches de l’idéologie d’al-Qaëda et donc du Front al-Nosra, comme Fateh al-Islam et d’autres. Ces groupes sont en général dans le camp de Aïn el-Héloué, mais ils ne constituent pas encore un phénomène inquiétant, notamment à cause de la diversité de la société libanaise.
Al-Baas (Quotidien syrien, 21 mars 2013)
Les forces de l’armée syrienne ont découvert le principal passage clandestin utilisé pour l’infiltration des terroristes et l’envoi d’armes en Syrie. Cette route passe par le village de Oteiba. L’armée a aussi saisi un camion rempli d’armes dans la campagne de Hama. Pendant ce temps, quelque 220 réfugiés ont volontairement quitté le camp de Zaatari, en Jordanie, pour regagner leurs villages dans la région de Daraa. Sur le terrain, les forces armées ont infligé de lourdes pertes aux groupes terroristes dans la Ghouta orientale, près de Damas. Des dizaines de membres du Front al-Nosra sont morts dans ces combats.
Al-Watan (Quotidien syrien, 18 mars 2013)
Ce n’est plus secret que des centaines de combattants jihadistes de plusieurs nationalités sont entrés ces dernières semaines en Syrie en provenance de Turquie, de Jordanie et du Liban, après avoir reçu les entrainements requis de la part de Marines américains et d’unités spéciales françaises et britanniques dans des camps en Jordanie et en Turquie. Pendant ce temps, des centaines d’entreprises économiques et industrielles et de sites archéologiques sont systématiquement pillés par des gangs armés au profit du « bandit d’Alep » (le Premier ministre turc) Recep Tayyeb Erdogan, qui veut détruire la Syrie sur les plans économique, culturel et historique, dans une tentative de raviver l’ottomanisme que les Arabes ont déraciné il y a un siècle.
Des sources civiles à Daraa font état de l’arrivée de centaines de jihadistes munis d’armes antichars, de missiles sol-air et de véhicules tout-terrains équipés de mitrailleuses légères et moyennes. Ainsi, la Jordanie a cédé aux pressions des pays du Golfe et des États-Unis, devenant après la Turquie et le Liban un point de passage des jihadistes et des armes vers la Syrie. Damas a dernièrement adressé une lettre au Liban lui demandant de mettre un terme aux infiltrations des groupes terroristes à partir de son territoire, qui se sont particulièrement intensifiées ces deux dernières semaines. Des dizaines de combattants qui tentaient de pénétrer en Syrie ont été tués et les infiltrations se poursuivent sans interruption. Selon certaines informations, quelque 15 000 combattants se trouvent au Liban-Nord après avoir terminé leur entrainement et se préparent à se rendre en Syrie.
Ces développements interviennent alors que l’on évoque de plus en plus une solution politique à laquelle sont opposés Londres, Paris les Souad et les Thani, avec le soutien des ottomans, plus que jamais déterminés à détruire la Syrie
[1] Dans la nuit du 17 mars, deux cheikhs sunnites, Ibrahim Abdel Latif Hussein et Omar Farouk Amama, ont été pris à partie et tabassés par de jeunes inconnus dans le quartier de Chiyah à Beyrouth-Sud.
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