L’Occident reviendra inévitablement au bercail syrien
Par Ghaleb Kandil
Les ministres français et belge de l’Intérieur, Manuel Valls et Joëlle Milquet, ont mis en garde, vendredi 6 décembre à Bruxelles, contre le nombre de plus en plus élevés d’Européens qui se rendent en Syrie pour combattre dans les rangs de groupes affiliés à Al-Qaïda. Ils ont estimé que ces jeunes constituent une menace pour les pays de l’Union européenne et leurs alliés états-uniens, canadiens et australiens.
Selon les informations fournies par les deux ministres, entre 1 500 et 2 000 Européens se sont rendus en Syrie, alors qu’en juin dernier ils étaient 600. Mme Milquet a indiqué que 100 à 150 Belges évoluent dans les rangs de groupes extrémistes. Manuel Valls a parlé de plus de 400 Français qui sont passés par la Syrie, où combattent actuellement 184 de ses concitoyens. Les autres sont revenus en France, où les services de sécurité les traquent. Le ministre a précisé que 14 Français sont morts en combattant en Syrie et une centaine tentent actuellement de gagner ce pays.
Commentant les facilités accordées par les gouvernements des pays de l’UE aux terroristes européens se rendant en Syrie, Manuel Valls a déclaré : « Lorsque le conflit a éclaté en Syrie, il n’était pas aisé d’agir, car il s’agissait de combattre un régime décrié par tous [en réalité, un régime ciblé par tous les États de l’Otan, Israël, les pays du Golfe et la Turquie, des agents de l’Occident], ce qui rendait les critiques difficiles. Les prérogatives du ministre de l’Intérieur se limitaient à critiquer les facilités accordées aux combattants envoyés en Syrie et non pas de prendre des mesures contre eux. La situation aujourd’hui a changé et la plupart de ces combattants ont exprimé leur intention de rejoindre les rangs d’organisations proches d’Al-Qaïda ».
La situation a certainement changé en Syrie et ce que le ministre n’a pas dit, c’est que l’agression contre la Syrie a échoué. Et les terroristes mobilisés par l’Occident pour détruire l’État syrien n’ont pas réussi à vaincre l’armée et l’État syriens. Aujourd’hui, le danger est grand de voir ces terroristes retourner en Europe, pour créer des réseaux d’Al-Qaïda, après avoir acquis l’expérience nécessaire sur le terrain syrien. Ces terroristes sont soutenus par l’Arabie saoudite, l’allié de la France et le client de son président dans des contrats d’armement alléchants. François Hollande et ses ministres doivent assumer la responsabilité de chaque goutte de sang français qui sera versé par les terroristes de retour en France après leur défaite en Syrie.
Manuel Valls a tenté de minimiser le danger que représente ce nouveau terrorisme, soutenu, armé et couvert politiquement par l’Otan. Il a notamment déclaré : « Aujourd’hui, nous ne notons pas un danger direct ou imminent pour nos deux pays et pour nos intérêts. Malgré cela, nous ne devons pas prendre à la légère cette question, car les groupes islamistes combattants se sont renforcés et sont devenus dangereux ».
Le plus important dans tout cela c’est que la France et la Belgique s’emploient à coordonner les opérations à l’intérieur de l’Union européenne pour mettre sur pied une structure commune dédiée à la surveillance et la traque des terroristes rentrés de Syrie. Les deux ministres ont tenu trois réunions avec leurs homologues britannique, allemand, hollandais, espagnol, italien, suédois et danois.
Pourquoi est-ce la France qui a pris en charge cette coordination ? La question se pose tout naturellement. La réponse est que le danger des terroristes rentrés de Syrie nécessite une coordination étroite avec les autorités syriennes dans le domaine des échanges d’informations et de renseignements. Les volontaires occidentaux pour soutenir les « révolutionnaires de l’Otan » évoluent dans des structures nouvelles et organisées, que seul l’État syrien connait pour les avoir combattu ces trois dernières années. Et vu que la France est le pays le plus hostile et extrémiste dans l’alliance anti-syrienne, il est nécessaire de l’aider à rétablir le contact avec l’État national syrien, sous le prétexte de la coordination dans la lutte contre le terrorisme. Ce processus se déroule avec la bénédiction des États-Unis, dont le ministre de l’Intérieur a assisté à la réunion élargie de Bruxelles, en présence de représentants du Canada et d’Australie, qui a précédé la rencontre des ministres européens de l’Intérieur. Ce qui donne l’impression que la menace du terrorisme touche tous les pays occidentaux qui ont participé à l’agression contre la Syrie.
Ce n’est plus un secret que de nombreux responsables européens de la lutte anti-terroriste, notamment allemands, sont allés à Damas pour examiner les moyens de coordonner avec les autorités syriennes l’action contre les terroristes. L’État syrien a fixé un cadre politique bien défini pour étudier les demandes occidentales. Celui-ci passe par le démantèlement de l’alliance hostile à la Syrie et de la prise de positions claire. Tel est l’obstacle auquel se heurte François Hollande, qui a transformé le gouvernement français en mercenaire travaillant pour le compte de Bandar Ben Sultan. Voilà pourquoi les États-Unis tentent de couvrir le retournement de la France en lui confiant un mandat atlantiste pour coordonner les efforts occidentaux de lutte contre le terrorisme.
La France a pris la tête de la campagne de mensonges sur la présence de modérés parmi les terroristes actifs sur le sol syrien, a dépensé de l’argent saoudien et a organisé des transactions d’armes financées par les Saoudiens et les Qataris. Ces armes sont aujourd’hui aux mains des diverses branches d’Al-Qaïda. La France se trouve maintenant confrontée à l’heure de vérité : elle doit régler les factures des mensonges qu’elle a véhiculées pour couvrir son partenariat avec Bandar, les deux Hamad [les anciens leaders du Qatar] et Erdogan, dans une guerre qui s’est soldée par l’apparition d’une nouvelle génération d’Al-Qaïda, dont les méfaits ne resteront pas confinés au seul territoire syrien.
L’Occident tout entier se trouve à la veille d’une nouvelle ère, où il mendiera les faveurs du président-résistant Bachar al-Assad, le seul capable de fournir des trésors de renseignement pour la lutte contre le terrorisme. Mais cela passe par un prix politique : la fin du soutien à l’agression contre la Syrie.
Celui qui a versé le poison devra l’ingurgiter... telle est la malédiction syrienne.
Déclarations et prises de positions
Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah
« Les Brigades Abdallah Azzam, qui ont revendiqué le double attentat contre l’ambassade d’Iran, a un émir, et il est saoudien, et je suis convaincu qu’il est lié aux services secrets saoudiens. Ce sont ces services, qui dirigent des groupes comme celui-là dans différentes parties du monde. L’intervention des combattants de la Résistance en Syrie a permis de protéger la frontière libanaise. Si nous abandonnons nos responsabilités en Syrie, les frontières libano-syriennes seraient envahies. Je vous rappelle que des voitures piégées sont entrées au Liban à partir de Yabroud et de Nabak. Nous nous battons en Syrie pour défendre le Liban. Le jour viendra où tout le monde nous remerciera pour notre intervention en Syrie et on remerciera les jeunes combattants tombés en martyrs. Le Hezbollah croit à un Liban patrie définitive. Il sait qu’aucune communauté ne peut gouverner toute seule le pays. Il n y a aucune volonté d’hégémonie du Hezbollah sur le Liban ou la vie politique. L’incident de l’USJ [Université Saint-Joseph] a été amplifié démesurément pour embarrasser le général Michel Aoun. Nous ne finançons aucun des étudiants chiites qui nous sont proches inscrits à l’USJ. Ils sont là pour l’excellence de l’enseignement qui y est prodigué. Quand nous pourrons les égaler, ils s’inscriront ailleurs. Nous sommes contre tout vide à la tête de l’État et sommes favorables à l’élection d’un nouveau président de la République dans les délais constitutionnels. J’ai rencontré une délégation qatarie il y a quelques jours. Le Qatar est en train de réévaluer ses positions vis-à-vis de la région. Nous sommes toujours en désaccord avec les Qataris concernant la situation en Syrie, mais nous ne cherchons pas à créer des problèmes, ni avec Doha ni avec Riyad. Nous avons expliqué à la délégation qatarie que toute intervention militaire en Syrie serait vouée à l’échec et constituerait un acte de folie. Il faut trouver une issue politique à la guerre qui dure depuis plus de deux ans (...) Tous les peuples de la région vont bénéficier de l’accord entre l’Iran et les grandes puissances. Certains pays régionaux espéraient une guerre avec l’Iran, mais ceci aurait eu des répercussions dangereuses sur toute la région. Le risque de guerre est toujours présent. Mais je ne pense pas qu’Israël peut bombarder les sites iraniens sans un feu vert états-unien. »
Michel Sleiman, président de la République libanaise
« Il est inadmissible de porter atteinte aux relations historiques avec un pays qui nous est cher comme l’Arabie saoudite en lançant des accusations sans preuves et d’intervenir dans les conflits des autres en faveur d’une partie aux dépends de l’autre. Tout cela arrive alors que notre ennemi réalise un à un ses objectifs à l’instar de ce qui s’est passé aujourd’hui. Le Liban est fondé sur le dialogue et la coexistence entre ses citoyens. »
Fouad Siniora, chef du bloc parlementaire du Courant du futur
« L’accusation injuste et infondée lancée par sayyed Hassan Nasrallah contre l’Arabie saoudite, dans l’attentat contre l’ambassade d’Iran à Beyrouth est inacceptable. L’Arabie a toujours soutenu le Liban et les Libanais, et a œuvré pour sortir le pays des crises dans lesquelles les autres l’ont plongé. Elle continue de soutenir le Liban, soucieuse de sa souveraineté et de son indépendance. »
Nabih Berry, président du Parlement libanais
« Le soi-disant printemps arabe n’a rien d’un printemps. Nous croyions que des changements allaient intervenir, mais nous nous sommes vite rendu compte que nous sommes retournés en arrière, vers le Moyen Âge. Je suis particulièrement atterré par le caractère sectaire et confessionnel des révolutions. Dans le passé, l’arabité et la lutte pour récupérer la Palestine nous guidaient. Nous nous retrouvions autour de ces thèmes avec Guevara et le président Fidel Castro, sans les rencontrer, mais aujourd’hui, les deux sont oubliés. Ce sont les sujets communautaires, confessionnels et sectaires qui priment au lieu de l’ouverture et de la lutte contre la colonisation qu’incarne Israël. »
Najib Mikati, Premier ministre libanais démissionnaire
« J’adopte toujours une attitude positive. Nous devons assumer nos complètes responsabilités. Si mon désistement était bénéfique pour Tripoli, je serais le premier à le décider. Le droit de l’État ne sera jamais perdu, mais nous ne pouvons pas tout faire au même moment. Le plus important demeure le maintien de la sécurité et la mise en œuvre des mandats d’amener. L’armée jouit de la couverture politique de la part de toutes les parties, sans exception, afin de remplir sa mission. Nous autres, politiciens, n’assurons la couverture politique à aucun repris de justice. La décision est aux mains de l’armée. C’est elle qui détermine le moment pour la prise des mesures nécessaires, dans le cadre de sa mission. L’armée fait partie de Tripoli et elle protègera les habitants de cette ville. L’État assume ses responsabilités et se réserve le droit de poursuivre en justice ceux qui sont derrière les attentats contre les deux mosquées Al-Taqwa et Al-Salam. »
Samir Geagea, chef des Forces libanaises
« Nous mordons aujourd’hui la poussière au Liban à cause de la participation du Hezbollah à la guerre en Syrie. C’est exactement le contraire de la théorie de sayyed Hassan Nasrallah, qui considère qu’en allant lui-même en Syrie, il éloigne les jihadistes du Liban. Pour moi, ils sont venus au Liban parce qu’il est parti, lui, en Syrie. N’importe quel gouvernement peut, s’il le souhaite, faire pression sur le Hezbollah pour qu’il se retire de Syrie. Le problème, c’est que nous avons perdu l’habitude de faire pression sur le Hezbollah. Nous sommes confrontés au choix suivant : faire face ou mourir lentement. Nous recevrons un coup par-ci et un autre par-là, mais en fin de compte, le triomphe de l’État nécessite bien quelques sacrifices. »
Alexander Zasypkin, ambassadeur de Russie au Liban
« La Russie a soutenu la politique de distanciation adoptée par le gouvernement libanais depuis le début de la crise syrienne, alors que des groupes du Liban-nord était déjà impliqués dans les combats. Pourquoi devons-nous demander au Hezbollah de retirer ses combattants de Syrie si nos appels lancés il y a deux ans pour le retrait des groupes armés du Liban-nord ont été ignorés. Le Hezbollah est impliqué dans le conflit syrien en raison de l’implication d’autres groupes étrangers dans la bataille. Nous soutenons la politique de distanciation du gouvernement libanais afin d’éviter toute escalade de la situation au Liban. Une vrai guerre a lieu en Syrie et nous voulons préserver la stabilité au Liban. »
Omrane al-Zohbi, ministre syrien de l’Information
« Si quelqu’un pense que nous allons à Genève- 2 pour remettre les clés de Damas, mieux vaut qu’il n’y aille pas. La décision revient au président Assad, il va mener la période de transition, si on y arrive. Il est le leader de la Syrie et il restera le président de la Syrie. »
Événements
• Dans un entretien accordé au quotidien As-Safir, l’ambassadeur de France au Liban, Patrice Paoli, a rejeté tout lien entre le double attentat contre l’ambassade d’Iran à Beyrouth et la participation du Hezbollah à la guerre en Syrie. « L’attaque a visé la chancellerie iranienne et non pas le Hezbollah », a-t-il dit. Le diplomate a par ailleurs exprimé « l’inquiétude » de la France à cause de la participation de Français aux combats en Syrie. « La France a déployé des efforts pour combattre les extrémistes au Mali et elle n’encourage pas le développement d’un extrémisme similaire en Syrie », a dit M. Paoli.
• Le bloc parlementaire de la Fidélité à la Résistance Hezbollah) a estimé que la montée de la tension et du chaos à Tripoli est le résultat de l’appui du 14-Mars aux gangs de la ville et de leur couverture des actes des takfiristes. Le bloc a e outre dénoncé les actes terroristes visant les sites chrétiens en Syrie ainsi que l’enlèvement des religieuses à Maaloula.
• Une partie de la presse libanaise reprend ce jeudi l’information diffusée par la chaine satellitaire panarabe Al-Mayadeen, selon laquelle le Libanais dénommé Ahmad Hojeiri et treize autres hommes armés de la localité de Ersal ont été tués dans une embuscade de l’Armée syrienne, près de la région de Mazareh Rima, dans le Qalamoun syrien. Le quotidien An-Nahar souligne l’incertitude qui règne autour de cette information qui n’a été ni confirmée ni démentie.
• Le quoditien An-Nahar a rapporté que les agents des Forces de sécurité intérieure (FSI) postés au barrage de Dahr al-Baidar ont arrêté, lundi, le dénommé, Ahmad Karnabi (20 ans), originaire de Ersal, qui fait l’objet d’un avis de recherche émis par l’Armée libanaise pour meurtre d’un officier et d’un soldat et pour agression contre une patrouille militaire. L’enquête préliminaire a montré que Karnabi est impliqué dans le meurtre du commandant de l’Armée Pierre Bachaalany et du sergent-chef Ibrahim Zahraman, tué à Ersal le 1er février dernier.
Revue de presse
As-Safir (Quotidien libanais proche du 8-Mars)
Helmé Moussa (6 décembre 2013)
Pour la deuxième journée consécutive, l’hypothèse de l’implication de l’ennemi israélien dans l’assassinat du résistant, le martyr Hassan al-Lakkis, s’est renforcée. Des sources qui suivent les investigations ont indiqué que les enquêteurs ont recueilli des indices montrant que les empreintes israéliennes dans ce crime sont les plus visibles.
Dans le même temps, un communiqué de l’Armée libanaise a fait état « d’une voiture de location impliquée dans un acte terroriste dans la nuit du 3 décembre » (la nuit du crime), laissant croire qu’il s’agissait bien de l’assassinat d’al-Lakkis.
Des informations sécuritaires notent que les assassins ont probablement utilisé une voiture de location qu’ils ont garée non loin du boulevard Camille Chamoun, d’où ils ont rejoint l’immeuble habité par le martyr pour commettre leur crime, avant de repartir en empruntant un chemin qui n’a pas encore été clairement défini.
Les médias israéliens ont accordé un grand intérêt à l’assassinat d’al-Lakkis, en raison de l’importance du personnage et des éventuelles répercussions de cette opération. Selon ces médias, l’homme « fait partie des personnes les plus proches de sayyed Hassan Nasrallah et a assumé des responsabilités diverses et importantes. Il a dirigé la puissance de feu pendant la guerre de juillet 2006, a développé et a modernisé des méthodes de combat et les réseaux de télécommunication du Hezbollah. » C’est pour cela que son assassinat constitue un coup dur et pourrait provoquer une riposte sévère, selon les évaluations israéliennes.
En dépit du démenti officiel israélien, de plus en plus d’articles et de déclarations laissent entendre que l’État hébreu se tient derrière l’assassinat de Hassan al-Lakkis. L’article le plus notable, publié dans le Yediot Aharonot, est signé Ronin Bergmann, qui est revenu sur un texte qu’il avait publié il y a deux ans sous le titre de « L’armée de l’ombre ». Dans cet article, Bergmann cite le nom d’al-Lakkis dans le cadre d’un « comité de coordination » composé de hauts responsables syriens, iraniens du Hezbollah, du Hamas et du Jihad islamique. Dans cet article, l’auteur indique que le représentant du Hezbollah dans ce comité n’est autre qu’al-Lakkis.
Bergmann précise qu’al-Lakkis est un militant du Hezbollah depuis l’âge de 19 ans et sa formation vient principalement de la vaste expérience technique qu’il a accumulée dans le développement et la mise au point de méthodes de combat. Et Bergmann d’écrire : « Depuis le début de son chemin, il est pratiquement l’homme des grands achats et le coordinateur avec l’Iran dans le domaine des méthodes de combat. Grâce à lui, le Hezbollah est devenu la plus puissante organisation terroriste de l’histoire, une organisation qui possède une puissance de feu supérieure à celle de 90% des pays du monde ».
As-Safir (5 décembre 2013)
Denise Atallah Haddad
Le commandant en chef de l’armée, le général Jean Kahwaji, a affirmé que la troupe a pris la décision ferme de faire face à ceux qui sapent la sécurité, partout où ils se trouvent et quelle que soit la partie à laquelle ils appartiennent. Le général Kahwagi est sincère dans ce qu’il a dit, mais la volonté du commandement de l’institution militaire, ses bonnes intentions et le courage de ses officiers ne suffisent pas à mettre un terme à la situation dramatique dans laquelle s’enlise Tripoli. Il ne faut pas miser sur les déclarations publiques des responsables politiques concernant la décision de charger l’armée de rétablir la sécurité dans la ville, en fermant les yeux sur leurs intentions tacites visant à attiser les combats à des fins liées soit à des considérations internes soit à des instructions venant de l’extérieur.
As-Safir (3 décembre 2013)
Nabil Haitham
Des responsables libanais qui ont effectué des déplacements à l’étranger affirment que « la formation du gouvernement libanais n’est plus une priorité pour l’Occident, qui se concentre uniquement désormais sur l’élection présidentielle ». Un bon connaisseur de ce dossier assure que les diplomaties occidentales s’emploient à faire passer le projet de prorogation du mandat du président Michel Sleiman. Selon la source, les États-uniens, dont Jeffrey Feltman, ont déclaré à leurs amis libanais : « Nous nous dirigeons vers une prorogation du mandat présidentiel ». Les Français aussi expriment le même enthousiasme à l’égard d’une telle prorogation que celui affiché par le président François Hollande lorsqu’il a reçu son homologue libanais à Nice.
Certaines personnalités ayant visité Paris évoquent une forte « dose » de sympathie française vis-à-vis du Liban à l’heure actuelle. « Nous sommes déterminés à venir en aide au Liban. Nous soutiendrons l’armée et ferons tout notre possible pour aider ce pays à porter le fardeau des déplacés et à dépasser les retombées négatives de la crise syrienne », ont déclaré les interlocuteurs français de ces personnalités libanaises. Un responsable français aurait même déclaré : « L’échéance présidentielle au Liban est désormais en tête des préoccupations de l’Occident. Des efforts sérieux sont déployés avec tous les pays amis de la France, notamment les États-Unis, pour préparer le terrain afin que le Liban traverse cette échéance en mai 2014 comme l’exigent les conditions qui sont celles de ce pays ». Le responsable français n’a pas évoqué l’élection d’un nouveau président au Liban. Il a plutôt rappelé les « caractéristiques » de Michel Sleiman pour aborder, sous cet angle, la prorogation de son mandat. Il a également répété à maintes reprises : « Nous voulons la stabilité du Liban et ne voulons pas qu’il y ait un vide présidentiel ».
Les Français ont été ont avertis que « cette proposition est perçue comme une provocation par une grande partie des Libanais. Vous êtes probablement en train de brûler les étapes. La prorogation est difficile et le vide présidentiel l’est encore plus. Laissez la porte ouverte à toutes les options et que tous les efforts se concentrent sur la tenue d’une élection présidentielle qui amène au pouvoir un nouveau président, et au cas où cela serait impossible, la prorogation sera alors envisagée ». Les Français se sont également entendus dire : « La prorogation pourrait avoir des chances. Elle pourrait bénéficier du parrainage et de la bénédiction des grandes, et moins grandes, puissances. Mais au Liban, elle se heurte à une impasse dans la mesure où elle présuppose un mécanisme politique et constitutionnel nécessitant une entente politique qui fait défaut en raison des clivages. Pour qu’elle soit adoptée, il faudra une majorité parlementaire formée des deux tiers des députés, ce qui est difficile voire impossible à l’heure actuelle.
Mais des Libanais ont été surpris d’entendre un diplomate européen dire, avec assurance que la prorogation aura lieu et que le quorum nécessaire sera assuré.
An-Nahar (Quotidien libanais proche du 14-Mars)
Sabine Oueiss (5 décembre 2013)
Les vives critiques adressées par le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah Nasrallah, à l’Arabie saoudite, sont intervenues alors que le président du Parlement, Nabih Berry, de retour de Téhéran, affirmait avoir senti chez les dirigeants iraniens un climat positif vis-à-vis du royaume. Elles sont intervenues aussi en même temps qu’une intense activité diplomatique au centre de laquelle se trouve le chef des services de renseignement saoudiens, Bandar Ben Sultan, qui a rencontré à Moscou le président Vladimir Poutine. Ces critiques sont survenus alors que des informations ont circulé sur une possible visite du ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif à Riyad. Le chef de la diplomatie iranienne a d’ailleurs exprimé son souhait de visiter l’Arabie saoudite, avant que ces démarches ne soient vouées à l’échec. Ainsi, la perspective d’un rapprochement irano-saoudien s’éloigne, du moins pour les six prochains mois, considérés comme une période servant à tester les intentions concernant la mise en ouvre de l’accord conclu entre l’Iran et les grandes puissances sur le nucléaire.
Tout en ne minimisant pas l’importance des critiques de sayyed Nasrallah, des milieux politiques les placent dans un cadre local qui n’a pas d’influence sur le climat régional ambiant. Les propos du chef du Hezbollah reflètent, selon les mêmes sources, la position du parti et sa relation avec l’Arabie saoudite et non pas la position de l’Iran. Preuve en est que Téhéran n’a pas accusé le royaume mais Israël d’être responsable du double attentat contre son ambassade à Beyrouth.
Ceci dit, l’accord sur le nucléaire est accueilli avec scepticisme par Riyad qui continue d’afficher des positions sévères à l’égard de l’Iran, ce qui explique le refus des Saoudiens de fixer un rendez-vous au ministre Zarif. Voilà pourquoi sayyed Nasrallah a durci ses positions contre l’Arabie.
Sur le plan interne, sayyed Nasrallah a lancé plusieurs messages pour mettre l’accent sur trois points : Pas de gouvernement en dehors de la formule 9-9-6 (neuf ministres pour le 14-Mars, autant pour le 8-Mars et six pour les centristes), qui donne à son camp politique le droit de blocage ; éloigner du Hezbollah les accusations selon lesquelles il veut provoquer un vide constitutionnel, en affirmant son attachement à l’organisation de l’élection présidentielle dans les délais et en affirmant le droit de son camp politique à choisir et soutenir un candidat ; exprimer le refus du Hezbollah de toute prorogation du mandat du président Michel Sleiman, pour couper court aux démarches allant dans ce sens.
Al-Akhbar (Quotidien libanais proche du 8-Mars)
Ibrahim al-Amine (5 décembre 2013)
L’Occident est préoccupé par le fait que l’assassinat du leader de la Résistance, Hassan al-Lakkis, ne soit un acte israélien et que son l’objectif ne soit pas limité à l’assassinat de l’un de ses ennemis. Israël est réellement furieux de l’accord conclu entre l’Occident et l’Iran. Il est encore plus en colère d’avoir été mis à l’écart par cet accord qui a négligé ses intérêts stratégiques lesquels ont pourtant été de tout temps sacrés aux yeux de l’Occident. Israël est furieux car il se retrouve, après cet accord, pieds et poings liés face au dossier nucléaire iranien. Israël est furieux car l’Occident a pour la première fois fait miroiter une contradiction possible entre ses intérêts et ceux de l’État hébreu et car ce qui s’est passé est un précédent appelé à se reproduire dans d’autres dossiers.
Tel-Aviv est conscient qu’il lui est impossible de s’engager dans une aventure directe contre l’Iran et qu’il est incapable de mener une telle guerre sans le soutien de l’Occident. Il sait aussi que sa bataille aujourd’hui consiste à porter un coup qui reviendra à dire à l’Occident, dans la foulée de la conclusion de l’accord avec l’Iran, qu’il n’est pas contraint à respecter son ordre du jour, et qu’il souhaite protéger ses capacités dissuasives. Israël veut aussi dire à l’Iran et à l’axe dont il fait partie que son accord avec l’Occident ne signifie pas la fin de sa guerre contre son projet nucléaire.
Il veut aussi dire au Hezbollah que son bras sécuritaire est toujours capable d’asséner des coups audacieux et, s’il le faudra, sans intermédiaire. Israël veut par là faire sentir au Hezbollah et à travers lui à l’Iran qu’il est capable de traduire en acte son refus de l’accord entre Téhéran et l’Occident et qu’il est capable d’adresser des messages à ses nouveaux alliés, plus particulièrement à l’Arabie saoudite, pour lui dire que leur ennemi est le même et qu’elle pourra elle-même revendiquer un acte exécuté par Israël contre le Hezbollah.
La façon avec laquelle la Résistance a annoncé le martyre de Hassan al-Lakkis laisse entendre qu’il ripostera à ce crime. Une odeur de sang se dégage d’au-delà de la frontière sud… attendons de voir ce qui va advenir.
Al-Akhbar (5 décembre 2013)
Les informations échangées entre des services de sécurité libanais, syriens et occidentaux sont effrayantes. Elles font état du déploiement, sur le territoire libanais, de centaines d’hommes armés takfiristes, dans le cadre de cellules qui ne sont pas liées entre elles. Ce qui signifie que le démantèlement d’une cellule ne permet pas nécessairement d’arriver aux autres cellules. Une partie de ces takfiristes sont entrés au Liban pour se rendre en Syrie, mais ont préféré rester sur place. D’autres sont effectivement entrés en Syrie alors qu’une troisième partie se trouve toujours au Liban où elle suit un entrainement dans les camps.
Les mêmes sources estiment que le cadre général dans la région augure d’une propagation de la guerre. La confrontation entre le Hezbollah et les courants salafistes est souhaitée plus que jamais. Les choses sont passés des attaques verbales aux voitures piégées puis aux assassinats.
Toutes les informations du parti pointent du doigt Israël dans l’assassinat du haut responsable de la Résistance, Hassan al-Lakkis. Le parti n’a pas attendu l’enquête. De par sa longue expérience, il sait que l’assassinat porte les empreintes d’Israël. En accusant l’État hébreu, le Hezbollah a sans doute voulu, aussi, éloigner le spectre de la discorde sectaire.
Al-Akhbar (5 décembre 2013)
Nader Heter
Israël est le seul allié sérieux qui reste encore à L’Arabie saoudite. Les Saoudiens pensent qu’ils sont en train de parier sur le cheval qui remportera la course, mais Israël est en réalité confronté à une crise stratégique. En définitive, il nous est possible d’affirmer qu’Israël se sert de l’Arabie saoudite pour obtenir plus de territoires en Cisjordanie, plus de colonies, ainsi que la judaïsation de Jérusalem. Mais Tel-Aviv n’a rien à accorder à l’Arabie saoudite en contrepartie. Le royaume est donc en train de se suicider. Un éveil saoudien est toujours possible mais le temps est compté. Une éventuelle la volte-face saoudienne relèverait d’un miracle divin.
Al-Akhbar (3 décembre 2013)
Une heure après le communiqué publié par le Premier ministre démissionnaire, Najib Mikati, au sujet de la situation à Tripoli, l’ancien directeur général des Forces de sécurité intérieure (FSI), Achraf Rifi, lui a demandé de « quitter son poste et d’élever la voix pour faire cesser les combats à Tripoli ». Il a notamment déclaré : « Tripoli n’acceptera pas moins que votre départ, ainsi que celui de tous les autres comploteurs, qu’ils soient responsables sécuritaires ou politiciens (…) ».
Des sources proches de M. Mikati ont répliqué que « l’opinion publique doit savoir que celui qui demande à l’État de s’en aller est lui-même un comploteur contre Tripoli, il distribue des armes à certains des jeunes de la ville et a transformé les institutions de l’État en repaire pour les gangs et les hommes armés. »
Et la source proche du Premier ministre démissionnaire de poursuivre en s’adressant à Rifi : « Votre appel au départ de l’État vise-t-il à transformer Tripoli en repaire pour les voyous proches de vous ? (Achraf Rifi) joue avec le sang des habitants de la ville au moment même où elle est la cible de bombardements. Il utilise un discours électoral qui n’aboutira à rien. Rifi est nerveux car l’armée a arrêté (dimanche) le dénommé Hatem Janzarli et six de ses miliciens, qui sont proches de l’ancien directeur des FSI. Son arrestation est intervenue après qu’il eut ouvert le feu contre une patrouille de l’armée, et le commissaire du gouvernement près du tribunal militaire, Sakr Sakr, a émis un mandat d’arrêt contre Janzarli et sept autres personnes. »
Ad-Diyar (Quotidien proche du 8-Mars)
(3 décembre 2013)
Un haut responsable militaire palestinien à Aïn el-Héloué ne cache pas sa crainte de voir la situation déraper dans le camp et se dégrader sous un effet boule de neige, pour le voir se transformer, en fin de compte, en « émirat islamique » qui affrontera inéluctablement l’Armée libanaise ainsi que son milieux géographique naturel. La même source rappelle que la prise en otage de Nahr al-Bared par des groupes extrémistes, en 2007, avait provoqué la destruction du camp. Le responsable palestinien a fait état de l’accroissement de l’influence des groupes takfiristes à Aïn el-Héloué, d’autant que le cheikh Ahmad al-Assir et l’ancien chanteur Fadl Chaker se trouvent dans le camp. De plus, près d’un millier de Syriens auraient rejoint les rangs des islamistes à Aïn el-Héloué, qui accueille souvent l’homme d’Al-Qaïda, le Saoudien Majed al-Majed. La prise de contrôle totale du camp par les extrémistes au moment venu constituerait une surprise sur la scène libanaise.
L’Orient-Le Jour (Quotidien libanais francophone proche du 14-Mars)
Scarlett Haddad (3 décembre 2013)
Moins de deux mois séparent encore la région de la tenue de la conférence Genève 2 sur la Syrie. Même si les milieux politiques libanais préfèrent ne pas placer beaucoup d’espoirs dans cette conférence qui, selon eux, a du mal à prendre forme, puisque, d’une part, l’opposition syrienne n’a pas encore clairement défini sa position et, d’autre part, le régime syrien hausse le ton en affirmant qu’il ne s’y rend pas pour remettre le pouvoir. Pourtant, sur le terrain syrien, tout indique que les développements actuels visent à préparer indirectement ou non la tenue de cette conférence. La grande offensive lancée il y a une dizaine de jours par les hommes du Front islamique (créé sur l’impulsion de l’émir Bandar ben Sultan pour unifier plusieurs groupes de l’opposition islamiste) venus de Jordanie se voulait ainsi une attaque décisive permettant à l’opposition de se rapprocher de Damas et d’affaiblir ainsi considérablement le régime, à la veille de la tenue de Genève 2, pour pouvoir réclamer le départ du président Bachar el-Assad. Plus de 5 000 combattants islamiques entraînés en Jordanie, financés et armés par l’Arabie saoudite, ont ainsi repris le contrôle de plusieurs localités dans la Ghouta orientale, mais les forces du régime ont tôt fait de reprendre la main et de reconquérir en grande partie les localités qui leur ont été arrachées. En même temps, les forces du régime poursuivent leur percée dans la région de Qalamoun, où ils ont repris après Qara et Dar Attiyé la localité de Nabak, parvenant pratiquement à encercler les combattants de l’opposition dans leur dernier gros bastion Yabroud. Les forces du régime marquent aussi des points dans le rif d’Alep, concentrant leurs efforts sur les grands axes routiers et sur les frontières. Elles sont ainsi en train de fermer les voies de communication entre les groupes de l’opposition et le Liban, la Jordanie et l’Irak, alors que la Turquie a elle-même décidé, coïncidence ou non, après l’amélioration de ses relations avec l’Iran, de fermer sa frontière aux combattants soucieux de se rendre en Syrie.
En riposte à toutes ces percées du régime, l’opposition a lancé une nouvelle offensive contre la localité chrétienne de Maaloula. Les experts militaires estiment toutefois que cette localité n’a pas une importance stratégique, mais elle est surtout symbolique. C’est pourquoi ces experts considèrent qu’en l’occupant, les combattants de l’opposition veulent surtout adresser un message de mécontentement à l’Occident chrétien pour ce qu’ils considèrent comme un lâchage, et à la Russie pour son soutien au régime syrien. Le contrôle de Maaloula, la prise en otages des religieuses et les agressions contre les symboles chrétiens sont aussi le signe de l’incapacité des combattants de l’opposition à enregistrer des victoires significatives sur le terrain contre le régime, en dépit de toutes les aides qui leur sont fournies.
Une source diplomatique arabe en poste au Liban estime ainsi que sauf imprévu, la situation en Syrie est clairement en train d’évoluer en faveur du régime, qui se présente désormais comme le rempart contre ceux qu’on appelle désormais « les terroristes takfiristes ». D’ailleurs, plusieurs pays européens ont rétabli une coopération sécuritaire avec les forces du régime, notamment au sujet des quelque 2 000 combattants islamistes d’origine européenne qui sont venus participer au jihad en Syrie. Les services syriens auraient ainsi recommencé à redonner des informations sur ceux-ci aux services européens qui craignent leur retour au pays. La source diplomatique précise qu’avec le rapprochement irano-américain et l’accord préliminaire sur le nucléaire qui ouvre une nouvelle ère dans la région, il est clair que les préoccupations des États-Unis, définies récemment par Mme Susan Rice, se résument désormais en quatre points : ils ne veulent pas que l’on s’en prenne à leurs alliés (il s’agit en particulier d’Israël), ils veulent sécuriser les sources et le transport de l’énergie, ils veulent lutter contre le terrorisme et, enfin, ils refusent toute utilisation des armes de destruction massive. La chute du régime syrien et alimenter la guerre en Syrie ne font certainement plus partie de leurs priorités ni même de leur agenda, et ils privilégient désormais la recherche de compromis aux confrontations à la manière de George W. Bush. Cela ne signifie pas que la guerre en Syrie va s’arrêter car il s’agit d’un long processus, mais la tendance générale est désormais claire : l’Occident et surtout les États-Unis n’accepteront pas que les islamistes prennent le pouvoir en Syrie. Entre eux et le régime, ils préfèrent encore le régime, mais l’idéal pour eux est de laisser Assad en finir avec les takfiristes, tout en étant lui-même très affaibli, ce qui leur permettrait d’imposer ensuite une nouvelle forme de pouvoir « plus démocratique et surtout plus malléable ». Toutefois, l’Iran veille au grain et si, comme le pense la source diplomatique arabe, l’accord avec la communauté internationale se consolide au cours des prochains mois, il y a fort à parier qu’il n’est pas près de lâcher son allié syrien. La tendance générale étant à la conclusion de compromis, le dossier syrien ne devrait pas échapper à cette nouvelle règle. Même cela devra prendre du temps et faire couler encore beaucoup de sang en Syrie, et peut-être au Liban aussi, si les Libanais n’y prennent garde.
La Croix (Quotidien catholique français, 4 décembre 2013)
Agnès Rotivel
Dans la nuit du 1er au 2 décembre, douze religieuses orthodoxes ont été enlevées par des djihadistes syriens dans le monastère Mar Takla, situé aux abords du village majoritairement chrétien de Maaloula. Ce dernier est désormais sous le contrôle de djihadistes syriens, appartenant au Front al Nosra.
Maaloula était quasi déserte depuis que des djihadistes du Front al Nosra —devenu depuis novembre dernier la « branche » d’Al-Qaida en Syrie—, avaient tenté le 9 septembre de prendre le contrôle du village situé dans la montagne, à 55 km au nord-est de Damas. Au bout de trois jours de combats, l’armée loyaliste syrienne avait repoussé les attaquants et, depuis, assurait la sécurité de la ville avec quelques hommes. Entre-temps, la majorité de la population chrétienne avait fui pour se réfugier soit à Damas, soit à Beyrouth.
Restaient sur place 40 moniales du monastère orthodoxe de Mar Takla, situé à l’est de la ville. Maaloula est l’une rare localités où l’on parle encore l’araméen, la langue du Christ. La quarantaine d’orphelines dont elles avaient la charge avait été évacuée depuis longtemps.
Dans la nuit de dimanche 1er décembre à lundi 2 décembre, les rebelles, qui avaient lancé un nouvel assaut la semaine dernière mais avaient échoué, ont fait une nouvelle tentative pour s’emparer du village. Du haut de la falaise de grès qui surplombe le cœur historique du village, ils ont fait rouler un grand nombre de pneus remplis d’explosifs sur les soldats déployés en bas de cette cité. Ces derniers ont pris la fuite.
Les djihadistes se sont ensuite rendus au monastère de Mar Takla. Ils ont emmené de force douze religieuses orthodoxes syriennes et libanaises, dont la mère supérieure. Il semble que les rebelles djihadistes les aient conduites dans le nord, vers la localité de Yabroud. « On ne connaît pas encore les motifs de cette action de la part des rebelles : s’il s’agit d’un enlèvement ou d’une prise de contrôle du couvent pour avoir la main libre à Maaloula », a déclaré le nonce (ambassadeur) du Saint-Siège en Syrie, Mgr Mario Zenari, cité par Radio Vatican. Souhaitant rester prudent, le nonce n’a pas parlé de prise d’otages.
Interrogée au téléphone, la mère supérieure d’un couvent situé à Sadnaya, Sivronia Nabhane, a dit avoir pu parler avec la supérieure de Maaloula, Pelagia Sayyaf, lundi à 23 h 30. Elle a affirmé qu’« elle et les onze autres religieuses, accompagnées de trois jeunes domestiques, sont confortablement installées dans une maison de Yabroud et personne ne les ennuie ».
Pourquoi les rebelles les ont-ils emmenées ? Sont-elles destinées à devenir des boucliers humains ou une monnaie d’échange ? Y a-t-il un rapport entre leur enlèvement et la bataille de Kalamoun qui oppose les forces du régime aux rebelles ? En effet, Yabroud est le prochain objectif de l’armée syrienne.
Avec le puissant mouvement libanais Hezbollah et des combattants chiites irakiens, cette dernière mène une offensive pour s’emparer de la région stratégique de Kalamoun, sous le contrôle des insurgés depuis plus d’un an et demi. Située au nord de la capitale, sur la route de Homs, cette région montagneuse permet aux rebelles de s’approvisionner en armes, en denrées et en médicaments depuis le Liban et permet d’encercler Damas.
L’armée s’est déjà emparée des deux tiers de Nabak, la plus importante ville de la région, qui comptait 50 000 habitants avant la guerre, dont une importante communauté chrétienne. Si elle s’empare de Yabroud, elle aura le contrôle quasi total de cette région. En attendant, le quotidien syrien Al-Watan, proche du régime, citant une source militaire, annonce qu’« une force militaire se dirige vers Maaloula pour prêter main-forte aux forces présentes à la périphérie de la localité ».
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