Assassinat de Chatah : Le 14-Mars veut réaliser les objectifs des tueurs
Par Ghaleb Kandil
L’assassinat de l’ancien ministre Mohammad Chatah s’inscrit dans le cadre d’une série de tentatives visant à provoquer la discorde interne et un embrasement général de la situation au Liban, à travers les rounds d’affrontements à Tripoli, les attaques suicides et explosions de voitures piégées itinérantes et les assassinats. Ces activités criminelles et terroristes sont l’œuvre des groupes takfiristes et le fruit d’efforts combinés israélo-saoudiens, destinés à pousser le Liban dans un immense incendie.
La première conséquence de l’assassinat est l’exacerbation des tensions sectaires dans le pays, plus particulièrement à Tripoli, la ville natale du défunt. Toutes les tentatives précédentes de faire monter la tension, par le biais des attentats et des autres crimes, dans la banlieue sud de Beyrouth et à Tripoli, n’avaient pas conduit au point de rupture.
Les premières informations montrant l’implication des terroristes de Fatah al-Islam dans l’assassinat de Chatah n’ont pas mis un terme aux accusations toutes prêtes, lancées avant même le début de l’enquête.
Le plus grave c’est que le 14-Mars a rapidement saisi les objectifs politiques de l’assassinat, qui vise, avant tout, à creuser le fossé politique dans le pays. Cette coalition s’est donc empressée de torpiller toute tentative de former un gouvernement d’union nationale, seul capable de jouer le rôle de soupape de sécurité, et a misé sur l’exploitation politique du sang de Mohammad Chatah pour pousser à la confrontation dans un pays sans gouvernement, au seuil d’une élection présidentielle qui s’annonce difficile. En agissant ainsi, le 14-Mars ne fait qu’exécuter les ordres de son parrain régional, l’Arabie saoudite, qui a saboté, ces huit derniers mois, tous les efforts pour la formation d’un nouveau gouvernement.
Le 14-Mars a haussé la barre de ses conditions en exigeant non seulement un gouvernement sans le Hezbollah, un des principaux acteurs politiques et populaires du pays, mais en réclamant que les portefeuilles de sécurité lui soient confiés, comme l’a affirmé, samedi, son secrétaire général Farès Souhaid.
Les déclarations des anciens Premiers ministres Saad Hariri et Fouad Siniora et du chef des Forces libanaises, Samir Geagea, immédiatement après l’assassinat, expriment une volonté manifeste de provoquer une explosion politique totale dans le pays, soit en accusant le Hezbollah du crime, soit en appelant à la formation d’un gouvernement du 14-Mars.
La décision saoudienne de pousser la situation vers l’explosion est claire dans le ton des communiqués de Saad Hariri et du 14-Mars.
La question qui se pose est celle de savoir quelles seront les prochaines mesures d’escalade que va prendre le 14-Mars, après qu’il eut placé le Liban au bord du gouffre.
L’attitude de ce camp politique ne prend aucunement en compte l’intérêt national, qui devrait être une conjugaison des efforts pour faire face aux cellules takfiriste-terroristes implantées dans le pays. Au lieu de cela, le 14-Mars s’emploie à garantir un climat favorable à ces groupes extrémistes, dont la première cible est l’Armée libanaise.
Les assassins de Mohammad Chatah ont voulu faire de leur crime l’étincelle qui va plonger le Liban dans une grave crise, et les prises de position des chefs du 14-Mars contribuent à exacerber les tensions, sans se soucier des répercussions de leurs agissements sur la stabilité et la sécurité du pays. Pour eux, le Liban doit uniquement servir d’arène, où l’Arabie saoudite tentera de compenser ses déceptions et ses défaites en Syrie. Ils pensent que le pays du cèdre ne peut être qu’un lot de consolation pour le royaume wahhabite, encerclé par les crises, et qui voit son influence se réduire, même dans sa chasse-gardée du Golfe.
Déclarations et prises de positions
Michel Sleiman, président de la République libanaise
« L’assassinat [de Mohammad Chatah] est un acte lâche. Quel que soit le message derrière cet attentat, il n’affaiblira pas la détermination des Libanais à protéger leur pays. Plus que jamais, il faut former un nouveau gouvernement dans les plus brefs délais. »
Najib Mikati, Premier ministre libanais démissionnaire
« Les Libanais doivent s’unir et éviter d’entrer dans des débats sans issue. La priorité aujourd’hui est de restaurer la confiance entre les différentes parties libanaises. Ce crime odieux [l’assassinat de Mohammad Chatah, ndlr] frappe la stabilité relative dans laquelle nous vivons en ces moments critiques pour l’avenir de la région. Ceux qui ont commis cet assassinat ont réussi à aggraver les tensions dans le pays, mais nous comptons sur les responsables pour apaiser les esprits. Le dialogue est désormais un devoir national. Il faut former un nouveau gouvernement le plus vite possible. La situation est critique et le pays a besoin d’une équipe incluant toutes les parties. Il ne doit pas y avoir de conditions et de contre-conditions pour la formation d’un cabinet. »
Saad Hariri, chef du Courant du futur
« Mohammad Chatah est une grande branche qui tombe de l’arbre de Rafic Hariri. Ceux qui ont assassiné Mohammad Chatah et Rafic Hariri sont les mêmes. Ce sont ceux qui fuient le tribunal international, qui veulent assassiner le Liban et humilier l’État et qui entraînent le Liban vers le brasier régional. Je retournerai au Liban. Mohammad Chatah me disait que le moment n’est pas convenable pour mon retour. Les meurtriers, ne pouvant pas faire parvenir leur message, veulent se débarrasser de nous physiquement. Nous n’avons pas peur. Le tribunal international débutera le 16 janvier et ce sera le début de la chute des lâches. À la place d’un gouvernement neutre, nous pourrions exiger un gouvernement du 14-Mars. Nous refusons le retour à un dialogue vain. »
Michel Aoun, chef du Courant patriotique libre
« Dénoncer et condamner à chaque fois qu’un acte criminel entraîne la mort de personnalités politiques ou de citoyens innocents ne suffit plus. Outre la formation d’un gouvernement, qu’il soit neutre ou politique, nous avons besoin de responsables conscients de leurs responsabilités et capables de prendre des décisions sans compliquer la situation pour des raisons inconnues. Nous mettons en garde contre les accusations politiques et arbitraires qui ne font que jeter de l’huile sur le feu. Si le feu s’embrase, personne ne sera épargné. »
Ali Fayyad, député du Hezbollah
« Mohammad Chatah était un homme modéré qui essayait toujours d’atténuer les effets des divergences politiques. C’est un crime qui vise la sécurité et l’unité du Liban. Le Hezbollah est inquiet de la situation et veut assurer la poursuite du dialogue. »
Walid Joumblatt, chef du Parti socialiste progressiste
« C’est un message négatif adressé à tous les modérés auquel il faut répondre par davantage de modération. Ce feuilleton criminel qui s’est déplacé entre la banlieue sud de Beyrouth, Tripoli et l’ambassade d’Iran et a visé aujourd’hui M. Chatah prouve que le terrorisme est aveugle. Il faut y faire face par le calme et la sagesse. »
Samir Geagea, chef des Forces libanaises
« Ils ont tué un homme qui représente la modération, un homme de principe. Nous ne plierons pas face aux menaces d’élimination physique. »
Sleiman Frangié, député et chef du Courant des Marada
« Encore une fois, la paix civile est la première visée. Le sens de la responsabilité est requis afin d’épargner au Liban une discorde dont ses ennemis sont les premiers bénéficiaires. »
Omran al-Zohbi, ministre syrien de l’Information
« Ces accusations arbitraires et sans discernement émanent de haines politiques, Certaines personnalités au Liban n’ont jamais cessé d’accuser la Syrie à chaque fois qu’un assassinat douloureux se produit dans le pays frère qu’est le Liban. Le 14-Mars finance et soutient les terroristes en Syrie. »
Jean Kahwaji, commandant en chef de l’Armée libanaise
« L’Armée libanaise est prête à affronter toute agression israélienne et ne tolère aucune menace. L’armée ripostera à tout acte hostile. L’armée puise sa force de son attachement à sa terre et à sa souveraineté nationale, sur le sol, en mer et dans les airs. Il est du devoir de l’armée de protéger cette souveraineté, d’autant qu’elle jouit du soutien du peuple libanais et de la communauté internationale. Des échéances importantes attendent le pays et que l’armée aura un rôle important à jouer pour préserver la stabilité du Liban en cette période difficile. »
Événements
• Les forces du 14-Mars ont condamné l’assassinat de l’ancien ministre Mohammad Chatah, tué dans un attentat à la voiture piégée dans le centre de Beyrouth. « La liste des martyrs risque encore de s’allonger parce que l’assassin n’a pas fini de faucher la vie des héros libanais et des héros du 14-Mars », indique un communiqué du 14-Mars lu par l’ancien Premier ministre Fouad Siniora. « L’assassin est le même, de Tripoli à Deraa », indique le texte en référence au régime syrien de Bachar el-Assad, soulignant que l’attentat intervient à quelques jours du début du procès, le 16 janvier 2014, des responsables présumés de l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri.
• Le Hezbollah a dénoncé dans un communiqué « l’attentat terroriste qui a secoué Beyrouth et coûté la vie à l’ancien ministre Mohammad Chatah et à plusieurs citoyens ». « Ce crime odieux intervient dans le cadre d’une série d’attentats visant à semer le chaos au Liban et à saper l’union nationale, un crime dont seuls les ennemis du Liban bénéficient », ajoute le parti. Le Hezbollah a appelé les Libanais à « la sagesse face aux dangers qui guettent leur pays » et les services de sécurité à déployer tous les efforts pour démasquer les coupables.
• Après l’Arabie saoudite, le Koweït a appelé vendredi ses ressortissants à éviter de se rendre au Liban et ceux qui s’y trouvent à quitter au plus vite, en raison de la situation sécuritaire critique. Cette mise en garde intervient suite à l’assassinat de l’ancien ministre Mohammad Chatah dans un attentat à la voiture piégée au centre-ville de Beyrouth.
• Le président syrien Bachar el-Assad a fait parvenir samedi un message au pape François par l’intermédiaire d’une délégation du gouvernement syrien reçue à Rome par le numéro 2 du Saint-Siège, Mgr Pietro Parolin, a-t-on appris auprès du Vatican. « La délégation a apporté un message du président Assad pour le Saint-Père qui reflète la position du gouvernement syrien », indique un communiqué du Vatican. Dans son message de Noël urbi et orbi, le pape François avait demandé mercredi à toutes les parties belligérantes de permettre à l’aide humanitaire d’arriver aux millions de victimes de la guerre en Syrie. Début décembre, le souverain pontife avait lancé un appel pour les douze sœurs orthodoxes enlevées par des hommes armés dans la localité de Maaloula, et pour « toutes les personnes enlevées en raison du conflit » dans ce pays. Début septembre, il avait organisé une journée de prière pour la paix en Syrie à l’occasion de laquelle il s’était prononcé contre une intervention militaire envisagée par les États-Unis et la France.
• L’armée syrienne a tendu vendredi une embuscade aux combattants rebelles près de Damas, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). L’attaque a eu lieu à l’aube « dans la zone située entre Marah et Qustul, près de la ville de Maaloula », précise l’OSDH. Suite à cette embuscade meurtrière, selon des informations rapportées par la télévision publique syrienne, près de 150 tués et blessés rebelles auraient été évacués sur Ersal, au Liban. Des images diffusées par la télévision montrent des dizaines de corps gisant dans une zone montagneuse, avec des armes à leurs côtés. « Nous étions environ 400, dont des Saoudiens, des Tchétchènes et d’autres étrangers », a expliqué un combattant jihadiste grièvement blessé à un journaliste de la télévision.
• Citant des sources informées, Al-Akhbar rapporte que le président Michel Sleiman s’est rendu à Paris pour obtenir des réponses claires concernant la possibilité pour lui de s’installer en France au terme de son mandat, suite à son éventuelle élection à la tête de l’Organisation internationale de la francophonie. Il faut rappeler, dans ce cadre, les tentatives antérieures de M. Sleiman de se procurer d’une manière illégale un passeport français [1]. Des proches du chef de l’État assurent qu’il est rentré optimiste de Paris.
• Les deux ressortissants omanais enlevés par des hommes armés non identifiés jeudi dans la région de Baalbek, dans l’Est du Liban, ont été libérés dimanche, a annoncé le ministère des Affaires étrangères à Mascate. « Ils sont sains et saufs et se trouvent au siège de l’ambassade omanaise à Beyrouth, en prévision de leur rapatriement à Oman », a expliqué le ministère dans un communiqué. Le ministère ne fournit aucune explication sur les raisons de l’enlèvement des deux Omanais et les circonstances de leur libération, mais remercie les autorités libanaises pour l’avoir favorisée.
Revue de presse
As-Safir (Quotidien libanais proche du 8-Mars)
Mohammad Ballout, Paris (27 décembre 2013)
Trois dossiers seront au menu des discussions entre le président François Hollande et le roi Abdallah Bin Abdel Aziz dimanche à Riyad : le Liban, la Syrie et l’Iran. Mais la priorité de Hollande est de signer avec le royaume des contrats d’armements et de mettre à profit le coup de froid entre les États-Unis et l’Arabie saoudite pour entrer de plain-pied sur le marché des plus grands consommateurs d’armements dans le club pétrolier.
Il aurait fallu écouter l’un des conseillers de l’Élysée parler du rapprochement franco-saoudien pour comprendre sous quel angle les trois dossiers en question seront abordés et comment les deux pays œuvreront ensemble pour traiter le dossier relatif aux échéances libanaises.
Une source française a affirmé que les discussions entre Hollande et Abdallah seront axées sur la protection de la stabilité du Liban, sur la préservation de ses institutions constitutionnelles, et sur la dynamisation de l’action du Groupe d’appui au Liban.
Sur le plan libanais, il y a une convergence de vue franco-saoudienne concernant la prorogation du mandat du président Michel Sleiman.
Preuve du rapprochement entre les deux pays, un responsable de l’Élysée a affirmé : « Nous ne voyons pas comment l’Arabie saoudite pourrait mettre la pression sur le 14-Mars pour l’amener à faciliter la formation du gouvernement. Il faudra plutôt mettre la pression avant tout sur le Hezbollah ».
Les Français, qui se sont départis de leur position centriste, se sont engagés dans la bataille contre le Hezbollah et la Syrie. Les Français ont probablement trouvé dans l’offensive menée par l’Arabie saoudite en Irak, en Syrie et au Liban, la force nécessaire pour renouveler leur présence dans la région après avoir perdu du terrain. En s’appuyant sur cette force, les Français pensent pouvoir intervenir dans des dossiers qui ne sont plus à leur portée, en raison de leur crise économique, et du recul de la capacité de la France à intervenir dans les dossiers régionaux et à les contrôler.
Concernant le dossier syrien, le président Français Hollande commencera par souligner à ses interlocuteurs saoudiens, selon la même source de l’Élysée, que « la France et l’Arabie saoudite conviennent que la solution politique en Syrie n’est pas possible aussi longtemps que Bachar El Assad est au pouvoir ».
S’agissant de l’Iran, la même source aurait affirmé qu’il sera question lors de l’entretien Hollande-Abdallah de la préoccupation à l’égard de l’entente nucléaire entre l’Iran et les États-Unis. La source a souligné que les Saoudiens auraient demandé aux Français de « les tenir au courant des négociations relatives à l’accord final avec l’Iran. Ils sont inquiets des mesures que l’Iran envisagerait de prendre ». Il semble que les Saoudiens tablent plus sur les Français que sur les États-uniens, pour pouvoir suivre ce qui se passe lors des réunions entre le G5+1 et Téhéran.
Enfin, la visite le 24 de Hollande en Arabie saoudite devait permettre de tester la capacité du président français à négocier sur le soutien diplomatique apporté par Paris à l’Arabie saoudite que ce soit en Syrie, au Liban ou dans le dossier nucléaire iranien. Un conseiller de l’Élysée, reprenant des visiteurs venus de Riyad, a affirmé que le roi Abdallah a d’ores et déjà donné des instructions appelant à donner à la France la priorité dans les deals à conclure.
As-Safir (27 décembre 2013)
Elie Ferzli
Un observateur écarte la possibilité de former un gouvernement de fait accompli, ainsi que la prorogation du mandat de Michel Sleiman, et l’éventualité du vide à la présidence de la République, considérant que tous ces scénarios sont susceptibles de déstabiliser le pays. L’analyse de l’observateur s’appuie sur la thèse qui dit que toute mesure à prendre concernant le dossier de l’élection présidentielle est tributaire de la réponse à la question de savoir si elle est à même d’affecter ou non la stabilité dans le pays, laquelle bénéficie toujours d’une couverture régionale et internationale. Cette analyse décrédibilise un autre point de vue qui fait état d’un plan préconçu visant à généraliser le vide dans les institutions étatiques afin de provoquer une conflagration inévitable, l’objectif d’un tel scénario étant de paver la voie à un compromis global et de mettre en place une nouvelle formule politique. En revanche, un dirigeant du Courant patriotique libre (CPL) considère que les intérêts des grandes puissances ne prennent pas en considération les « petites priorités ». Ces pays, ajoute la source, ne sont pas intéressés, par exemple, par la stabilité en Syrie, en Irak et en Égypte. Donc il n’est pas possible de dire avec certitude qu’ils ont des craintes pour la stabilité au Liban, même si cette crainte est motivée par le souci d’assurer la protection d’Israël, car parfois, explique la source, c’est l’instabilité qui permet de préserver les intérêts de l’État hébreu.
As-Safir (25 décembre 2013)
Daoud Rammal
L’Occident change ses priorités ainsi que les faits sur le terrain en fonction des besoins de l’heure. C’est l’Occident lui-même qui a inscrit l’aile militaire du Hezbollah sur la liste UE des organisations européennes, toutefois son corps diplomatique ne cesse de couvrir le même parti de louanges. Dans ce cadre, un diplomate proche des États-Unis et des Nations unies, cité par un responsable libanais, a affirmé que le danger du terrorisme est de taille alors que le danger que représente le Hezbollah est moins que limité. Le même responsable libanais a considéré que le dialogue est un devoir, soulignant que le pays vit actuellement une sorte de guerre froide.
As-Safir (23 décembre 2013)
Kassem Kassir
Des hauts responsables du Hezbollah ont indiqué que lors de son dernier discours, le secrétaire général du Parti, Sayyed Hassan Nasrallah, a tenu à mettre les points sur les « i », à expliquer toutes les options et à mettre en garde contre les tentatives de certaines parties d’entrainer le Liban et la région vers un guerre ouverte. Ces responsables ont assuré que le Hezbollah ne veut pas se laisser entrainer dans une guerre interne mais il reste prêt, en même temps, à faire face à toute agression qui le viserait. Les mêmes sources ajoutent que le Hezbollah tend la main à tout le monde pour rechercher des compromis et pour édifier un État juste et capable. Tel est son projet aujourd’hui et demain, indépendamment des changements au Liban et dans la région.
Dans leur lecture des développements dans la région et dans le monde, notamment après l’accord sur le nucléaire entre l’Iran et les grandes puissances, les hauts responsables du Hezbollah déclarent : « Cet accord est intérimaire et se limite au dossier nucléaire. Il ne concerne pas, jusqu’à présent, d’autres questions et tout ce qui est dit ou écrit à ce sujet est infondé. Il n’en reste pas moins que cet accord peut ouvrir la voie à d’autres ententes. »
Ces responsables affirment que l’accord sur le nucléaire iranien illustre parfaitement les changements dans les rapports de force et dans les politiques états-uniennes, européennes et internationales à l’égard de l’Iran. Cet accord est la conséquence des changements qui se sont produits depuis la guerre de 2006, en passant par les développements au Liban et les résultats du conflit syrien, où l’option de l’intervention militaire est tombée au profit de la solution diplomatique et des compromis.
« Cela ne signifie pas que l’Iran et ses alliés vont abandonner leurs positions et leurs objectifs, notamment dans le conflit avec l’ennemi sioniste et la cause palestinienne, poursuivent les mêmes sources. Il est prématuré de parler de la fin de ce conflit et même si l’Iran a ses propres calculs et stratégies dictés par ses intérêts, le Hezbollah aussi à ses propres calculs et stratégies, plus particulièrement au sujet de ce qui se passe au Liban et dans la région. Le parti n’abandonnera pas ses principales positions et livre une guerre ouverte avec l’ennemi sioniste ».
Et les hauts responsables du parti de poursuivre : « Le Hezbollah est la cible d’une guerre ouverte menée par l’Arabie saoudite et ses alliés et il n’est pas disposé à reculer au sujet de sa vision du conflit syrien, qui a dicté sa participation à la guerre dans ce pays. Le Hezbollah n’a pas d’autres choix et il a réussi à mettre en échec le projet adverse, notamment après la bataille de Qoussair, qui a changé les règles de jeu. La recrudescence des attaques contre le parti et contre l’Armée libanaise dans les différentes régions du pays ne le poussera pas à abandonner son rôle et son projet ».
Concernant le dossier libanais, les mêmes sources déclarent : « Le Hezbollah est déterminé à tendre la main pour le dialogue et le compromis à tout le monde. Mais il n’acceptera en aucun cas que les choses soient réglées à ses dépens. Tous doivent réaliser que l’absence d’un accord sur le gouvernement ou l’élection présidentielle va plonger le pays dans le vide, ce qui n’est dans l’intérêt de personne. Le chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, analyse la situation avec clarté. Il n’acceptera pas de se laisser entrainer derrière les désirs de certaines puissances régionales et internes dans leur guerre contre le Hezbollah. Il a refusé la formation d’un gouvernement de fait accompli et a maintenu le contact avec tout le monde. Il a des calculs délicats concernant les développements au Liban et en Syrie, avec la montée de la menace des groupes islamistes extrémistes et takfiristes, qui représentent un danger pour tous ».
An-Nahar (Quotidien libanais proche du 14-Mars)
(26 décembre 2013)
Une source diplomatique à Paris rapporte que la France suit avec grand intérêt le dossier libanais, a à cœur le maintien de la stabilité dans le pays et soutient la Déclaration de Baabda qui appelle à tenir le Liban à l’écart des crises régionales, plus particulièrement du conflit syrien. Des sources liées à l’Élysée font état de craintes grandissantes à l’égard du vide qui sévit d’ores et déjà dans les institutions libanaises, au vu de la présence d’un gouvernement sortant ne disposant pas de toutes ses prérogatives et de l’incapacité à mettre en place un nouveau Cabinet, ainsi que de la perspective du vide qui pourrait s’emparer de la présidence de la République, dans l’hypothèse où un nouveau président de la République ne serait pas élu dans les délais prévus. Une telle éventualité mettra le Liban en danger, surtout si la crise syrienne se poursuit et si la conférence Genève 2 ne parvient pas à réaliser les objectifs escomptés, ce qui reviendrait à prolonger le conflit en Syrie qui a des répercussions négatives sur le Liban.
Al-Akhbar (Quotidien libanais proche du 8-Mars)
(24 décembre 2013)
Lors de leur rencontre lundi, le président de la République, Mohammad Raad, et le chef du bloc parlementaire du Hezbollah, Mohammad Raad, ont exposé de manière « franche et directe » leurs positions au sujet des échéances gouvernementale et présidentielle. Des sources proches du Hezbollah ont indiqué que « Sleiman a réitéré devant son interlocuteur sa position appelant à la formation d’un cabinet neutre et son refus de quitter le pouvoir en laissant le pays dans un vide total sur les plans gouvernemental et présidentiel ». Selon les mêmes sources, le chef de l’État a estimé que le gouvernement d’expédition des affaires courantes est incapable de diriger le pays car il ne s’agit pas d’un gouvernement rassembleur. » M. Sleiman a réaffirmé à M. Raad qu’il a été « contraint de jouer un rôle afin de maintenir un équilibre avec le gouvernement Mikati d’où les représentants du 14-Mars sont absents ».
À sont tour, M. Raad a expliqué en détail les positions exprimées par le secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah, lors de l’interview qu’il a accordée à la OTV et dans son discours à la cérémonie à la mémoire de Hassan al-Lakkis. Dans ce contexte, il a réaffirmé « que toute tentative de former un cabinet déséquilibré risque de plonger le pays dans une grave discorde », assurant que « toutes les forces du 8-Mars et le Courant patriotique libre feront face à une telle aventure ».
M. Raad a souligné à M. Sleiman que le 14-Mars n’était pas réellement absent du gouvernement de Najib Mikati, preuve en est que les décisions, de nombreuses mesures et les orientations politiques de cette équipe n’étaient pas dirigées contre les intérêts de ce camp. Selon lui, les intérêts du 14-Mars ainsi que son influence sont préservés à l’intérieur des institutions politiques, sécuritaires et économiques.
Le président Sleiman a assuré à son interlocuteur qu’il ne souhaitait pas proroger son mandat, ont ajouté ces sources avant de conclure : « M. Raad a affirmé que le Liban a besoin d’élections présidentielles à la date prévue, et M. Sleiman a assuré qu’il n’avait d’autre choix que de former un gouvernement avant la fin de son mandat et qu’à la lumière des divisions internes et régionales, il appellera à un gouvernement composé de personnalités neutres pour diriger le pays ».
Al-Akhbar (24 décembre 2013)
L’Agence de presse US United Press International (UPI) a publié des chiffres attribués au courant salafiste jordanien sur le nombre de morts non-Syriens tombés en Syrie dans les rangs de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL) et le Front al-Nosra, tous deux proches d’Al-Qaïda, depuis 2011.
Les chiffres montrent que le nombre de non-Syriens tués lors de combats contre l’armée syrienne s’élève à 9 936 personnes, dont 828 Libanais. Le bilan le plus élevé à a été enregistré par la Tunisie, qui a perdu 1 902 de ses ressortissants en Syrie, suivie de la Libye (1 807), l’Irak (1 432), l’Egypte (821), la Palestine (Cisjordanie, Gaza, Liban et Syrie-800), l’Arabie saoudite (714), le Yémen (571), le Maroc (412), l’Algérie (274), la Jordanie (202), le Koweit (71), la Somalie (42), Bahreïn (21), le Sultanat d’Oman (19), les Émirats arabes unis (9), le Qatar (8), le Soudan (3) et la Mauritanie (1).
Le bilan avance aussi le chiffre de 30 morts de militants venus du Caucase et d’Albanie.
Al-Akhbar (23 décembre 2013)
Le journaliste égyptien Mohammad Hassanein Haykal a déclaré que « le Hezbollah se devait d’intervenir à Qoussair, en Syrie, car il était en position de légitime défense ».
Dans une interview accordée à la chaine de télévision égyptienne CBC, M. Haykal a indiqué que lors de sa dernière visite au Liban, il a rencontré le secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah, à deux reprises. Ce dernier lui a transmis une invitation à visiter l’Iran de la part du leader de la révolution, sayyed Ali Khamenei, pour tenter de comprendre la position de Téhéran et celle des chiites plus généralement.
« Le Hezbollah reste un joueur essentiel dans la région et son poids doit être pris en considération », a ajouté le célèbre journaliste égyptien avant de poursuivre : « Personne ne peut taxer le Hezbollah de parti terroriste, même les Nations unies n’ont pas réussi à le faire. C’est un parti libanais présent au Liban et qui fait face à Israël. Il est naturellement en contact avec l’Iran ».
Concernant la Syrie, M. Haykal a déclaré : « Avec tout le respect que je dois aux pays arabes, je crois que la Syrie a été victime d’une grande injustice. La crise dans ce pays a éclaté à cause de deux facteurs : la volonté de changement, légitime, de l’opposition ; et le plan élaboré par l’Otan. Il y a des équipements installés sur le terrain syrien qui transmettent instantanément tout ce qui s’y produit à Washington et Tel-Aviv. Les accusations d’utilisation des armes chimiques adressées au régime syrien sont fausses et ont été montées par les États-uniens. »
M. Haykal a assuré que le président syrien « Bachar al-Assad va se porter candidat aux prochaines élections présidentielles et il sera élu sans fraude, car le régime est devenu plus solide sur le terrain et les positions occidentales à l’égard de l’opposition ont changé. »
Ad-Diyar (Quotidien libanais proche du 8-Mars)
(27 décembre 2013)
Des sources dirigeantes du 8-Mars ont indiqué que les forces qui composent cette coalition sont convaincues qu’elles parviendront à élire leur candidat pour succéder au président Michel Sleiman. Ces sources estiment que la volonté des chrétiens à vouloir garantir le quorum, le jour de l’élection, est un facteur positif permettant l’organisation du scrutin, d’autant que le 8-Mars est confiant dans sa capacité à rassembler une majorité suffisante pour faire élire son candidat à la première magistrature de l’État.
Les sources comptent les voix du chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, avec le 8-Mars, car il s’alignera sur la position du Hezbollah, comme c’est le cas dans le dossier gouvernemental, où il a appuyé la formule 9-9-6. C’est d’autant plus vrai que les équilibres reflétés par l’accord nucléaire entre l’Iran et l’Occident donnent un plus grand rôle à Téhéran dans la région, aux dépens du camp adverse. Ce qui signifie que M. Joumblatt se rangera du côté du 8-Mars et ne parviendra pas à imposer un candidat de compromis.
Ad-Diyar (26 décembre 2013)
Kamal Zebian
Commentant les déclarations de l’ambassadeur de France Patrice Paoli dans lesquelles il « a annoncé sans détours que son pays approuve la prorogation du mandat du président Michel Sleiman », des sources diplomatiques européennes estiment que la position française ne vient pas du néant, mais exprime la tendance régionale et internationale en faveur de la prorogation du mandat du chef de l’État, vu la difficulté de s’entendre sur l’élection d’un nouveau président de la République ou de tenir l’élection présidentielle. Selon les mêmes sources, une décision a été prise à l’échelle internationale il y a plusieurs années, dans la foulée de l’éclatement des révolutions dans certains pays du monde arabe, consistant à tenir le Liban à l’abri de leurs répercussions. Partant de là, la politique de distanciation à l’égard de la crise syrienne adoptée par le gouvernement de Najib Mikati a été approuvée. Cette décision internationale en faveur du maintien de la sécurité et de la stabilité au Liban est toujours de mise et le président Michel Sleiman a pu réaliser cet objectif, ajoutent ces sources.
L’Orient-Le Jour (Quotidien libanais francophone proche du 14-Mars)
Scarlett Haddad (28 décembre 2013)
Le scénario a un triste air de déjà-vu. L’assassinat de l’ancien ministre Mohammad Chatah, symbole de la modération et de la volonté de dialogue au sein du Courant du futur, évoque étrangement celui de l’ancien chef du service de sécurité des FSI, le général Wissam el-Hassan, en octobre 2012. Les deux attentats ont effectivement eu lieu dans un lieu inattendu. Pour Wissam el-Hassan, il s’agissait d’Achrafieh et pour Mohammad Chatah, de la rue passant devant le périmètre Starco, qui est hautement surveillée, à la fois par les agents de la sécurité et par les caméras installées un peu partout au centre-ville. Dans les deux cas, les attentats ont fait leur lot de victimes, ces malheureux passants qui se sont trouvés sur les lieux, au passage des voitures visées, et dans les deux cas, il s’agit de l’œuvre de professionnels, des attaques différentes, des attentats à la voiture piégée dans des lieux populaires. D’ailleurs, plus d’un an après l’assassinat du général Wissam el-Hassan, l’enquête n’a pas encore abouti et aucun suspect n’a été déféré devant la justice.
Comme c’est devenu une habitude dans ce genre de tragédie, les accusations « politiques » se sont toutefois multipliées, à peine la nouvelle de l’attentat connue, pointant globalement du doigt le régime syrien et le Hezbollah. Les principaux responsables du 14-Mars ont estimé ainsi, à travers de nombreuses déclarations, qu’il s’agissait ainsi d’un message d’intimidation à l’égard du TSL qui commence officiellement ses travaux en janvier ou encore d’une volonté de frapper le 14-Mars pour le pousser à accepter de former un gouvernement selon les vœux du 8-Mars.
À chacun de ces arguments, il y a bien sûr un contre-argument, le premier soulignant le fait que le TSL ne suspendra pas ses travaux à cause de cet attentat, comme il ne l’a pas fait d’ailleurs après les précédents attentats. De plus, déjà pointé du doigt dans l’acte d’accusation du TSL, le Hezbollah n’a aucun intérêt à se faire remarquer par un acte de ce genre à la veille de l’ouverture, à La Haye, du procès des assassins de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri. Quant à la tentative de faire plier le 14-Mars, elle n’explique pas pourquoi c’est Mohammad Chatah qui aurait été pris pour cible, lui qui avait su garder un langage d’ouverture et de raison, même en période de tempête.
Le 8-Mars avance donc la version suivante : en assassinant Mohammad Chatah, c’est la voix de la modération qu’on a voulu tuer pour pousser le courant du Futur à plus de radicalisation et augmenter ainsi la tension confessionnelle qui mène à la discorde voulue par Israël et par d’autres parties régionales. Il existe aussi une autre dimension à cet attentat selon laquelle le professionnalisme des auteurs montre qu’un service de renseignement puissant pourrait en être responsable ou, en tout cas, pourrait avoir assuré la couverture nécessaire pour sa réalisation.
Comme on le voit, en dépit de la condamnation unanime de l’assassinat de l’ancien ministre Mohammad Chatah, ce drame a radicalisé encore plus les positions et augmenté la division politique au Liban. Il montre en tout cas que le pays du Cèdre est devenu plus que jamais une scène de confrontation à découvert, dépourvue du filet protecteur que constituent l’unité nationale et une vision commune de l’avenir chez les Libanais. Chaque nouvelle épreuve fragilise encore plus le pays et approfondit le fossé entre les deux grandes formations rivales, le courant du Futur et le Hezbollah, alors que le terrain en Syrie s’emballe à la veille de la tenue de la conférence de Genève 2. La plupart des analystes libanais sont d’ailleurs convaincus que désormais, ce qui se passe au Liban ne peut plus être dissocié de ce qui se passe en Syrie. Or ce pays connaît actuellement une recrudescence de la violence, chaque camp souhaitant consolider par des acquis militaires sa position aux négociations prévues à Genève à partir du 22 janvier.
Le régime poursuit son avancée sur certains fronts, alors que le Front islamique récemment créé sous la houlette de l’Arabie saoudite, par la fusion de plusieurs groupes, se prépare à lancer de nouvelles offensives, encouragé par le succès enregistré au cours de la dernière attaque dans la région de Ghouta qui lui avait permis de reprendre certaines localités au régime syrien. Ce dernier a certes rapidement réagi et repris la plus grande partie des localités perdues, mais cette offensive a permis aux attaquants de penser qu’ils pourraient enregistrer des victoires militaires sur le terrain s’ils parvenaient à frapper là où le régime ne les attend pas. Si le Front islamique parvient donc à effectuer des percées sur le terrain surtout autour de la capitale, il pourra s’imposer comme le principal interlocuteur au nom de l’opposition syrienne aux négociations et permettre ainsi à ses parrains saoudiens d’avoir leur mot à dire dans les scénarios éventuels d’un règlement.
Dans ce contexte, la scène libanaise est à la fois une carte jouée par les puissances régionales qui ont un intérêt direct en Syrie et une scène de rechange ou d’appui à l’arène syrienne. Lorsqu’une partie marque des points en Syrie, celle qui perd cherche à activer la scène libanaise. Le Liban sert donc plus que jamais de pendant à la Syrie et l’assassinat de l’ancien ministre Mohammad Chatah n’est hélas qu’une étape de plus dans ce feuilleton sanglant qui se déroule à des degrés différents dans les deux pays voisins.
L’Orient-Le Jour (25 décembre 2013)
Scarlett Haddad
Comme d’habitude, le 14-Mars n’a retenu du dernier discours du secrétaire général du Hezbollah que les éléments négatifs et que les menaces. Pourtant, s’il est vrai que ce discours prononcé à l’occasion d’une cérémonie en hommage à Hassane Lakkis comportait certains points musclés, il faisait aussi des propositions positives qui pourraient servir de point de départ à une nouvelle entente interne.
Concernant les menaces, sayyed Hassan Nasrallah s’est arrêté devant les propos du 14-Mars à Tripoli, dans lesquels ce camp avait qualifié, sans le nommer, le Hezbollah de groupe takfiriste importé d’Iran. Une telle accusation ne pouvait donc pas être ignorée, ne serait-ce que vis-à-vis de la communauté qui soutient les thèses du Hezbollah. Nasrallah a donc été très ferme dans sa réponse, précisant qu’il y a deux possibilités : soit le 14-Mars pense ce qu’il dit et dans ce cas il s’agit d’une déclaration de guerre, soit le 14-Mars augmente la dose verbale croyant ainsi pouvoir faire pression sur le Hezbollah et le contraindre à se retirer de Syrie. Dans ce cas, Nasrallah a affirmé que le 14-Mars se trompe comme d’habitude et, de toute façon, il doit aussi respecter l’intelligence des autres. Certains ont vu dans cette réponse la menace d’un nouveau 7 mai 2008 et depuis des rumeurs circulent dans les milieux politiques sur des préparatifs du Hezbollah pour réaliser un coup de force militaire qui lui permettrait de prendre le contrôle de la capitale. Les sources du Hezbollah préfèrent ne pas accorder d’importance à ces rumeurs, précisant que sayyed Nasrallah a voulu être clair : les accusations portées contre le Hezbollah dans le cadre de la « Déclaration de Tripoli » sont inacceptables et sont en train de pousser le pays vers le chaos, conseillant de ne pas aller si loin et de ne pas le provoquer au-delà du tolérable. Il a donc rejeté la balle dans le camp du 14-Mars, tout en laissant entendre qu’il ne se laissera pas faire.
Mais c’est sur le plan politique interne que le secrétaire général du Hezbollah a été le plus concret. En précisant que son parti est pour la tenue de l’élection présidentielle à la date prévue, Nasrallah a mis un terme à un débat interne au sein du 8-Mars et de ses alliés, certains plaidant en faveur d’une éventuelle prorogation du mandat du président Michel Sleiman, d’autant que ce scénario aurait l’aval de l’Occident et permettrait d’éviter un vide dangereux. D’autres pensent au contraire qu’une prorogation du mandat du président Sleiman signifierait ajouter une nouvelle crise à celles qui existent déjà et constituerait une nouvelle concession de la part du 8-Mars sans la moindre contrepartie. Pour ce courant, depuis 2005, le 8-Mars n’a cessé de multiplier les concessions, alors qu’il est la partie la plus forte. En 2005, il s’est empressé de conclure l’accord quadripartite avec le courant du Futur et Walid Joumblatt, donnant à ces derniers une victoire électorale et une majorité au Parlement qui leur a permis de gouverner sans lui. En 2006, il est sorti victorieux de la guerre contre Israël et, malgré cela, il a maintenu le gouvernement de Fouad Siniora, qui n’a cessé de le poignarder dans le dos. Jusqu’au 7 mai 2008. Le Hezb a alors effectué un coup de force magistral avant de remettre le pouvoir à l’armée, puis il a accepté le compromis à Doha qui a abouti à l’élection du président Sleiman. De même, en janvier 2011, lorsque le 8-Mars et ses alliés ont fait chuter le gouvernement de Saad Hariri, ils ont nommé à sa place Nagib Mikati qui n’a cessé de se démarquer d’eux. Les exemples sont donc multiples. Ce courant estime donc que la série des concessions devrait cesser, d’autant qu’elle n’est pas en train de pousser le camp du 14-Mars à en faire de son côté, puisqu’il ne cesse de durcir le ton et de poser des conditions inacceptables.
Sayyed Nasrallah a donc affirmé dans son dernier discours que le Hezbollah aura son candidat pour la présidentielle et qu’il souhaite que cette échéance constitutionnelle soit respectée. C’est aussi ce qu’a répété le chef du bloc parlementaire de la Résistance au chef de l’État au cours de la visite qu’il a effectuée à Baabda lundi. Mohammad Raad a ainsi expliqué au président Sleiman que le Hezbollah ne lui porte aucune animosité, mais considère que cette échéance est l’occasion d’ouvrir une nouvelle page au Liban. Mohammad Raad a aussi répété ce qu’a dit sayyed Nasrallah (qui avait conseillé de ne pas former un gouvernement du fait accompli) en mettant l’accent sur le danger que représenterait une telle option pour le pays. Le président et son interlocuteur sont restés chacun sur ses positions, tout en décidant de garder le dialogue ouvert entre eux pour tenter d’aboutir à une entente interne, sur la base des points positifs exprimés par Nasrallah dans son dernier discours.
Le secrétaire général du Hezbollah avait ainsi rendu un hommage appuyé à l’armée en invitant toutes les parties internes à la soutenir puisqu’elle est l’institution qui rassemble, qui unit et qui protège. Il a aussi appelé à la formation d’un gouvernement d’union nationale, loin d’éventuelles ingérences saoudiennes, syriennes et iraniennes (il a nommé les trois pays). Enfin, il s’est prononcé en faveur de la paix civile et du dialogue, réclamant le rejet de toute politique d’exclusion d’un camp, car nul ne peut éliminer les autres au Liban.
Il y avait donc des propositions précises et beaucoup d’ouverture dans le dernier discours de Nasrallah, à côté des menaces. C’est un peu comme l’histoire de la bouteille à moitié vide ou à moitié pleine. Si les intentions sont bonnes, c’est la moitié pleine qui sera prise comme point de départ pour un dialogue sérieux qui aboutira à la formation d’un gouvernement « d’intérêt national ». Sinon, le Liban ira vers plus de division. Mais le véritable problème, selon les sources du Hezbollah, c’est que des dirigeants à Riyad ne veulent absolument pas d’un gouvernement avec des représentants du Hezbollah. Dans ce cas, à moitié vide ou pleine, la bouteille reste imbuvable.
Jerusalem Post (Quotidien israélien, 27 décembre 2013)
David Bukay
Dès le premier jour, la soi-disant « printemps arabe » était en fait un sombre hiver islamique anarchique (…) Dès le début, la violence en Syrie n’était pas une guerre interne entre un régime oppressif et une opposition démocratique soutenue par le peuple, mais contre des groupes affiliés à Al-Qaïda venant du monde entier et qui se concentrent désormais en Syrie. Cette situation est symbolisée par l’appel d’Ayman al-Zawahiri, le chef d’Al-Qaïda, selon lequel la Syrie est désormais le front islamique le plus important, et la victoire, là-bas, signifiera l’avènement de l’hégémonie régionale voire mondiale d’Al-Qaïda. En effet, ce que nous voyons en Syrie sont des groupes anarchiques locaux et étrangers venant d’Irak, du Liban, AQAP (Al-Qaïda dans la péninsule arabique), AQMI (Al-Qaïda au Maghreb Islamique), d’Afghanistan, du Pakistan, de Tchétchénie, du Turkménistan, et même de Chine. La Syrie est démolie physiquement, et ses villes sont en ruine, avec des millions de réfugiés fuyant vers les pays voisins. Les derniers chiffres du Centre international pour l’étude de la radicalisation, à Londres, estiment qu’entre 3 300 et 11 000 étrangers provenant de 70 pays se battent contre Assad en Syrie.
Que cela nous plaise ou non, la situation en Syrie est claire : un régime légitime se bat pour son existence contre le pire ennemi du monde libre. Le drapeau d’Al-Qaïda est déjà brandi dans certaines parties du nord de la Syrie. Le 22 mai 2012, Al-Qaïda et une coalition de groupes ont proclamé la mise en place de l’« Émirat islamique du Levant » dans cette région. En plus des opérations meurtrières terroristes, ces groupes sont déjà en train de perpétrer un génocide et un nettoyage ethnique contre les minorités, surtout les chrétiens. L’objectif d’Al-Qaïda a déjà été annoncé par Zawahiri : « Renverser Bachar le takfiri (le mécréant) et son régime et édifier un État islamique fondé sur la charia. »
De nombreuses questions doivent être posées au sujet de la situation en Syrie. Lorsque le monde démocratique qualifie Assad de dictateur sanguinaire et cruel, et l’accuse de massacrer son propre peuple, a-t-il les informations fiables et exactes de la situation interne en Syrie et qui sont les forces qui y opèrent ? Est-ce que la réalité correspond aux mythes diffusés sur qui sont les bouchers ? Une autre série de questions se rapporte aux forces étrangères. Le régime Assad constitue-t-il une menace pour la sécurité internationale aussi grande que les éléments d’Al-Qaïda qui luttent en Syrie ? Croyons-nous vraiment que le renversement du régime syrien aboutira à l’affaiblissement de l’Iran et du Hezbollah, et permettra d’inverser les rapports de force au Moyen-Orient en faveur des intérêts occidentaux ? Les forces qui combattent Assad, appelées « opposition », sont-elles plus pro-occidentales et plus démocratiques que le régime ? Devrions-nous ne pas être profondément préoccupés par le fait que le renversement d’Assad pourrait renforcer les groupes affiliés à Al-Qaïda, mettant ainsi en danger la région, voire la sécurité mondiale ? Une troisième série de questions sur ce qui va se passer en Syrie après le renversement d’Assad : La Syrie deviendra-t-elle plus stable et plus tranquille sous le règne de l’opposition ? Qu’adviendra-t-il de l’équilibre régional et de la stabilité politique de la Jordanie et du Liban, sans parler d’Israël ? Quel sera le sort des minorités religieuses et ethniques en Syrie, comme les chrétiens et les druzes ? Surtout, que va-t-il advenir de la minorité alaouite ? N’est-il pas très probable qu’elle sera victime d’un génocide ?
Il faut le dire clairement : la disparition de Bachar signifiera la persistance de la situation anarchique et chaotique en Syrie, comme en Irak, en Libye et au Yémen. Contrairement à ce que pensent les États-Unis (et Israël), le régime qui émergera ne sera pas démocratique et encore moins libéral, pas même un régime islamique comme celui des Frères musulmans en Égypte, ni un régime laïc. La probabilité la plus élevée est que les groupes affiliés à Al-Qaïda se renforceront davantage. Les conséquences pour la stabilité de la région seront horribles : elles mettront en danger les États voisins.
Les États-Unis ont-ils tiré les leçons du renversement de Kadhafi en Libye ? Le résultat est que le drapeau d’Al-Qaïda (AQMI) flotte ouvertement à Benghazi et les groupes extrémistes sont désormais actifs au Mali, au Niger et en Mauritanie, et menacent de gagner l’Algérie et le Maroc.
[1] Michel Sleiman avait entrepris, il y a quelques années, des démarches pour lui et sa famille afin d’obtenir la nationalité française. Il avait fourni aux autorités françaises des documents qui s’avérèrent être des faux. Depuis lors, Michel Sleiman est « tenu » par les services secrets français qui lui ont permis, avec l’aide du Qatar, d’accéder à la magistrature suprême où il sert leurs intérêts. NdlR.
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