En 2012, le président Hamid Karzai et le Premier ministre Mario Monti signent un accord financier : l’Italie cèdera 150 millions d’euros à l’Afghanistan pour sa reconstruction.

L’Italie n’abandonnera pas l’Afghanistan avec la fin de l’Isaf, mais continuera à s’en occuper, en tenant l’engagement pris : c’est ce qu’assure Federica Mogherini (Partito democratico, ministre des Affaires étrangères du gouvernement Renzi) dans Il Manifesto du 7 juin [1].

La nature de l’engagement est clarifiée par l’aéronautique : en six années les chasseurs bombardiers italiens ont effectué en Afghanistan 3 583 sorties, « objectif jamais égalé par des vélivoles de combat italiens dans des opérations hors des frontières nationales depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ». Dans leur dernière mission, le 28 mai, deux chasseurs bombardiers Amx ont détruit l’objectif désigné par un drone Predator et par la Task Force Victor (classifiée comme « unité spéciale et semi-secrète » par la Rivista Italiana Difesa). Tandis que les hélicoptères Mangusta de l’Armée, basés à Herat, ont dépassé le seuil des 10 000 heures de vol.

L’engagement des forces armées italiennes en Afghanistan a donc un nom, que Mogherini se garde bien de prononcer : c’est la guerre. Qui ne se terminera pas avec la fin de l’Isaf. « Notre Joint Air Task Force —communique l’Armée de l’Air— continuera à opérer en Afghanistan avec des avions de transport tactique C-130 J et de guerre électronique EC-27 de la 47ème Brigade aérienne de Pise et les vélivoles à pilotage éloigné Predator B du 32ème Groupe d’Amendola ». En d’autres termes, la guerre continuera sous forme secrète, avec des unités aériennes ad hoc et des forces spéciales qui auront aussi la mission d’entraîner celles de la région.

Toujours sous commandement des États-Unis qui, après 13 années de guerre ayant coûté plus de 600 milliards de dollars (rien qu’en dépense militaire officielle), ne sont pas arrivés à contrôler le pays et essaient maintenant de le faire avec la nouvelle stratégie.

À ce propos le président Obama a appelé le 27 mai le premier ministre Renzi, en lui transmettant de fait les ordres. L’Italie continuera ainsi à participer à une guerre qui provoquera d’autres victimes et des tragédies sociales, en disparaissant cependant de la vue. L’Afghanistan —situé au carrefour entre Asie centrale et méridionale, occidentale et orientale— est de première importance géostratégique par rapport à la Russie, la Chine, l’Iran, au Pakistan, et aux réserves énergétiques de la Caspienne et du Golfe. Et elle l’est encore plus aujourd’hui où la stratégie USA/Otan est en train de conduire à une nouvelle confrontation avec la Russie et, en fond, avec la Chine.

Rester en Afghanistan signifie non seulement continuer à participer à cette guerre, mais être lié à une stratégie qui prévoit une présence militaire occidentale de plus en plus grande dans la région Asie/Pacifique.

Selon le récit de Mogherini, l’axe important de l’engagement italien en Afghanistan sera « le soutien à la société civile » dans le cadre de l’Accord de partenariat signé à Rome en 2012 par Mario Monti et Hamid Karzai, approuvé par la Chambre à une majorité écrasante et par le Sénat à l’unanimité. Il prévoit la concession au gouvernement afghan d’un crédit facilité de 150 millions d’euros pour la réalisation d’ « infrastructures stratégiques » à Herat (alors que L’Aquila et d’autres zones sinistrées n’ont pas d’argent pour reconstruire) et d’autres financements, qui vont s’ajouter aux 5 milliards environ d’euros dépensés jusqu’ici pour les opérations militaires. L’aide économique de 4 milliards de dollars annuels, que les « donateurs » (parmi lesquels l’Italie) se sont engagés à fournir à Kaboul, finira en grande partie dans les poches de la caste dominante : comme la famille Karzai qui s’est enrichie avec les milliards de l’Otan, les affaires clandestines et le trafic de drogue. Mogherini annonce l’engagement du gouvernement à « augmenter les ressources et les rendre stables ».

Une partie servira à financer ces ONG embedded qui, telles des infirmières de la Croix-Rouge, vont soigner les blessures de la guerre pour lui donner un visage « humanitaire ».

Traduction
M.-A.
Source
Il Manifesto (Italie)

[1Sous le titre : Afghanistan, cinque domande al ministro degli esteri, Il Manifesto a publié, le 3 juin, une réponse du ministre Mogherini à une lettre de l’ONG Afgana. (NdT).