La séance est ouverte à 10 h 5.
Le Président (parle en anglais) : Conformément à l’article 39 du règlement intérieur provisoire du Conseil, j’invite M. Robert Serry, Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen- Orient et Représentant personnel du Secrétaire général, à participer à la présente séance.
Le Conseil de sécurité va maintenant aborder l’examen de la question inscrite à son ordre du jour.
Je donne la parole à M. Serry.
M. Serry, Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient et Représentant personnel du Secrétaire général (parle en anglais):Nous nous réunissons aujourd’hui sur fond de profonds bouleversements dans la région, notamment l’intensification des tensions politiques et la grave menace contre la sécurité posée par l’État islamique d’Iraq et du Levant et le Front el-Nosra, ainsi que les récentes attaques lancées par des groupes extrémistes violents en provenance de la Syrie contre l’Armée libanaise et les Forces de sécurité intérieure dans la ville libanaise d’Arsal. Étant donné que le Conseil de sécurité est déjà saisi de ces situations très préoccupantes, qu’il a adopté le 15 août la résolution 2170 (2014) sur la lutte contre la menace posée par l’État islamique d’Iraq et du Levant et le Front el-Nosra et publié une déclaration du président à la presse sur le Liban le 4 août (SC/11507), mon exposé d’aujourd’hui portera essentiellement sur la situation en Israël et en Palestine, l’accent étant mis sur la bande de Gaza.
Le cessez-le-feu temporaire conclu entre Israël et la bande de Gaza, dont aujourd’hui marque le cinquième et dernier jour de l’extension, tient toujours, alors que les délégations israélienne et palestinienne s’entretiennent séparément au Caire avec les autorités égyptiennes, dans le cadre d’un effort crucial visant à briser cette impasse caractérisée par la violence et les représailles. Je me suis rendu récemment au Caire pour apporter mon appui à ces pourparlers importants, et le Secrétaire général poursuit son dialogue avec les parties et les autres acteurs concernés en vue de mettre fin à la violence et de parvenir à un cessez-le-feu durable. Les espoirs d’un avenir meilleur de la population de Gaza et d’une sécurité durable du peuple israélien reposent sur ces pourparlers, et nous appelons les délégations à se montrer à la hauteur de cette responsabilité. D’ici à l’échéance fixée à aujourd’hui, minuit, heure du Caire, soit 17 heures, heure de New York, nous exhortons les parties à parvenir à un accord sur un cessez-le-feu durable, qui aborde également les problèmes sous- jacents qui se posent dans la bande de Gaza, ou à réaliser des progrès notables vers la conclusion de cet accord. Nous espérons qu’au minimum le cessez-le-feu sera prolongé et que la situation restera calme.
Je crois que nous sommes tous soulagés que le sang ait cessé de couler pour le moment, mais nous déplorons également qu’il ait fallu tant de temps et qu’il en ait coûté tant de vies pour parvenir à cette pause. Le bilan de cette troisième escalade que Gaza a connue en six ans est choquant. Près de 2000 Palestiniens ont été tués, dont 459 enfants et 239 femmes. Les civils constituent plus de deux tiers du total. Quelque 10000 personnes – dont, encore une fois, environ un tiers d’enfants – ont été blessées. Soixante- quatre soldats des Forces de défense israéliennes (FDI), deux civils israéliens et un ressortissant étranger auraient été tués. Des dizaines d’Israéliens ont été directement blessés par des roquettes ou des éclats d’obus.
Face à ces dévastations et à ces pertes en vies humaines, l’ONU n’a ménagé aucun effort, dont l’engagement personnel du Secrétaire général, et travaille de très près avec les acteurs régionaux et internationaux à mettre fin à la violence. Nous n’avons pas ralenti nos efforts, malgré des revers, car la mort de civils est quelque chose d’insupportable. À deux reprises, nous avons enregistré des succès. Les 17 et 26 juillet, des pauses humanitaires ont assuré aux civils des répits bien mérités. Le cessez-le-feu temporaire actuellement en place offre depuis huit jours un répit aux civils, et je tiens à saluer le Gouvernement égyptien de l’avoir facilité. Il faut absolument que les armes continuent à se taire pour que les civils puissent vaquer aux nécessités quotidiennes de la vie, que l’aide humanitaire puisse être augmentée, que les premiers secours répondent aux besoins multiples de la population de Gaza, telle la remise en état urgente des réseaux d’approvisionnement en eau et en électricité, et que l’on s’attache à trouver des abris plus viables pour les personnes déplacées qui ne peuvent pas rentrer dans leurs maisons détruites.
Je reste convaincu que nous ne devons pas laisser Gaza dans les conditions qui régnaient avant cette dernière escalade. Autrement, les restrictions imposées à la bande de Gaza quant à la circulation des biens et des personnes continueront d’exacerber l’instabilité, le sous-développement et les conflits, et j’ai bien peur que la prochaine escalade ne soit qu’une question de temps.
Comme je l’ai dit récemment à l’Assemblée générale depuis Le Caire, l’équation de base doit consister à lever le blocus imposé à Gaza et à répondre aux préoccupations légitimes d’Israël en matière de sécurité. Et cela est devenu d’autant plus urgent au vu du niveau sans précédent de destruction subie par la bande de Gaza au cours de cette dernière escalade et des besoins humanitaires conséquents. L’évaluation des besoins de Gaza en matière de reconstruction n’est pas encore achevée, mais il semble que les besoins seront environ trois fois supérieurs à ce qu’ils étaient après l’opération Plomb fondu en 2009. Environ 16800 logements ont été détruits ou gravement endommagés, ce qui affecte quelque 100 000 Palestiniens.
La reconstruction est la première priorité, tandis que les exportations et les transferts sont indispensables pour aider l’économie de Gaza à se relever. À cette fin, il faut autoriser l’entrée de matériaux de construction – agrégat, barres de fer et ciment – à Gaza, tout en tenant compte des préoccupations d’Israël en matière de sécurité.
L’ONU est prête à fournir son aide. Depuis des années, l’ONU importe des matériaux de construction pour ses projets dans le cadre d’un mécanisme convenu avec le Gouvernement israélien, qui comprend des mesures solides assurant l’utilisation à des fins exclusivement civiles de tous ces matériaux. Ce système a fait ses preuves, empêché le détournement de matériaux, permis la réalisation de projets d’une importance cruciale et renforcé la confiance. L’ampleur des besoins de reconstruction exige un engagement au même niveau de l’Autorité palestinienne et du secteur privé à Gaza. Il faut donc qu’une plus grande quantité de matériaux puisse entrer dans Gaza. Nous sommes prêts à examiner, avec les acteurs compétents, la façon dont le mécanisme effectif de l’ONU peut être élargi pour surveiller le programme de reconstruction mené par l’Autorité palestinienne et le secteur privé à Gaza.
L’engagement de la communauté des donateurs sera également crucial pour aider Gaza à se relever. Nous appuyons l’annonce faite aujourd’hui par la Norvège et l’Égypte, à savoir que ces deux pays organiseront ensemble une conférence des donateurs une fois qu’un cessez-le-feu durable sera en place et que des conditions d’accès adéquates auront été mises en place.
Je suis encouragé par le fait que le Gouvernement de consensus national ait résolu de prendre la tête du programme de reconstruction de Gaza afin d’assumer les responsabilités qui sont les siennes en tant que Gouvernement légitime de la Palestine, en coopération avec l’ONU et d’autres partenaires internationaux. La semaine dernière, j’ai rencontré le Vice-Premier Ministre Ziad Abou Amr à Gaza, au point de passage d’Erez. Après avoir constaté en personne l’ampleur des destructions – des quartiers résidentiels entiers ont été rasés – j’ai discuté avec le Vice-Premier Ministre et avec ses ministres des mesures à prendre. M. Abou Amr m’a assuré que le Gouvernement de consensus national était résolu à relever les défis urgents et énormes en matière de gouvernance, de reconstruction et de sécurité en vue de replacer Gaza sous l’autorité d’un seul gouvernement palestinien légitime qui adhère aux engagements pris par l’Organisation de libération de la Palestine. Je réitère l’appel que j’ai lancé la semaine dernière à Gaza. Je demande à la population de Gaza de rallier le Gouvernement de consensus national et de lui donner les moyens de prendre la situation en main et d’instaurer les changements positifs dont Gaza a un si grand besoin. À l’heure actuelle, Gaza a un besoin urgent de logements, d’hôpitaux et d’écoles, et non pas de roquettes, de tunnels et de conflits. Nous espérons que le Hamas et les autres factions agiront de manière responsable à cet égard et s’abstiendront de toute action qui contrevienne à ce programme.
Nous avons été extrêmement troublés, pendant cette escalade, par les atteintes à l’inviolabilité des locaux de l’ONU. À trois reprises, des écoles de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) ont été touchées alors que les parties aux hostilités savaient fort bien qu’elles servaient d’abri à des habitants de Gaza qui avaient quitté leur maison en quête de sécurité. Au cours de ces trois incidents, 38 personnes ont été tuées et 317 blessées. Onze collègues de l’UNRWA ont été tués alors qu’ils étaient en service. Comme beaucoup d’autres, ils ont payé de leur vie alors qu’ils tentaient héroïquement de protéger les plus vulnérables et d’alléger leurs souffrances. Nous rendons honneur à leur mémoire. On estime à 108 le nombre de locaux de l’UNRWA endommagés. Le 29 juillet, l’antenne de Gaza de mon propre bureau, le Bureau du Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient, a été frappée par plusieurs projectiles ; le bâtiment principal a été endommagé, ainsi que des véhicules de l’ONU. À trois occasions, des roquettes ont été trouvées dans des écoles de l’UNRWA inoccupées. Ces incidents sont intolérables et illustrent le non- respect par les parties de dispositions fondamentales droit international qui protègent les installations et le personnel des Nations Unies, ainsi que les civils. Le Secrétaire général a demandé une enquête approfondie sur ces incidents afin de déterminer les responsabilités.
On ne sait pas encore très bien quel genre d’accord de cessez-le-feu résultera des pourparlers ou si un cessez-le-feu sera conclu d’ici la fin – très proche – de l’échéance. Quoi qu’il en soit, nous croyons qu’une solution durable doit régler les questions de la gouvernance, de la reconstruction et de la sécurité – dans le contexte du retour à Gaza d’une Autorité palestinienne légitime qui mènera la restructuration institutionnelle, y compris celle du secteur de la sécurité, et qui devra assumer graduellement le contrôle effectif et exclusif de l’utilisation de la force à travers le déploiement des forces de sécurité palestiniennes aux points de passage et dans l’ensemble de Gaza. Ce ne sera pas facile, mais nous ne voyons pas d’autres moyens de changer la dynamique en place à Gaza. Selon les besoins, en coopération avec d’autres partenaires tels que l’Union européenne, l’ONU aidera le Gouvernement de consensus national tout en mettant à profit notre présence sur le terrain. Nous sommes prêts à assumer ce rôle à condition d’avoir les ressources et le mandat requis. Nous soulignons également l’importance d’un mécanisme de surveillance international des accords de cessez-le-feu. Compte tenu des implications pour la paix et la sécurité dans la région, je suis certain que le Conseil envisagera toutes les mesures nécessaires en faveur d’un cessez-le-feu durable au moment voulu.
Le conflit à Gaza a provoqué un regain de tension et de violence en Cisjordanie. Depuis le 23 juillet, des manifestations contre l’occupation militaire de Gaza ont eu lieu partout en Cisjordanie et pratiquement tous les jours, y compris à Jérusalem-Est, et plus particulièrement à proximité des points de contrôle et des camps de réfugiés, ce qui a souvent entraîné des heurts avec les forces de sécurité israéliennes. La plus importante de ces manifestations a eu lieu le 24 juillet au cours de la nuit la plus sacrée du Ramadan : environ 4 000 à 5 000 Palestiniens, dont certains responsables de l’Autorité palestinienne, se sont dirigés vers le point de contrôle de Qalandiya. Il y a également eu des manifestations et des heurts à Jérusalem-Est. Dix-sept Palestiniens ont été tués, dont deux enfants, et quelque 1400 autres blessés au cours de la période considérée. Les forces de sécurité israéliennes ont effectué près de 300 opérations de fouille et d’arrestation qui ont donné lieu à 623 arrestations. Dix-sept membres des forces de sécurité israéliennes ont également été blessés. Les attaques de colons ont fait un mort parmi les Palestiniens et 19 blessés. Douze colons ont été blessés par des Palestiniens.
Le 4 août, dans une rue près de la Ligne verte à Jérusalem, un bulldozer conduit par un Palestinien a écrasé et tué un piéton israélien puis a renversé un bus, faisant cinq blessés israéliens. Le Palestinien a été abattu par un policier israélien. Le même jour, un motard dont on ignore l’identité a blessé par balle un soldat des FDI dans la zone du mont Scopus, à Jérusalem.
Dernier point, mais non le moindre, nous ne devons pas perdre de vue le contexte d’ensemble. La situation de plus en plus troublée qui règne en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, ainsi que la crise de Gaza, doivent sérieusement rappeler à toutes les parties concernées ce que l’avenir leur réserve si l’on ne renverse pas la tendance négative actuelle vers une réalité à un seul État, qui se trouve désormais à leurs portes. Il faut immédiatement arrêter la tendance à l’enlisement dans le conflit permanent et le désespoir, et mettre fin au conflit et à l’occupation qui ont débuté en 1967. La solution des deux États est le seul scénario viable à cet égard. Nous devons instamment appeler et encourager les deux parties à reprendre de véritables négociations en vue de conclure un accord sur le statut final devant permettre à Israël et à la Palestine de vivre côte à côte dans la paix et la sécurité.
Le Président (parle en anglais) : Je remercie M. Serry de son exposé.
J’invite à présent les membres du Conseil à poursuivre le débat sur la question dans le cadre de consultations.
La séance est levée à 10 h 20.
Restez en contact
Suivez-nous sur les réseaux sociaux
Subscribe to weekly newsletter